Proposition de loi visant à étendre la péréquation tarifaire en matière de distribution de gaz

Une proposition de loi a été déposée le 17 avril dernier par plusieurs députés en vue de modifier les règles de péréquation tarifaire en matière de distribution publique de gaz.

L’objet de cette proposition consiste, plus précisément, à créer tarif unique de la distribution publique de gaz (actuellement dénommé ATRD pour « Accès des Tiers aux Réseaux de Distribution ») pour tous les gestionnaires de réseaux exploitant des concessions dans le cadre de droits exclusifs afin « que cette composante de la facture soit la même pour tous les consommateurs, indépendamment de l’entreprise qui gère le réseau de distribution de gaz ».

L’exposé des motif du texte rappelle en effet la situation particulière du service public de la distribution de gaz qui se caractérise par la coexistence sur le territoire national de zones relevant de périmètres de desserte historique de GRDF, d’une part, et des Entreprises Locales de Distribution (ELD), d’autre part, et par ailleurs de territoires sur lesquels les réseaux sont établis et exploités dans le cadre de contrats de concession conclus après mise en concurrence, conformément au Code de la commande publique.

Le but de cette proposition d’instauration d’une péréquation tarifaire en zone de desserte historique, qu’elle relève de GRDF ou des ELD, s’inscrit dans un contexte dans lequel les réseaux de distribution de gaz naturel sont confrontés à l’importance des coûts d’entretien du réseau, à une hausse du niveau des investissements rendus nécessaires par le raccordement des sites d’injection de gaz renouvelables, à une réduction des consommations ainsi que, dans une certaine mesure, du nombre de consommateurs, et donc à une augmentation pour les consommateurs restants, en proportion, des charges à supporter via le tarif.

Aux termes de la proposition de loi c’est la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) qui serait chargée d’encadrer et d’organiser le dispositif de péréquation entre les opérateurs y participant.

Publication de deux décrets relatifs aux redevances aéroportuaires

Décret n° 2025-378 du 25 avril 2025 relatif aux redevances aéroportuaires

Le premier décret n° 2025-377 publié le 27 avril 2025 au Journal officiel étend les prérogatives de l’Autorité de régulation des transports (ART) pour simplifier la procédure d’homologation tarifaire et faciliter la mise en œuvre de contrats de régulation économique (CRE). Par ailleurs, ces nouvelles dispositions réglementaires renforcent la consultation des usagers avec une modification de la composition des commissions consultatives économiques (CocoEco). Aussi, le décret n° 2025-377 ajuste la possibilité de moduler le montant des redevances pour les aéronefs. Enfin, il étend les dispositions aux articles L. 6327-2, L. 6327-3 du Code des transports telles que modifiées par la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 à l’homologation des tarifs par le ministre en charge des Transports.

Le second décret n° 2025-378 complète le premier en prévoyant de nouvelles dispositions pour les aéroports parisiens (Paris Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, et Paris-Le Bourget) et les autres aérodromes de l’Etat. La composition des CoCoEcos est modifiée et il est également tenu compte de l’évolution de leur rôle dans l’élaboration des CRE portée par le premier décret (n° 2025-377). Toujours dans un objectif de simplification, ce second décret prévoit la suppression de la commission consultative aéroportuaire.

Loi DDADUE : ce qui change pour les dérogations espèces protégées et l’évaluation environnementale

Publiée au Journal officiel du 2 mai 2025, la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite loi DDADUE, a apporté plusieurs modifications concernant les conditions de demande des dérogations espèces protégées et l’évaluation environnementale.

1°) L’article L. 411-2-1 du Code de l’environnement est modifié et fixe les conditions dans lesquelles un projet peut être dispensé d’obtenir une dérogation espèces protégées.

Il est ainsi prévu qu’une telle dérogation n’est pas requise lorsque les mesures d’évitement et de réduction d’un projet, comportant des garanties d’effectivité, permettent de diminuer le risque sur les espèces protégées de manière telle qu’il doit être considéré que le risque n’est pas suffisamment caractérisé. Il est également nécessaire que le projet intègre un dispositif de suivi permettant d’évaluer l’efficacité de ces mesures et, le cas échéant, de prendre toute mesure supplémentaire nécessaire pour garantir l’absence d’incidence négative importante sur le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées

Les critères dégagés par le Conseil d’Etat dans son avis Association sud Artois du 9 décembre 2022 (cf. notre brève sur le sujet), et qui n’incluaient pas le critère lié aux mesures de suivi mais prévoyaient un examen de l’opportunité de solliciter une DEP dès qu’un spécimen était présent sur l’aire d’étude du projet, ne trouvent donc plus à s’appliquer.

2°) Le périmètre de la procédure d’évaluation environnementale est également modifié. Il est ainsi désormais prévu à l’article L. 122-1 du Code de l’environnement que l’évaluation environnementale doit permettre de décrire et d’apprécier les incidences notables directes et indirectes d’un projet sur la consommation énergétique.

Cette modification entrera en vigueur le 1er octobre 2025.

 

La légalité des arrêtés-cadres préfectoraux portant sur la règlementation des usages de l’eau dans trois départements bretons

Dans trois décisions rendues le 15 avril 2025, la Cour administrative d’appel de Nantes, saisie par l’association « Eau et Rivières de Bretagne », s’est prononcée sur la légalité des arrêtés-cadres des Préfets du Finistère (décision n° 23NT01849), d’Ille-et-Vilaine (n° 23NT01850) et du Morbihan (n° 23NT01851) portant sur la règlementation des usages de l’eau en période de sécheresse.

Afin de faire face à une menace ou aux conséquences d’accidents, de sécheresse, d’inondations ou à un risque de pénurie, les préfets de département peuvent prendre des arrêtés dits de restriction temporaire des usages de l’eau sur le fondement de l’article R. 211-66 du Code de l’environnement (C. env.). En outre, à titre préventif, l’article R. 211-67 point II du même code précise que le préfet prend un arrêté, dit arrêté-cadre, désignant la ou les zones d’alerte, indiquant les conditions de déclenchement des différents niveaux de gravité et mentionnant les mesures de restriction à mettre en œuvre par usage, sous‑catégorie d’usage ou type d’activités en fonction du niveau de gravité ainsi que les usages de l’eau de première nécessité à préserver en priorité et les modalités de prise des décisions de restriction. Il résulte des dispositions de cet article, telles que modifiées par le décret n° 2021-795 du 23 juin 2021 et applicables à compter du 25 juin 2021, que l’arrêté-cadre indique également, le cas échéant, les conditions selon lesquelles le préfet peut, à titre exceptionnel, à la demande d’un usager, adapter les mesures de restriction s’appliquant à son usage.

Sur le fondement de ces dispositions, les Préfets du Finistère, d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan ont pris, chacun pour leur département, un arrêté-cadre portant sur la règlementation des usages de l’eau.

L’association requérante a alors saisi la Cour administrative de Nantes afin de demander l’annulation du jugement du Tribunal administratif de Nantes qui n’avait fait droit que très partiellement à sa demande d’annulation des arrêtés en cause en première instance.

La Cour a écarté plusieurs moyens soulevés par l’association :

  • S’agissant d’abord du moyen tiré de l’exception d’illégalité de l’article R. 122-17 du Code de l’environnement et de l’absence de soumission des arrêtés-cadres à évaluation environnementale, la Cour a jugé que ces arrêtés ne pouvaient être considérés comme des plans et programmes soumis à évaluation environnementale au sens de l’article L. 122-4 du Code de l’environnement car ils n’ont ni pour objet ni pour effet de définir le cadre de mise en œuvre de travaux ou projets.

