Droit du travail et de la sécurité sociale
le 16/06/2022
Benoît ROSEIRO
Karim DE MEDEIROS

Secteur médico-social : la Cour de cassation précise les conditions du repositionnement d’un salarié prévu à l’article 38 de la Convention collective des établissements pour personnes inadaptées ou handicapées à la suite d’un transfert

Cass. Soc., 8 juin 2022, n° 20-20.100

Par un arrêt rendu le 8 juin 2022, la Chambre sociale de la Cour de cassation (Pourvoi n° 20-20.100) [1] a précisé le régime du « reclassement » (i.e. à entendre, en l’espèce, au sens de repositionnement conventionnel) d’un salarié dont le contrat de travail a été transféré dans un établissement soumis à la Convention collective des établissements pour personnes inadaptées ou handicapées de 1966 (IDCC 413).

La Cour de cassation a ainsi jugé que ce « reclassement » doit se faire, eu égard :

  • à la majoration d’ancienneté correspondant au salaire égal à celui dont l’intéressé bénéficiait dans son précédent emploi,
  • ou, à défaut, correspondant au salaire immédiatement supérieur à celui dont il bénéficiait dans son précédent emploi.

 

Contexte de l’arrêt

L’article L. 1224-1 du Code du travail prévoit le transfert automatique du contrat de travail, en cas de modification de la situation juridique de l’employeur se traduisant par le transfert d’une entité économique autonome conservant son identité.

S’il est établi que dans une telle situation, le contrat de travail est transféré avec la garantie du maintien de la rémunération contractuelle et de l’ancienneté, le salarié peut se voir appliquer un nouveau statut collectif au terme du délai de survie de 15 mois prévu à l’article L2261-14 du Code du travail.

Une telle situation peut entraîner le changement d’application d’un accord collectif de branche, si l’entreprise absorbante ne s’inscrit pas dans les champs d’application professionnels et matériels de la CCN qui étaient applicables à l’entreprise d’origine.

Dans le secteur médico-social, il est ainsi fréquent que des salariés soient transférés d’une entité encadrée par la CCN des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif de 1951 vers celle soumise à la CCN des établissements pour personnes inadaptées ou handicapées de 1966.

Dans ce cadre, il convient de correctement positionner le salarié sur la grille de classification de l’accord applicable à l’entité d’accueil.

La question qui était posée à la Cour de cassation dans l’arrêt ici commenté visait à déterminer de quelle manière le salarié, dont le contrat a été transféré en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, devait être repositionné sur la grille de classification de la CCN des établissements pour personnes inadaptées ou handicapées (IDCC 413).

 

Exposé des faits

Selon l’arrêt attaqué, une salariée avait été engagée par une association soumise à la convention collective des établissements privés d’hospitalisation du 31 octobre 1951.

Son contrat de travail a, en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, été transféré, en 2015, vers une association soumise à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

La salariée avait été reclassée dans l’emploi d’animateur de première catégorie, coefficient 679 de la CCN de 66, à l’issue de la période de survie des accords collectifs mis en cause (3 mois de préavis + 12 mois de survie) prévue par l’article L. 2261-14 du Code du travail.

La salariée revendiquait le bénéfice du coefficient 762 de la CCN de 66 en s’appuyant sur l’ancienneté acquise par la salariée depuis son embauche dans l’association d’origine.

La Cour d’appel lui avait donné raison.

L’employeur s’est alors pourvu en cassation contre cette décision et a obtenu gain de cause.

 

Arguments de l’employeur

Aux termes de son unique moyen de cassation, l’employeur prétendait que la cour d’appel avait violé l’article L. 2261-14 du code du travail et l’article 38 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Il expliquait en substance que le nouveau coefficient devait être déterminé en fonction de la majoration d’ancienneté correspondant au salaire perçu, ou immédiatement supérieur, jusqu’à l’application de la convention de 1966, et non en fonction du critère de l’ancienneté.

 

Réponse de la Cour de cassation

Au visa de l’article 38 de la CCN des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et de l’article L. 1224-1 du Code du travail, la Cour de cassation a cassé l’arrêt et suivi l’argumentation de l’employeur en retenant que :

« le reclassement [repositionnement conventionnel] du salarié dont le contrat de travail a été transféré doit se faire à la majoration d’ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l’intéressé bénéficiait dans son précédent emploi »

 

Portée de l’arrêt

Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation précise donc que la rémunération est l’élément déterminant pour procéder au repositionnement conventionnel du salarié transféré en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, dans une entreprise soumise à la CCN de 1966 (IDCC 413).

En effet, ce salaire permet de déterminer la majoration d’ancienneté applicable pour le repositionnement conventionnel du salarié et non le critère de la simple date d’embauche et de l’ancienneté acquise.

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[1] Décision – Pourvoi n°20-20.100 | Cour de cassation