Fonction publique
le 14/09/2023

Quand le juge administratif confirme une sanction de révocation prise sans conseil de discipline !

CAA Paris, 28 août 2023, n° 22PA03737

Dans une décision ; Commune de Grand-Bourg-de-Marie-Galante (CE, 29 juillet 1994, n° 135096, n° 139933, mentionné dans les tables du recueil Lebon), le Conseil d’Etat a estimé que la carence du conseil de discipline à se réunir « ne saurait avoir pour effet de priver le maire du pouvoir d’exercer ses attributions en matière disciplinaire ; qu’il appartient dans ce cas au maire de mettre le conseil disciplinaire en demeure de se prononcer dans un délai déterminé ; que c’est seulement s’il n’est pas fait droit à cette demande et sauf impossibilité matérielle pour le conseil de se réunir, que le maire est en droit de passer outre la carence du conseil et de prononcer la sanction sans avis de ce conseil, après avoir invité le fonctionnaire à présenter sa défense ».

Cet exemple d’application de la théorie des formalités impossibles, tempéré par le nécessaire respect des droits de la défense, n’a cependant reçu que de rares applications, la Cour administrative d’appel de Bordeaux étant notamment venue préciser que la carence du conseil de discipline ne devait pas avoir pour effet de priver l’agent concerné des garanties de la procédure disciplinaire (CAA de Bordeaux, 2 mars 2004, n° 00BX00285).

Dans une affaire récente la Cour administrative d’appel de Paris a à son tour eu à se prononcer sur cette question du respect des garanties dues à l’agent, dans une affaire assez originale.

En l’espèce, une sanction de la révocation était envisagée à l’encontre d’une agente qui avait, d’une part, manqué à son devoir de réserve en publiant sur Facebook des propos outranciers visant directement le Maire de la Commune et, d’autre part, manqué à son devoir d’obéissance hiérarchique en conservant à son domicile l’ordinateur professionnel mis à sa disposition et qu’elle avait refusé de rendre à son employeur.

Préalablement à l’ouverture de cette procédure disciplinaire, l’intéressée avait cependant sollicité une mutation au sein d’une autre collectivité qui devait être effective à compter du 2 octobre 2020 et à laquelle ne s’était pas opposée sa collectivité d’origine.

Pour autant, la collectivité avait maintenu la procédure disciplinaire mais lors d’une séance du 18 septembre 2020, il a été fait droit à une demande de renvoi de l’intéressée. La nouvelle séance ayant été fixée au 18 décembre 2020 ceci aurait pu avoir pour effet de priver l’autorité compétente de l’exercice de son pouvoir disciplinaire puisqu’à cette date, l’agente aurait déjà quitté les effectifs de la Ville en raison de sa mutation à intervenir.

La Commune avait alors mis en demeure le conseil de discipline de se réunir le 24 septembre 2020 et informé le 21 septembre le Conseil de la requérante de cette mise en demeure qui si elle n’était pas suivie d’effet – ce qui fut le cas – se verrait substituer un entretien le 25 septembre.

Le courrier de convocation à l’entretien ayant été adressé à l’agente seulement la veille, le Tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté de révocation intervenu in fine, au motif que l’intéressée n’avait pas bénéficié d’un délai suffisant pour préparer cet entretien.

C’est dans ces conditions que la question de savoir si l’agente n’avait pas été privée des garanties liées à la procédure disciplinaire du fait de ce très bref délai avant la convocation à l’entretien ayant suppléé la réunion du conseil de discipline a ensuite été portée à la Cour administrative d’appel de Paris qui en a fait une appréciation très concrète.

En effet, elle a relevé que l’agente avait été informée dès le mois de juillet 2020 de l’ouverture d’une procédure disciplinaire, qu’elle avait été en mesure de s’adjoindre d’un Conseil et de produire un mémoire en défense en amont de la première séance du conseil de discipline et qu’ainsi, « eu égard aux garanties dont l’intéressée avait bénéficié depuis l’engagement de la procédure disciplinaire, mentionnées ci-dessus, et à l’impossibilité, pour la commune, d’exercer son pouvoir de sanction à raison de la prise d’effet de la mutation de l’intéressée à la demande de cette dernière », elle n’avait été privée d’aucune garantie.

Il est également intéressant de relever que, sur le fond, la Cour a confirmé le quantum de la sanction.

Il s’agit d’une décision récente qui, si elle fait l’objet d’un pourvoi en cassation, méritera que l’on s’intéresse à la position du Conseil d’Etat.