Intercommunalité
le 12/12/2024
Margaux DAVRAINVILLE
Valentine ROUX

Responsabilité pour faute de l’administration fiscale à l’égard des collectivités

CE, 18 octobre 2024, n° 466272

Par une décision en date du 18 octobre 2024, le Conseil d’Etat a été amené à se positionner encore une fois sur des erreurs commises par l’administration fiscale envers une collectivité.

Au cas présent, il s’agissait de la Communauté de communes Ardenne Rives de Meuse (CCARM), établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, qui percevait jusqu’en 2009 le produit de la taxe professionnelle.

Pour mémoire, la taxe professionnelle a été supprimée par l’article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 pour être remplacée par la contribution économique territoriale, qui est composée, d’une part, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et, d’autre part, de la cotisation foncière des entreprises (CFE).

Afin de compenser les pertes de recettes subies par les collectivités territoriales et leurs EPCI à la suite de cette réforme, un nouveau schéma de financement a été mis en place à partir de 2011, assorti d’un dispositif transitoire pour l’année 2010.

Ainsi, l’article 2 de la loi de finances pour 2010 a introduit un article 1640 B dans le Code général des impôts (CGI) instituant une « compensation-relais » devant être perçue par les collectivités territoriales et leurs EPCI au titre de l’année 2010, dont le montant devait être au moins équivalent au montant du produit de la taxe professionnelle perçu au titre de l’année 2009.

Par ailleurs, l’article 78 de la même loi avait prévu un système complexe destiné à compenser intégralement les pertes de recettes des collectivités territoriales et de leurs EPCI, induites par la suppression de la taxe professionnelle, pour 2011 et les années postérieures.

Ce système repose sur deux dispositifs distincts, destinés à maintenir un plancher de ressources pour chaque collectivité ou EPCI et à compenser intégralement leurs éventuelles pertes de recettes :

  • d’une part, les fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ;
  • d’autre part, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP).

Ainsi, depuis 2011, les ressources fiscales des communes et de leurs EPCI sont augmentées d’un reversement ou diminuées d’un prélèvement au profit du fonds concerné.

La CCARM ne fait pas partie des EPCI dits « bénéficiaires » de la réforme, de sorte qu’elle reçoit un reversement depuis l’année 2011, provenant du FNGIR, puisque ses recettes perçues avant réforme étaient supérieures à celles perçues après réforme.

Ces montants sont déterminés en tenant compte notamment du montant de la « compensation-relais ».

Or, au cas présent, des erreurs ont été commises par l’administration fiscale dans le cadre du calcul de la taxe professionnelle. Plus précisément, le Conseil d’Etat a annulé les états de la participation de la Communauté de communes, au titre des années 2007 à 2010, au financement des dégrèvements consécutifs au plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée et a enjoint l’administration fiscale à procéder à un nouveau calcul de cette participation (CE, 22 décembre 2017, n° 396157).

Ces erreurs ont conduit à une sous-estimation du montant de sa « compensation-relais » pour l’année 2010 ainsi que de la DCRTP et du versement du FNGIR pour les années suivantes.

Et à la suite de la notification de l’arrêt du 22 décembre 217, la Communauté de communes a donc contesté le montant de ce versement et a assorti sa demande de conclusions indemnitaires.

Si le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a pour partie fait droit à ses demandes, par un jugement du 6 octobre 2020, la Cour administrative d’appel de Nancy a, quant à elle, annulé ce jugement et considéré que la Communauté de communes devait être déboutée de ses demandes dès lors notamment qu’elle n’avait pas fait connaitre à l’administration fiscale avant le 30 juin 2012 les erreurs qui entachaient le calcul du montant de la DCRTP et du versement FNGIR en application des dispositions de l’article 78 de la loi du 30 décembre 2009 précitée.

Le Conseil d’Etat, dans sa décision en date du 18 octobre dernier, s’il a confirmé que la Communauté de communes ne pouvait pas obtenir l’annulation des états de versement qui lui avaient été adressé dès lors qu’elle n’a pas fait connaitre à l’administration fiscale les erreurs entachant le calcul du montant de la DCRTP et du versement FNGIR avant le 30 juin 2012, il a, néanmoins, annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy du 9 juin 2022 en tant qu’il a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la Communauté de communes au titre des années 2011 à 2019.

En effet, il a considéré qu’en jugeant que les conclusions indemnitaires de la Communauté de communes n’avaient d’autre fondement que la prétendue illégalité des états de versement des sommes dues au titre de la DCRTP et du FNGIR pour les années 2011 à 2019, la Cour a méconnu la portée des écritures de la CCARM et commis une erreur de droit.

Il convenait, ainsi, de distinguer l’action aux fins d’annulation des états de versement erronés et l’action aux fins de réparation de la perte subie à raison de ces erreurs. L’action en responsabilité n’était donc pas fondée pour le Conseil d’Etat sur l’illégalité des états financiers adressés à la Communauté de communes mais sur les fautes commises par l’administration dans le calcul de la taxe professionnelle de la Communauté de communes et qui a conduit à une minoration de ses bases en matière de DCRTP et de FNGIR.