Télétravail : qui décide quoi ou l’occasion ratée

Peu est de dire que la crise sanitaire aura été un accélérateur de la mise en place du télétravail dans les collectivités, alors qu’une infime minorité d’entre elles avaient délibéré afin de l’organiser, dans les conditions prévues par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 et ses décrets d’application, le premier intervenu en 2016 (décret n° 2016-151 du 11 février 2016) et le second, à la faveur de la crise sanitaire, en 2020 (décret n° 2020-524 du 5 mai 2020).

Pour mémoire, le télétravail désigne « toute forme d’organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux où il est affecté sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

Il ne fait cependant aucun doute que la décision ci-dessous, dont les faits se sont déroulés en 2016 soit bien avant la crise sanitaire, a été lourdement influencée par cette dernière.

Alors qu’une fonctionnaire avait demandé à son employeur, la Communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné, de délibérer afin de mettre en place le télétravail après que sa demande de télétravail à titre individuel pour motif de santé ait été rejetée par deux fois, le conseil communautaire a répondu à sa demande en adoptant, le 17 novembre 2016, une délibération par laquelle il a examiné le nombre des emplois de la collectivité, leur nature, leurs conditions d’exercice et les missions exercées par les agents, pour considérer que la mise en place du télétravail ne correspondait pas à l’intérêt du service et de l’ensemble des agents et décider qu’aucune des activités de la communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné n’était ainsi éligible à ce mode d’organisation du service.

C’était la délibération attaquée, et le Tribunal administratif avait initialement rejeté le recours de la fonctionnaire. Cette dernière a donc saisi le 21 juin 2019 la Cour administrative d’appel de Lyon d’une contestation du jugement de rejet, et on notera avec intérêt qu’un mémoire complémentaire est intervenu en avril 2020, soit en plein confinement, quand le télétravail a été mis en place « de force » au sein de toutes les collectivités.

Le raisonnement de la Cour est particulièrement alambiqué et nécessite d’être relu à plusieurs reprises pour en retirer la substantifique moëlle.

A titre liminaire, on rappellera que la collectivité ayant délibéré sur le télétravail, le débat ne portait pas sur le fait d’y être obligé ou non, alors que la question pourrait se poser : jusqu’à présent, et en réalité jusqu’à la crise sanitaire, il était communément admis que les organes délibérants pouvaient, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales, ne pas délibérer sur le télétravail et ainsi ne pas le mettre en place.

En effet, l’article 133 de la loi du 12 avril 2012 précitée laissait place à une certaine latitude notamment par l’utilisation du verbe « pouvoir » :

« Les fonctionnaires relevant de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu’il est défini au premier alinéa de l’article L. 1222-9 du code du travail. L’exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. »

Et il a déjà été dit que les collectivités n’avaient que marginalement mis en place le télétravail alors que le décret du 11 février 2016, dans son article 7.I précisait : « une délibération de l’organe délibérant pour la fonction publique territoriale […] fixe : 1° Les activités éligibles au télétravail […] » et que son article 5 disposait, en son deuxième alinéa : « l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l’intérêt du service ».

C’est pourquoi la Cour indique, en premier lieu, que ces dispositions « donnent à leur organe délibérant la faculté d’ouvrir aux agents la possibilité de demander de recourir au télétravail, par la désignation des tâches et missions qu’il estime éligibles à ce mode d’organisation du travail ».

Donc, si l’on comprend bien ce premier considérant – mais rien n’est moins sûr – l’organe délibérant peut décider de permettre aux agents de demander la mise en place du télétravail, ce qui, a contrario, signifierait qu’il ne s’agit pas là d’une obligation (« peut » décider) et que les collectivités ne seraient pas tenues de le mettre en place. Pour autant, la Cour juge ensuite qu’ « il appartient à l’organe délibérant d’organiser la mise en oeuvre du télétravail dans la collectivité selon la nature et les conditions d’exercice des activités et missions qu’elle exerce ».

A priori, on ne saurait retirer d’une formulation aussi alambiquée une quelconque obligation de mettre en place le télétravail, et ce d’autant plus que la Cour affirme que ces mêmes dispositions « n’ont pas pour portée de de poser un droit individuel au télétravail ».

Pour autant, la fin de ce même considérant impose que les organes compétents « doivent chacun respectivement, pour le premier, déterminer collectivement l’éligibilité au télétravail des missions exercées dans la collectivité et, pour la seconde, régler l’exercice individuel de celui-ci par l’agent demandeur ». On voit bien que l’impératif utilisé fait de nouveau peser un doute sur l’éventualité d’une obligation de mise en place.

En conclusion, la Cour a certes esquivé la question de l’obligation de mettre en place le télétravail, mais après plus d’un an de télétravail forcé, cette question est-elle toujours pertinente ?

Au final, on retiendra, et c’est le point principal, que si la collectivité décide de mettre en place le télétravail – comme cela va probablement être le cas de nombre d’entre elles – l’organe délibérant ne devra décider que des critères permettant à l’autorité territoriale de définir quels sont les postes concernés.

Les modalités de vérification par les Organismes Tiers Indépendants « OTI » des sociétés à mission sont enfin précisées par l’arrêté du 27 mai 2021

Pour rappel, les sociétés à mission issues de la loi PACTE n° 2029-486 du 22 mai 2019 doivent se fixer dans leur objet social des objectifs sociaux et/ou environnementaux et les moyens pour y parvenir.

Outre le comité de mission ou le référent qui doit rendre un rapport annuel, a été institué l’OTI désigné par le COFRAC qui exercera un contrôle tous les 2 ans des sociétés à mission.

 

L’OTI réalise les diligences suivantes :

  • il examine l’ensemble des documents détenus par la société utile à la formation de son avis, notamment les rapports annuels ;
  • il interroge le comité de mission ou le référent de mission sur son appréciation de l’exécution du ou des objectifs que la société s’est fixées ainsi que, s’il y a lieu, les parties prenantes sur l’exécution du ou des objectifs qui les concernent ; 
  • il interroge l’organe en charge de la gestion de la société sur la manière dont la société exécute son ou ses objectifs, sur les actions menées et sur les moyens financiers et non financiers affectés, comportant le cas échéant l’application de référentiels, normes ou labels sectoriels formalisant de bonnes pratiques professionnelles, que la société met en œuvre pour les exécuter ; 
  • il s’enquiert de l’existence d’objectifs opérationnels ou d’indicateurs clés de suivi et de mesures des résultats atteints par la société à la fin de la période couverte par la vérification pour chaque objectif. Le cas échéant, il examine par échantillonnage les procédures de mesure de ces résultats, en ce compris les procédures de collecte, de compilation, d’élaboration, de traitement et de contrôle des informations, et réalise des tests de détails, s’il y a lieu par des vérifications sur site ; 
  • il procède à toute autre diligence qu’il estime nécessaire à l’exercice de sa mission, y compris, s’il y a lieu, par des vérifications sur site au sein de la société ou, avec leur accord, des entités concernées par un ou plusieurs objectifs .

Que doit contenir l’avis de l’OTI :

  • la preuve de son accréditation ;
  • les objectifs et le périmètre de la vérification ; 

  • les diligences qu’il a mises en œuvre, en mentionnant les principaux documents consultés et les entités ou personnes qui ont fait l’objet de ses vérifications et précisant, le cas échéant, les difficultés rencontrées dans l’accomplissement de sa mission.

  • une appréciation, pour chaque objectif  sur  :

    • les moyens mis en œuvre pour le respecter ;

    • les résultats atteints à la fin de la période couverte par la vérification, si possible exprimés de manière quantitative par rapport à l’objectif et, le cas échéant, aux objectifs opérationnels ou indicateurs clés de suivi ;

    • l’adéquation des moyens mis en œuvre au respect de l’objectif au regard de l’évolution des affaires sur la période ;
    • le cas échéant, l’existence de circonstances extérieures à la société ayant affecté le respect de l’objectif ; 

  • au regard de l’ensemble des éléments de son appréciation, une conclusion motivée déclarant, pour chaque objectif :

    • soit que la société respecte son objectif ;

    • soit que la société ne respecte pas son objectif ; 

    • soit qu’il lui est impossible de conclure.