De plus, selon la Cour, ces arrêtés ne devaient pas faire l’objet d’une évaluation des incidences Natura 2000 dès lors qu’aucun site de ce type n’était affecté.

  • Ensuite, l’association soutenait que les stations de référence retenues par les arrêtés des Préfets du Finistère et du Morbihan, permettant de déterminer le franchissement des seuils par zone d’alerte n’étaient pas adaptées. La Cour a retenu une interprétation contraire aux motifs que :
    • Pour le Finistère, elles constituaient le réseau de vigilance Vigicrues ayant permis une collecte de données pertinentes pour assurer un mesurage des débits d’étiage des cours d’eau dans le département et sont, pour certaines, retenues comme des références par le schéma directeur de gestion des eaux ;
    • Pour le Morbihan, elles faisaient l’objet d’un suivi par la direction régionale de l’environnement et étaient confrontées aux données recueillies par le bureau de recherche géologique et minière et l’office français de la biodiversité ;
  • Enfin, la Cour a jugé que le Préfet du Morbihan pouvait légalement instituer, au titre de son pouvoir général d’organisation des services, un comité technique des producteurs d’eau, ce dernier étant doté d’un rôle purement consultatif.

Seul le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 211-67 du Code de l’environnement relatif aux conditions d’adaptation des mesures de restriction a été accueilli par la Cour, s’agissant des arrêtés-cadres des Préfets du Finistère et du Morbihan.

La Cour a d’abord jugé que les arrêtés-cadres pouvaient prévoir que les mesures de restriction puissent être adaptées en fonction des circonstances hydrologiques et météorologiques réelles et de la période de l’année, sans que cela ne porte atteinte au principe même de l’arrêté-cadre. En outre, s’agissant du Finistère et du Morbihan, elle a précisé que le recours exclusif aux données météorologiques, recueillies sur de nombreuses années, était adapté et précis, et que ces données ne devaient pas être contextualisées avec le paramètre d’évapotranspiration par les plantes.

Cependant, selon la Cour, les arrêtés des Préfets du Finistère et du Morbihan ne pouvaient être regardés comme définissant les conditions de fond dans lesquelles le préfet pourra adapter les mesures de restriction car :

  • Pour le Finistère, la mention exclusive indiquant que le préfet pourra adapter la liste et le contenu de ces mesures en fonction des circonstances hydrologiques et météorologiques et de la période de l’année ainsi que l’indication du service compétent et du délai de dépôt de la demande n’étaient pas suffisantes ;
  • Pour le Morbihan, l’arrêté s’est borné à préciser que le préfet pourra exceptionnellement accorder des dérogations au cas par cas.

Ainsi, la Cour a prononcé l’annulation partielle de ces arrêtés, mais seulement en tant qu’ils n’ont pas défini de manière suffisamment précise les conditions de fond dans lesquelles doivent être examinées les demandes d’adaptation des mesures de restriction.

S’agissant enfin de l’Ille-et-Vilaine, la solution retenue est différente dans la mesure où l’arrêté en cause avait été adopté avant l’intervention du décret du 23 juin 2021, précité. En effet, les dispositions invoquées du Code de l’environnement, applicables à la date à laquelle l’arrêté-cadre du 11 juin 2021 avait été adopté (c’est-à-dire avant le décret en cause), ne prévoyaient pas que les arrêtés-cadres devaient définir les conditions, tant de procédure que de fond, dans lesquelles devaient être examinées les demandes d’adaptation. Le juge n’a ainsi pas fait droit à la demande de l’association d’annuler l’arrêté querellé pour ce motif. En outre, la juridiction a considéré que la circonstance que l’arrêté contesté ne prévoyait pas les conditions de fond dans lesquelles des dérogations puissent être accordées n’était pas, par elle-même de nature à établir une méconnaissance du principe d’égalité.

L’autorité responsable en cas de pollution d’un cours d’eau : l’autorité gemapienne ou le maire ?

Le 6 février 2025, le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de la Décentralisation s’est prononcé sur la question de savoir qui, dans le cadre de la pollution d’un cours d’eau traversant plusieurs communes d’une intercommunalité, de l’autorité compétente au titre de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) ou du maire sur la commune duquel se trouve l’origine du dommage est responsable pour faire intervenir un prestataire et doit prendre en charge le coût de la dépollution.

Le Ministère a d’abord rappelé les missions propres à l’autorité gemapienne définies aux 1°, 2°, 5° et 8° du I de l’article L. 211-7 du Code de l’environnement. Celles-ci consistent en l’aménagement de bassin hydrographique ou d’une fraction de bassin hydrographique ; l’entretien de cours d’eau, canal, lac ou plan d’eau y compris les accès à ce cours d’eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d’eau ; la défense contre les inondations et contre la mer ; la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines.

Il a ensuite précisé que le 6° de cet article, relatif à la mission de lutte contre la pollution, demeure une compétence partagée entre les collectivités territoriales et une compétence facultative dont l’autorité gemapienne peut se doter si elle le souhaite.

Le maire est, lui, chargé de prévenir et de faire cesser, sur le fondement de ses pouvoirs de police administrative générale et notamment du 5° de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature. Et l’attribution de la compétence GeMAPI au bloc communal n’a pas privé le maire de ces prérogatives.

Ainsi, le Ministère a considéré que l’intervention du maire pour faire cesser, en urgence, une pollution d’un cours d’eau dont l’origine se trouve sur le territoire de sa commune, relève de sa responsabilité propre dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs de police générale. Celui-ci doit donc prendre en charge les coûts afférents aux mesures de dépollution.

Titres miniers : obligation de procéder à une évaluation environnementale

Un arrêté publié au Journal officiel du 18 avril 2025 précise que, en application de l’article R. 122-17 du Code de l’environnement qui identifie les plans et programmes devant être soumis à évaluation environnementale, les demandes d’octroi, d’extension ou de prolongation d’une concession régie par le Code minier ou d’un permis exclusif de recherches (lorsque ce permis définit le cadre de projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement) sont soumises à évaluation environnementale.

Cette obligation concerne les demandes introduites avant le 1er juillet 2024.

Programmation pluriannuelle de l’énergie, une loi plutôt qu’un décret

Proposition de loi portant programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie, texte n° 4 (2024-2025) adopté par le Sénat le 16 octobre 2024.

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est un document de programmation prévu et encadré par les articles L. 141-1 à L. 141-6 du Code de l’énergie. Ces derniers prévoient qu’il a pour objet la définition des modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental dans le respect des objectifs de la politique énergétique tels que fixés par le code de l’énergie aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4.

La PPE pour la période 2019-2028 avait été adoptée, après tenue d’un débat public, d’une concertation et d’une consultation publique, par un décret (décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie), méthode d’ailleurs expressément prévue par l’article L. 141-1 du Code de l’énergie, qui précise que la PPE est « fixée par décret ».

Pour la PPE 3, ayant vocation à couvrir la période 2025-2035, plusieurs phases de participation du public en 2022, 2023 et 2024 ont déjà été menées, ce qui laissait présager d’une répétition de la méthode ayant amené au décret de 2020. Pourtant, à la suite de la tenue, le 28 avril 2025, d’un débat à l’Assemblée nationale sans vote, comme le prévoit l’article 50-1 de la Constitution ; le gouvernement a choisi de changer de méthode.

Cette décision fait écho aux demandes en ce sens formulées par les députés de plusieurs groupes qui souhaitaient que les parlementaires aient la possibilité de débattre et de voter les dispositions de la PPE 3.

