Précisions du Conseil d’Etat sur le contrôle déontologique de la HATVP pour les fonctionnaires cessant leurs fonctions

Par un arrêt du 4 novembre 2020, le Conseil d’Etat s’est pour la première fois prononcé sur la légalité d’une délibération de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), rendu dans le cadre de la mission dont elle est nouvellement dotée depuis l’intervention de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, c’est-à-dire le contrôle de la compatibilité pénale et déontologique des cessations de fonction de certains agent publics souhaitant rejoindre une entreprise privée.

C’est donc la première chose à retenir ici : le caractère susceptible de recours de l’avis rendu, fort logiquement finalement en ce que sa portée n’est pas sans conséquence, puisqu’elle va interdire un projet de départ de l’administration vers le secteur privé.

La décision faisait suite à une ordonnance de référé rendue par le Conseil d’Etat dans la même affaire, qui avait déjà apporté plusieurs précisions intéressantes, confirmées et enrichies par cette dernière décision de novembre 2020.

Deux points en particulier doivent être soulignés.

La première indication fournie par cette jurisprudence est le régime procédural suivi devant la HATVP. Dans l’affaire, le requérant soutenait en effet que le principe du contradictoire avait été méconnu, à défaut pour lui d’avoir été informé du sens de la décision à venir, et de n’avoir pas été mis en mesure d’opposer à cette décision ses observations avant qu’elle ne soit adoptée.

Le Conseil d’Etat écarte cette critique, et juge ainsi qu’aucune obligation de la sorte ne s’impose à la HATVP : s’agissant d’une décision prise à la suite d’une demande formulée par l’intéressé, la procédure contradictoire prévue à l’article L. 121-1 du Code des relations entre le public et l’administration ne s’impose pas.

La conséquence est significative pour les agents qui seraient amenés à soumettre leur cas devant la HATVP parce qu’ils entrent dans le champ de son contrôle : il conviendra, dès l’introduction de la demande, d’argumenter en détail sur l’ensemble des points du dossier, y compris ceux sur lesquels la situation est la plus délicate. A défaut, les agents pourraient en effet ne pas avoir de nouvelle opportunité de le faire.

La seconde précision apportée par le Conseil d’Etat porte sur la nature du contrôle de  la HATVP sur la situation du fonctionnaire qui lui est soumise. Il juge en effet que, concernant le contrôle pénal qu’elle est amenée à exercer, il appartient à la Haute autorité « non d’examiner si les éléments constitutifs de ces infractions sont effectivement réunis, mais d’apprécier le risque qu’ils puissent l’être et de se prononcer de telle sorte qu’il soit évité à l’intéressé comme à l’administration d’être mis en cause ». Autrement dit, la Haute autorité apprécie l’existence d’un risque d’infraction, et non la réalité de sa commission dans l’hypothèse où le projet du fonctionnaire aboutirait.

La conséquence de cette nuance est que le contrôle de la HATVP est en définitive plus sévère que celui du juge pénal, ainsi que l’illustre la suite de l’arrêt. Dans l’affaire, le requérant avait en effet argué que le contrôle de la HATVP était entaché d’une erreur d’appréciation, puisqu’elle avait considéré établi le risque d’infraction pénale, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation s’opposait pour sa part à la caractérisation de l’infraction.

Or, le Conseil d’Etat, se fondant sur la nuance précitée, c’est-à-dire « eu égard à l’appréciation qu’il revient à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique de porter sur le risque pénal », considère que malgré cette jurisprudence, le risque pénal reste effectif, et que l’appréciation de la Haute autorité reste fondée.

La même appréciation extensive de l’incompatibilité est également appliquée en ce qui concerne le contrôle de compatibilité déontologique, qui consiste, pour rappel, à apprécier si le départ du fonctionnaire vers l’entreprise « est susceptible d’avoir une incidence sur le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service ». Là encore, la HATVP a procédé à une appréciation du risque d’atteinte à ces principes, ce qui lui a permis de considérer que même à défaut pour l’intéressé d’avoir le moindre contact avec son ancienne administration, la simple succession de fonctions pour le fonctionnaire était de nature à faire peser des doutes sur l’impartialité avec laquelle il avait exercé ses fonctions. Autrement dit, le risque était que, voyant le fonctionnaire rejoindre son activité privée, le public et ses interlocuteurs ne viennent à penser qu’il aurait agi partialement pour obtenir son poste.

Le Conseil d’Etat a validé cette analyse. Ce faisant, il consacre non seulement une acception particulièrement étendue de la notion de risque déontologique, mais surtout, il élargie le champ du contrôle à un nouvel aspect de la neutralité et impartialité du service. La commission de déontologie se limitait en effet à considérer qu’une telle atteinte résultait des futurs contacts que pouvait avoir l’ancien fonctionnaire avec son administration, considérant notamment qu’il risquait d’user de son ancien statut pour obtenir un traitement de faveur. Désormais, il s’agira également de déterminer si le simple fait, pour l’agent, de rejoindre une entreprise, n’est pas de nature à jeter le discrédit sur l’impartialité avec laquelle il aurait exercé ses fonctions.

En résumé, l’arrêt du Conseil d’Etat valide le choix de la HATVP de retenir une interprétation particulièrement ferme de la mission qui lui incombe qu’il conviendra de prendre en considération, à la fois par les agents amenés à saisir directement la HATVP, mais également les administrations chargées de procéder au contrôle déontologique lorsque la HATVP n’est pas directement compétente.

Une nuance doit être toutefois apportée : en l’espèce, l’agent intéressé était le secrétaire général du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et s’apprêtait à rejoindre un organisme particulièrement important dans le secteur de l’industrie nucléaire française. On peut donc imaginer que le contrôle s’est voulu à la hauteur de l’enjeu de cette mobilité, et la gravité que pourrait avoir les conflits d’intérêts rencontrés par l’intéressé. Il est donc permis de penser que ce contrôle pourrait être moins sévère, dans des cas d’une moindre envergure.

Ordonnance du 25 novembre 2020 : quelques nouveautés s’agissant des droits des fonctionnaires en matière de santé

Cette ordonnance intervenue en application de l’article 40 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique emporte plusieurs nouveautés et modifications. En voici quelques unes parmi les plus significatives.

D’abord, l’ordonnance remplace la condition générale d’aptitude physique par des conditions particulières exigées pour certaines fonctions au vu de leurs spécificités.

Ensuite, et cela pourra on l’espère être source de simplification, elle crée une instance médicale unique, le conseil médical, qui remplacera comités médicaux et commissions de réforme à compter du 1er février 2022.

Les « congés pour raison de santé » remplacent par ailleurs les « congés de maladie » et plusieurs modifications afférentes au congé de longue maladie et de congé de longue durée interviendront également à l’horizon 2022. Avant cela, au plus tard le 1er juin 2021, le temps partiel thérapeutique pourra intervenir en l’absence d’arrêt maladie préalable

Surtout, dans le cas de la reconnaissance d’une infection à la Covid 19 comme imputable au service l’ordonnance instaure une possibilité de versement des prestations  pour des périodes antérieures à l’inscription de la maladie au tableau des maladies professionnelles.

Différence de traitement : pas de présomption de justification en présence d’une discrimination interdite

Le 27 janvier 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation avait admis dans une série arrêts de principe que, dans certains cas, les différences de traitement opérées par voie conventionnelle bénéficient d’une présomption de justification au regard du principe de l’égalité de traitement, exonérant l’employeur de son obligation de justifier ces inégalités par des éléments objectifs et pertinents (Cass. soc. 27 janvier 2015 n° 13-22.179 ; n° 13-25.437 ; n° 13-14.773 ; n° 13-17.622).

Le 9 octobre 2019, la Cour de cassation avait néanmoins circonscrit cette position et exclu les inégalités de traitement conventionnelles reposant sur un motif discriminatoire. Cette décision concernait une différence de traitement fondée sur l’âge à propos de la gratification de la médaille du travail (Cass. soc. 9-10-2019 n° 17-16.642).

A travers ce dernier arrêt du 9 décembre 2020, la Cour de cassation confirme cette jurisprudence et l’étend aux autres discriminations interdites par l’article L.1132-1 du Code du travail.

En l’espèce, était en cause une disposition d’une convention collective excluant les salariés licenciés pour inaptitude médicale de l’indemnité de licenciement qu’elle institue. Pour la plus Haute juridiction, en l’absence d’élément objectif et pertinent la justifiant, cette disposition a été déclaré nulle en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l’état de santé. 

La jurisprudence de la Cour de cassation est donc claire : la présomption de justification ne s’applique pas en présence d’une discrimination interdite par l’article L 1132-1 du Code du travail.

Des précisions sur l’appréciation de l’acte anormal de gestion en matière d’achat pour revente d’immeubles

Par Laëtitia Pignier, Avocate associée, Arbord, Tournoud & Associés

Un arrêt récent de la Cour Administrative d’Appel de Paris du 24 novembre 2020, (n°19PA00948) relatif à la cession par un marchand de biens d’un lot immobilier à un prix inférieur au prix de cession d’autres lots est venu confirmer que les juges du fonds ne transposent pas à la cession d’éléments de l’actif circulant l’analyse retenue pour les cessions d’éléments de l’actif immobilisé selon laquelle un écart de prix significatif entre le prix de vente et la valeur vénale de l’élément de l’actif immobilisé cédé suffit à l’administration, à qui incombe la charge de la preuve, pour établir l’existence d’un acte anormal de gestion (CE, 21 décembre 2018 n° 402006).

Il est en effet fréquent que les SEM d’aménagement et les établissements publics fonciers acquièrent des terrains ou des ensembles immobiliers en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement ou d’opérations de réserves foncières et pour les revendre à leur prix de revient ou à un prix inférieur à leur vénale compte tenu des circonstances entourant les opérations.

Fiscalement, une cession consentie dans ces conditions est susceptible de constituer une difficulté sur le terrain de l’acte anormal de gestion.

Rappelons en effet que si les entreprises disposent de la liberté de prendre toute décision qu’elles estiment opportune dans le cadre de l’exercice de leur activité, sans que l’administration puisse s’immiscer dans leur gestion, la jurisprudence reconnaît toutefois à l’administration la possibilité d’apprécier le caractère normal ou anormal des actes de gestion.