L’accès aux données médicales des fonctionnaires lors de l’instruction des demandes de congé pour incapacité temporaire imputable au service est contraire à la constitution

Dans une décision du 11 juin, le Conseil constitutionnel a examiné une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après « QPC ») relative à la conformité à la Constitution des dispositions l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 qui régit le congé pour incapacité temporaire au service (ci-après « CITIS »).

Cet article détermine les conditions dans lesquelles le fonctionnaire peut bénéficier d’un CITIS et son paragraphe VIII  prévoyait : « nonobstant toutes dispositions contraires, peuvent être communiquées, sur leur demande, aux services administratifs placés auprès de l’autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision et dont les agents sont tenus au secret professionnel, les seuls renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l’examen des droits définis par le présent article ».

Des syndicats, auteurs de la QPC, considéraient néanmoins que ces dispositions méconnaissaient le droit au respect de la vie privée ainsi que de la protection des données à caractère personnel.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel relève tout d’abord que ces dispositions autorisent les services administratifs à se faire communiquer par des tiers les données médicales d’un agent sollicitant l’octroi ou le renouvellement d’un tel congé afin de s’assurer que l’agent remplit les conditions fixées par la loi et surtout qu’aucun élément d’origine médicale n’est de nature à faire obstacle à la reconnaissance de l’imputabilité de l’accident ou de la maladie au service.

Il qualifie ces renseignements de données de nature médicale qui peuvent être transmises sans le consentement préalable des agents intéressés et sans que puisse être opposé le secret médical.

Or, le Conseil constitutionnel estime d’une part que ces renseignements médicaux sont susceptibles d’être communiqués à un très grand nombre d’agents au sein de l’administration dont la désignation n’est subordonnée à aucune habilitation spécifique et dont les demandes de communication ne sont soumises à aucun contrôle particulier.

D’autre part, les dispositions contestées permettent que ces renseignements soient obtenus auprès de toute personne ou organisme.

Le juge constitutionnel en conclut que le paragraphe VIII de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 porte une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et déclare ses dispositions contraires à la Constitution.

Il convient de préciser que cette décision est d’application immédiate et s’applique alors à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

Autrement posé, dans l’attente d’une intervention du législateur précisant des conditions d’accès conformes à la Constitution, les administrations ne peuvent plus solliciter de tels renseignements médicaux lors de l’examen d’un CITIS auprès des organismes.

Une nouvelle prime temporaire de revalorisation pour certains personnels relevant de la fonction publique hospitalière

Le décret n° 2021-740 du 8 juin 2021 a créé au profit des agents publics titulaires et contractuels de la fonction publique hospitalière exerçant au sein des services et établissements sociaux et médico-sociaux rattachés aux établissements publics de santé ou aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, des groupements de coopération sociale et médico-sociale comprenant au moins un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, et de certains groupements d’intérêt public à vocation sanitaire une prime temporaire dite « de revalorisation ». Elle concerne ainsi les infirmiers, aides-soignants, sages-femmes, manipulateurs-radio, secrétaires médicaux…

Pour mémoire, les fonctionnaires et agents contractuels de droit public des EPS, des EHPAD et des GCS bénéficient déjà pour leur part d’un complément de traitement indiciaire depuis le mois de septembre 2020: (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042345102?r=fjqmyA0Vbz), dont la prime du décret du 8 juin 2021 est l’équivalent.

La prime temporaire de revalorisation sera versée mensuellement entre juin et décembre 2021 et larrêté du 8 juin en fixe le montant à 49 points d’indices majorés, soit 183 euros mensuels.

Pour les agents exerçant leur activité dans plusieurs structures, le montant de la prime de revalorisation est calculé au prorata du temps accompli dans l’une des structures ouvrant droit à son versement.

Le Conseil d’Etat suspend la réforme de l’assurance-chômage programmée pour ce 1er juillet 2021

Par une décision du 22 juin 2021, la juge des référés du Conseil d’État suspend les règles de calcul du montant de l’allocation chômage prévu par le décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 qui devaient entrer en vigueur le 1er juillet conformément.

Avec les nouvelles règles de calcul de l’allocation chômage, le Gouvernement poursuivait un objectif : favoriser les emplois durables. Le Gouvernement souhaitait pour ce faire rendre moins favorable l’indemnisation chômage des salariés alternant périodes d’emploi et périodes d’inactivité mais aussi mettre en place un système de bonus-malus sur les cotisations chômage dues par les employeurs, pour inciter ces derniers à proposer des contrats longs.

La juge des référés du Conseil d’État observe qu’alors même que le contexte économique s’améliore ces dernières semaines, de nombreuses incertitudes subsistent quant à l’évolution de la crise sanitaire et ses conséquences économiques sur la situation de celles des entreprises qui recourent largement aux contrats courts pour répondre à des besoins temporaires. Or, ces nouvelles règles de calcul des allocations chômage pénaliseront de manière significative les salariés de ces secteurs, qui subissent plus qu’ils ne choisissent l’alternance entre périodes de travail et périodes d’inactivité.

Alors que la réforme prévoit de différer au 1er septembre 2022, la mise en œuvre du système de bonus-malus pour les cotisations dues par les employeurs, précisément en raison des incertitudes sur l’évolution de la situation économique et du marché du travail, les nouvelles règles de calcul pour les salariés devaient s’appliquer dès ce 1er juillet 2021.

La juge des référés considère donc sérieuse la contestation portant sur l’erreur manifeste d’appréciation entachant ainsi l’application immédiate de la réforme pour les salariés.

Après cette ordonnance rendue en urgence, les recours « au fond » des syndicats contre le décret réformant l’assurance-chômage seront jugés par le Conseil d’État « d’ici quelques mois ».

Face à cette suspension, le Gouvernement est contraint d’agir et à ce titre, la Ministre du travail a indiqué ce 23 juin 2021 qu’un nouveau décret va être pris « en urgence » dans les prochains jours pour prolonger les règles actuelles à partir du 1er juillet.

La confirmation du nouveau critère pour la reconnaissance d’un établissement distinct : l’effectivité de l’exercice des missions du CSE

Cass. Soc., 9 juin 2021, n° 19-23.745

 

A travers ces deux arrêts du 9 juin 2021 destinés à être publiés dans son Rapport annuel, la Cour de cassation juge que le niveau de mise en place des CSE doit être de nature à permettre l’exercice effectif de ses prérogatives.

En l’espèce, dans la première affaire (n° 19-23.153), l’employeur avait décidé unilatéralement de la mise en place d’un seul CSE, décision contestée par les organisations syndicales. L’administration saisie du recours avait fixé à 3 le nombre d’établissements distincts. Son analyse avait été approuvée par le tribunal d’instance.

Dans la seconde espèce (n° 19-23.745), l’association avait été unilatéralement découpée en 7 établissements distincts, mais la Direccte (devenue Dreets depuis le 1er avril 2021), saisi d’un recours par plusieurs délégués syndicaux, avait annulé cette décision et dit qu’un seul CSE devait être mis en place. L’employeur avait contesté cette décision devant le tribunal d’instance (devenu tribunal judiciaire), qui lui a donné raison.

Les deux décisions sont cassées par la Cour de cassation qui reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché, au regard des éléments de preuve produits par les parties, si les responsables d’établissement avaient effectivement une autonomie suffisante, mais également si « la reconnaissance à ce niveau d’établissements distincts pour la mise en place des CSE était de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel ».

Dans une note explicative jointe à un arrêt de 2018 (Cass. Soc., 19 décembre 2018, n° 18-23.655), la Cour de cassation avait en effet affirmé sa volonté de reprendre la jurisprudence dégagée par le Conseil d’Etat, compétent en la matière avant la loi Travail de 2016, : « la jurisprudence du Conseil d’Etat s’attachait ainsi essentiellement à vérifier les pouvoirs consentis au responsable de l’établissement et l’autonomie de décision dont il pouvait disposer pour que « le fonctionnement normal des comités d’établissement puisse être assuré à son niveau”, pouvoirs qui devaient être caractérisés en matière de gestion du personnel et d’exécution du service ».