Le gouvernement a donc décidé que la PPE 3 serait prévue par une loi dédiée et non un simple décret, pour ce faire, le gouvernement prévoit de reprendre la proposition de loi déposée par le sénateur Daniel Gremillet et déjà adoptée par le Sénat pour y intégrer ce changement.

Précisions de la Cour de justice de l’Union européenne sur le régime de la modification d’une concession lorsque le titulaire ne remplit plus les conditions de qualification d’entité « in house »

Par un arrêt en date du 29 avril 2025 la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE ») considère qu’une concession ayant fait l’objet d’une attribution sans mise en concurrence peut, par la suite, être modifiée sans mise en concurrence quand bien même son concessionnaire n’a plus la qualité d’entité in house, à condition que la modification ait été rendue nécessaire du fait de circonstances imprévues au moment de la conclusion du contrat.

Pour rappel, l’exception « in house » ou « quasi-régie » est une construction jurisprudentielle « Teckal »[1] de la Cour de justice de l’Union européenne que le législateur européen a consacré à l’article 12 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et à l’article 17 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concessions.

Elle permet au pouvoir adjudicateur qui exerce sur une personne morale un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services de lui confier un marché ou une concession dont la passation et l’exécution ne seront pas soumises aux règles de droit commun de la commande publique.

Pour ce faire, comme il s’agit de deux personnes morales distinctes, le contrôle exercé par le pouvoir adjudicateur sur la personne morale contrôlée doit être aussi fort que celui exercé sur un « service administratif » du pouvoir adjudicateur et notamment, la personne morale contrôlée ne doit pas comporter de participation directe de capitaux privés au capital.

Parmi les règles dont sont exonérées les concessions dites « in house » figurent celles prévues par les dispositions de l’article 72 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics et de l’article 43 de la directive 2014/23/UE sur l’attribution des concessions sur la modification des marchés publics et des concessions.

Aux termes de ces dispositions, la modification d’un contrat peut se faire sans mise en concurrence, à condition que la nature globale du contrat ne soit pas modifiée et que la modification entre dans l’une des hypothèses de modifications autorisées prévue par les directives 2014/23/UE et 2014/24/UE (modification prévue par le contrat ; changement de cocontractant ; travaux, services ou fournitures supplémentaires ; modification de faible montant ; modification non-substantielle ; circonstances imprévues).

Dans cette espèce, entre 1996 et 1998, l’Etat allemand a attribué à une société dénommée Tank & Rast et dont il était l’unique actionnaire plusieurs concessions portant sur l’exploitation d’installations de services annexes sur les autoroutes fédérales allemandes.

En 1998 la société concessionnaire a fait l’objet d’une privatisation et d’une séparation en deux entités distinctes, les sociétés Autobahn Tank & Rast GmbH et Ostdeutsche Autobahntankstellen GmbH, lesquelles sont devenues concessionnaires d’environ 90 % de l’ensemble des installations de services annexes existantes.

Par suite, la société Die Autobahn des Bundes, société de droit privé détenue par l’Etat allemand et en charge de la planification, la construction, l’exploitation, l’entretien, le financement et la gestion patrimoniale des autoroutes fédérales allemandes, a décidé de modifier les contrats de concessions et d’ajouter aux missions des deux concessionnaires, la construction, l’entretien et l’exploitation d’infrastructures de recharge électrique à haute puissance pour les besoins des véhicules.

Selon l’avis publié par le pouvoir adjudicateur, la modification était justifiée au regard du c) de l’article 43§1 de la directive 2014/23/UE permettant de modifier sans mise en concurrence un contrat de concession en cas de circonstances que le pouvoir adjudicateur ne pouvait pas prévoir (circonstances imprévues).

Une société exploitante d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques, dénommée Fastned, laquelle aurait pu se voir attribuer ces missions, a alors décidé de contester la décision de modification des contrats de concession estimant que, la modification ne pouvait pas se justifier par les dispositions du c) de l’article 43§1 de la directive 2014/23/UE dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables à la modification d’un contrat attribué à l’origine à une entité in house sans mise en concurrence.

C’est dans ce cadre que la juridiction allemande a saisi la CJUE d’une question préjudicielle afin de savoir si, les dispositions du c) de l’article 43 §1 de la directive 2014/23 sur la modification des concessions du fait de circonstances imprévues s’appliquent aux concessions attribuées à une entité in house lorsqu’au moment de la modification du contrat les conditions de l’attribution in house ne sont plus réunies.

Selon la CJUE, si à la date de la modification le concessionnaire ne répond plus aux conditions de qualification d’entité in house, la modification ne peut être effectuée sans nouvelle procédure d’attribution que si les conditions prévues à l’article 43 de la directive 2014/23/UE sur la modification des concessions sont remplies.

Autrement dit, si au moment de la modification, le concessionnaire n’a plus la qualité d’entité in house, les dispositions de la directive 2014/23/UE sur la modification des concessions trouvent à s’appliquer.

Précisément, selon la Cour et en application de la jurisprudence Comune di Lerici[2] rendue en application de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics, si la modification a pour objet de remplacer un cocontractant ayant la qualité d’entité in house par un nouveau cocontractant n’ayant pas cette qualité, cette modification équivaut à une nouvelle attribution de la concession devant faire l’objet d’une mise en concurrence.

En revanche, la situation est différente si la modification porte sur l’objet de la concession et non pas sur la perte par la concession de sa qualité d’entité « in house ». Dans un tel cas, la Cour considère qu’une concession ayant fait l’objet d’une attribution sans mise en concurrence peut, par la suite, être modifiée sans mise en concurrence quand bien même son concessionnaire n’a plus la qualité d’entité in house, à condition que la modification ait été rendue nécessaire du fait de circonstances imprévues au moment de la conclusion du contrat.

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[1] CJCE, 18 novembre 1999, Teckal, aff. C-107/98

[2] CJUE, 12 mai 2022, Comune di Lerici, aff. C-719/20

Loi DDADUE du 30 avril 2025, les dispositions relatives au droit de l’énergie

La loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite « loi DDADUE » a été promulguée le 30 avril 2025 après que le Conseil constitutionnel a exercé son contrôle a priori à son égard.

Cette loi transpose plusieurs directives européennes et adapte le droit français à plusieurs règlements européens récents dans différents domaines et notamment en droit de l’énergie. Les principales évolutions en la matière seront exposées ci-après.

En premier lieu, les articles 17 et 19 de la loi prévoient une extension des pouvoirs de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) dans son contrôle du marché de gros et notamment :

  • Un nouvel article L. 134-16-1 est créé au sein du Code de l’énergie afin de prévoir que la CRE pourra informer « les ministres chargés de l’Économie et de l’Énergie de toute pratique contractuelle restrictive» dont elle aurait connaissance dans les secteurs de l’électricité ou du gaz naturel. Elle pourra également être saisie pour avis par le ministre chargé de l’Économie ou de l’énergie sur toute question relative au secteur de l’électricité ou du gaz naturel.
  • Une modification de l’article L. 134-27 du Code de l’énergie est opérée afin d’alourdir les sanctions pouvant être prononcées par la CRE en cas de violation des obligations d’intégrité et de transparence par les acteurs économiques du secteur de l’énergie et notamment les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité ou de gaz naturel.

En deuxième lieu, sont introduites au sein du Code de l’énergie les définitions juridiques du « marché de l’électricité », des « entreprises d’électricité » et des « acteurs du marché de l’électricité (nouvel article L. 300-1 du Code de l’énergie) ou encore de la fonction d’agrégation et de la notion d’agrégateur (nouveaux articles L. 338-1 et s. du Code de l’énergie).