L’acte anormal de gestion se définit comme « celui qui est accompli dans l’intérêt d’un tiers par rapport à l’entreprise ou qui n’apporte à cette entreprise qu’un intérêt minime hors de proportion avec l’avantage que le tiers peut en retirer » (Conclusions du commissaire du gouvernement M. FOUQUET sous l’arrêt Conseil d’Etat du 10 juillet 1992, n°110214)

Le contrôle de l’administration fiscale sous l’angle de l’acte anormal de gestion s’exerce tout particulièrement dans les situations où l’entreprise accorde des avantages à des dirigeants, des associés, ou à d’autres entreprises auxquelles elle est liée.

Il appartient à l’administration d’établir les faits démontrant l’acte anormal de gestion sur lequel elle fonde le rehaussement si l’acte ne s’est pas traduit par une écriture comptable portant sur des créances de tiers, des amortissements, des provisions ou des charges.

Le Conseil d’Etat estime s’agissant des actifs immobilisés qu’un écart de prix significatif entre le prix de vente et la valeur vénale de l’élément de l’actif immobilisé cédé suffit à l’administration pour établir l’existence d’un acte anormal de gestion et qu’il appartient dans cette hypothèse au contribuable de justifier que l’appauvrissement correspondant a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise (CE 21 décembre 2018 n° 402006).

Dans l’affaire examinée par la Cour d’administrative d’appel de Paris, un marchand de bien avait vendu différents lots d’un ensemble immobilier.

Lors d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a estimé que la SCI avait vendu le lot n° 5 à un prix anormalement bas en comparaison des prix auxquels elle avait cédé les autres lots et qu’elle avait, ce faisant, commis un acte anormal de gestion.

Le contribuable faisait valoir que compte tenu, d’une part de difficultés financières dans le cadre de l’opération globale d’aménagement et d’autre part du fait que l’état du lot n°5 n’était pas similaire à celui des autres lots l’administration fiscale ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de l’existence d’un acte anormal de gestion.

En accueillant ces argument la Cour administrative d’appel de Paris confirme que les juges du fond maintiennent la jurisprudence actuelle (CE 4 juin 2019, n°418357) et que, s’agissant de la cession d’un actif circulant, l’administration doit démontrer, pour pouvoir procéder à des rappels au titre de l’existence d’un acte anormal de gestion, outre l’écart significatif entre la valeur vénale du bien cédé et son prix de vente, compte tenu de ses caractéristique,  l’intention du cédant de consentir une libéralité au cessionnaire, à la différence des cessions d’éléments de l’actif immobilisé pour lesquelles l’administration a été expressément déchargée de cette preuve par le Conseil d’Etat (CE 6-2-2019 no 410248 : BF 5/19 inf. 393).

Rappelons que pour l’appréciation du caractère normal ou anormal du prix pratiqué au titre d’une vente considérée, doivent être retenus comme termes de comparaison, les prix pratiqués par les entreprises concurrentes dans la même zone géographique pour des biens de même nature et de qualité comparable au cours de la période concernée et compte tenu des caractéristiques techniques de l’immeuble  et de son occupation au moment de la vente (CE 21-2-1990 n° 84483, CE 20 juin 1984 n° 35963, 7e et 9e s.-s).

Lorsqu’il est établi, le caractère anormal d’un avantage se traduit par la réintégration aux résultats imposables des charges exposées à cette occasion, ou des recettes auxquelles l’entreprise a indûment renoncé.

Lorsque l’entité relève de l’impôt sur les sociétés, cette libéralité est assimilable à une distribution de fonds sociaux. A ce titre, elle est soumise à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun (CE 9 juillet 1980 n° 12050, 7e et 8e s.-s. : RJF 10/80 n° 762 ; CE 21 novembre 1980 n° 17055 ; BOI-BIC-PVMV-10-20-10 n° 100 et 110. CAA Paris 23 janvier 1990 n° 342, 3e ch., Solabail : RJF 5/90 n° 543).

En outre, l’avantage ainsi accordé serait taxable en qualité de revenu distribué entre les mains de l’associé si la vente a été réalisé au profit de l’un des associés de la société.

Dès lors si l’on veut sécuriser au plan fiscal une cession à un prix inférieur à celui du marché, il convient de se ménager la preuve de l’existence d’une contrepartie suffisante pour le cédant (qui peut exister en dehors de la cession proprement dite). afin d’interdire à l’administration fiscale d’établir que le cédant aurait intentionnellement agi contre son intérêt.

Illégalité d’une méthode de notation du critère prix

Par un arrêt en date du 21 septembre 2020, le Conseil d’Etat a censuré une méthode de notation des offres, appliquée à un marché public de services juridiques, ayant consisté, d’une part, à additionner les prix unitaires des prestations de l’accord-cadre (réalisation de consultations juridiques, représentation en justice, assistance dans le cadre de modes alternatifs de règlement des différends…), sans leur appliquer aucune pondération ni tenir compte des quantités prévisionnelles de chacune des prestations demandées et, d’autre part, à attribuer la meilleure note à l’offre proposant la somme des prix unitaires la plus basse et à calculer la note des autres offres une note calculée en fonction de leur écart avec l’offre la mieux disante.

S’agissant du contexte, rappelons qu’un groupement de commandes composé de la commune de Perpignan et de la communauté urbaine Perpignan Métropole Méditerranée a lancé une consultation pour un accord-cadre à bons de commande portant sur des prestations de services juridiques réparties en six lots. Les lots n° 1 et n° 5 qui portaient sur du conseil juridique, de la représentation en justice et les modes alternatifs de règlement des conflits en droit public général et droit de la commande publique (lot 1) et en droit de la fonction publique et droit du travail  (lot 5), ont été attribués à la société Sanguinède di Frenna.

Toutefois, informée du rejet de son offre, la société Charrel et associés a saisi le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Montpellier afin de contester la légalité de la méthode de notation précédemment détaillée et donc la validité de la procédure de passation des lots n° 1 et n° 5.

La procédure de ces lots ayant été annulée par le juge des référés, le groupement de commandes, par l’intermédiaire de la commune de Perpignan, s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat afin de défendre la validité de cette méthode de notation, en vain.

En effet, le Conseil d’Etat a jugé cette méthode illégale.

A cet effet, il a tout d’abord rappelé la solution qu’il avait dégagé dans sa décision commune de Belleville-sur-Loire (CE, 3 novembre 2014, req. n° 373362) selon laquelle « le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics. Toutefois, une méthode de notation est entachée d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elle est par elle-même de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et est, de ce fait, susceptible de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ».

Surtout, le Conseil d’Etat a considéré, dans cette affaire, que la méthode de notation était illégale et constituait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence car « eu égard à la diversité des prestations faisant l’objet de l’accord-cadre et à l’écart très important des prix unitaires proposés par les candidats, cette méthode de notation, qui renforçait l’importance relative des prix unitaires les plus élevés dans la notation du critère du prix alors même que le nombre prévisible de prestations correspondantes était faible, était par elle-même de nature à priver de sa portée ce critère, et, de ce fait, susceptible de conduire à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre sur ce critère ».

Et, le Conseil d’Etat a relevé que : « il résulte de l’instruction que la société Charrel et associés proposait des prix unitaires plus faibles que l’attributaire pour les consultations juridiques simples et pour les consultations juridiques complexes. Une pondération supérieure des prix de ces dernières prestations par le pouvoir adjudicateur, par rapport aux prestations de représentation en justice et d’assistance aux modes de règlement alternatif des litiges, aurait pu permettre à la société requérante d’obtenir la meilleure note sur le critère du prix. Eu égard à l’écart de 0,1 point seulement entre cette société et la société attributaire sur les autres critères, obtenir la meilleure note sur ce critère aurait pu lui permettre de remporter le marché. Il s’ensuit que ce manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence est susceptible d’avoir lésé la société Charrel et associés. Par suite, celle-ci est fondée à demander l’annulation de la procédure de passation des lots n°s 1 et 5 du marché en litige, au stade de l’examen des offres ».

Suite… mais pas fin de la « saga » relative aux redevances d’infrastructures ferroviaires perçues par SNCF Réseau pour le service annuel 2020

Voir également : CE, 27 novembre 2020, Ile-de-France Mobilités, n° 434544

 

Par une décision en date du 27 novembre 2020, le Conseil d’Etat a annulé l’avis conforme rendu par l’Autorité de régulation des transports (ART) sur la fixation des redevances d’infrastructure liées à l’utilisation du réseau ferré national, en tant qu’il porte sur la redevance marché des services conventionnés TER et les redevances de marché et d’accès pour les services conventionnés en Ile-de-France.

Il ne fixe pas lui-même le niveau « soutenable » d’évolution de ces redevances, mais renvoie à l’ART le soin de réexaminer le projet de tarification de l’infrastructure, dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision, en tenant compte de l’erreur de droit relevée au point 11 de celle-ci.

Le Conseil d’Etat juge en effet que l’Autorité a exigé à tort que SNCF Réseau démontre la capacité financière des autorités organisatrices à faire face aux majorations projetées, en considérant, d’une part, comme déterminant le plafond d’augmentation des dépenses de fonctionnement des régions aux termes du dispositif de « contractualisation financière » et, d’autre part, que toute augmentation des majorations supérieure à l’évolution de l’indice des prix à la consommation ne pouvait être regardée comme soutenable.

Selon lui, il appartenait à l’ART d’examiner la soutenabilité des niveaux de redevances fixés (c’est-à-dire la capacité du marché à les supporter) par SNCF Réseau uniquement au regard de la circonstance que les tarifs projetés « ne remettent pas en cause l’équilibre économique des contrats de service public du segment de marché considéré » soit parce qu’elles font  sur les entreprises ferroviaires des majorations qu’elles ne peuvent pas supporter soit, lorsque ces redevances sont compensées par les autorités organisatrices – ce qui est le cas en pratique aux termes des conventions TER conclues entre les AO et SNCF Voyageurs –, parce qu’elles sont fixées à un niveau de nature à conduire celles-ci à prendre des mesures susceptibles d’affecter sensiblement l’utilisation de l’infrastructure sur ce segment (c’est-à-dire, concrètement, à revoir l’offre de transport qu’elles souhaitaient voir mettre en œuvre).

