Energie
le 09/06/2022

Rappel par le CORDIS des règles relatives aux servitudes en cas de raccordement au réseau de distribution d’électricité

Décision du CORDiS n° 17-38-21 du 21 avril 2022 sur le différend qui oppose la société Elec’Chantier 44 à la société Enedis relatif au raccordement d’une installation de consommation au réseau public de distribution d’électricité

Décision du CORDiS n° 18-38-21 du 21 avril 2022 sur le différend qui oppose la société Elec’Chantier 44 à la société Enedis relatif au raccordement d’une installation de consommation au réseau public de distribution

Dans le cadre de deux différends ayant trait à des raccordements d’installations de consommation au réseau de distribution d’électricité, le CORDIS (Comité de Règlement des Différends et des Sanctions) de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a notamment formulé d’intéressants rappels sur les obligations des Gestionnaires de Réseaux de Distribution (ci-après, GRD) d’électricité en matière d’obtention de servitudes permettant l’établissement des réseaux.

Pour mémoire, les servitudes de passage du réseau public de distribution d’électricité sur des propriétés privées sont soumises à des règles particulières édictées aux articles L. 323-3 et suivants du Code de l’énergie (sur les servitudes administratives) et aux dispositions en vigueur du décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 (sur les servitudes conventionnelles). Ces servitudes peuvent ainsi être, soit conventionnelles en cas d’accord des propriétaires dont les terrains doivent être occupés, soit administratives lorsqu’une procédure de déclaration d’utilité publique est menée.

Dans les deux espèces dont il était saisi, le CORDIS rappelle tout d’abord, en réponse à l’argumentaire d’Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d’électricité concerné, qui soutenait que l’obtention d’une servitude de passage n’était pas requise pour la partie relative au branchement, que la nécessité de disposer d’un droit d’accès vaut tant pour les ouvrages d’extension que pour ceux de branchement : « l’implantation d’ouvrages de réseau public sur le domaine privé, que ce soient des ouvrages d’extension ou de branchement, requiert notamment, en vue de la réalisation des missions de service public assignées par la loi au gestionnaire de ce réseau, un droit d’accès permanent au CCPI afin d’entretenir le réseau et d’assurer la sécurité de son fonctionnement ».

Ensuite, la société Enedis soutenait qu’elle n’était pas responsable des refus de conclure des conventions de servitude opposés, soit par le demandeur du raccordement, soit par des tiers dont les parcelles avaient vocation à être traversées par le raccordement à réaliser. Elle considérait également qu’il appartenait « au demandeur d’engager toutes les démarches nécessaires pour assurer le respect de ses droits ».

A cet égard, le CORDIS rappelle, au contraire, que c’est au seul GRD qu’il incombe de s’assurer que les conditions juridiques nécessaires à la mise en œuvre des travaux de raccordement sont réunies, le cas échéant en sollicitant la déclaration d’utilité publique des servitudes requises :

« Le gestionnaire de réseau public de distribution d’électricité doit pouvoir réaliser les travaux nécessaires et accéder à ces ouvrages par la conclusion au préalable d’une convention de servitude afin d’obtenir l’accord de la part de l’ensemble des propriétaires de la ou des parcelles traversées, dès lors qu’elles n’appartiennent pas toute en propre au demandeur au raccordement. Dans l’hypothèse d’un refus des propriétaires de signer une telle convention, il incombe au seul gestionnaire de réseau public de distribution d’électricité de demander que les travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien des ouvrages de distribution d’électricité soient déclarés d’utilité publique par l’autorité administrative compétente, sans que le demandeur n’ait à engager de démarches auprès des juridictions compétentes pour assurer le respect de ses droits ».

Le CORDIS ajoute que l’éventualité pour le GRD d’avoir à mettre en œuvre la procédure de servitude d’utilité publique en cas de refus opposés à des propositions de servitudes conventionnelles doit être prise en compte lors de l’établissement de la proposition de raccordement :

« il appartient au gestionnaire de réseau public de distribution d’électricité d’apprécier exactement, lors de l’élaboration de sa proposition de raccordement, l’ensemble des conditions de droit et de fait dont la réunion est nécessaire pour rendre possible l’opération de raccordement de référence qu’il propose, alors même que la prévision de consentements ou de décisions attendus de tiers serait de nature à introduire un degré d’aléa dans la réalisation de cette opération de raccordement. Plus généralement, la seule prise en compte de la nécessité d’établir une servitude, par la voie conventionnelle ou par une déclaration d’utilité publique, suffit à ce gestionnaire, sans qu’il lui soit besoin de s’assurer préalablement du consentement des parties intéressées, pour lui permettre l’appréciation et la comparaison des solutions techniques en présence en vue de déterminer l’opération de raccordement de référence ».

Ces deux décisions rappellent donc utilement les obligations du GRD maître d’ouvrage des branchements comme des extensions (dans cette affaire) en matière de servitudes, sujet qui donne lieu à des contentieux relativement abondants. La précision apportée sur l’incidence de ces obligations sur le délai de raccordement est toutefois surprenante et devrait nécessiter du GRD la plus grande vigilance pour que cette contrainte ne vienne pas rallonger de manière injustifiée les délais de raccordement.