Projets immobiliers publics privés
le 22/12/2022

Vente immobilière : l’appréciation du devoir de mise en garde de l’établissement bancaire prêteur

Cass. Civ., 1ère, 9 novembre 2022, n° 21-16.846

Dans le cadre d’un achat immobilier, l’établissement bancaire prêteur de deniers peut voir sa responsabilité engagée au titre de son devoir de mise en garde lorsque l’emprunteur devient défaillant.

Un tel manquement est retenu si :

  • L’emprunteur est non averti et de bonne foi ;
  • Le prêt n’est pas adapté aux capacités financières de l’emprunteur.

La question se pose alors de savoir comment sont appréciées lesdites capacités financières. Dans un arrêt en date du 9 novembre 2022, la Cour de cassation a précisément statué sur la question de savoir si l’immeuble financé par le prêt litigieux devait être pris en compte pour évaluer les capacités financières de l’emprunteur et le risque d’endettement. (Cass. Civ., 1ère, 9 novembre 2022, n° 21-16.846).

Dans cette affaire, un emprunt avait été consenti par une banque à une personne physique en vue de l’acquisition d’un bien immobilier destiné à devenir sa résidence principale. L’emprunteur étant défaillant, l’établissement bancaire a prononcé la déchéance du terme. Puis assignant l’emprunteur, elle demande sa condamnation en paiement, ce dernier en profite pour engager la responsabilité de l’établissement bancaire pour violation du devoir de mise en garde.

La Cour d’appel condamne la banque, estimant que la valeur du bien immobilier financée par le prêt ne devait pas être prise en compte pour apprécier les capacités financières de l’emprunteur. Pour ce faire elle relève que cet immeuble était destiné à devenir la résidence principale de l’emprunteur et qu’il ne s’agissait pas d’un immeuble de rapport.  Elle indique « il n’y a pas lieu de tenir compte de la valeur de la résidence principale faisant l’objet du prêt, dès lors que le financement accordé était destiné à lui permettre d’accéder à la propriété de façon pérenne, et non d’investir avec le projet de revendre l’immeuble et de rembourser le prêt par anticipation ».

L’établissement bancaire saisit la Cour de cassation. Il reproche à l’arrêt de faire une distinction selon la destination de l’immeuble en violation de l’article 1147 du Code civil (le contrat étant antérieur à l’application de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

La Cour de cassation va également dans le sens de l’unification et n’opère aucune distinction selon l’usage pour lequel l’immeuble est acquis. Elle casse annule et renvoi au motif que « en statuant ainsi, sans prendre en compte la valeur du bien immobilier financé par l’emprunt, sous déduction du montant de la dette au jour de la conclusion du contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

En conséquence on retiendra que la Cour de cassation rappelle que l’immeuble financé grâce au prêt entre dans le calcul des capacités financières de l’emprunteur. Le défaut de mise en garde du prêteur de deniers, devra donc être invoqué avec prudence, les capacités financières de l’emprunteur étant nécessairement accrues du fait de cette acquisition, même si le bien n’est pas encore entré dans son patrimoine.

La Cour précise toutefois « sous déduction de la dette au jour de la conclusion du prêt ». La proportion de la somme empruntée par rapport à la valeur du bien, revêt donc une grande importance qui nuance la première partie de cette motivation.