Dans l’avis critiqué par SNCF Réseau devant la Haute juridiction, l’ART avait considéré que l’augmentation de 2,4% des redevances « marché » et « d’accès » n’était pas soutenable en ce qu’elle excédait tant le plafond d’évolution des dépenses de fonctionnement des régions fixé dans le cadre de la « contractualisation financière » (1,2 %) que l’indices des prix à la consommation harmonisé (IPCH) (1,8 %). Elle en avait conclu que le niveau de soutenabilité devait se trouver à un niveau inférieur ou égal à + 1,8 %.

Le Conseil d’Etat ne critique pas l’ART d’avoir pris en compte l’IPCH dans son analyse, mais d’avoir considéré par principe comme non soutenable toute augmentation des majorations des redevances d’infrastructure au-delà de ce niveau.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’ART faisait référence à un « principe d’un plafonnement des augmentations au niveau de l’évolution des prix à la consommation » (Avis n° 2017-036 du 29 mars 2017).

Au total, le Conseil d’Etat se garde de juger du caractère soutenable ou non, en l’espèce, de l’augmentation des majorations des redevances d’infrastructure fixé à 2,4 % par SNCF Réseau dans son projet de Document de référence du réseau (DRR) pour 2020, et laisse le soin à l’ART de motiver autrement son avis quant au caractère soutenable de cette évolution, voire de changer d’avis.

Le niveau définitif des redevances « marché » » et « d’accès » pour 2020 sera donc visiblement après l’échéance du service annuel 2020, puisque le service annuel 2021 débute le 13 décembre à minuit !

***

Par ailleurs, dans une décision rendue le même jour, le Conseil d’Etat a rejeté le recours formé par Ile-de-France Mobilités à l’encontre d’une ordonnance venant compléter l’article L. 2111-25 du Code des transports portant sur le calcul et le niveau des redevances d’infrastructure du réseau ferré national et modifier l’article L. 2133-5 dudit Code relative à l’avis rendu par l’ART à ce propos (précisément le cas où l’ART n’a pas émis d’avis favorable dans un délai permettant que trois mois au moins avant l’entrée en vigueur du service annuel en cause la tarification de l’infrastructure ferroviaire soit publiée par SNCF Réseau).

Sur le premier point, le Conseil d’Etat a notamment considéré que les compléments de l’article L. 2111-25 n’avaient « ni pour objet ni pour effet de méconnaître la règle selon laquelle la soutenabilité des redevances est appréciée à l’échelle du segment de marché pertinent ».

Sur le second point, les dispositions en cause ont pour objet de prévoir que, lorsque l’ART n’a pas rendu d’avis favorable sur la tarification de l’infrastructure trois mois avant l’entrée en vigueur de l’horaire de service en cause, le gestionnaire détermine une tarification sur la base de la dernière tarification approuvée par l’ART, une évolution étant possible dans la limite de l’évolution de l’indice des prix à la consommation l’année suivant cette tarification favorable.

Le Conseil d’Etat a considéré que ces dispositions ne méconnaissaient pas l’autonomie de gestion de SNCF Réseau, cette autonomie devant être « conciliée avec l’existence d’un cadre de tarification » et, par ailleurs, qu’elles ne méconnaissaient pas l’indépendance de l’organisme de contrôle – l’ART – par rapport rapports aux autres autorité étatiques, celles-ci ne s’y substituant pas.

Promulgation de la loi ASAP : impacts sur la commande publique

Le 7 décembre dernier est entrée en vigueur la loi n° 2020-1525 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP », à la suite d’une procédure législative accélérée et d’une décision de conformité partielle à la Constitution rendue par le Conseil constitutionnel le 5 décembre 2020.

Cette loi comprend des dispositions relatives à la suppression de commissions administratives (titre Ier), à la déconcentration de décisions administratives individuelles (titre II), à la simplification des procédures applicables aux entreprises (titre III), diverses dispositions de simplification (titre IV) et des dispositions portant surtransposition de directives européennes en droit français et diverses autres dispositions (titre V).

Au sein des titres IV et V figurent plusieurs mesures qui concernent directement la commande publique.

 

1 – Un nouveau livre relatif aux règles applicables en cas de « circonstances exceptionnelles »

En conséquence de la crise sanitaire, la loi ASAP insère dans le Code de la commande publique (CCP) un nouveau livre relatif aux « règles applicables en cas de circonstances exceptionnelles » précisant les mesures que les acheteurs pourront ou devront mettre en œuvre, en phase de passation et en phase d’exécution de marchés publics ou de contrats de concession, pour faire face aux difficultés liées à la survenance de circonstances exceptionnelles :

  • la possibilité d’apporter aux documents de la consultation les adaptations nécessaires à la poursuite de la procédure, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats (article L. 2711-2 pour les marchés, L. 3411-3 pour les concessions)  ;

  • la possibilité de prolonger les délais de réception des candidatures et des offres pour les procédures en cours d’une durée suffisante pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner, sauf lorsque les prestations ne peuvent souffrir aucun retard (article L. 2711-3 pour les marchés, L. 3411-4 pour les concessions) ;

  • la possibilité de prolonger des contrats en cours lorsque l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre pour une durée ne pouvant excéder la période de circonstances exceptionnelles, augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de l’expiration de cette période (article L. 2711-4 pour les marchés, L. 3411-5 pour les concessions) ;

  • lorsque le titulaire ne peut pas respecter un délai d’exécution ou que son respect nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive, ce délai doit être prolongé d’une durée équivalente à la période de non-respect du délai d’exécution résultant directement des circonstances exceptionnelles, à la demande du titulaire présentée avant l’expiration du délai contractuel et avant l’expiration de la période de circonstances exceptionnelles (article L. 2711-7 pour les marchés, L. 3411-7 pour les concessions) ;

  • s’agissant des marchés publics, lorsque le titulaire est dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie d’un bon de commande ou d’un contrat, notamment lorsqu’il démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive, le titulaire ne peut pas être sanctionné, ni se voir appliquer les pénalités contractuelles, ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif ; en parallèle, l’acheteur peut conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard, nonobstant toute clause d’exclusivité et sans que le titulaire du marché initial puisse engager, pour ce motif, la responsabilité contractuelle de l’acheteur, l’exécution du marché de substitution ne pouvant alors être effectuée aux frais et risques du titulaire initial (article L. 2711-8).

 

Il s’agit donc, pour l’essentiel, d’une codification des dispositifs qui avaient déjà été institués lors du premier état d’urgence sanitaire (12 mars 2020 – 10 juillet 2020).

La constitutionnalité de ces dispositions a été critiquée par les députés de l’opposition ayant saisi les Sages, aux motifs, d’une part, qu’elles n’auraient pas leur place dans cette loi et auraient été introduites en première lecture selon une procédure de « cavalier législatif » contraire à l’article 45 de la Constitution, d’autre part, que le législateur aurait méconnu le principe de clarté de la loi ainsi que l’étendue de sa compétence compte tenu du caractère indéfini de l’expression « circonstances exceptionnelles ».

Toutefois, le Conseil constitutionnel a écarté ces critiques en considérant, premièrement, que ces dispositions n’étaient pas dépourvues de lien avec le projet de loi initial et, secondement, que les mots « circonstances exceptionnelles » n’étaient ni inintelligibles ni entachés d’incompétence négative.

 

2 – La possibilité de justifier le recours à une procédure de passation sans publicité ni mise en concurrence pour « un motif d’intérêt général »

L’article 131 de la loi ASAP insère dans le CCP la possibilité pour les acheteurs de conclure des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence « pour un motif d’intérêt général », selon des modalités devant être définies par décret.

Sur ce point particulièrement emblématique, les députés ayant saisi le Conseil constitutionnel soutenaient que, faute de déterminer les motifs d’intérêt général permettant une telle dérogation aux règles de la commande publique, cette disposition était entachée d’incompétence négative.

Cependant, le Conseil constitutionnel a, là encore, écarté ce moyen, considérant que le législateur n’avait pas méconnu l’étendue de sa compétence. Par ailleurs, le Conseil a rappelé que ces dispositions n’exonéraient pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics.

Pour autant, une incertitude demeure sur la conformité de cette nouvelle disposition avec la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 relative aux marchés publics, dans la mesure où son article 26 interdit aux Etats membres d’autoriser le recours à des procédures sans publicité ni mise en concurrence hors des cas limitativement prévus en son article 32 et au sein duquel le « motif d’intérêt général » ne figure pas.

 

3 – Un seuil de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux fixé à 100.000 € HT jusqu’au 31 décembre 2022

Troisièmement, l’article 142 de la loi ASAP relève le seuil de publicité et de mise en concurrence, actuellement fixé à 40.000 € HT, à 100.000 € HT jusqu’au 31 décembre 2022, pour les seuls marchés de travaux. Ces dispositions sont applicables aux lots qui portent sur des travaux et dont le montant est inférieur à 100 000 € HT, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Il est néanmoins expressément rappelé que les acheteurs doivent veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.

Ce relèvement des seuils s’applique aux marchés publics de travaux pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de la publication de la loi.

Là encore, les députés ayant saisi les Sages demandaient la censure de cette disposition, aux motifs, d’une part, qu’elle favoriserait excessivement les grandes entreprises au détriment des PME, d’autre part, qu’elle ne serait pas justifiée par l’existence de difficultés d’accès à la commande publique résultant des procédures de publicité et de mise en concurrence et, enfin, qu’elle renforcerait le risque de corruption.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs, relevant que, par cette mesure, le législateur a entendu alléger le formalisme des procédures applicables afin de contribuer à la reprise de l’activité dans le secteur des chantiers publics, touché par la crise économique consécutive à la crise sanitaire causée par l’épidémie de covid-19, qu’il a limité la durée de cette dispense à la période estimée nécessaire à cette reprise d’activité et qu’il a rappelé que cette dispense n’exonérait pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics.

 

4 – Possibilité de passer des marchés de services juridiques sans publicité ni mise en concurrence

 L’article 140 de la loi ASAP extrait du droit commun les services juridiques d’avocat en lien avec des procédures juridictionnelles (représentation juridique dans le cadre d’une procédure juridictionnelle et services de consultation juridique en vue de la préparation d’une telle procédure) et les intègre au sein des « autres marchés » listés à l’article L. 2512-5 du CCP.

