Urbanisme, aménagement et foncier
le 18/01/2024

Une simple erreur sur la destination de la construction dans l’arrêté de permis n’a pas d’incidence sur sa légalité ou sur les possibilités de construire

CE, 20 décembre 2023, n° 461552

La décision n° 461552 rendue par le Conseil d’Etat en date du 20 décembre 2023 vient préciser que les erreurs éventuelles figurant sur un arrêté délivrant un permis de construire en ce qui concerne la destination des constructions – tout comme la surface de plancher créée – n’ont pas d’incidence sur la légalité et la portée de celui-ci.

Les faits étaient les suivants : le Maire de Charleville-Mézières a délivré deux autorisations d’urbanisme (un permis de construire et un permis de démolir) pour la création de 3 300 m2 de surfaces commerciales et de 4 000 m2 de bureaux, avec une salle de sport de 2000 m2 et 118 places de stationnement (« le Projet »). Un propriétaire et occupant d’une maison de maître voisine du Projet avait tenté en vain d’obtenir l’annulation des autorisations devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne[1]  puis en appel devant la Cour administrative de Nancy[2].

L’un des moyens soulevés était tiré de la méconnaissance par le permis de construire des prescriptions de l’alinéa 1er de l’article A. 424-9 du Code de l’urbanisme selon lequel « lorsque le projet porte sur des constructions, l’arrêté indique leur destination et, s’il y a lieu, la surface de plancher créée ».

En effet, l’arrêté de permis faisait référence aux anciennes destinations (antérieures au décret de 2015), en l’occurrence celles de « commerce et bureaux » en lieu et place de la nouvelle destination « activités de services » qu’il aurait convenu de mentionner dans l’arrêté.

Rappelons à cet égard que c’est le décret n° 2015-1783 qui a remplacé les 9 destinations préexistantes[3] (habitation ; hébergement hôtelier ; bureaux ; commerce ; artisanat ; industrie ; exploitation agricole ; exploitation forestière ; entrepôt) par 5 nouvelles destinations[4] (exploitation agricole et forestière ; habitation ; commerce et activités de service ; équipements d’intérêt collectif et services publics ; autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire) elles-mêmes divisées en 20 sous-destinations[5].

Dans cette affaire, la Cour administrative d’appel avait estimé que la référence aux anciennes destinations dans l’arrêté de permis permettait tout de même de faire respecter les dispositions de l’article A. 424-9 précité. Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement mais rejette tout de même la requête aux termes d’une substitution de motifs. Il estime ainsi :

« 4. Un permis de construire, sous réserve des prescriptions dont il peut être assorti, n’a pour effet que d’autoriser une construction conforme aux plans déposés et aux caractéristiques indiquées dans le dossier de demande de permis. D’éventuelles erreurs susceptibles d’affecter les mentions, prévues par l’article A. 424-9 du code de l’urbanisme, devant figurer sur l’arrêté délivrant le permis ne sauraient donner aucun droit à construire dans des conditions différentes de celles résultant de la demande. Par suite, la seule circonstance que l’arrêté délivrant un permis de construire comporte des inexactitudes ou des omissions en ce qui concerne la ou les destinations de la construction qu’il autorise, ou la surface de plancher créée, est sans incidence sur la portée et sur la légalité du permis. Il y a lieu de substituer ce motif, dont l’examen n’implique l’appréciation d’aucune circonstance de fait, et qui justifie sur ce point le dispositif de l’arrêt attaqué, à celui retenu par la cour administrative d’appel pour écarter le moyen tiré de l’illégalité du permis de construire attaqué au regard des dispositions de l’article A. 424-9 du code de l’urbanisme. »

Ce faisant, le Conseil d’Etat :

  • rappelle qu’un permis de construire n’a pour effet que d’autoriser une construction conforme aux plans déposés, c’est-à-dire aux plans transmis par le pétitionnaire dans la demande de permis. Ce faisant, le Conseil d’Etat ne fait que confirmer sa jurisprudence dégagée dans la décision CE, Sect. 25 juin 2004, SCI Maison médicale Edison n° 228437;
  • précise également que le permis n’a pour effet d’autoriser une construction conforme aux caractéristiques indiquées dans le dossier de demande de permis ;
  • rappelle la réserve relative aux prescriptions dont un permis peut être assorti : dans ce cas, la construction autorisée est conforme aux plans déposés et aux caractéristiques indiquées dans le dossier sous réserve des prescriptions mentionnées dans l’arrêté de permis ;
  • confirme les conséquences qu’il convient d’en tirer : les inexactitudes ou omissions figurant dans l’arrêté de permis concernant les destinations des constructions ou la surface de plancher créée sont sans incidence sur la portée et sur la légalité du permis.

Sur ce dernier point, concernant la surface de plancher, le Conseil d’Etat ne fait que confirmer la solution dégagée dans la décision SCI Maison médicale Edison précitée et par laquelle il avait estimé que le pétitionnaire n’avait aucun droit à construire une surface mentionnée à tort dans l’arrêté de permis et sans lien avec les plans déposés.

Dans la décision en date du 20 décembre 2023, il adopte la même solution pour les destinations des constructions. Il s’agit d’une précision de bon sens : à titre d’exemple donc, un porteur de projet de logements ne pourra être autorisé à réaliser un hébergement hôtelier en se prévalant de l’erreur de mention de destination dans l’arrêté. Et cette erreur de mention ne pourra pas être soulevée par les tiers pour contester la légalité du permis.

Ainsi, cette décision confirme la tendance à responsabiliser d’autant plus les pétitionnaires au moment de la demande de permis tout en sécurisant davantage les autorisations d’urbanisme.

 

[1] TA Nancy, 20 décembre 2018.

[2] CAA Nancy, 16 décembre 2021, n°s19NC00374, 19NC00375.

[3] Ancien article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa version issue du décret n°2001-260 du 27 mars 2001 modifiant le code de l’urbanisme et le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et relatif aux documents d’urbanisme.

[4] Article R. 151-27 du code de l’urbanisme.

[5] Article R. 151-28 du code de l’urbanisme.