Environnement, eau et déchet
le 09/03/2023

Publicité : Précisions sur l’entrée en vigueur de l’obligation d’extinction nocturne des publicités lumineuses

CE, 24 février 2023, Syndicat national de la publicité extérieure, n° 468221

Le pouvoir règlementaire pouvait-il prévoir l’entrée en vigueur immédiate de l’obligation d’extinction nocturne des dispositifs de publicité lumineuse ? C’est la question qu’il appartenait au Conseil d’Etat de trancher au sein d’une décision en date du 24 février 2023.

Le décret n° 2022-1294 du 5 octobre 2022 a étendu à l’ensemble du territoire français l’obligation d’extinction nocturne, entre 1 heure et 6 heures, à toutes les publicités lumineuses à l’exception de celles à image fixe implantées sur l’emprise des aéroports et sur le mobilier urbain affecté aux services de transport durant les heures de fonctionnement desdits services (voir notre article sur le sujet). Cette obligation n’était en effet pas obligatoire dans les unités urbaines de plus de 800.000 habitants, les obligations en matière d’extinction nocturne dépendant alors du règlement local de publicité applicable.

Le décret en date du 5 octobre 2022 est d’application immédiate, il est ainsi entré en vigueur au lendemain de sa publication, soit le 7 octobre 2022, sauf pour les publicités lumineuses supportées par le mobilier urbain pour lesquelles le décret a défini une application à compter du 1er juin 2023.

Le Syndicat national de la publicité extérieure contestait ces modalités d’entrée en vigueur, considérant que des mesures transitoires auraient dû être prévues, conformément à l’article L. 221-5 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) qui impose d’édicter des mesures transitoires « lorsque l’application immédiate d’une nouvelle réglementation est impossible ou qu’elle entraîne, au regard de l’objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ».

Le Conseil d’Etat rappelle qu’il n’existe aucun droit absolu aux mesures transitoires pour les destinataires d’une règle nouvelle, puisque nul n’a le droit au maintien d’une réglementation. Mais le juge doit procéder à une mise en balance des intérêts en jeu afin de déterminer si des mesures transitoires étaient requises, et le Conseil d’Etat accueille ainsi en partie les arguments du requérant.

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève en effet que la modification des dispositifs publicitaires ne pouvait être opérée du jour au lendemain et que le défaut de conformité avec la nouvelle réglementation pouvait conduire au prononcé d’une contravention de 5ème classe. Une atteinte excessive aux intérêts des entreprises du secteur était ainsi caractérisée et des mesures transitoires auraient dû être prévues.

En revanche, cette mesure s’inscrit dans un contexte de crise énergétique et le juge relève qu’elle répond à « l’intérêt général qui s’attache à la protection de l’environnement et du cadre de vie ainsi qu’aux efforts d’économies d’énergie et de lutte contre le gaspillage énergétique » et que les professionnels étaient informés de cette mesure depuis le printemps 2021. Ainsi, le décret est illégal seulement « en tant qu’il n’a pas différé d’un mois l’application de l’obligation d’extinction nocturne aux publicités lumineuses autres que celles supportées par du mobilier urbain dont le fonctionnement ou l’éclairage n’est pas pilotable à distance ».

Enfin, on précisera également que le Conseil d’Etat écarte le moyen tiré d’une atteinte au principe d’égalité s’agissant du MIN de Rungis, non couvert par les exceptions, dès lors que sa situation n’est pas similaire à celle des aéroports.