En troisième lieu, l’article 25 de la loi crée des obligations de performance énergétique s’appliquant à la plupart des organismes publics, et notamment aux collectivités territoriales et à leurs groupements et aux organismes en situation de quasi régie.

Ces organismes devront réduire, chaque année, leur consommation d’énergie cumulée de 1,9 % par rapport à l’année 2021 et transmettre annuellement un relevé de leur consommation énergétique. Les modalités de transmission de ce relevé ainsi que les modalités de calcul de l’objectif de réduction et du contrôle de son respect seront précisées dans un futur décret d’application.

La consommation d’énergie des transports publics et des forces armées ne seront pas comptabilisées dans la consommation énergétique des organismes publics concernés.

Les collectivités territoriales et leurs groupements de moins de 50.000 habitants bénéficieront d’une dérogation à cette obligation jusqu’au 31 décembre 2026, délai porté jusqu’au 31 décembre 2029 pour les collectivités territoriales et leurs groupements de moins de 5.000 habitants.

Les organismes publics devront également rénover 3 % de la surface de leur parc immobilier cumulé chaque année de manière à ce que le parc immobilier atteigne un haut niveau de performance énergétique (nouvel article L. 235-3 du Code de l’énergie). Les modalités de transmission des données ainsi que de fixation des objectifs et de contrôle de leur respect seront précisées dans un futur décret d’application. D’ores et déjà des exceptions concernant certains types de logements relevant du secteur du logement social sont exclus de cette obligation.

Des obligations de performance énergétique sont également imposées aux centres de données (nouveaux articles L. 236-1 et suivants du Code de l’énergie).

En quatrième lieu, le dispositif des zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables est complété par l’article 22 de la loi qui crée un nouvel article L. 141-5-4 au Code de l’énergie consacrant la création par l’autorité administrative d’une cartographie délimitant les zones de déploiement d’installations de production d’énergies renouvelables et des ouvrages de raccordement de ces dernières au réseau de transport d’électricité, ainsi que d’installations de stockage. Les conditions de détermination de cette cartographie sont précisées par les nouvelles dispositions.

En cinquième lieu, l’article 24 de la loi modère la plupart des obligations relatives à la solarisation et/ou à la végétalisation des toitures des parcs de stationnement créées par la loi APER et codifiées notamment à l’article L. 171-4 du Code de la construction de l’habitation (commenté dans une brève en date du 15 février 2023) :

  • L’obligation d’intégrer aux aires de stationnement des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols ne concerne plus que les parcs de stationnement non couverts de plus de 500 mètres carrés et uniquement sur la moitié de leur surface ;
  • La conclusion d’un nouveau contrat de service public portant sur la gestion d’un parc de stationnement ou son renouvellement n’entraine plus l’application de l’obligation d’intégration d’un procédé de production d’énergies renouvelables ou d’un système de végétalisation à ce dernier ;
  • Les surfaces empruntées spécifiquement par des véhicules lourds affectés au transport de marchandises dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 7,5 tonnes sont déduites de la superficie des parcs de stationnement extérieurs servant au calcul de la superficie qui doit être équipée d’ombrières intégrant un procédé de production d’énergies renouvelables.

À l’inverse toutefois, les ombrières ne sont plus incluses dans le calcul de la proportion minimale de l’emprise au sol du bâtiment devant supporter un procédé de production d’énergies renouvelables ou d’un système de végétalisation.

Enfin, il est précisé que les obligations relatives aux parcs de stationnement pèsent en principe sur leur propriétaire, sauf lorsqu’il est géré en concession ou en délégation de service public ou en application d’une autorisation d’occupation du domaine public, auquel cas le concessionnaire, le délégataire ou le titulaire de l’autorisation est le débiteur des obligations posées.

En sixième, on signalera encore la mise en cohérence du Code de l’énergie avec le Code de l’urbanisme à laquelle la loi DDADUE procède en matière de contribution aux raccordements aux réseaux de distribution d’électricité.

Pour mémoire, il était résulté de la loi APER et de l’ordonnance prise pour son application une réforme de ladite contribution désormais intégralement due par le demandeur du raccordement, y compris pour la partie située hors de son terrain d’assiette en application de l’article L. 342-21 du Code de l’énergie. Toutefois, une incohérence entre les dispositions applicables en la matière figurant au sein du Code de l’énergie et celles contenues dans le Code de l’urbanisme était demeurée, les secondes n’ayant pas été modifiées en conséquence (voir notamment notre analyse). La loi DDADUE met un terme à cette situation en prévoyant désormais un renvoi par l’article L. 332-17 du Code de l’urbanisme aux nouvelles dispositions du Code de l’énergie s’agissant de la contribution qui peut être mise à la charge du pétitionnaire.

En septième et dernier lieu, l’article 24 de la loi prévoit une nouvelle exception aux règles de proximité géographique concernant les opérations d’autoconsommation collective étendues.

L’article L. 315-2 du Code de l’énergie est ainsi modifié afin d’y intégrer un nouvel alinéa précisant que « pour une opération d’autoconsommation collective étendue, lorsque l’un des producteurs ou des consommateurs participants est un service d’incendie et de secours, la distance séparant les deux participants les plus éloignés peut être portée à vingt kilomètres ».

Agence de l’Eau : validation du programme d’intervention favorisant l’effacement d’ouvrages

Par un arrêt du 25 mars 2025, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité d’une délibération de l’Agence de l’Eau Loire Bretagne adoptant son programme d’intervention. Dans cette affaire, de nombreuses associations mettaient en cause la délibération en tant qu’elle adoptait l’objectif n°3 intitulé « Restaurer la continuité écologique de manière coordonnée sur un bassin versant » lequel prévoyait de financer plus largement « les études et travaux d’effacement, d’arasement d’ouvrages » (aides accordées à hauteur de 70 %) par rapport aux « études et travaux d’aménagement » de tels ouvrages (aide de 50 %) pour les cours d’eau classés  »Liste 2 ».

Les requérantes critiquaient en premier lieu l’objectif ainsi adopté au regard des dispositions de l’article L. 214-17 du Code de l’environnement, portant sur les conditions dans lesquelles les cours d’eau doivent être classés par les services de l’Etat, et de l’article L. 214-18-1 du même code, relatif aux obligations des propriétaires de moulins.

Plus particulièrement, la légalité de la délibération était posée au regard du principe énoncé à l’article L. 214-17, dans sa version issue de la loi Climat et résilience du 22 août 2021, selon lequel « tout ouvrage [présent sur les cours d’eau classés liste 2] doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l’autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l’exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie. S’agissant plus particulièrement des moulins à eau, l’entretien, la gestion et l’équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l’accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l’exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages ».

Le moyen ainsi soulevé n’a toutefois pas emporté la conviction du juge qui, reprenant ainsi le raisonnement de la Cour administrative d’appel, a retenu, que les dispositions en cause ne pouvaient être invoquées à l’encontre de la délibération litigieuse qui n’avait  « ni pour objet, ni pour effet de modifier les critères de fixation [des listes de cours d’eau qui doivent être fixées en application de l’article L. 214-17 du C. env.], non plus que les obligations qui incombent aux propriétaires des ouvrages concernés en vue de permettre la circulation des poissons migrateurs et le transport suffisant des sédiments ».