Par conséquent, l’employeur, faute d’un accord collectif, devra utilement, pour décider unilatéralement du périmètre de ses établissements distincts ou de l’établissement d’un CSE unique, s’attacher à qualifier la présence ou l’absence d’une autonomie de gestion mais également désormais l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel.

D’un point de vue pratique, ce nouveau critère permettra de s’opposer à la multiplication d’établissements distincts en faisant valoir par exemple que les prérogatives du CSE notamment en matière d’information et de consultation des salariés sont vidées de sa substance du fait d’un périmètre retenu trop restreint.

Précisions apportées par le Conseil d’Etat sur la procédure préalable à mettre en œuvre par l’ANCOLS en vue d’infliger une sanction à un organisme de logement social et sur le quantum de la sanction infligée

CE, chambres réunies, 16 juin 2021, n° 435315

 

Par deux arrêts en date du 16 juin 2021, le Conseil d’Etat (CE, 16 juin 2021, Office public de l’habitat Drôme Aménagement Habitat, n° 432682 et 436311 ; CE, 16 juin 2021, Office public de l’habitat du Territoire de Belfort, n°435315) a précisé l’exercice par l’Agence nationale de contrôle du logement social (« ANCOLS ») de son pouvoir de proposition aux ministres compétents d’infliger une sanction à un organisme de logement social ainsi que les modalités de calcul du quantum de la sanction.

S’agissant de la procédure préalable à respecter par l’ANCOLS en vue de proposer une sanction, le Conseil d’Etat a – dans son arrêt « Office public de l’habitat Drôme Aménagement Habitat » – rappelé qu’« il résulte [du respect des droits de la défense] ainsi que des dispositions des articles L. 342-12 et L. 342-14 du code de la construction et de l’habitation […] que l’ANCOLS ne peut régulièrement proposer au ministre chargé du logement et, le cas  échéant, au ministre chargé des collectivités territoriales, de prononcer une sanction contre un organisme qu’elle a contrôlé qu’après que le conseil de surveillance, le conseil d’administration ou l’organe délibérant de cet organisme a été mis en mesure de présenter ses observations sur le rapport de contrôle établi par l’agence, en ayant été informé de ceux des constats du rapport pour lesquels l’agence envisage de proposer une sanction ».

Le Conseil d’Etat a ensuite précisé que le Code de la construction et de l’habitation (CCH, art. L. 342-9, R. 342-13 et R. 342-14) prévoit, d’une part, la communication du rapport provisoire et du rapport définitif établis par l’ANCOLS aux organismes de logement social contrôlés et, d’autre part, la possibilité offerte à ces derniers d’adresser des observations sur le rapport provisoire ainsi que sur le rapport définitif dans un délai, respectivement, d’un mois et de quatre mois.

Constatant que l’ANCOLS n’est « […] pas tenue, au titre de ces communications, d’indiquer à l’organisme contrôlé ceux des constats pour lesquels elle envisage, le cas échéant, de proposer aux ministres compétents de prononcer une sanction […] », le Conseil d’Etat a estimé qu’il incombait donc à l’ANCOLS « […] d’assurer spécifiquement l’information de l’organisme sur ce point ».

La satisfaction de cette dernière information de l’organisme contrôlé peut, selon le Conseil d’Etat, résulter « de la transmission à l’organisme contrôlé […] de la décision par laquelle le comité du contrôle et des suites de l’ANCOLS, […] après avoir été saisi du rapport définitif de contrôle, indique au conseil d’administration de l’agence ceux des griefs figurant dans ce rapport pour lesquels il lui demande de proposer aux ministres compétents de prononcer une sanction ».

 A noter que le Conseil d’Etat a considéré que la proposition de sanction transmise aux ministres concernés ne peut se fonder sur d’autres griefs que ceux retenus par le comité du contrôle et des suites de l’ANCOLS.

Sur le quantum de la sanction en cas d’attributions irrégulières de logements, le Conseil d’Etat a apporté des précisions opportunes.

Il a en effet considéré – dans son arrêt « Office public de l’habitat Drôme Aménagement Habitat » – qu’en « […] se fondant exclusivement sur l’ampleur des dépassements constatés dans l’attribution irrégulière de onze logements, sans tenir compte, ni de ce que les attributions irrégulières ne représentaient que 0,2 % des attributions effectuées au cours des cinq années couvertes par le contrôle, ni de ce que la moitié d’entre elles avaient permis, dans des contextes locaux de faible tension sur le marché du logement, l’attribution de logements sociaux, parfois situés dans des quartiers prioritaires, à des familles dont les ressources demeuraient très faibles, ni enfin de ce que le rapport définitif de l’ANCOLS relevait de manière générale la rigueur de l’instruction des dossiers et l’efficacité de la procédure d’attribution des logements, les ministres ont méconnu les principes [de détermination du quantum d’une telle sanction figurant aux articles L. 342-14 et L. 342-16 du CCH] ».

Et dans son arrêt « Office public de l’habitat du Territoire de Belfort », le Conseil d’Etat a précisé que le montant de la sanction pécuniaire en cas d’attribution irrégulière de logements doit être fixé « en tenant compte, non seulement de l’ampleur des dépassements, mais aussi, notamment, de leur fréquence, des raisons pour lesquelles ils sont intervenus, des conséquences de ces attributions irrégulières sur les objectifs fixés par les articles L. 441 et L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, de la taille de l’organisme ou de sa situation financière et, le cas échéant, des mesures qu’il a prises pour les faire cesser ».

Précisions sur l’appel en garantie du maître d’ouvrage pour des dommages de travaux publics : réception sans réserve vs intangibilité du décompte général définitif

Cette décision intéressante de référé-provision est venue élargir la portée d’une jurisprudence bien établie sur les conditions d’appel en garantie du maître d’ouvrage par le constructeur, mis en cause par un tiers victime de dommages de travaux publics (CE, 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, n° 264491 ; CE, 6 février 2019, Société Fives Solios, n° 414064).

 La problématique de cette affaire, parfaitement mise en évidence par le rapporteur public, était notamment la suivante : est-ce que l’intervention du décompte général et définitif, pour lequel il n’a été fait aucune réserve, est susceptible de rendre irrecevable l’appel en garantie formé par un constructeur à l’encontre du maître d’ouvrage public.

Autrement dit, comment s’articulent, dans le cadre de dommages aux tiers, les effets de la réception et ceux du décompte général et définitif ?

Le Conseil d’Etat, tout en rappelant les conditions cumulatives nécessaires pour qu’un constructeur puisse demander à être garanti en totalité par le maître d’ouvrage, retient que l’intangibilité du décompte général et définitif est sans influence sur la recevabilité d’un tel recours :

«  […] lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d’un dommage dû à l’exécution de travaux publics, le constructeur est fondé, sauf clause contractuelle contraire et sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’aucune réserve de sa part, même non chiffrée, concernant ce litige ne figure au décompte général du marché devenu définitif, à demander à être garanti en totalité par le maître d’ouvrage, dès lors que la réception des travaux à l’origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale. Il n’en irait autrement que dans le cas où la réception n’aurait été acquise au constructeur qu’à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ».

En d’autres termes, pour que l’action en garantie du constructeur soit recevable, il importe que :

  • il n’existe pas de clause contractuelle contraire ;
  • la réception définitive des travaux soit intervenue, mettant fin aux rapports contractuels, à la condition qu’elle n’ait pas été acquise à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de la part du constructeur ;
  • le constructeur ne soit pas tenu au titre de la GPA ou de la garantie décennale.

De surcroit et en définitive, seule compte la réception sans réserve des travaux, l’établissement du décompte entre les parties est sans incidence, quand bien même le constructeur n’aurait émis aucune réserve sur ce dernier.

L’inverse n’est pas vrai puisque, classiquement, la réception sans réserve des travaux ne permet pas au maître d’ouvrage d’appeler en garantie le constructeur dans le cadre de dommages aux tiers (CE, 4 juillet 1980, Forrer, n° 03433).

 Enfin, le Conseil d’Etat à également écarté d’autres moyens soulevés en considérant que la mention « la décision de réception ne dégage pas la responsabilité de l’entreprise de dommages collatéraux apparus pendant ou après ladite réception et résultant de l’exécution des travaux » au procès-verbal de réception n’était pas applicable aux dommages antérieurs à cette dernière, et que l’article L. 2131-10 du Code général des collectivités territoriales ne limitait pas les effets qui s’attachent à l’acte de réception par lequel le maître d’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve.