Ainsi, les acheteurs soumis au CCP pourront désormais conclure de tels marchés sans publicité ni mise en concurrence préalable, et ce quel qu’en soit leur montant.

 

5 – La fin de l’exclusion de plein droit des procédures de passation des sociétés en redressement judiciaire bénéficiant d’un plan de redressement

L’article 131 de la loi ASAP clarifie la rédaction des dispositions du CCP instituant une exclusion de plein droit des procédures de passation de contrats de la commande publique applicable aux sociétés admises à la procédure de redressement judiciaire et ne justifiant pas avoir été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché, afin qu’il en ressorte plus clairement que cette exclusion ne s’applique pas aux entreprises bénéficiant d’un plan de redressement.

 

6 – La fin du pouvoir de résiliation d’un contrat au seul motif que le titulaire fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire

Par l’effet de l’article 131 de la loi ASAP, qui a modifié les articles L. 2195-4 (marchés) et L. 3136-4 (concessions) du CCP, les acheteurs ne pourront plus prononcer la résiliation d’un contrat au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire en application de l’article L. 631-1 du Code de commerce, sous réserve des hypothèses de résiliation de plein droit prévues au III de l’article L. 622-13 du même code (mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l’administrateur et restée plus d’un mois sans réponse, défaut de paiement et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles).

Cette disposition ne sera toutefois applicable qu’aux marchés et aux concessions pour lesquels une consultation aura été engagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication à compter de la publication de la loi.

 

7 – Marchés globaux : renforcement de l’accès des PME et élargissement des possibilités de recours pour l’Etat et la Société du Grand Paris

Les acheteurs devront obliger les titulaires de marchés globaux à réserver une part de leur exécution à des PME (article L. 2171-8 du CCP) et, dans cette logique, prévoir au stade de la procédure de passation un critère tenant compte des engagements des candidats sur cette réservation (article L. 2152-9 du CCP).

Par ailleurs, l’article 143 de la loi ASAP modifie l’article L. 2171-4 du CCP afin d’y introduire la possibilité pour l’Etat de recourir à ce type de marché pour la conception, la construction, l’aménagement, l’exploitation, la maintenance ou l’entretien de ses infrastructures linéaires de transport.

Dans une logique analogue, l’article 144 de la loi ASAP modifie l’article L. 2171-6 du CCP afin d’autoriser la Société du Grand Paris, dans le cadre de la construction du Grand Paris Express, à passer des marchés globaux portant sur la construction et à la valorisation des immeubles connexes aux gares.

 

8 – Possibilité de réserver un même marché aux opérateurs employant des travailleurs handicapés et à ceux employant des travailleurs défavorisés

Auparavant, un acheteur ne pouvait réserver un marché ou un lot d’un marché aux opérateurs économiques répondant à la fois aux conditions de l’article L. 2113-12 (entreprises adaptées et services d’aide par le travail employant des travailleurs handicapés) et à ceux répondant aux conditions de l’article L. 2113-13 (structures d’insertion par l’activité économique employant des travailleurs défavorisés).

L’article 141 de la loi ASAP met fin à cette interdiction, autorisant ainsi les acheteurs à réserver un même marché ou un même lot à ces deux catégories d’opérateurs.

 

9 – Soumission des modifications de tous les marchés publics au CCP, quelle que soit la date de leur conclusion

Jusqu’à présent, la détermination du droit applicable aux avenants différait selon le type de contrat. En effet, si tous les avenants à des contrats de concession entraient dans le champ d’application du CCP, quelle que soit la date du conclusion du contrat, les avenants portant sur des marchés publics n’entraient en revanche dans le champ d’application du CCP que si le contrat lui-même avait été conclu postérieurement au 1er avril 2016.

Désormais, les modifications des marchés publics conclus avant le 1er avril 2016 seront également régies par les dispositions du CCP et non plus par les textes antérieurs, ce qui écartera ainsi toute difficulté sur l’identification du droit applicable.

 

Par Guillaume Gauch et Romain Millard

Prolongation des mesures relatives à la tenue des assemblées générales et à l’activité des syndics

Principe :

La loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire a autorisé le gouvernement à légiférer par ordonnance, notamment dans le domaine de la copropriété.

Afin de faciliter la tenue des assemblées générales de copropriétés et l’activité des syndics en période de crise sanitaire, le gouvernement a décidé de prolonger les assouplissements prévus lors du premier confinement jusqu’au 1er avril 2021.

L’ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 prévoit la prolongation jusqu’au 1er avril 2021 des assouplissements destinés à faciliter la tenue dématérialisée des assemblées générales de copropriétaires, à savoir la visioconférence et le vote par correspondance mais aussi assouplissement du plafond des délégations de vote que peut recevoir un copropriétaire en assemblée générale.

L’ordonnance permet également la prolongation automatique des contrats de syndic et des mandats des membres des conseils syndicaux qui expirent entre le 29 octobre 2020 et le 31 décembre 2020, jusqu’à la prise d’effet des contrats des syndics et des mandats des membres des conseils syndicaux désignés par la prochaine assemblée générale des copropriétaires qui devra intervenir au plus tard le 31 janvier 2021.

Enfin, elles ouvrent la possibilité pour les syndics de convertir les assemblées générales de copropriétaires qui devaient se tenir physiquement pendant la période de confinement, en une prise de décision par le moyen exclusif du vote par correspondance, tout en assurant un délai suffisant pour l’exercice effectif de leurs droits par les copropriétaires, et ce jusqu’au 1er avril 2021.  

 

Apport : 

Cette mesure permet ainsi au syndic de sauver une assemblée générale qui n’aurait pu se tenir physiquement et n’ayant pas pu être transformée en assemblée électronique ou vote par correspondance en respectant le délai de prévenance de quinze jours.

 

Clarification :

Ainsi, l’assemblée non tenue, par exemple le 29 octobre 2020, pourra devenir par application de cette mesure une prise de décision par vote par correspondance intervenant avant le 31 janvier 2021. Quant à l’assemblée générale prévue dans les jours à venir, le syndic pourra reporter sa date sans respecter le délai de prévenance de quinze jours, dès lors que le délai de réception des votes est fixé 15 jours plus tard (soit après la date de l’assemblée générale).

Reste à savoir si cette innovation permettant de sauver les assemblées générales qui n’ont pas pu avoir lieu perdurera après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Par Elie Lellouche

Instauration de la procuration notariée à distance

Principe :

Le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020 modifie le chapitre III du titre III du décret du 26 novembre 1971 en insérant un nouvel article 20-1 instaurant la procuration notariée à distance.

 

Clarification :

Le notaire instrumentaire peut établir une procuration sur support électronique, lorsqu’une ou les parties à cet acte ne sont pas présentes devant lui.
L’échange des informations nécessaires à l’établissement de l’acte et le recueil, par le notaire instrumentaire, du consentement de la ou des parties à l’acte qui ne sont pas présentes s’effectuent au moyen d’un système de traitement, de communication et de transmission de l’information garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat.
Le notaire instrumentaire recueille, simultanément avec leur consentement, la signature électronique de cette ou ces parties au moyen d’un procédé de signature électronique qualifiée répondant aux exigences du décret du 28 septembre 2017.
L’acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique qualifiée. 

 

Apport :

Le décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 avait autorisé l’acte notarié à distance pendant la période printanière d’urgence sanitaire. Ce texte a donc cessé de s’appliquer le 10 août 2020.

Le décret n° 2020-1422 reprend cette autorisation, cette fois sans limitation de durée ; sa portée est toutefois limitée aux procurations authentiques à l’exclusion de tout autre type d’acte notarié.

Par Aliénor De Roux

Présidence du CSE : elle peut être déléguée à des salariés mis à disposition

Les faits :

Dans cette affaire, le comité d’entreprise d’une association d’accompagnement de personnes âgées avait saisi en référé le président du Tribunal de grande instance, devenu aujourd’hui le Tribunal Judiciaire, afin  de voir constater le trouble manifestement illicite, résultant de délégations de la présidence de ce comité consenties à des salariés mis à disposition de l’association.

Débouté de sa demande par les juges du fond, le comité d’entreprise forme un pourvoi devant la Cour de cassation et soutien que les dispositions due l’article L. 2325-1 du Code du travail Code du travail, dans sa version applicable prévoyait que « le comité d’entreprise est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine. Il est présidé par l’employeur, assisté éventuellement de deux collaborateurs qui ont voix consultative ».

 

L’arrêt :

Si le comité d’entreprise en déduisait que son président ne pouvait pas valablement consentir une délégation de pouvoir pour présider le comité d’entreprise à des salariés mis à disposition de l’association, cette interprétation stricte de l’article L. 2325-1 du Code du travail n’est pas retenue par la Cour de cassation qui dans un arrêt du 25 novembre 2020 décide que  « l’employeur peut déléguer cette attribution qui lui incombe légalement, à la condition que la personne assurant la présidence par délégation de l’employeur ait la qualité et le pouvoir nécessaires à l’information et à la consultation de l’institution représentative du personnel, de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de celle-ci, peu important que le délégataire soit mis à disposition de l’employeur par une autre entreprise ».

En l’espèce, la Cour de cassation relève que :

  • le président de l’association avait expressément délégué successivement pour le représenter à la présidence du comité d’entreprise des salariés mis à disposition de l’association par des entreprises extérieures pour exercer respectivement les fonctions de chargé de mission du président pour la direction opérationnelle et stratégique et chargé de la gestion des ressources humaines
  • ces deux salariés mis à disposition étaient investis au sein de l’association de toute l’autorité nécessaire pour l’exercice de leur mission et qu’ils disposaient de la compétence et des moyens pour leur permettre d’apporter des réponses utiles et nécessaires à l’instance et d’engager l’association dans ses déclarations ou ses engagements.

 

Apport :

Pour la première fois, la Cour de cassation juge donc pour que l’employeur peut  désigner un représentant chargé de présider le comité d’entreprise en déléguant ses pouvoirs pour la présidence du Comité d’entreprise à une personne qui n’est pas directement salarié de l’entreprise mais mis à sa disposition dans le cadre d’une opération de prêt de main d’œuvre.

Cette solution rendue à l’égard du comité d’entreprise devrait être applicable au comité social et économique dans la mesure où les dispositions de l’article L. 2315-23 Code du travail sont similaires aux dispositions applicables au comité d’entreprise : « le comité social et économique est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine. Il est présidé par l’employeur ou son représentant, assisté éventuellement de trois collaborateurs qui ont voix consultative […] ». 