En second lieu, les requérantes ont excipé de l’illégalité du schéma d’aménagement de gestion des eaux (SAGE) pour remettre en cause la légalité de la délibération attaquée. Toutefois, ce moyen a également été rejeté au motif que si le programme d’intervention de l’agence devait être compatible avec le SAGE ce dernier n’en constituait pas la base légale, de sorte que l’exception d’illégalité ainsi soulevée inopérante.

Pollution de l’air : exécution complète de la décision du 12 juillet 2017

CE, 12 juillet 2017, n° 394254

Le 12 juillet 2017, le Conseil d’État a reconnu la méconnaissance par les autorités de l’Etat français des règles issues de la Directive (CE) 2008/50 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe transposées en droit interne, et plus spécifiquement des articles L. 222-1, L. 222-4 et L. 222-5 du Code de l’environnement (CE, 12 juillet 2017, n° 394254).

Dans cet arrêt le juge annulait les décisions implicites de rejet du Président de la République et des ministres concernés relatives, d’une part, à la mise en œuvre de toutes mesures permettant d’éviter le dépassement des seuils de concentration en particules fines et en dioxyde d’azote et, d’autre part, à l’élaboration d’un ou plusieurs plans relatifs à la qualité de l’air ayant pour objet de définir les mesures appropriées permettant de ramener, dans chacune des zones et agglomérations du territoire national concernées, les concentrations en particules fines et en dioxyde d’azote à l’intérieur des valeurs limites fixées à l’annexe XI de la directive.

Le juge enjoignait par ailleurs aux autorités en cause d’adopter les mesures sollicitées, ce qui l’a conduit à condamner l’État à deux reprises au paiement d’astreintes pour n’avoir pas pris les mesures suffisantes en exécution de cette injonction (CE, 10 juillet 2020 n° 428409 et CE, 24 novembre 2023, n° 428409).

Par un arrêt du 25 avril 2025, le juge administratif a finalement considéré que l’astreinte ainsi imposée était définitivement liquidée au regard des mesures que l’Etat avait prises depuis lors que le Conseil d’Etat juge suffisantes. Le juge conclut dès lors que « la décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux du 12 juillet 2017 est entièrement exécutée ».

Les articles L.332-15 du Code de l’urbanisme et D.407-2 du Code des postes et des communications électroniques n’imposent pas au constructeur d’une maison de réaliser les raccordements aux réseaux cuivre et fibre au droit du terrain

L’acquéreur d’une maison se plaignait de l’absence de raccordement de ladite maison au réseau PTT, estimant qu’il s’agissait d’un vice caché dont la société venderesse avait connaissance. L’acquéreur soutenait notamment qu’en application de l’article L. 332-15 du Code de l’urbanisme, le raccordement entre la chambre de tirage et la limite de sa parcelle incombait à la société venderesse tandis que cette dernière soutenait que cette obligation incombait à la société Orange, propriétaire du réseau cuivre.

 

La Cour d’appel de Toulouse rappelle que les obligations imposées par l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme s’étendent au branchement des équipements propres à l’opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes.

 

Elle juge cependant que ces dispositions ne permettent pas de retenir que la société venderesse aurait eu, dès l’origine de la construction, l’obligation d’installer les éléments nécessaires au raccordement entre la maison et le réseau public dans la mesure où il n’est pas établi que l’autorité administrative ayant délivré le permis de construire aurait émis une telle prescription qui n’était pas obligatoire, mais pouvait seulement intervenir ‘en tant que de besoin’.

 

Elle juge aussi qu’une telle obligation ne découle pas de l’article D. 407-2 du Code des postes et communications électroniques qui n’impose pas plus au maître de l’ouvrage de procéder à ce raccordement, dans la mesure où ces dispositions ne concernent que l’obligation mise à la charge des opérateurs des réseaux, de construire des lignes de communication électronique à l’intérieur des propriétés, ce sur quoi ne portait pas le litige dans cette espèce.

 

Cet arrêt éclaire les débats actuels relatifs aux raccordements des immeubles neufs aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.

 

En effet, alors que les opérateurs d’infrastructure affirment qu’il découlerait de l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme une obligation de principe pour les constructeurs de réaliser le génie civil du raccordement au droit du terrain (mais pas le câble), le gouvernement et les juridictions judicaires et administratives rappellent au contraire que :

  • Les réseaux de communications électroniques privés ne sont pas des équipements publics au sens de l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme (https://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ220701893) ;
  • Le Code de l’urbanisme ne prévoyant pas de raccordement des locaux neufs aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, les gestionnaires d’autorisations d’urbanisme ne peuvent donc pas s’appuyer sur l’article L.332-15 pour imposer des prescriptions aux pétitionnaires en matière de fibre optique (https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-9476QE.htm) ;
  • ni en application du Code de l’urbanisme, ni en application d’un PLU, le raccordement d’une construction neuve à la fibre optique n’est obligatoire (TA Grenoble, 6 décembre 2022, n° 2107713) ;
  • à propos d’un permis de construire qui comportait pourtant des prescriptions au titre de l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme, l’obligation d’équiper une propriété en infrastructure d’accueil de la fibre ne pouvait résultait que du règlement du plan local d’urbanisme (TA Grenoble, 3 juillet 2023, n° 2205855) ;
  • En toutes hypothèses, sans prescription dans l’autorisation d’urbanisme, il n’y a pas d’obligation de principe pour le pétitionnaire aux termes de l’article L.332-15 du Code de l’urbanisme (CE, 1er avril 1981, n° 12882 ; CAA LYON, 20 décembre 2022, n° 22LY00744 ; présent arrêt de la cour d’appel de Toulouse).

 

La prochaine entrée en application du règlement 2024/1309 du 29 avril 2024, relatif à des mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux gigabit de communications électroniques, modifiant le règlement (UE) 2015/2120 et abrogeant la directive 2014/61/UE (appelé règlement sur les infrastructures gigabit), le 12 novembre 2025, sera sans doute l’occasion de rappeler que les obligations des constructeurs d’immeubles en matière d’équipements en réseau à très haut débit ne concernent que l’intérieur de la propriété et pas le domaine public routier au droit du terrain.

 

En effet, la directive 2014/61/UE, transposée en droit français par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, ne vise, en son article 8, que l’infrastructure physique à l’intérieur des immeubles.

Précisions sur les limites du droit de retrait

L’exercice du droit de retrait par un agent présente toujours d’importantes difficultés juridiques. Rappelons que sa logique est de mettre un agent en mesure de se retirer rapidement et unilatéralement d’une situation dangereuse, et éviter qu’une réaction trop tardive de l’employeur n’aboutisse à la réalisation du risque. À ce dispositif exceptionnel, qui a pour effet d’exonérer l’agent de tout service fait tant que le risque n’a pu être écarté, s’attache donc des conditions rigoureuses.

Comme le rappelle le Conseil d’Etat, l’exercice du droit de retrait est subordonné à l’existence d’un « motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Lorsque qu’une telle situation semble se manifester, « il lui appartient, avant d’exercer son droit de retrait, d’alerter l’autorité administrative ».

C’est alors à l’administration de déterminer si un tel motif existait bien, et le cas échéant prendre les mesures nécessaires pour que la situation de travail ne laisse persister aucun danger de ce type. Dans le cas contraire, elle peut regarder l’exercice du droit de retrait comme abusif, et procéder à une retenue sur salaire, voire infliger à l’agent une sanction.

En l’occurrence, le Conseil d’Etat, s’est surtout prononcé sur l’articulation de ces règles avec la question des aménagements de poste prescrits par la médecine de prévention, et y apporte une réponse nuancée.