Le maître d’ouvrage devra donc bien garantir intégralement le constructeur de sa condamnation au paiement d’une provision de 430.547,66 euros.

Standing de l’ouvrage et impropriété à destination

Cette décision vient illustrer l’appréciation de l’impropriété à destination en fonction du standing de l’ouvrage affecté par des désordres.

On rappellera que l’engagement de la responsabilité décennale des constructeurs, sur le fondement de l’article 1792 du Code civil, suppose notamment que les désordres observés présentent une certaine gravité.

A défaut, s’ils sont considérés comme simplement esthétiques (fissurations sans atteinte à l’étanchéité, simple non-conformité contractuelle etc.), ils n’offrent pas le caractère décennal indispensable.

Toutefois, l’impropriété à destination doit être appréciée par rapport à l’ensemble de l’ouvrage et en particulier en fonction de la destination convenue.

Ainsi, la jurisprudence peut admettre que, compte-tenu du standing de l’ouvrage en cause, les désordres constatés, bien qu’esthétiques, présentent bien un caractère décennal (Cass. Civ., 3ème, 11 mars 2008, n° 07-10651 ; Cass. Civ., 3ème, 10 octobre 2012, n° 10-28309).

 Dans notre affaire, la Cour de cassation, dans la continuité de sa jurisprudence antérieure, confirme la condamnation des constructeurs et de leurs assureurs en jugeant que :

«  la cour d’appel a retenu que les fêlures ou casses des carreaux sur les murs des salles de bains, le décollement en cueillies de plafonds et la fissuration verticale au droit des plaques murales compromettaient l’esthétique et l’habitabilité de l’immeuble, qu’ils le rendaient impropre à sa destination dès lors qu’ils affectaient des éléments essentiels des salles de bains et des WC, à savoir les carrelages, ainsi que les murs porteurs, rendant inhabitables des chambres d’une résidence hôtelière de haut standing, et qu’ils étaient donc de nature décennale au sens des dispositions de l’article 1792 du code civil ».

Encore faut-il pouvoir démontrer que l’ouvrage présente un caractère de grand standing :

« les désordres esthétiques sont constitutifs d’une impropriété à destination lorsqu’ils affectent un immeuble de grand standing, et que rien ne venait démontrer que l’ensemble d’immeubles de la copropriété relevait du grand standing » (Cass. Civ., 3ème, 14 janvier 2014, n° 11-25.074).

A défaut, le maître d’ouvrage pourra envisager de rechercher la responsabilité contractuelle du constructeur, en cas notamment de non-conformité aux stipulations contractuelles ou de manquement au devoir de conseil et à l’obligation de renseignement.

Précisions sur la nullité de la désignation du syndic non mis en concurrence

En l’absence de disposition en ce sens, le non-respect par le conseil syndical de son obligation de mise en concurrence n’est pas sanctionné par la nullité de la désignation du syndic par l’assemblée générale.

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 dite « ALUR » a introduit à l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 une procédure de mise en concurrence obligatoire des contrats de syndics. Dès alors se posait la question des conséquences du défaut de son exécution.

Saisies de ce problème, plusieurs cours d’appel ont rendu des solutions contradictoires. Il y a peu, celle de Chambéry, par exemple, prononçait la nullité de la décision d’une assemblée générale de copropriétaires ayant adopté le contrat d’un syndic non mis en concurrence tandis que celle de Colmar rendait une solution strictement inverse (CA Chambéry, ch. civ. sect. 01, 9 mars 2021 et CA Colmar, 1er avr. 2021, n° 19/02686).

À ce titre l’arrêt rendu le 3 juin 2021 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation est intéressant en ce qu’il mettra fin à une incertitude et à une divergence naissante.

En l’espèce, un syndicat de copropriétaires avait adopté le contrat d’un syndic sans qu’il ne soit procédé à sa mise en concurrence. Un copropriétaire avait alors assigné le syndicat en nullité de cette décision. Débouté par la cour d’appel, le copropriétaire forma un pourvoi devant la Cour de cassation qui confirma la solution retenue par le second juge, au motif « qu’en l’absence de disposition en ce sens, le non-respect par le conseil syndical de son obligation de mise en concurrence n’est pas sanctionné par la nullité de la désignation du syndic par l’assemblée générale ».

Ainsi, la Haute Cour a ainsi fait explicitement sien l’adage « pas de nullité sans texte », sans écarter par ailleurs le risque d’autres sanctions pouvant consister en la condamnation pour faute des membres du conseil syndical ou du syndic.

COVID-19 et copropriété : La fin des mesures dérogatoires en matière de tenue des assemblées générales à compter du 30 septembre 2021

Initialement, l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 a institué plusieurs mesures afin de permettre le fonctionnement des assemblées générales durant la période d’urgence sanitaire et notamment la convocation des assemblées générales par visioconférence ou autre moyen de communication électronique ainsi que le vote des copropriétaires par correspondance.

Ces mesures ont été prorogées aux termes de l’ordonnance n° 2021-142 du 10 février 2021, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.

La loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire vient modifier les articles 22-2, 22-4 et 22-5 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et la date d’expiration de ces mesures exceptionnelles.

Ainsi, aux termes de ces nouvelles dispositions législatives les mesures dérogatoires en matière de convocation des assemblées générales et vote des copropriétaires prennent fin au 30 septembre 2021.

Servitude de passage pour cause d’enclave et détermination judiciaire de l’assiette

L’article 682 du Code civil institue une servitude légale de passage pour les terrains enclavés. Ainsi, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui ne dispose d’aucune issue ou une issue insuffisante sur la voie publique, est en droit de solliciter un passage suffisant pour assurer la desserte complète de sa propriété.

Il est prévu que le passage doit être pris du côté où le trajet est le plus court vers la voie publique et qu’il doit être fixé à un endroit peu dommageable au fonds servant. (Article 683 du Code civil).

Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation devait se prononcer sur l’état d’enclave du terrain ainsi que sur la détermination de l’assiette de la servitude de passage à instituer.

Le propriétaire d’un fonds enclavé, à assigné plusieurs de ses voisins, après expertise judiciaire, afin d’obtenir le désenclavement de son fonds et l’établissement d’une servitude de passage suivant l’un des tracés proposés par l’expert judiciaire.

La juridiction de premier degré fait droit aux demandes du propriétaire en retenant le tracé sollicité par ce dernier.

Néanmoins, la Cour d’appel, bien que caractérisant la situation d’enclave de la parcelle, ne retient pas le tracé sollicité par le propriétaire, mais une autre assiette pour la détermination de servitude de passage.

Certains propriétaires forment alors un pourvoi reprochant aux juges du fond d’avoir retenu un autre tracé que celui sollicité par le demandeur dans ses écritures et ainsi d’avoir modifié l’objet du litige.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par ces propriétaires en retenant que :

« 4. Lorsque les propriétaires intéressés sont parties à l’instance, le juge qui constate l’état d’enclave d’un fonds est légalement tenu de déterminer, conformément aux dispositions de l’article 683 du code civil, l’assiette de la servitude de passage en faveur de ce fonds.

5. C’est par conséquent sans modifier l’objet du litige que la cour d’appel a fixé, selon le tracé n° 3 proposé par l’expert, l’assiette de la servitude de passage bénéficiant au fonds enclavé de Mmes [C] sur les parcelles appartenant au syndicat des copropriétaires et aux consorts [V], parties à l’instance. »

Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation rappelle qu’il appartient au juge du fond, saisi d’une demande de désenclavement d’une parcelle, de déterminer l’assiette précise de la servitude de passage.

La Haute juridiction en profite également pour préciser que les juges du fond ne sont pas tenus par les demandes des parties concernant le tracé de la servitude.

Les juges du fond disposent ainsi d’une interprétation souveraine afin de déterminer l’assiette de la servitude de passage et les fonds servants.

La signature d’une convention d’occupation précaire dans le cadre d’un acte de vente

Le 30 juin 2016, une promesse de vente d’un appartement a été signée entre deux particuliers.