Par Clara Bellest

Entretiens professionnels : le report au 30 juin 2021 est autorisé

Le contexte juridique :

Compte tenu de la difficulté pendant le confinement pour l’employeur d’organiser l’entretien professionnel bisannuel et de l’entretien professionnel devant se tenir tous les 6 ans, il avait été décidé par ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle de reporter la date limite à laquelle devait avoir lieu ces entretiens au 31 décembre 2020.

Pour rappel :

  • Tous les 2 ans : l’entretien professionnel est un rendez-vous obligatoire entre le salarié et l’employeur destiné à envisager les perspectives d’évolution professionnelle du salarié et les formations qui peuvent y contribuer.
  • Tous les six ans : l’entretien professionnel permet de faire un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié et permet de vérifier que le salarié a bénéficié au cours des 6 dernières années entretiens professionnels et d’au moins une formation non obligatoire.

 

Nouveau report :  

Par ordonnance en date du 2 décembre 2020, le délai accordé a été reportée une nouvelle fois  (Ordonnance n° 2020-1501 du 2 décembre 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle et la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel).

L’employeur a jusqu’au 30 juin 2021 pour formaliser la tenue des entretiens professionnels intervenant entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021.

Cette mesure concerne tant les entretiens professionnels biennaux que les entretiens professionnels procédant à l’état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié devant se tenir tous les 6 ans.

Jusqu’au 30 juin 2021, la sanction du non-respect des règles par les entreprises d’au moins 50 salariés en matière d’entretien professionnel (abondement sanction sur le compte personnel de formation de 3 000€) est donc suspendue.

Il semblerait également, sous réserve de l’appréciation des juges du fond que l’absence d’entretien professionnel ne puisse être constitutive d’une faute pour l’employeur dans le cadre de l’exécution d’un contrat de travail.

Par Clara Bellest

Le secret des affaires combattu par les associations prônant le droit à l’information

Dans un jugement rendu le 15 octobre 2020, n° 1822236/5-2, le Tribunal administratif de Paris a tenté de faire une subtile distinction entre les documents administratifs pouvant être valablement divulgués au nom de la liberté d’expression et d’information des journalistes et ceux qui ne peuvent pas l’être au nom de secret des affaires consacré par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018.

En l’espèce, un journaliste du quotidien « Le Monde » et sa société éditrice ont sollicité devant le Tribunal administratif de Paris l’annulation des décisions prises par le Directeur du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) et de sa filiale chargée de l’évaluation des dispositifs médicaux en France, la société G-Med refusant de leur communiquer dans le cadre de l’enquête du consortium international des journalistes d’investigation sur les dispositifs médicaux implantables (dite « implant files »), la liste des dispositifs médicaux ayant ou n’ayant pas obtenu un certificat de conformité CE.

A noter que deux syndicats de journalistes, un syndicat d’avocats et pas moins de  44 associations pour la plupart des sociétés de journalistes sont  valablement intervenues volontairement à cette instance.

Le Tribunal administratif de Paris, rappelle dans un premier temps les textes et principes en balance dans le présent litige à savoir :

L’article L. 311-1 du Code des relations entre le public et l’administration posant pour principe que les administrations sont tenues « de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande ».

L’article L. 311-6 dudit Code précise cependant que « ne sont communicables qu’à l’intéressé », et non pas à toute personne, qu’elle soit journaliste ou autre, qui en ferait la demande, « les documents administratifs : 1° dont la communication porterait atteinte […] au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles ».

Le Tribunal rappelle ensuite les dispositions de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme posant le principe de la liberté d’expression et d’information.

Au regard de ces textes, le Tribunal se livre à une appréciation du champ d’application du secret et il a estimé que la protection du secret des affaires, visée par le deuxième alinéa de l’article L. 311-6 du Code des relations entre le public et l’administration, ne justifie pas d’opposer un refus dans le cas des dispositifs certifiés déjà mis sur le marché.

Ainsi, le Tribunal a partiellement réformé la position adoptée par la CADA, qui dans son avis du 25 octobre 2018 n° 20182659 s’était déclarée défavorable à la divulgation de l’ensemble de la liste des dispositifs médicaux sans distinction.

Pour autant, pour la juridiction administrative parisienne, la communication de la liste des dispositifs médicaux auxquels un marquage CE a été refusé et des dispositifs auxquels un certificat a été accordé mais qui ne sont pas encore commercialisés, doit être regardée comme la divulgation d’une information confidentielle relative à la stratégie commerciale et industrielle des fabricants concernés, relevant de la protection du secret des affaires.

Ainsi le Tribunal admet que l’ensemble des informations qu’il fait entrer dans la catégorie du secret peuvent faire l’objet d’un refus de communication. Le Tribunal a en effet estimé que ce refus constitue une « ingérence nécessaire et proportionnée à la protection des informations confidentielles en cause » et dans l’exercice du droit à la liberté d’expression.

Si une partie de la décision ne peut qu’être favorablement accueilli, il n’en reste pas moins que la non-communication de la liste des dispositifs médicaux ayant fait l’objet d’un refus de certification pose question.

En effet, un refus de certification en France n’empêche pas une certification dans un autre État membre de l’UE puisque chaque organisme national est autonome. Or une fois obtenu, ce marquage CE permet aux fabricants de commercialiser leurs dispositifs médicaux sur l’ensemble du territoire européen et donc en France.

Par Manon Boinet

Présentation de l’ordonnance du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l’épidémie de Covid-19

Face aux enjeux de la crise sanitaire, le législateur n’a pas cessé d’adapter le droit des entreprises en difficulté. L’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 d’abord, et l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 ensuite, ont aménagé les procédures amiables et judiciaires pour traiter les difficultés des entreprises.

Plusieurs dispositions de l’ordonnance étaient applicables pendant une période transitoire courant tantôt jusqu’au 23 juin 2020, tantôt jusqu’au 23 août 2020. Une deuxième ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 est venue consolider certaines dispositions de la première ordonnance, et a poursuivi l’effort d’adaptation des règles du droit des entreprises en difficulté afin de renforcer l’efficacité des procédures. Les dispositions de cette ordonnance sont applicables selon le cas, jusqu’au 31 décembre 2020 ou jusqu’au 17 juillet 2021

L’ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 vient compléter les mesures adaptant le droit des entreprises en difficulté à la situation sanitaire et économique. Elle reprend et modifie certaines mesures introduites par l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 adaptant les règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles.

Ainsi, l’ordonnance du 25 novembre 2020 est prise en application de l’article 10 de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

Elle adapte temporairement les règles relatives aux difficultés des entreprises pour prendre en compte les conséquences de l’évolution de la crise sanitaire. Elle complète l’ordonnance du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19, toujours en vigueur.

Le recours aux procédures préventives est favorisé. La durée maximale des procédures de conciliation est portée de cinq à dix mois.

Le texte permet aussi une prise en charge plus rapide des créances salariales par l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS). En outre, les modalités de communication entre les principaux acteurs des procédures préventives et collectives et le greffe du tribunal ou les organes juridictionnels de la procédure sont assouplies.

Plus précisément :

Prorogation de la durée de conciliation par décision du Tribunal (article 1)

L’ordonnance du 27 mars 2020 prévoyait une prolongation de plein droit de la durée d’une conciliation (qui en principe ne peut excéder cinq mois), et ce jusqu’au 23 août 2020 inclus.

L’ordonnance du 25 novembre prévoit qu’à la demande du conciliateur, la durée de la conciliation peut être prorogée, une ou plusieurs fois, par décision du Président du tribunal, sans que cette durée puisse excéder 10 mois. Il est à souligner que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux procédures en cours qui ont été ouvertes à compter du 24 août 2020, ainsi qu’à celles qui sont ouvertes à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 25 novembre 2020. En effet, le législateur a voulu éviter le cumul avec les prolongations résultant de l’ordonnance n° 2020-341 (qui s’appliquaient aux procédures ouvertes au plus tard le 23 août 2020).

Le rapport au Président de la République souligne que cette prorogation tend à ne pas compromettre les efforts de recherche d’une solution préventive dans un contexte de persistance de la crise sanitaire rendant difficile les prévisions.

Accélération de la prise en charge des créances salariales (article 2)

 L’ordonnance n° 2020-341 prévoyait la possibilité de déroger aux règles d’établissement des relevés des créances salariales, prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-2 du Code de commerce.

L’ordonnance du 25 novembre permet une prise en charge plus rapide par l’AGS des créances des salariés.

Ainsi, les relevés des créances salariales sont transmis sans délai par le mandataire judiciaire et, sans que les modalités n’aient besoin d’être respectées. En principe les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés, puis visés par le juge-commissaire avant d’être remis à l’AGS pour permettre le paiement avant l’expiration des délais de garantis. Or, l’article 2 de l’ordonnance prévoit que ces relevés sont transmis à l’AGS dès qu’ils sont établis, sous la seule signature du mandataire judiciaire.

Toutefois, lorsque le relevé de créances n’est pas conforme au relevé sur lequel est apposé, par la suite, le visa du juge-commissaire, le mandataire devra transmettre également sans délai ce dernier relevé à l’AGS.

Assouplissement des formalités (article 3)

L’ordonnance n° 2020-341 souhaitait faciliter les communications entre les différents intervenants d’une procédure amiable ou collective, en tenant compte des conditions qu’imposait le confinement. En effet, certains contentieux demeurent prioritaires, comme ceux touchant aux entreprises en difficulté, notamment quant à la prise en charge des salariés impayés et, la survie des entreprises.

Ainsi, certaines formalités avaient été assouplies. L’article 3 de l’ordonnance du 25 novembre réintroduit cet assouplissement procédural, en autorisant certains acteurs des procédures amiables ou collectives à communiquer par tout moyen avec le greffe du tribunal ainsi qu’avec les organes juridictionnels de celles-ci.

Le rapport au Président de la République souligne que cet article « répond à une attente des praticiens dans un contexte d’incertitude ».

Toutefois, l’article dispose que cet assouplissement ne s’applique pas « aux documents pour lesquels le livre VI du code de commerce prévoit la faculté d’en prendre connaissance au greffe du tribunal ». Tel sera le cas pour le dépôt, par l’administrateur ou le mandataire judiciaire du compte-rendu de fin de mission dont tout intéressé peut prendre connaissance.