D’une part, il retient que, s’agissant d’une première partie de la période qui avait fait l’objet du retrait de l’agent, un motif raisonnable existait bien puisqu’en l’occurrence, aucun aménagement de poste significatif n’avait été apporté pour rendre les conditions de travail adaptées à la pathologie de l’agent, et il s’agissait bien là d’un motif raisonnable, pour l’intéressé, de craindre un danger grave et imminent.

D’autre part, en revanche, il retient que, sur une seconde période, l’essentiel des aménagements de poste prescrits par le médecin de prévention avait bien été mis en place par l’administration. Par conséquent, le Conseil d’Etat valide le raisonnement de la Cour administrative d’appel, qui avait estimé que « ces aménagements, quand bien même ils ne mettaient pas en œuvre l’intégralité des propositions du médecin de prévention, étaient de nature à faire cesser la situation de danger grave et imminent ayant motivé l’exercice par l’agent de son droit de retrait ».

L’analyse du Conseil d’Etat est donc simple et claire : l’absence d’aménagement, ou du moins d’une partie importante des aménagements de poste préconisés pourra justifier un droit de retrait. Pour autant, ce dispositif, très dérogatoire, ne peut justifier qu’un agent reste éloigné de son poste tant que l’intégralité des aménagements n’a pas été mise en place. La situation reste, certes, irrégulière, l’administration restant tenue de mettre en œuvre l’ensemble des aménagements. Mais, pour autant, elle ne peut plus constituer un motif raisonnable, pour l’agent, de penser qu’il est exposé à un danger grave imminent.

Exécution provisoire des peines complémentaires : un domaine réservé aux personnes physiques

Au cœur d’une actualité portant à la connaissance du grand public la notion d’exécution provisoire des peines complémentaires en droit pénal, la Chambre criminelle est venue, dans une décision en date du 28 janvier dernier, rappeler que celle-ci est applicable aux seules personnes physiques.

Les personnes morales ne peuvent, en effet, pas voir les peines complémentaires prononcées à leur encontre en vertu de l’article 131-39 du Code pénal, assorties de l’exécution provisoire.

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A la suite de la constatation de stockage de déchets verts sur une parcelle agricole, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) signalait au parquet de la République plusieurs infractions à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), à l’encontre de sociétés spécialisées dans le traitement des déchets.

Le tribunal correctionnel déclarait coupable le gérant ainsi que les deux sociétés des chefs d’exploitation d’une ICPE sans autorisation, non enregistrée et non conforme à une mise en demeure.

Confirmant le jugement de première instance par arrêt du 8 janvier 2024, la Cour d’appel assortissait les peines complémentaires d’exclusion des marchés publics et de fermeture définitive du site, de l’exécution provisoire.

Les sociétés prévenues formaient un pourvoi en cassation, arguant que l’exécution provisoire des peines complémentaires prévue par l’article 471 alinéa 4 du Code de procédure pénale, ne s’appliquait qu’aux personnes physiques.

Dans son arrêt du 28 janvier 2025, la Chambre criminelle cassait la décision et donnait raison aux sociétés sur ce point.

Cette précision n’est pas dépourvue d’intérêt dans un contexte de débat du prononcé de cette mesure.

Entretien professionnel : seul l’empêchement du supérieur hiérarchique direct donne compétence à une autre personne pour procéder à l’évaluation

La contestation par une agente de la légalité du compte-rendu de son évaluation professionnelle a été l’occasion pour le Tribunal administratif de Besançon de rappeler les règles procédurales entourant l’entretien professionnel des fonctionnaires territoriaux.

Dans cette affaire, la requérante invoquait la méconnaissance des dispositions de l’article 6 du décret du 16 décembre 2014[1] fixant la procédure de convocation à l’entretien[2] , en l’occurrence l’obligation de transmission de la fiche d’entretien professionnel huit jours avant qu’il ne se tienne. Faisant application de la jurisprudence classique Danthony (CE, 23 décembre 2011, n° 335033), le tribunal a jugé que cette transmission, bien qu’effectivement tardive, n’avait pas, dans les circonstances de l’espèce, privé l’intéressée d’une garantie, et n’entrainait donc pas l’annulation de sa décision.

Il en a jugé de même concernant le vice tiré de l’absence de communication de la fiche de poste à l’agente, en l’absence de fiche de poste établie pour le poste occupé dès lors que l’agente n’avait pas sollicité cette fiche préalablement à son entretien et qu’elle n’établissait pas qu’elle n’aurait pas été mise à même de « formuler ses observations et commentaires sur ses missions et leurs exercices ou que l’absence de fiche de poste aurait eu une incidence sur déroulement ou le contenu de son entretien. » Le moyen a donc été écarté.

La requérante contestait par ailleurs la compétence de la personne ayant conduit son entretien professionnel annuel, qui n’était pas son supérieur hiérarchique mais son N+2. Ce fut l’occasion pour le tribunal de rappeler le principe selon lequel « Seul l’empêchement de la personne ayant cette qualité est susceptible de donner compétence, pour conduire cet entretien professionnel ainsi que pour en établir et signer le compte rendu, à une autre personne, pouvant être regardée, du fait de cet empêchement, comme exerçant temporairement à l’égard du fonctionnaire concerné les fonctions de supérieur hiérarchique direct. » Dans le cas d’espère, les juges ont estimé que l’entretien professionnel de la requérante avait été régulièrement mené par son N+2 le Directeur général des services, dès lors qu’à la date de l’entretien, le poste qui correspondait à celui de son supérieur hiérarchique direct (Directeur général adjoint) était vacant, et que le DGS exerçait donc temporairement, conformément au principe précité, les fonctions de supérieur hiérarchique direct.

 

La requête a donc été intégralement rejetée.

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[1] Décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux.

[2] Article qui prévoit notamment que « Le fonctionnaire est convoqué huit jours au moins avant la date de l’entretien par le supérieur hiérarchique direct » ; « La convocation est accompagnée de la fiche de poste de l’intéressé et d’un exemplaire de la fiche d’entretien professionnel servant de base au compte rendu ».

Rappel du Conseil d’Etat sur le cadre juridique des agents publics sanctionnés se prévalant du statut de lanceur d’alerte

Deux questions ont été posées au Conseil d’État en matière discipline des agents publics, à l’égard d’un agent auteur d’un signalement s’inscrivant dans le cadre de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relatif aux « lanceurs d’alerte ».

La première question était relative aux conséquences, sur la régularité de la procédure disciplinaire, de l’absence d’information de l’autorité disciplinaire quant au fait qu’aucune majorité ne s’était dégagée lors du conseil de discipline en faveur d’une proposition de sanction. La Cour administrative d’appel avait écarté le moyen, en se fondant sur la célèbre jurisprudence, et considérant en l’occurrence que ce défaut d’information n’avait pas eu d’influence sur le sens de la décision. Le Conseil d’État n’a pas suivi la Cour sur ce point. Comme l’expliquait le rapporteur public dans ses conclusions sur cette affaire, la notification de l’avis du conseil de discipline s’imposait en application des textes relatifs à la procédure disciplinaire, quelle que soit la teneur de cet avis, et y compris, donc, l’information selon laquelle aucun avis n’avait pas été émis par la formation disciplinaire, à défaut de majorité. Ces dispositions, selon le Conseil d’État, constituaient bien une garantie car tout avis émis reste utile à l’autorité disciplinaire pour se prononcer, et il en allait de même d’une information sur la carence du conseil de discipline à se prononcer sur l’affaire.