Par acte notarié daté du même jour, les parties ont conclu une convention d’occupation précaire portant sur le bien objet de la promesse de vente, autorisant le futur acquéreur à l’occuper dans l’attente de la signature de l’acte authentique de vente.

Le futur acquéreur avait ainsi le droit d’occuper le bien pendant une durée de neuf mois expirant le 31 mars 2017, dans l’attente de la signature de l’acte, conditionnée par l’obtention d’un crédit immobilier.

La vente n’est finalement pas intervenue, mais l’occupant bénéficiaire de la promesse s’est pourtant maintenu dans les lieux ; c’est dans ces conditions que le promettant l’a assigné en expulsion et paiement d’une indemnité d’occupation.

La cour d’appel a constaté qu’il était occupant sans droit ni titre, a ordonné son expulsion, et l’a condamné à une indemnité d’occupation ainsi qu’au paiement de dommages-intérêts.

L’occupant a alors formé un pourvoi en cassation, demandant la requalification de la convention d’occupation précaire en bail d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi aux motifs suivants :

« La cour d’appel a relevé que l’intention commune des parties, expressément consignée dans l’acte du 30 juin 2016, avait été de permettre à M. [B], moyennant une redevance modique, d’occuper les lieux pendant une durée de neuf mois, expirant le 31 mars 2017, en l’attente de la signature de l’acte authentique de vente qui était conditionnée par l’obtention d’un crédit immobilier.

Elle a ainsi caractérisé l’existence de circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties, permettant de retenir la qualification de convention d’occupation précaire et justifiant le rejet de la demande de requalification du contrat en bail d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989 ».

Dans cette espèce, c’est la condition suspensive d’obtention du prêt qui permet à la Cour de cassation de caractériser une circonstance particulière « indépendante de la seule volonté des parties » et donc de ne pas procéder à la requalification du contrat.

La proposition de loi en faveur de l’engagement associatif et la responsabilité des dirigeants bénévoles

La troisième lecture de la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif débute le 24 juin prochain à l’Assemblée nationale. Ce texte, déposé initialement en avril 2018, a notamment pour objet d’atténuer la responsabilité financière des dirigeants bénévoles d’association.

Cela se comprend au vu du régime qui aujourd’hui s’applique aux dirigeants associatifs bénévoles, construit à partir de celui qui s’applique aux dirigeants de sociétés commerciales et encadré par les dispositions du Code de commerce et du Code civil (la loi de 1901 ne prévoyant rien à ce sujet).

C’est ainsi, à titre d’exemple, qu’en cas de liquidation d’une association et en vertu de l’article L. 652-1 du Code de commerce, son dirigeant peut être amené à supporter personnellement, sur ses deniers personnels, tout ou partie des dettes alors même que son patrimoine est bien distinct de celui de l’association.

Or, le dirigeant bénévole associatif est un dirigeant particulier, ce dernier n’étant pas un professionnel et ne disposant pas, par conséquent, des mêmes moyens qu’un dirigeant salarié.

De plus, les cas d’engagement de la responsabilité des dirigeants associatifs se sont multipliés notamment du fait de la professionnalisation du secteur et de la multiplication des règlementations juridiques ou sociales.

En outre, les questions qui leur sont soumises sont de plus en plus complexes et le pouvoir qui leur est dévolu est de plus en plus important.

C’est ainsi que la proposition de loi modifie l’article L. 651-2 du Code de commerce relatif à la responsabilité des dirigeants de société pour insuffisance d’actif.

Depuis la loi Sapin II du 11 décembre 2016, cet article prévoit que :

« […] en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée […] ». 

Ainsi, le dirigeant ne peut voir sa responsabilité engagée pour insuffisance d’actif lorsque l’ouverture de la procédure collective a été causée par sa simple négligence. Une simple négligence dans la gestion de la société ne peut plus, depuis cette loi, être qualifiée de faute de gestion.

Cependant, seul le dirigeant de société semble bénéficier de cette « exception de négligence » et non le dirigeant d’association. Or, l’engagement de la responsabilité financière d’un dirigeant en cas de simple négligence est une crainte des bénévoles et, par conséquent, constitue un frein réel à l’acceptation des fonctions d’administrateur au sein des associations.

La proposition de loi en faveur de l’engagement associatif modifie l’article L. 651-2 du Code de commerce afin de prévoir explicitement que l’exception de négligence s’applique aux « personnes morales » et non plus seulement aux « sociétés », intégrant ainsi les associations.

Cette proposition de loi peut sembler modeste puisqu’elle ne traite que de la question de la responsabilité financière du dirigeant associatif en cas de faute de gestion et ne s’attèle pas à une véritable actualisation du statut des dirigeants bénévoles. Toutefois, cela constitue d’ores et déjà une réelle avancée pour les associations qui peinent souvent à rassembler des administrateurs au vu des responsabilités en jeu.

Etant précisé par ailleurs que le juge détient une grande marge d’appréciation pour décider ou non de tenir compte du caractère bénévole du dirigeant associatif conformément à l’article 1992 du Code civil, selon lequel la responsabilité d’un mandataire est appréciée moins sévèrement en cas de mandat exercé à titre gratuit, afin apprécier la mise en jeu de sa responsabilité civile.

Taxe d’enlèvement des ordures ménagères : un excédent de 14,6 % pas manifestement disproportionné

La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), régie par l’article 1520 du Code général des impôts (CGI), est une « taxe affectée », c’est-à-dire qu’elle n’a pas vocation à pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires de la collectivité mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées pour assurer l’enlèvement et le traitement des déchets ménagers et assimilés non couvertes par des recettes non fiscales. Par conséquent, son produit ne doit pas excéder de manière disproportionnée le montant des charges à couvrir.

Or, la rédaction initiale de l’article 1520 du CGI ne permettait ni d’identifier les charges devant être intégrées dans le calcul de proportionnalité ni de déterminer au-delà de quelle mesure un excédent de TEOM devait être considéré comme manifestement disproportionné.

Le Conseil d’Etat et le législateur ont donc progressivement apporté des précisions sur les dépenses pouvant être financées par le produit de la TEOM.

Ainsi, en se fondant sur la rédaction antérieure de l’article 1520 du CGI, le Conseil d’Etat a jugé que la TEOM n’avait pas pour objet de financer l’élimination des déchets non ménagers (CE, 31 mars 2014, Société Auchan, n° 368111). Quelques mois plus tard, constatant qu’il était en pratique bien souvent difficile pour les collectivités de distinguer, d’une part, les dépenses afférentes à la gestion des déchets ménagers et, d’autre part, les dépenses afférentes à la gestion des déchets assimilés, du fait que ceux-ci sont collectés et traités dans les mêmes conditions, le législateur a modifié l’article 1520 du CGI afin de préciser que le produit de la TEOM a vocation à financer non seulement la collecte et le traitement des ordures ménagères, mais aussi des déchets assimilés. Cette modification est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2016 et s’applique donc aux taux de TEOM votés à compter de cette date.

Par la suite, le Conseil d’Etat a précisé que seules les dépenses réelles de fonctionnement et les dotations aux amortissements des immobilisations affectées à la collecte et l’enlèvement des déchets ménagers et assimilés pouvaient être financées par la TEOM, ce qui excluait du calcul les dépenses réelles d’investissement (CE, 19 mars 2018, Société Cora, n° 402946). Constatant que cette décision allait à rebours de la pratique budgétaire des collectivités, le législateur a, là encore, modifié l’article 1520 du CGI afin d’autoriser celles-ci à prendre en compte, pour un même investissement, les dépenses réelles figurant dans la section « investissement » ou les dotations aux amortissements correspondantes figurant dans la section « fonctionnement ». Cette modification s’applique aux taux de TEOM votés à compter du 1er janvier 2019.

Toutefois, une incertitude demeurait sur le niveau d’excédent au-delà duquel un produit de TEOM devait être considéré comme manifestement disproportionné par rapport aux dépenses à couvrir. La jurisprudence du Conseil d’Etat a même varié au fil des années : en 2014, un excédent de 2,4 % a été jugé comme étant manifestement disproportionné (CE, 31 mars 2014, Société Auchan, précitée) alors qu’en 2019, le Conseil d’Etat a jugé qu’un produit de TEOM excédant de 6,2 % les charges à couvrir ne pouvait être regardé comme manifestement disproportionné (CE,  20 septembre 2019, Société Sogefimur, n° 419661).