Durée

Les dispositions des articles 1er à 3 s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2021 inclus.

Les dispositions de l’article 2 s’appliquent aux procédures en cours et les dispositions de l’article 3 s’appliquent aux communications effectuées à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

En définitive, les dispositions d’adaptation issues de cette ordonnance sont peu nombreuses et n’offrent pas de solutions nouvelles.

Les derniers chiffres sur les difficultés des entreprises indiquent que depuis le mois de janvier 2020, le nombre de défaillances d’entreprises est au niveau le plus bas depuis plus de trente ans (Altares, Défaillances et sauvegardes d’entreprises en France, 3e trimestre 2020).

Des chiffres qui font donc craindre à de nombreux acteurs un rebond des ouvertures de procédures dans les mois et semaines à venir.

Par Hakim Ziane

Les mesures de prévention des difficultés financières des sociétés en temps de crise sanitaire (ordonnances des 27 mars, 20 mai et 25 novembre 2020 et loi ASAP du 7 décembre 2020)

Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19

Ordonnance n° 2020-1443 du 25 novembre 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises aux conséquences de l’épidémie de covid-19

 

Au-delà des mesures qui ont été annoncées par le Gouvernement et celles prises par voie d’ordonnances pour soutenir les Entreprises durant cette crise sanitaire, il est patent, et ce depuis plusieurs années, que les entreprises sont mal informées quant aux dispositifs qui s’offrent à elles pour prévenir de futures difficultés.

En effet, aujourd’hui un panel de mesures  existe déjà pour soulager les entreprises lors de l’apparition des premières tensions des flux de trésorerie (mandat ad hoc, conciliation)

Une entreprise est en difficulté si elle  « connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de son activité ».

Le critère d’ouverture d’une procédure collective est l’existence d’un état de cessation des paiements, lequel se définit comme étant l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (article L. 631-1 du Code de commerce)

Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.

Le fait de prévenir les difficultés de l’entreprise en amont relève donc un intérêt particulier majeur.

Prévenir les difficultés de son entreprise consiste pour le dirigeant à les anticiper dès lors que des indicateurs laissent à penser que l’entreprise se dirige vers des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

Mais qui dit négociation des modalités de règlements de ses créances dit de s’entourer de professionnels pour lister les contrats nécessaires à la survie de son entreprise afin d’engager des négociations avec ses cocontractants pour retrouver un juste équilibre financier.

Une cartographie et une analyse financière s’imposent donc avant toute chose

Un fois ce préalable réalisé il convient de mettre par écrit les accords transactionnels trouvés. Mais il n’est pas toujours aisé en dehors d’un cadre juridique prédéterminé de gagner la confiance de ses parties prenantes et il est conseillé d’avoir recours aux procédures dites de prévention des difficultés des entreprises, savoir : Le mandat ad hoc ou la procédure de conciliation qui sont deux processus qui ne font l’objet d’aucune publicité au registre du commerce. Leur confidentialité ne nuit donc pas à la continuité des relations commerciales de l’entreprise concernée.

Afin d’élargir le champs d’application de la procédure de conciliation aux entreprises touchées par la crise sanitaire, l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 et celle du 25 novembre 2020 ont adapté les dispositions du Code de commerce relatives aux procédures de traitement des entreprises en difficultés des entreprises.

 

 

Le mandat ad hoc

Son but est de rétablir la situation de l’entreprise avant la cessation des paiements.

Le mandat ad hoc permet au dirigeant d’entreprise de négocier ses dettes sous l’égide d’un mandataire ad hoc désigné par le président du Tribunal de commerce.

Les mandataires ad hoc sont souvent des administrateurs judiciaires qui justifient d’une expérience reconnue en matière de redressement d’entreprises et de négociations avec les créanciers (banques, organismes fiscaux et sociaux, principaux fournisseurs).

Lors de la désignation du mandataire, le coût de son intervention est déterminé en accord avec le chef d’entreprise.

Toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale (personne physique ou morale), mais aussi les associations, les auto-entrepreneurs, les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) peuvent solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc.

Précision importante, le débiteur ne doit pas se trouver en état de cessation des paiements.

S’agissant des difficultés, il peut s’agir de difficultés financières (non-respect des échéances normales de paiement des fournisseurs, multiplication des inscriptions de privilèges) ou encore de situations de blocage (litiges entre associés pouvant entraîner la paralysie de l’entreprise).

Hormis le fait que l’entreprise ne doit pas être en cessation de paiement pour avoir recours au mandat ad hoc, la procédure doit suivre un cheminement particulier.

En effet, le débiteur, ou le représentant légal de ce dernier, doit déposer une demande au greffe du tribunal de commerce s’il exerce une activité commerciale ou artisanale. Dans les autres cas, c’est le greffe du tribunal de grande instance qui se charge d’accéder à la requête.

Celle-ci doit être effectuée par écrit, et doit impérativement faire mention des raisons de la demande.

La durée de la procédure de mandat ad hoc n’est pas encadrée par la loi dans un délai fixe. Le plus souvent, le président assigne une durée renouvelable de la mission du mandataire ad hoc.

Comme dans la conciliation, l’objectif de la procédure de mandat ad hoc est le suivant : trouver un accord entre l’entreprise et ses principaux créanciers pour lui permettre de surmonter ses difficultés, tout en prenant en compte l’intérêt des créanciers. La solution se trouve donc dans une négociation dans le cadre d’un échelonnement des dettes.

En particulier, le mandat ad hoc permet de rechercher, avec l’aide du mandataire, les meilleures solutions de rétablissement de l’entreprise.

Le mandataire dresse un état de la situation de l’entreprise et traite directement avec les créanciers. Ces derniers ont le choix d’accepter de coopérer ou non. En cas d’échec des négociations, le mandataire doit le signifier auprès du tribunal l’ayant désigné. En revanche, en cas d’accord trouvé avec les créanciers, un accord officiel doit être signé par ces derniers.

Par ailleurs, il est important de souligner que durant le mandat, le dirigeant continue de gérer seul son entreprise. Aussi, il est possible de réclamer la fin de la mission du mandataire à tout moment : la demande se fait auprès du président du greffe du tribunal compétent.

Dans ce cas, une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte et met fin à l’accord négocié avec le mandataire.

La procédure du mandat ad hoc offre une certaine souplesse au dirigeant, qui peut notamment choisir de son plein gré de se faire assister par un mandataire, et qui peut mettre fin à cette procédure à tout moment, comme évoqué ci-dessus.

Aussi, la procédure se déroule en toute confidentialité. Mais, l’avantage majeur réside dans le fait que le mandat ad hoc est une solution accompagnée de grandes chances de réussite.

Ce type de procédure est confié à des experts économiques ou financiers. Ils apportent alors tout leur savoir-faire pour résoudre, le plus tôt possible, les difficultés financières auxquelles sont confrontées les entreprises qui y ont recours.

En revanche, le mandat ad hoc présente aussi des inconvénients car contrairement à la conciliation, cette procédure ne permet pas de suspendre les poursuites des créanciers n’ayant pas pris part à l’accord.

Par ailleurs, malgré l’intervention d’un expert, le juge n’a pas beaucoup de pouvoir et ne peut donc intervenir entre les créanciers et le débiteur. Il s’agit, concrètement, d’une procédure de règlement à l’amiable afin d’éviter l’aggravation d’une situation financière délicate.

 

 

La procédure de conciliation

C’est une procédure « préventive » prévue par le Code de commerce (articles L. 611-1 et suivants du Code de commerce) intervenant dans le cadre du règlement des litiges commerciaux.

La conciliation est avant tout une procédure amiable entre une entreprise et les partenaires à qui elle doit régler des créances.

Cependant, toutes les sociétés n’ont pas accès à la conciliation. Il faut justifier de difficultés financières suffisantes.

En temps normal, l’entreprise ne doit néanmoins pas être en situation de cessation des paiements. Si jamais c’est le cas, elle dispose de 45 jours après la déclaration de cessation de paiements pour entamer une procédure de conciliation.

Or l’ordonnance du 27 mars 2020 précisait que l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020, et ce jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit jusqu’au 10 octobre 2020). Ainsi, les entreprises pouvaient bénéficier de la procédure de conciliation, même si elles étaient en état de cessation des paiements après le 12 mars. L’un des intérêts majeurs de cette mesure était d’éviter au débiteur s’exposer à des sanctions personnelles pour avoir déclaré tardivement l’état de cessation des paiements.

Le 25 novembre dernier une nouvelle ordonnance (n° 2020-1443) est venue ajouter que la procédure de conciliation peut être prolongée jusqu’à une durée de 10 mois pour toutes les procédures ouvertes depuis le 24 août 2020 et ce jusqu’au 31 décembre 2021.

Il convient donc d’être très vigilant et de profiter de ce délai de conciliation allongée (en période normale la conciliation ne peut pas dépasser 4 mois avec une possibilité de proroger au maximum 5 mois) et donc d’ouvrir avant la fin de l’année 2021 cette procédure qui permettra de négocier avec ses créanciers.

La conciliation doit être sollicitée par le débiteur. Une requête est à adresser pour l’ouverture de la procédure auprès du :

  • Tribunal de commerce pour les commerçants et les artisans ;
  • Tribunal judiciaire pour les autres types d’entreprises ou les associations.

 

Le détail des comptes de l’entreprise sur les 3 dernières années est alors demandé pour justifier la conciliation. Le dirigeant déclare cependant sur l’honneur ne pas avoir ouvert de procédure similaire durant les 3 derniers mois avant le dépôt de la demande auprès du tribunal. Afin de respecter les délais autorisés, il est également requis de préciser la date de début de cessation des paiements s’il y en a une.

Les conciliateurs sont souvent des administrateurs judiciaires qui justifient d’une expérience reconnue en matière de redressement d’entreprises et de négociations avec les créanciers (banques, organismes fiscaux et sociaux, principaux fournisseurs).

Dès lors que la procédure de conciliation est déclenchée, les créanciers ne pourront plus demander le redressement ou la liquidation de l’entreprise.