Le Conseil d’État n’a toutefois pas infirmé l’arrêt de la Cour, estimant qu’en l’espèce cette information pouvait être regardée comme ayant été donné du seul fait que le Conseil de discipline avait été présidé par la cheffe de service adjointe au directeur général des ressources humaines du ministère, et que l’administration pouvait donc être gardée comme ayant bien reçu l’information relatif à l’avis rendu par l’instance. Il n’y avait donc pas lieu de censurer la sanction en considération de ce défaut d’information formel.

La seconde question, portait sur le contrôle exercé en cassation par le Conseil d’État sur la qualification d’alerte, au sens des dispositions de l’article article 6 de la loi du 9 décembre 2016, et a permis au Conseil d’État et à son rapporteur public de rappeler la dialectique et le régime de preuve qui détermine la reconnaissance à un agent, de la protection des lanceurs d’alerte.

Il rappelle donc que le régime de preuve obéit à un régime de preuve en trois étapes, à l’instar de celui en vigueur en matière de harcèlement moral ou de discrimination, et reposant sur une présomption découlant de l’apport, par le demandeur, d’éléments de preuve permettant de présumer la situation et de faire alors reposer la charge de la preuve sur l’employeur. Ainsi :

  • Il appartient à l’agent qui fait l’objet d’une sanction et qui estime qu’elle lui a été infligée en raison de l’alerte effectuée dans le cadre du dispositif des lanceurs d’alerte de présenter des éléments de fait de nature à faire présumer qu’elle bénéficie bien de la protection induite par ce statut ;
  • la partie défenderesse doit prouver, au regard de ces éléments, que la décision de sanction est motivée par des considérations étrangères au signalement effectué ;
  • le juge forge ensuite sa conviction au regard des éléments produits par les deux parties et après avoir ordonné, le cas échéant, toute mesure d’instruction utile.

En l’occurrence, le Conseil d’État valide l’appréciation de la Cour qui avait considéré que l’agent ne pouvait ni être regardé comme ayant émis une alerte ni considéré comme ayant été sanctionné pour ces faits.

L’agent se prévalait en réalité de deux alertes. La première, bien antérieure à la sanction, a bien été considérée par la Cour comme constitutive d’une alerte, mais la Cour avait constaté que la sanction avait été infligée à l’agent pour des comportements précis et postérieurs à cette alerte. La sanction n’avait donc pas pour objet de les sanctionner.

La seconde alerte dont se prévalait l’agent, ne pouvait en revanche être regardée comme une alerte : s’agissant d’un courriel adressé à la direction de l’établissement qui l’employait, mettant en cause leur probité, elle ne pouvait être regardée comme une alerte puisqu’elle n’avait pas consisté à rendre publique une alerte au sens des dispositions citées au point 7 mais à dénigrer les vice-présidents de la commission de la recherche et la présidente de l’université.

Cette décision montre que le cadre juridique qui s’applique aux lanceurs d’alerte est plus précis et plus rigoureux qu’il ne l’est généralement pensé. Il ne suffit donc pas d’apporter une critique pour être lanceur d’alerte, et le fait d’avoir émis une alerte n’ouvre pas le droit à une protection générale et absolu contre toute sanction infligée par l’administration.

Actualité règlement IA : nouvelle version du Code de bonnes pratiques pour les intelligences artificielles à usage général

La mise en œuvre de l’article 56 sur les « Codes de bonnes pratiques » du Règlement IA (« RIA » ou, en anglais, « IA Act »)[1], déjà mentionné dans notre LAJ n° 159 a pris un nouveau tournant dans sa troisième version.

Publié le 11 mars dernier par le Bureau de l’IA de la Commission européenne, le code s’articule autour de trois axes principaux (divisés en quatre textes) dans une volonté de simplification et d’allégement des mesures proposées :

  • La transparence – un formulaire de documentation simplifié a notamment été introduit afin de regrouper les informations nécessaires ;
  • Le respect du droit d’auteur – le projet reprend les mesures essentielles du second projet sous une forme simplifiée ;
  • La sécurité et la sureté – sur ce point, notons que l’évaluation des risques sera obligatoire uniquement pour une liste précise de risques (chimique ou de manipulation) et que le processus général a été allégé (notamment via la suppression d’une évaluation post déploiement).

Cette troisième version a suscité de nombreuses critiques. En effet, si elle tend à rassurer les entrepreneurs des technologies innovantes, de nombreux acteurs du secteur culturel estiment que le code affaiblit la protection du droit d’auteur en facilitant l’exploitation des œuvres protégées (notamment du fait de la complexité du processus d’opposition des titulaires à l’utilisation de leurs données). Des ONG ont par ailleurs exprimé leur inquiétude quant au trop petit nombre d’acteurs concernés par la section « sureté et sécurité ».

Ce dernier projet ne fait donc pas consensus alors qu’une version définitive doit être publiée au 2 mai prochain. La finalisation de ce document, support de la mise en conformité des acteurs du règlement IA à la nouvelle règlementation (et plus particulièrement des fournisseurs), devient d’autant plus urgente dès que les obligations relatives aux systèmes d’IA à usage général entreront en vigueur le 2 août prochain.

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[1] Règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle

Compétences « eau » et « assainissement » : fin du transfert obligatoire au 1er janvier 2026 !

Le Sénat a adopté mardi 1er avril la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences « eau » et « assainissement ».

Pour mémoire, l’article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes prévoyait un transfert obligatoire de ces compétences aux communautés de communes au 1er janvier 2026.

La proposition de loi revient sur ce transfert obligatoire en abrogeant cet article.

Les transferts déjà opérés ne sont, quant à eux, pas remis en cause, la loi modifie, ainsi, le I de l’article L. 5214-16 du Code général des collectivité territoriales (CGCT) en précisant que la communauté de communes exerce de plein droit les compétences « eau » et « assainissement » si toutes ses communes membres lui ont transféré ces compétences à la date de la promulgation de la loi.

Elle prévoit, par ailleurs :

  • La possibilité de créer un syndicat de communes ou un syndicat mixte compétent en matière d’eau potable ou d’assainissement quand bien même celui-ci ne serait pas compatible avec le SDCI (article L. 5111-6 du CGCT) ;
  • La possibilité pour une commune qui assure la gestion des compétences « eau » et « assainissement » de réaliser avec l’EPCI et les communes du bassin versant des études sur la gestion de la ressource en eau et sur la sécurité du service (article L. 2224-7-6 du CGCT) ;
  • La modification des règles encadrant la délégation de l’exercice des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines » par une communauté de communes à une de ses communes membres ou à un syndicat infracommunautaire ;
  • L’abrogation des points II, IV et V de l’article 14 de la loi n° 2019‑1461 du 27 septembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique qui prévoyaient déjà des assouplissements des modalités de transfert des compétences « eau » et « assainissement » (report de la date pour faire valoir leur opposition au transfert des compétences « eau » et « assainissement » ; maintien des syndicats infracommunautaires et mise en place du dispositif de délégation à ces derniers de l’exercice des compétences « eau » et « assainissement ») ;
  • L’abrogation des points III et IV de l’article 30 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale qui prévoyaient l’organisation d’un débat sur la tarification et les investissements, l’année précédant le transfert obligatoire, et tous les ans lors de la présentation du rapport annuel sur le prix et la qualité des services publics d’eau et d’assainissement ;
  • La mise en place de nouvelles obligations : ainsi après chaque renouvellement général des conseils municipaux les communes (article L. 2224-7-1-2 du CGCT), les communautés de communes (article L. 5214-17 du CGCT) et la CDCI (article L. 5211-45-1 du CGCT) seront désormais tenues de se réunir pour évoquer les enjeux relatifs à la qualité et à la quantité de la ressource en eau à l’échelle de chaque commune et à l’échelle du département, la performance des services et l’efficacité des interconnexions ainsi que les perspectives d’évolution à dix ans de ces différents éléments.
  • La possibilité pour le maire, lorsque le réseau public d’adduction et de distribution d’eau potable d’une commune connaît une rupture qualitative ou quantitative pour la première fois depuis au moins cinq ans, de demander à une commune voisine dont les réserves d’eau sont supérieures aux besoins estimés la mise à disposition d’eau potable (article L. 2224-7-1 du CGCT).