Par sa décision du 5 mai 2021, le Conseil d’Etat augmente encore son niveau de tolérance. En effet, dans ce litige où une société sollicitait la décharge des sommes versées à la Communauté d’agglomération de Roissy-Pays-de-France au tire de la TEOM pour les années 2013 et 2014, il constate que le produit attendu de TEOM (6.178.388,51 €) excédait le montant des charges qu’elle avait vocation à couvrir (5.389.212 €) de 14,6 % et en conclut que « le taux fixé ne peut ainsi être regardé comme manifestement disproportionné ».

Le Conseil d’Etat semble ainsi consacrer un pourcentage de 15 % comme plafond en-deçà duquel il ne peut être retenu une erreur manifeste d’appréciation, à l’instar de ce que l’administration fiscale défendait depuis 2015.

RAPO et requête prématurée : la régularisation en cours d’instance est possible

Par une décision en date du 16 juin 2021, le Conseil d’Etat s’est à nouveau positionné sur la régularisation d’une requête prématurée en cours d’instance, cette fois lorsque l’administration saisie d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO) ne s’est pas encore prononcée.

Ce n’est pas la première fois que la Haute juridiction administrative est confrontée à cette problématique des requêtes prématurées.

A cet égard, on rappellera qu’un recours contentieux n’est possible qu’à l’encontre d’une décision administrative (article R. 421-1 du Code de justice administrative). Cela suppose donc logiquement que ladite décision existe au jour de l’introduction du recours.

En matière de recours en annulation, cela ne pose, en principe, guère de difficulté.

En revanche, en matière indemnitaire, nombre de requérants n’effectuent pas de demande indemnitaire préalable, et, ce faisant, ne font pas naître de décision de l’administration susceptible de lier le contentieux.

Si la position du Conseil d’Etat sur ce sujet peut paraître stable depuis plusieurs décennies, elle évolue tout de même, se précise, et prend en compte la volonté du pouvoir réglementaire.

On peut ainsi établir trois temps forts relatifs à cette problématique :

La décision « Etablissement Français du sang » rendue par le Conseil d’Etat le 11 avril 2008, dont il résultait que le requérant pouvait saisir l’administration postérieurement à la saisine du juge administratif, tant que, à la date où ce dernier statuait, la décision était intervenue. C’était la consécration d’une analyse de la recevabilité du recours au moment où le juge statue.

Le décret « JADE » (justice administrative de demain) du 2 juin 2016, qui a remis en cause la décision de 2008 en ajoutant un nouvel alinéa à l’article R. 241-1 du Code de justice administrative. Ce nouvel alinéa précise qu’une requête indemnitaire introduite devant le Tribunal administratif n’était recevable qu’après l’intervention d’une décision de l’administration sur une demande préalablement formée devant elle.

Enfin, par son avis du 27 mars 2019 (n° 426472), le Conseil d’Etat a interprété le décret JADE en faveur du requérant. Il a en effet considéré que la décision de l’administration doit être préalable à la date de jugement et non à la date de la requête.

Outre l’hypothèse d’un recours indemnitaire, une autre hypothèse de requête prématurée concerne les recours devant être précédés d’un RAPO.

Pour rappel, lorsque les textes prévoient un tel recours, la décision prise par l’administration à l’issue de ce RAPO se substitue à la décision initiale et c’est cette seconde décision qui doit être attaquée devant le juge administratif.

De sorte qu’un recours introduit avant l’intervention de la décision de l’administration prise sur un RAPO est prématuré.

Le Conseil d’Etat a néanmoins de nouveau adopté une solution souple en la matière à l’occasion de sa décision du 16 juin dernier.

Dans cette affaire, la requérante réclamait l’annulation d’une décision de la Caisse d’allocations familiales demandant le reversement d’un indu de revenu de solidarité active (RSA). Elle avait saisi le Tribunal administratif et s’était vu opposer un rejet pour irrecevabilité au motif qu’elle n’avait pas exercé de RAPO. 

En réalité la requérante avait bien exercé un recours administratif préalable ; seulement, l’administration ne s’était pas encore prononcée.

C’est ce que le Conseil d’Etat relève dans sa décision et c’est sur ce point que la Haute juridiction axe son raisonnement. Le considérant de principe est le suivant :

« […] dès lors que le recours administratif obligatoire a été adressé à l’administration préalablement au dépôt de la demande contentieuse, la circonstance que cette dernière demande ait été présentée de façon prématurée, avant que l’autorité administrative ait statué sur le recours administratif, ne permet pas au juge administratif de la rejeter comme irrecevable si, à la date à laquelle il statue, est intervenue une décision, expresse ou implicite, se prononçant sur le recours administratif ».

Cette décision dresse alors deux conditions pour qu’une requête puisse être régularisée en cours d’instance :

  • le RAPO est toujours nécessaire en amont de la requête contentieuse ;
  • l’administration doit s’être prononcée avant que le juge administratif ne statue.

Ainsi, le Conseil d’Etat ne remet pas en question l’exigence du RAPO, il vient plutôt dire qu’il n’est pas nécessaire d’attendre la réponse de l’administration pour saisir le juge administratif. Si l’administration répond négativement à la demande, alors la procédure est régularisée et le recours suit son cours. Si l’administration répond positivement à la demande, alors le recours est caduc et il n’y a plus lieu de statuer.

Responsabilité contractuelle de l’Etat pour non-respect d’une convention de partenariat conclue avec un département visant à financer l’acquisition de matériel informatique pour les élèves des collèges

Par une ordonnance en date du 16 avril 2021, rendue dans le cadre d’un référé provision, la Cour administrative d’appel de Paris a jugé qu’une convention de partenariat conclue entre l’Etat et un département pour le financement de matériel informatique destiné à des collèges, par laquelle le premier s’engageait notamment à verser au second une subvention, avait bien une nature contractuelle et non unilatérale.

Dans cette affaire, l’Etat s’était engagé, par le biais de plusieurs conventions pluriannuelles, à verser chaque année une subvention au département qui, lui, promettait de fournir aux élèves et à leurs enseignants un ordinateur portable. La convention définissait, outre sa durée, le principe et les modalités de calcul de la subvention, déterminée en fonction du nombre d’élèves et de professeurs à doter. Le montant annuel de la subvention et les modalités de versement devaient, quant à eux, être fixés chaque année par voie d’avenant. En somme, les avenants avaient simplement vocation à constater le nombre d’élèves et de professeurs à doter chaque année, et à en déduire le montant de la subvention annuelle, et non à modifier le contrat initial.

Toutefois, au cours de la dernière année d’exécution de la convention, l’Etat a cessé de verser les dotations et n’a pas répondu aux différentes demandes d’information du département à ce sujet. Le département, qui avait, quant à lui, rempli ses engagements en fournissant le matériel informatique, a donc saisi le juge des référés d’une demande de provision afin d’obtenir le versement de la somme correspondante.

Le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a répondu favorablement à la demande du département sur le fondement de l’article R. 541-1 du Code de justice administrative (CJA). Selon lui, la dette de l’Etat envers le département n’apparaissait pas sérieusement contestable. En effet, les avenants avaient simplement pour but de fixer les modalités de calcul de la subvention mais ne remettaient pas en cause son existence. Le juge des référés a donc estimé que la responsabilité contractuelle de l’Etat pouvait être engagée en raison du non-respect de ses obligations découlant de la convention. L’Etat a ainsi été condamné à verser au département une somme de 2 733 720 euros.

En appel, l’Etat a soutenu que seule sa responsabilité délictuelle pouvait, le cas échéant, être mise en œuvre, alors que le recours du département était fondé sur la responsabilité contractuelle.

Il s’est, pour cela, notamment appuyé sur l’avis par lequel le Conseil d’Etat a affirmé que les recours relatifs à une subvention ne peuvent être portés que devant le juge de l’excès de pouvoir, la décision d’octroyer une subvention ayant, quelle que soit sa forme – unilatérale ou conventionnelle –, le caractère d’une décision unilatérale (CE, 29 mai 2019, n° 428040).

