Droit de la construction et assurances
le 13/10/2022

Responsabilité décennale des constructeurs : des arbitrages techniques et des recherches d’économie par le maître d’ouvrage peuvent constituer une faute exonératoire

CAA Toulouse, 5 juillet 2022, n° 19NT22961, Commune de Toulouse

Cette décision est l’occasion de rappeler la jurisprudence constante aux termes de laquelle la faute du maître d’ouvrage à l’origine des désordres est de nature à exonérer en tout ou partie les constructeurs de la responsabilité encourue sur le fondement de la garantie décennale (voir. Conseil d’Etat, 7 octobre 1998, n°156653).

La Commune de Toulouse en a payé le lourd tribut à la suite de l’apparition de désordres sur son muséum d’histoire naturelle, consistant en un phénomène de condensation sur la paroi courbe vitrée de l’ouvrage, et des variations de température et d’hygrométrie dans les salles et les vitrines d’exposition, affectant le confort des visiteurs et la conservation des collections.

En l’espèce, la Cour administrative d’appel retient en effet, comme les premiers juges avant elle, l’existence d’une faute exonératoire de la Commune à l’origine des désordres affectant la paroi vitrée, au motif de son importante implication dans le contrôle de la conception de l’ouvrage à chacune des phases de conception, et le choix délibéré de ne pas suivre les conseils du maître d’œuvre tendant à la mise en place d’un double vitrage en paroi extérieure et de stores, pourtant de nature à parer aux risques de condensation et de surchauffe. Le moyen tiré de l’absence de proposition chiffrée du maître d’œuvre sur les solutions proposées ne séduit pas la Cour qui retient que la gravité de la faute commise justifie que les constructeurs soient exonérés de leur responsabilité non pas à hauteur de 50 % mais de 80 %.

La sanction est encore dure s’agissant des désordres liés aux variations de température et d’hygrométrie dans les salles et vitrines d’exposition. La Cour retient en effet que la faute de la Commune, qui a refusé les solutions proposées par son assistant à maîtrise d’ouvrage permettant la climatisation des vitrines d’exposition pour des motifs vraisemblablement d’ordre exclusivement budgétaire, justifie là encore que les constructeurs soient exonérés de leur responsabilité à hauteur de 80 %.

Si la qualité du conseil délivré sur les conséquences des choix opérés par les maîtres d’ouvrage peut toujours être discutée en cas de survenance de désordres, on ne pourra que trop conseiller aux maîtres d’ouvrage de rester prudent sur les arbitrages effectués contre l’avis des constructeurs tant en phase conception qu’au cours de l’exécution des travaux, et susceptibles en particulier d’influencer l’exploitation des ouvrages. En cas de doute, il conviendra de préférer le recours aux moyens contractuels permettant d’assurer la maîtrise du budget de l’opération, ou de solliciter un conseil juridique sur l’influence des choix à opérer sur les responsabilités le cas échéant encourues.