Préemption – Prise en compte de l’état dégradé des parties communes dans le prix d’acquisition d’un lot de copropriété objet d’une préemption, y compris, si cet état est imputable à la création d’une zone d’aménagement différé (ZAD) conduisant, de facto, à l’arrêt des travaux de rénovation et d’entretien

Le propriétaire d’un lot dans un immeuble en copropriété se trouvant dans le périmètre d’une zone d’aménagement différé (ZAD) a adressé une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) à la commune de Menton. L’établissement public foncier local a exercé son droit de préemption délégué sur ce lot à un prix inférieur à celui figurant dans la DIA. Et, à défaut d’accord, l’autorité préemptrice a saisi la juridiction de l’expropriation en fixation du prix d’acquisition.

Le point de désaccord entre les parties concerne la prise en compte ou non de l’état dégradé de l’immeuble et, notamment, des parties communes alors qu’il est acquis que cet état est la conséquence de la création de la ZAD en vue de la constitution d’une réserve foncière et de l’acquisition, à ce titre, de lots de copropriété par l’expropriant conduisant, ainsi, à l’arrêt de tous travaux de rénovation et d’entretien.

Par un arrêt en date du 3 avril 2025 (pourvoi n° 23-23.206), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation pose, au visa des articles L. 213-4 du Code de l’urbanisme et L. 322-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qu’en matière de droit de préemption, le prix du bien est fixé d’après la consistance du bien au jour du jugement de première instance. Elle ajoute, surtout, que s’agissant d’un bien situé dans un immeuble en copropriété, le juge de l’expropriation doit tenir compte de l’état des parties privatives et des parties communes, même si la dégradation de ces dernières résulte de l’arrêt de tous travaux de rénovation et d’entretien après la création d’une zone d’aménagement différé (ZAD) et nonobstant le fait que le mauvais état du bien n’est pas imputable à la carence de l’exproprié.

Par cette décision, la Cour de cassation invite donc le juge de l’expropriation à retenir une approche purement objective de la consistance matérielle du bien à évaluer, qu’importe que le mauvais état du bien soit imputable à la mise en œuvre de la procédure d’expropriation ayant présidé à la création de la réserve foncière.

Pour autant, à notre sens, il ne faut pas y lire la permission pour l’expropriant de s’adonner à des manœuvres visant à dégrader la copropriété pour obtenir un prix d’acquisition minoré. De même, l’arrêt ne précise pas quelle aurait été la conduite à tenir pour le juge de l’expropriation si le mauvais état du bien avait été la conséquence de l’action ou de l’inaction du titulaire du droit de préemption ou encore d’une collusion de ce dernier avec l’expropriant.

 

Péremption du permis de construire et justice

Dans sa décision en date du 21 février 2025, le Conseil d’Etat apporte des précisions utiles sur la caducité des permis de construire et son contentieux[1].

 

1) En premier lieu, le Conseil d’Etat précise que la voie de l’appel n’est pas ouverte en zone tendue pour les recours dirigés contre les décisions constatant leur péremption.

Pour rappel en effet, les dispositions de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative disposent que les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort (c’est-à-dire qu’un appel n’est pas possible) sur certaines décisions rendues en matière d’urbanisme, dans les zones où est applicable la taxe annuelle sur les logements vacants en vue d’accélérer la construction de logements.

Le Conseil d’Etat rappelle l’objectif de la suppression de l’appel dans la décision commentée tout en précisant que celle-ci est également applicable aux décisions constatant leur péremption[2] :

« 3. Ces dispositions, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logements ayant bénéficié d’un droit à construire, doivent être regardées comme concernant non seulement les recours dirigés contre des autorisations de construire, de démolir ou d’aménager, mais également, lorsque ces autorisations ont été accordées, les recours dirigés contre les décisions constatant leur péremption ou refusant de la constater. »

 

2) En deuxième lieu, le Conseil d’Etat juge que le délai de validité d’une autorisation d’urbanisme lorsqu’elle est contestée dans le cadre d’un recours contentieux est suspendu jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle devenue irrévocable, autrement dit à l’expiration du délai de recours contre cette décision juridictionnelle, si un tel recours n’a effectivement pas été actionné.

Sur ce point en effet, rappelons que les permis de construire ont un délai de validité : les dispositions du premier alinéa de l’article R. 424-17 du Code de l’urbanisme imposant que des travaux soient entrepris dans un délai de trois ans :

« Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. ».

Et les dispositions de l’alinéa 1er de l’article R. 424-19 du Code de l’urbanisme prévoient la suspension du délai de péremption du permis si l’autorisation est contestée en justice :

« En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l’article L. 480-13, le délai de validité prévu à l’article R. 424-17 est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable. ».

Le Conseil d’Etat estime que cette durée de validité doit donc être suspendue jusqu’à la date à laquelle la décision juridictionnelle rendue sur ce recours devient irrévocable. En l’espèce, dès lors qu’aucun recours n’avait été formé contre le jugement rendu en premier et dernier ressort, cette date était donc celle de l’expiration du délai de recours :

« 13. Il résulte des dispositions de l’article R.* 424-19 du Code de l’urbanisme citées au point précédent qu’en cas de recours contentieux contre un permis de construire, le délai à l’issue duquel ce permis de construire est périmé en l’absence d’engagement des travaux dans le délai prévu à l’article R.* 424-17 du même code, prorogé le cas échéant dans les conditions prévues aux articles R.* 424-21 et R.* 424-23 de ce code, est suspendu jusqu’à la date à laquelle la décision juridictionnelle rendue sur ce recours devient irrévocable.

14. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire accordé à la société Logirem le 30 mars 2016 lui a été notifié le 5 avril 2016 et a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir introduit le 13 septembre 2016 devant le Tribunal administratif de Marseille. Ce recours a été rejeté par un jugement du 26 octobre 2017, devenu irrévocable, en l’absence de recours, le 28 décembre 2017. Le délai de validité prévu à l’article R.* 424-17 a, dès lors, été suspendu du 13 septembre 2016 au 28 décembre 2017 pour expirer, compte tenu de la prorogation d’une année obtenue par le pétitionnaire, le 18 juillet 2021. Par suite, eu égard à la nature et l’importance des travaux effectués par le pétitionnaire à cette date, le Maire de Marseille ne pouvait, sans méconnaître les dispositions des articles R.* 424-17 et suivants, constater, par la décision contestée du 9 septembre 2021, la péremption du permis de construire délivré à la société Logirem. ».

 

C’est donc aussi l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler, conformément à une jurisprudence très fournie en la matière, que la caducité ne peut être constatée si des travaux suffisants, eu égard à leur nature et leur importance, ont débutés avant la péremption du permis.

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[1] Le Conseil d’Etat apporte également des précisions intéressantes sur la tierce opposition, non commentée dans la présente analyse.

[2] Le Conseil d’Etat avait déjà admis que les décisions refusant de constater la caducité du permis étaient également des décisions insusceptibles d’appel en application de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative : CE, 22 novembre 2022, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble 153 rue de Saussure, n° 461869.