Toutefois, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté ces arguments après avoir estimé que les dotations de l’Etat ne pouvaient en l’espèce être regardées comme de simples subventions mais comme faisant partie d’un véritable contrat de partenariat.

Celles-ci visaient en effet à mettre en œuvre une politique publique qui s’inscrivait dans le cadre d’un vaste projet éducatif et procédaient de l’initiative de l’Etat, qui avait lancé, en 2015, plusieurs appels à projets dans le cadre de son plan numérique pour l’école visant à une généralisation de l’usage du numérique dans les établissements auxquels avait répondu le département et qui avaient donné lieu aux conventions en cause. De plus, ces dernières mettaient en place des obligations réciproques entre les parties, qui ne se limitaient pas qu’au versement des subventions en échange de l’achat du matériel informatique.

Dans ces conditions, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé le bien-fondé de la provision obtenue par le département en première instance

Tracts électoraux : attention à l’usage des logos

Par deux décisions récentes des 12 avril et 19 mai 2021, le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation d’opérations électorales en raison de l’utilisation irrégulière de logos sur les tracts électoraux, après avoir jugé que celle-ci constituait une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin (CE, 12 avril 2021, Elections municipales de Notre-Dame-de-Bondeville, n° 445515 ; CE, 19 mai 2021, Elections municipales d’Oppède, n° 442678).

Dans ces deux affaires, le juge a estimé qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit des électeurs. Pour l’une d’elles, il existait une ambiguïté quant aux soutiens associatifs reçus par la liste électorale. Pour l’autre, le risque résidait dans l’utilisation des symboles de la République sur les tracts. 

Pour rappel, d’origine purement prétorienne, la notion de « manœuvres » découle d’un « principe général de loyauté de la campagne électorale » (J.C Masclet, Droit électoral, PUF, 1989, p. 223). Selon Bernard Maligner, elles peuvent être définies comme « les multiples procédés par lesquels la volonté du corps électoral peut être faussée voire dénaturée ou viciée par des actions destinées à induire en erreur les électeurs ou à les tromper à quelque moment que ce soit du processus électoral » (B. Maligner, Droit électoral, Ellipses, 2007, p. 863).

Le contenu de la notion de manœuvres relève donc essentiellement de la jurisprudence.

En matière de logos, le Conseil d’Etat a pu juger que l’utilisation du logo d’une collectivité territoriale sur un tract électoral n’était pas de nature à altérer la sincérité du scrutin (CE, 18 décembre 1992, Élections régionales d’Île-de-France, département des Hauts-de-Seine, n° 135650 139894).

Concernant les logos des partis politiques, le Conseil d’Etat a notamment pu juger que leur reproduction sur un tract électoral n’avait pas le caractère de manœuvre dès lors que l’intéressé était membre du parti en cause (CE, 30 novembre 1998, Elections régionales de Languedoc-Roussillon, n° 195128), même si ce parti avait officiellement investi un autre candidat (CE, 20 février 1987, Elections cantonales de Marseille, n° 70576).

Toutefois, le Conseil d’Etat n’avait jamais eu à se prononcer sur la question des logos d’associations figurant sur un tract électoral.

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision du 12 avril 2021, un tract électoral faisait figurer le logo de trente-six associations locales sur une page dédiée aux propositions de la candidate en faveur de la vie associative.

Le Conseil d’Etat a estimé que l’apposition de ces logos constituait une manœuvre de nature à faire croire au soutien des associations, alors même que certaines d’entre elles n’avaient jamais supporté publiquement cette candidate et n’avaient pas non plus exprimé leur consentement à figurer sur le tract.

La seconde décision (CE, 19 mai 2021, Elections municipales d’Oppède, n° 442678) concernait quant à elle un tract électoral sur lequel figurait « un logo […] reproduisant un profil de Marianne sur fond bleu en tout point identique à la marque de l’Etat et faisant apparaître, dans son coin supérieur droit, une portion de forme triangulaire du drapeau tricolore ».

Le Conseil d’Etat a rappelé les termes de l’article R. 27 du Code électoral selon lequel :

« Sont interdites, sur les affiches et circulaires ayant un but ou un caractère électoral, l’utilisation de l’emblème national ainsi que la juxtaposition des trois couleurs : bleu, blanc et rouge dès lors qu’elle est de nature à entretenir la confusion avec l’emblème national, à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique ».

En vertu de ces dispositions, la Haute juridiction a estimé que, malgré la dimension réduite du logo, l’utilisation qui a été faite des trois couleurs nationales a pu créer une confusion dans l’esprit des électeurs.

Le rapporteur public indiquait d’ailleurs que : « Même si la Marianne n’est pas visée par l’article R. 27, on peut admettre que sa présence en sus des trois couleurs nationales est de nature à renforcer le caractère institutionnel du logo ».

Dans ces deux affaires, eu égard au très faible écart de voix entre les listes en présence, le Conseil d’Etat a confirmé les jugements de première instance qui avaient annulé les élections.

Loi de sécurité globale et polices municipales

Les dispositions concernant les polices municipales intégrées dans la loi de sécurité globale ont deux principales origines.

D’un côté, le rapport parlementaire Fauvergue / Thourot, qui faisait le constat selon lequel « le niveau pertinent de coordination et d’articulation entre les forces de sécurité de l’État et les personnels des polices municipales doit être le bassin de vie. Or, le ressort des polices municipales est, par nature, celui de la commune. Pour être pleinement efficace, leur périmètre devrait dépasser ce cadre pour embrasser celui des EPCI, qui correspondent davantage à l’objectif cible »[1]. Les mesures de dépassement croissant de l’échelon municipal pour la mise en œuvre des pouvoirs de police sont inspirées par ce rapport.

D’un autre côté, un rapport de la Cour des comptes sur les polices municipales[2] qui a identifié certains angles morts dans le cadre juridique de ces services et que la présente loi vise à combler.

 

I. Un ensemble de dispositions favorisant une démunicipalisation relative des polices administratives

C’est un mouvement de fond qui conduit le législateur à transférer des compétences ou le contrôle de services de police municipale à d’autres collectivités.

Ainsi, les présidents des EPCI à fiscalité propre peuvent déjà disposer d’un ensemble de compétences de police municipale spéciale en vertu des dispositions de l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales (ci-après, CGCT), (notamment en matière d’assainissement, de collecte des déchets ménagers, de réalisation d’aires d’accueil, de police et de stationnement, prérogatives des présidents des EPCI en matière de polices administratives).

Dans le même sens, la loi n° 2019-1461 avait déjà assoupli les conditions de mutualisation des agents de police municipale en confiant au président de l’EPCI un pouvoir d’initiative partagé avec les maires pour le recrutement d’agents de police municipale au niveau intercommunal, dès lors que l’EPCI comptait moins de 80 000 habitants.

a. Faciliter la mutualisation des services de polices administratives

Ce seuil est désormais supprimé via une modification de l’article L. 512-1 du Code de la sécurité intérieure (ci-après, CSI) : des ensembles de communes dont le total des habitants excède ce seuil de 80 000 habitants pourront désormais mutualiser leurs services de police municipale, qu’ils appartiennent ou non au même EPCI.

En permettant également aux communes qui le souhaitent de se retirer de ces conventions sans effet sur son application sur les autres parties prenantes, la loi donne une souplesse au dispositif qui sera de nature à le rendre plus attractif[3].

 

b. La création de syndicats intercommunaux en matière de police

L’article L. 512-1-2 nouveau du CSI offre la possibilité aux communes, dès lors qu’elles sont limitrophes ou appartiennent à une même agglomération au sein d’un même département ou d’un EPCI, de « former un syndicat de communes afin de recruter un ou plusieurs agents de police municipale en commun, compétent sur le territoire de chacune des communes ».

Ce sont les statuts des syndicats qui fixeront les modalités d’organisation et de financement de la mise à disposition des agents et de leurs équipements. La signature d’une convention de coordination des interventions avec les forces de sécurité de l’Etat sera rendue obligatoire.