Comme dans le mandat ad hoc, l’objectif de la procédure de conciliation est le suivant : trouver un accord entre l’entreprise et ses principaux créanciers pour lui permettre de surmonter ses difficultés, tout en prenant en compte l’intérêt des créanciers. La solution se trouve donc dans une négociation dans le cadre d’un échelonnement des dettes.

En particulier, la conciliation permet la mise en place d’un accord (moratoire, renégociation d’emprunt, etc.) lorsque l’entreprise n’est pas en état de cessation des paiements ou ne s’y trouve pas depuis plus de 45 jours.

Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers et partenaires, destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise et assurer sa pérennité.

Il peut présenter des propositions en vue de la sauvegarde de l’entreprise, de la poursuite de l’activité et du maintien de l’emploi.

Il peut se voir confier la préparation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourra être mise en œuvre dans le cadre d’une éventuelle procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

Surtout la loi Asap du 7 décembre 2020 a prolongé les mesures prises par l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 également jusqu’au 31 décembre 2021 qui permet notamment de demander au président du tribunal qui a ouvert la procédure de conciliation de :

  • Interrompre ou interdire les actions en paiement des créanciers mais également la résolution des contrats pour motifs d’impayés ;
  • Imposer un report ou un échelonnement des créances.

Et ce, pendant toute la durée de la procédure de conciliation donc durant 10 mois.

Les parties à la conciliation peuvent demander au président du tribunal de constater leur accord, ce qui permettra d’obtenir une force exécutoire. L’accord est confidentiel et seuls les signataires y sont tenus.

Le débiteur peut également demander une homologation de l’accord de conciliation au tribunal à condition :

  • qu’il ne soit pas en cessation des paiements,
  • que l’accord assure la pérennité de l’entreprise,
  • et que l’accord ne lèse pas les intérêts des créanciers non signataires.

L’homologation de l’accord de conciliation empêche ou stoppe toute poursuite judiciaire de la part de ses signataires, et lève l’interdiction éventuelle d’émettre des chèques. Une publication au BODACC est effectuée.

Les créanciers qui apportent des fonds, des biens ou des services dans le cadre de la procédure de conciliation bénéficient d’un privilège de conciliation si l’entreprise est par la suite mise en redressement ou en liquidation judiciaire.

 

En conclusion, outre les mesures mises en place par le Gouvernement pour soutenir les entreprises durant l’actuelle crise sanitaire, celles-ci ne devront pas hésiter à employer les procédures préventives prévues par le Code de commerce.

Même si la procédure est plus lourde à mettre en œuvre, la procédure de conciliation présente de meilleurs avantages que le mandat ad hoc puisque l’accord permet de suspendre les poursuites individuelles, contrairement au mandat ad hoc.

Les entreprises qui emploieront ces dispositifs auront de meilleures chances de rebondir après cette crise sans précédent, laquelle laissera certainement une trace majeure dans notre manière de construire notre économie.

Après avoir engagé et bénéficié des mesures de soutien prises par le Gouvernement, il est donc impérieux que les chefs d’entreprise se rapprochent des greffes des tribunaux de commerce afin de pouvoir mettre en œuvre ces dispositifs.

 

Par My-Kim Yang-Paya, Avocate associée, spécialiste en droit des sociétés

 

 

Soutien aux entreprises : Mesures en réponse à la crise liée au coronavirus

Fonds de solidarité au titre de la crise sanitaire COVID 19 – Comment déposer une demande d’aide exceptionnelle ?

 

Le gouvernement a adopté les mesures suivantes pour venir en aide aux entreprises pendant le second confinement :

 

Exonération de cotisations

Elargissement du dispositif d’exonération et d’aide au paiement :

  • Au profit d’entreprises de moins de 250 salariés relevant des secteurs particulièrement affectés, quel que soit leur lieu d’installation ;
  • Au profit des entreprises de moins de 50 salariés dont l’activité est nouvellement empêchée du fait de l’impossibilité d’accueillir du public.

 

Sanctions figées pour les commerces obligatoirement fermés

Pour rappel :

  • Aucune exonération des loyers et charges commerciaux n’est mise en place ;
  • Les effets des clauses et astreintes avaient repris depuis le 10 juillet 2020.

De nouvelles mesures ont été mises en place par la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 :

  • Les sanctions sont figées depuis le 17 octobre 2020 pour les commerces obligatoirement fermés ;

  • Jusqu’à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de fermeture administrative :
    • Les entreprises subissant une fermeture obligatoire de leur commerce ne peuvent pas être sanctionnées (intérêts de retard, pénalité ou autre mesure financière) ni poursuivies (action, sanction, voie d’exécution) pour un retard de paiement ou non-paiement de leurs loyers et charges relatifs aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée durant cette période ;
    • Les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires ;
    • Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.

Les critères d’éligibilité sont précisés par décret déterminant les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

NB : Les procédures d’exécution engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues durant cette période.

Le preneur ne peut pas échapper au paiement de ses loyers et charges :

  • La force majeure est souvent écartée s’agissant d’une obligation de paiement ;
  • Le bailleur n’a pas manqué à son obligation de délivrance, la jouissance étant empêchée par la crise sanitaire.

Mais il existe des aménagements :

  • Il est conseillé de se rapprocher du bailleur pour obtenir des délais de paiement ;
  • En cas d’action en acquisition de clause résolutoire, le juge pourra soulever une contestation sérieuse tenant au contexte sanitaire et à la nécessité de bonne foi (en ce sens : Ordonnance de référé TJ Paris, 26 octobre 2020, n°20/55901) ;
  • Le juge du fond saisi d’une problématique d’impayés de loyers tiendra compte de la bonne foi des parties.

 

Incitation fiscale des bailleurs

En contrepartie d’une remise de loyer du mois de novembre 2020, (ou au moins un terme de loyer d’octobre, novembre ou décembre 2020) pour tous les commerces fermés est mis en place au profit du bailleur un crédit d’impôt :

  • De 50% du loyer pour les entreprises de moins de 250 salariés ;
  • De 2/3 du loyer pour les entreprises de 250 à 5000 salariés.

 

Le fonds de solidarité

Le décret n° 2020-1328 du 2 novembre 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation prévoient une série d’aides.

 

Conditions d’obtention pour les pertes de chiffre d’affaires de septembre, octobre et novembre 2020 :

  • Suppression de la condition relative au chiffre d’affaires et au bénéfice ;
  • Seuil rehaussé à 50 salariés, y compris pour les sociétés contrôlées par une holding, à condition que l’effectif soit 50 salariés) ;
  • Activité ayant débuté avant le 31 août ou le 31 septembre ;
  • Extension des listes des secteurs d’activité bénéficiant d’un régime favorable (S 1 et S 1 bis) ;
  • Pour les entreprises faisant l’objet d’une interdiction d’accueil du public et pour le calcul de la perte de chiffre d’affaires, n’est pas pris en compte le chiffre d’affaires relatif aux activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison.

 

Conditions d’obtention d’aides au titre des pertes pour les entreprises ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public entre le 1er et le 31 octobre 2020 (hors discothèques, Guyane, Mayotte) :

  • Tous secteurs d’activité confondus ;
  • Aide calculée à hauteur de la perte de chiffre d’affaires réalisée pendant les jours d’interdiction d’accueil du public ;
  • Aide plafonnée à 333 € par jour d’interdiction d’accueil du public ;
  • Les indemnités journalières et les pensions ne sont pas déduites du montant de l’aide ;
  • Demande à déposer jusqu’au 31 décembre 2020.

 

Conditions d’obtention d’aides au titre des pertes de chiffre d’affaires au mois de novembre 2020 :

  • Tous secteurs d’activité ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public ;
  • Ou pour toutes entreprises ayant enregistré une perte de chiffre d’affaires supérieur à 50%.
  • Montant de l’aide :
    • Si interdiction d’accueil du public, aide plafonnée à 10 000 € ;
    • Si S1 ou S1 bis (15 mars et le 15 mai 2020 ou l’entreprise S1 bis a été créée après le 10 mars 2020), aide plafonnée à 10 000 € ;
    • Aide plafonnée à 1 500 € pour les autres entreprises
  • Les indemnités journalières et les pensions sont déduites du montant de l’aide ;
  • Demande à déposer avant le 31 janvier 2021.

 

Par Emilie Bacqueyrisses

La Lettre de Droit Privé des Affaires fête sa première année d’existence

Il y a un an personne n’aurait pu imaginer et prédire la crise sanitaire sans précédent que le monde entier subit. Nous avions consacré notre premier sujet du mois au thème de la consécration de l’intérêt social et de la raison d’être des entreprises par la loi PACTE.

Aujourd’hui l’environnement économique est tout autre, les entreprises vont devoir dans les mois prochains faire face aux échéances des aides et prêts contractés alors même qu’actuellement il est difficile pour elle de déterminer clairement si elles y sont éligibles. 

De même qu’en est-il des reports ou exonération des loyers qui sont l’un des postes les plus lourds au bilan des sociétés ?

Nous avons donc décidé de faire un focus de ces mesures dans ce numéro spécial de la LDPA et de consacre un article aux mesures de prévention des difficultés des sociétés qu’il convient de mettre en œuvre avant qu’il ne soit trop tard et qui leur permettra de passer le cap et rebondir après la crise.

Bonne lecture et bonnes fêtes de fin d’année !

Réduction du taux de TVA à 5,5% pour les travaux de pose, d’installation et d’entretien des bornes de recharge pour véhicules électriques dans les locaux d’habitation

Le 23 novembre 2020, le Sénat a adopté un amendement, ayant obtenu l’avis favorable du gouvernement, prévoyant l’application du taux réduit de TVA de 5,5 % aux travaux de pose, d’installation et d’entretien des infrastructures de recharge pour véhicules électriques dans les locaux d’habitation.

Reste à voir si la baisse de ce taux (qui était donc jusqu’alors de 20%) aura un effet significatif sur la vente de véhicules électriques par les particuliers.

Révision des conditions d’achat de biométhane injecté dans le réseau de gaz naturel

Décret n° 2020-1428 du 23 novembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation de l’obligation d’achat à un tarif réglementé du biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel

 

Un décret[1] arrêté tous deux parus au JO du 24 novembre 2020 et entrant en vigueur le 25 suivant, actent de nouveaux rebondissements tarifaires pour la filière biométhane.  

S’agissant des apports du décret :

Le décret susvisé, après avoir rappelé que les dispositions de l’arrêté ne s’appliquent qu’aux contrats signés à compter du 24 novembre 2020, conditionne la signature et les modifications des contrats d’achat de biométhane ainsi :

  • Il permet de modifier la capacité maximale de production de biométhane de l’installation (dite « Cmax ») des contrats d’achat selon une périodicité nouvelle ;

  • Il prévoit une suspension et un allongement de mise en service :
    • En indiquant, d’une part, que la suspension des délais de prise d’effet des contrats d’achat en cas de recours contentieux ne s’applique pas aux contrats signés avant le 24 novembre 2020 ;
    • En prévoyant, d’autre part, un allongement des délais de mise en service en raison des conditions sanitaires actuelles liées au Covid-19[2].

 

S’agissant des modifications prévues par l’arrêté tarifaire relatif au biométhane injecté :

Concernant leur champ d’application, ces modifications concernent :

  • D’une part, les contrats d’achats conclus à compter du 25 novembre 2020 (ceux conclus avant cette date demeurant donc toujours soumis à l’arrêté du 23 novembre 2011[3] auquel succède l’arrêté ici commenté) ;
  • D’autre part, toutes les installations de méthanisation ainsi que toutes les installations de récupération de biogaz des Installations de Stockage des Déchets Non Dangereux (ISDND) jusqu’à 300 Nm3/h (au-delà, les installations devront procéder à un appel d’offres).

 

Sur le fond, ces modifications sont principalement de trois ordres :

  • De nouvelles conditions de complétude de la demande de contrat : l’article 3 de l’arrêté prévoit en effet les conditions d’une demande complète en prévoyant notamment de nouvelles pièces nécessaires ;
  • Une baisse des tarifs d’achat et une dégressivité trimestrielle : ainsi que le prévoit l’annexe IV du décret, il est en effet prévu une dégressivité du tarif en fonction de la date de signature du contrat et de la réalisation des objectifs de la Programmation Pluriannuelle de l’énergie (PPE) ;

  • Un plafonnement mensuel : l’article 9 de l’arrêté prévoit que le tarif d’achat est applicable au biométhane livré au cocontractant jusqu’à une production mensuelle maximale (PMM). Ainsi, le biométhane éventuellement livré au cocontractant pendant un mois calendaire en dépassement de la production mensuelle maximale PMM peut être rémunéré sans ouvrir droit, ni aux tarifs, ni à la compensation propre au contrat d’achat mentionné à l’article D. 446-8 du Code de l’énergie.

 

[1] Décret n°2020-1428 du 23 novembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation de l’obligation d’achat à un tarif réglementé du biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel

[2] En effet, les contrats d’achats dont la date de signature est comprise entre le 12 mars 2017 et le 12 mars 2019 voient leur délai de mise en service prolongé de 7 mois (3 ans + 7 mois) et les contrats d’achats dont la date de signature est comprise entre le 13 mars 2019 et le 12 mars 2020 voient leur délai de mise en service prolongé de 3 mois (3 ans + 3 mois).

[3] Arrêté du 23 novembre 2011 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel

Publication du rapport de la CRE sur le fonctionnement des marchés de détail français de l’électricité et du gaz et du bilan d’action du médiateur pour améliorer la protection des consommateurs d’énergie

Communiqué de presse du 24 novembre 2020, Premier bilan d’action du médiateur pour améliorer la protection des consommateurs d’énergie

 

Le 23 novembre dernier, la CRE a publié son rapport sur le marché de détail en France :

Comme l’explique le régulateur dans son dossier de presse relatif à ce cette publication, les consommateurs et leurs attentes sont au centre de ce rapport, à travers une démarche d’information et de pédagogie sur le mode de fonctionnement du marché de détail et des enjeux qu’il soulève.

Ce faisant, la CRE aborde trois sujets :

  • la diversification et le dynamisme du marché : à ce titre, la CRE distingue le segment professionnel, sur lequel la concurrence est déjà bien établie, et le segment résidentiel, sur lequel les offres de marché se développent fortement. Elle relève que ce dynamisme n’est pas présent dans les zones de desserte des ELD et indique qu’elle fera donc preuve d’une grande vigilance quant aux pratiques sur ces territoires ;

  • les offres vertes : la CRE recommande des améliorations du dispositif afin de renforcer la transparence pour les consommateurs. Sur ce point, la Commission indique ne pas être opposée à ce qu’une labélisation vienne compléter le cadre existant afin de mettre en avant des offres vertes permettant d’atteindre un ou plusieurs objectifs complémentaires à celui du système des garanties d’origine. Pour autant, la CRE considère que le label proposé par l’ADEME n’est pas une réponse complète aux enjeux soulevés par les offres vertes ;

  • enfin, les comparateurs d’offres : si la CRE accueille favorablement le développement des acteurs qui procèdent à une comparaison des offres, qui sont le signe du dynamisme du marché et apporte un véritable service aux consommateurs, elle estime que le fait qu’ils soient rémunérés par les fournisseurs crée une zone d’ombre qu’elle analyse dans son rapport. Aussi, la Commission s’engage à intégrer une veille systématique des pratiques des comparateurs dans le cadre de ses missions de surveillance.

 

La publication de ce rapport intervient en même temps que celle du premier bilan d’action du médiateur pour améliorer la protection des consommateurs d’énergie sur le site dédié du Gouvernement :

Pour rappel, le Médiateur national de l’énergie est une autorité publique indépendante créée par la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie[1].

Dans ce cadre, le 25 novembre 2019, Olivier Challan Belval était nommé médiateur national de l’énergie par arrêté interministériel et avait alors formulé « 10 propositions pour améliorer l’avenir »[2].

Un après cette nomination, le Médiateur dresse un premier bilan de son action pour améliorer la protection des consommateurs.

A ce titre, il commence par constater que l’année 2020 est une année record en terme de litiges avec les entreprises du secteur de l’énergie (fournisseurs et gestionnaires de réseaux de distribution) avec plus de 23 000 litiges déjà comptabilisés.

Ensuite, il salue plusieurs avancées sur les propositions qu’il avait émises en ce qui concerne les modalités de calcul de la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) appliquée sur les factures de gaz naturel [3], la prise en charge des travaux de rénovation des colonnes montantes ainsi qu’enfin, l’intégration au réseau de distribution de gaz de l’ensemble de l’installation située en amont du compteur de gaz[4].

S’agissant ses propositions pour encadrer le démarchage à domicile pour la vente de contrat de fourniture d’énergie, le Médiateur se félicite des premières mesures prises par les fournisseurs mais attend qu’elles aboutissent à des résultats concrets.

Enfin, en complément de ses propositions formulées en 2019, susvisées, Olivier Challan Belval appelle les opérateurs, d’une part, à améliorer leur service commercial et notamment le traitement des réclamations clients afin d’y apporter une réponse dans le délai de 2 mois préalable à la saisine du médiateur et, d’autre part, à suivre systématiquement les recommandations qu’il émet pour les litiges instruits en médiation.

 

[1] Loi n°2006-1537 du 7 décembre 2006 relatif au secteur de l’énergie ;

[2] Dans un rapport disponible ici : https://www.energie-mediateur.fr/wp-content/uploads/2020/06/ra-mne-2019-10-propositions.pdf .

[3] Voir en ce sens le décret n° 2005-123 du 14 février 2005 relatif à la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel ;

[4] Voir en ce sens l’article 65 du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) commenté dans notre précédente Lettre d’actualité http://www.seban-associes.avocat.fr/projet-de-loi-asap-le-gouvernement-veut-simplifier-le-droit-de-la-commande-publique-par-amendements/

Concessions hydrauliques : la nécessaire remise en concurrence périodique rappelée par le juge administratif

CAA Bordeaux, 16 novembre 2020, Société Fumel Energie, n° 19BX00005

 

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a récemment examiné la situation d’une concession hydroélectrique devant arriver à expiration au 31 décembre prochain et dont l’Etat avait refusé de prolonger la durée.

 

La société concessionnaire avait alors saisi le juge administratif aux fins de solliciter, d’une part, le rétablissement de « l’état antérieur » du contrat, considérant que la décision de refus constituait une modification unilatérale de la concession et, d’autre part, une indemnisation eu égard, selon elle, aux fautes commises par l’Etat en ne lui accordant pas l’ajustement de la durée de la concession qu’elle sollicitait. Tels sont les objets des deux recours déposés par le concessionnaire.

 

Sur le premier recours, la Cour administrative d’appel de Bordeaux considère que la décision de refus ne peut être regardée comme une résiliation de la concession ni comme une modification unilatérale assimilable à une résiliation, dès lors qu’elle ne fait pas obstacle à la poursuite de la concession jusqu’à son terme fixé au 31 décembre 2020 et se borne à refuser la prolongation de la convention.

 

Sur le second recours, la Cour administrative d’appel de Bordeaux considère que l’Etat a à bon droit refusé de prolonger la durée de la concession compte tenu des règles de mise en concurrence et de publicité auxquelles la concession est soumise, qui répondent à un impératif d’ordre public de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation. 

 

Il en résulte que selon la Cour, l’Etat n’a modifié unilatéralement la concession, ni dans sa durée, ni dans son objet, et qu’elle n’a pas davantage rompu l’équilibre économique du contrat :

 

« à supposer même que la convention puisse être interprétée comme permettant au concessionnaire de construire la seconde usine, y compris peu avant le terme de la concession fixé au 31 décembre 2020, en bénéficiant d’une prolongation de longue durée de 40 ans de la concession, elle serait contraire aux exigences fixées par la loi du 29 janvier 1993 laquelle répond à un impératif d’ordre public qui est de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation. Dans un tel cas, le contrat cesserait de pouvoir être régulièrement exécuté postérieurement au 31 décembre 2020. Par suite, la société Fumel Energie n’était pas en droit, comme elle le soutient, d’obtenir une prolongation de la durée de sa concession pour 40 ans ».

 

On retiendra ainsi que la nécessaire remise en concurrence périodique des concessions fait obstacle à ce que les sociétés concessionnaires d’installations hydraulique puissent de droit obtenir une prolongation de la durée de leur concession, quand bien même la concession pourrait être interprétée comme permettant au concessionnaire de construire et exploiter de nouveaux ouvrages peu avant son terme.