Le maire conserve cependant un certain contrôle puisqu’il conserve l’autorité exercée sur lesdits agents du syndicat lorsqu’ils exercent leurs fonctions sur le territoire de sa commune. De même, les demandes de port d’arme pour les agents du syndicat devront être établies conjointement par l’ensemble des maires des communes et par le président du syndicat, conférant par là un droit de veto aux maires, à l’instar de ce qui prévaut dans les cas de simple mutualisation des services prévue par les dispositions de l’article L. 512-1 du CSI.

 

c. Mise en commun des moyens et situations exceptionnelles

La loi de sécurité de globale étend la possibilité de mise en commun temporaire d’agents de police municipale pour faire face à un évènement exceptionnel. Jusqu’à présent, l’article L. 512-3 du CSI permet une telle mise en commun temporaire dans trois cas limitativement énumérés[4].

Les conditions de mise en œuvre de ces dispositions sont les suivantes : les communes autorisées à mutualiser de manière temporaire doivent être limitrophes ou appartenir à un même EPCI et l’autorisation est délivrée par le préfet au moyen d’un arrêté, qui en fixe les conditions et les modalités au vu des propositions des maires des communes concernées.

La présente loi a fait évoluer ce cadre en créant un régime assoupli de mutualisation des moyens, en cas de catastrophes naturelles ou technologiques afin, selon le député Alain PEREA, auteur de l’amendement ayant introduit cette disposition dans le texte, « d’assurer une réaction rapide ».

Ainsi, en cas de catastrophes naturelles ou technologiques, les communes pourront mutualiser leurs moyens, non plus seulement dès lors qu’elles appartiennent à une même agglomération, mais seulement à condition d’appartenir à un même département, voire à un département limitrophe.

Il est également prévu de permettre aux communes de conclure au préalable une convention cadre avec le représentant de l’Etat dans le département, qui permettra d’autoriser ladite mise en commun sans attendre l’arrêté préfectoral.

II. Dispositions techniques et sécurisation juridique de la mise en œuvre des pouvoirs de police municipale

 

a. Création des brigades cynophiles de police municipale

Le rapport de la Cour des comptes relatif aux polices municipales[5] avait identifié le fait que 178 communes ou EPCI étaient dotés de brigades canines alors qu’aucune disposition n’en régissait l’utilisation.

Un nouveau cadre juridique a donc été créé pour ces brigades, structuré autour du nouvel article L. 511-5-2 du CSI, selon lequel la création de telles brigades intervient sur décision du maire, après délibération du conseil municipal, ou, s’agissant des EPCI, sur décision conjointe de son président et des maires des communes concernées.

Par ailleurs, ces brigades n’interviennent que pour l’accomplissement des missions mentionnées dévolues aux agents de polices municipales dans le cadre de l’article L. 511-1 du CSI.

 

b. Un diagnostic préalable à la signature des conventions de coordination rendu obligatoire

La loi a également modifié l’article L. 512-6 du CSI, rendant obligatoire l’inclusion d’un diagnostic préalable des problématiques de sûreté et de sécurité auxquelles sont confrontées les communes. Cette mesure fait suite au constat selon lequel ces conventions de coordination étaient trop souvent des documents types. L’introduction d’un tel diagnostic devrait rendre ces conventions plus opérationnelles.

c. La possibilité d’arrêter les véhicules béliers pour les agents de police municipale

Une disposition permet aux agents de police municipale de « faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transport dans les cas prévus à l’article L. 214-2 du CSI » (nouvel article L. 511-4-1 du CSI), à savoir dans les cas où un conducteur n’arrête pas son véhicule après sommations, ou bien lorsque le comportement d’un occupant du véhicule est de nature à mettre en danger délibérément la vie d’autrui, ou encore dans certains cas de fuites.

Ces dispositions, jusqu’alors applicables uniquement aux personnels de police nationale ou aux gendarmes, avaient été introduites à la suite de la série d’attentats en 2015-2016.

d. Une obligation renforcée de service au bénéfice de la commune ayant pris en charge la formation de l’agent

La loi de sécurité globale crée par ailleurs un nouvel article au sein du Code des communes, permettant d’imposer un engagement de servir au sein de la commune ou de l’EPCI qui a pris en charge sa formation d’une durée maximale de trois ans pour les agents de police municipale[6].

L’agent peut être libéré de cette obligation s’il rembourse une somme correspondant au coût de la formation. Dans le même sens, le maire ou président d’EPCI peut l’en dispenser, exceptionnellement et pour des motifs impérieux.

Cette disposition crée donc une exception au sein du droit de la fonction publique territoriale, qui fait peser le risque financier, en cas de mutation de l’agent dans les trois ans suivant sa titularisation, sur la collectivité qui le recrute.

e. Un nouveau cadre pour la police municipale parisienne

Les nouvelles dispositions désormais inscrites aux articles L. 511-2 et L. 533-1 et suivants du CSI ouvrent la voie de la création d’une force de police municipale à Paris, dont celle-ci était privée pour des raisons historiques, malgré un élargissement des pouvoirs de police du maire.

En outre, les articles L. 533-1 du CSI prévoient que les fonctions d’agent de d’agent de police municipale ne peuvent être exercées à Paris que par des fonctionnaires de la ville de Paris. Par ailleurs, il est précisé que les corps de la police municipale à Paris seront créés par décret en Conseil d’État après avis du Conseil de Paris.

L’article L. 533-4 élargit quant à lui les pouvoirs des policiers municipaux, qui pourront constater par PV les contraventions aux arrêtés du préfet de police relatifs au bon ordre, à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques (à l’exception toutefois des interdictions de manifestations sur la voie publique).

III. Une censure du Conseil constitutionnel aux impacts limités pour les collectivités

Le Conseil constitutionnel a été saisi de 22 articles de la loi et en a validé 15, dont 4 ont fait l’objet d’une réserve d’interprétation, 7 ont donc été totalement censurés. Parmi eux, deux articles du Titre 1er de la loi relatif aux polices municipales sont concernés par la décision du juge constitutionnel : l’article 1er est censuré ; l’article 4 fait l’objet de réserves d’interprétation.

L’article 1er, permettait, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, aux agents de police municipale d’exercer des attributions de police judiciaire en matière délictuelle.

Le Conseil constitutionnel a considéré que cette mesure, très demandée par certaines municipalités, est contraire à l’article 66 de la Constitution. Si le dispositif prévoyait une transmission au procureur de la République des rapports et procès-verbaux établis par les agents de police municipale, la loi n’a pas assuré un contrôle « direct et effectif » des directeurs de police municipale par le procureur, ce dernier ne pouvant leur adresser des instructions.

Quant à l’article 4 de la loi, qui étend à l’ensemble des manifestations sportives, récréatives ou culturelles la possibilité pour les agents de police municipale de procéder à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu’à des palpations de sécurité, le Conseil a rappelé que la mise en œuvre de ces nouvelles prérogatives ne pourrait s’opérer qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination entre les personnes.

Thomas CHEVANDIER & Aloïs RAMEL

 

[1] Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale, septembre 2018, p. 61

[2] Cour des comptes, Les polices municipales, octobre 2020

[3] CSI, article L. 512-1, alinéa 3

[4] lors d’une manifestation exceptionnelle, notamment à caractère culturel, récréatif ou sportif ; à l’occasion d’un afflux important de population ; en cas de catastrophe naturelle

[5] Cour des comptes, Les polices municipales, octobre 2020

[6] Code des communes, article L. 412-57

C’est la reprise et on s’en réjouit.

De nouveaux modes d’activité économique et commerciale ont vu le jour et sont en expansion. D’un côté, les entreprises cherchent à minimiser leurs frais liés à la location de locaux d’activité dont ils n’ont la nécessité pour certaines que de façon temporaire, voire éphémère et, de l’autre, les propriétaires fonciers souhaitent que leurs biens ne restent pas inoccupés. Les collectivités cherchent à redynamiser leur centre-ville dont les commerces sont pour certains restés fermés durant la crise sanitaire pour leur redonner vie.

 

Plusieurs outils juridiques s’offrent à eux comme la constitution de foncières, mais aussi des mises en location de courte durée à travers les boutiques éphémères et les restaurants 2.0 dit Dark kitchen dont nous avons choisi de faire le sujet principal de cette LDPA.

 

Bonne lecture et bel été.

 

My-Kim YANG-PAYA