Energie
le 06/11/2025
Marie-Hélène PACHEN-LEFÈVRE
Simon OLLIC

Versement nucléaire universel : suite et quasi fin de l’élaboration du cadre réglementaire

Décret n° 2025-910 du 5 septembre 2025 relatif aux principes méthodologiques régissant l'évaluation par la Commission de régulation de l'énergie des coûts complets de production de l'électricité au moyen des centrales électronucléaires historiques

La construction du cadre réglementaire applicable au versement nucléaire universel (ci-après, VNU) se poursuit pour s’achever dans les semaines qui viennent avec la publication des derniers textes d’application des dispositions issues de l’article 17 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 avant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2026, du dispositif succédant à l’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique).

Par deux décrets du 5 septembre 2025, publiés au Journal officiel du 7 septembre 2025, le ministre en charge de l’Energie a apporté des précisions réglementaires sur le mécanisme du VNU. Par ailleurs, l’un des derniers textes d’application du VNU a été soumis pour avis au Conseil supérieur de l’énergie (ci-après, CSE) avant sa prochaine publication.

Pour rappel, le versement nucléaire universel repose sur deux volets :

  • Un volet fiscal consistant en une taxation du combustible nucléaire utilisé par EDF pour la production d’électricité, , dont les deux décrets commentés fixent le cadre réglementaire ;
  • Un volet tarifaire consistant en une minoration, pour les consommateurs, des prix de l’électricité fixés contractuellement avec les fournisseurs d’électricité, minoration compensée par le produit de la taxe sur l’utilisation du combustible nucléaire, qui fait l’objet du projet de décret soumis pour avis au CSE également ci-après commenté.

Le calcul de la taxation du combustible nucléaire utilisé par EDF repose sur de nombreux paramètres, parmi lesquels les prévisions de revenu de la société EDF. Pour plus de précisions nous vous renvoyons à nos précédentes brèves (disponibles ici et ).

En premier lieu, le décret n° 2025-909 du 5 septembre 2025 détermine les périodes d’évaluation des revenus de l’exploitation des centrales électronucléaires historiques, les périodes infra-journalières pertinentes d’injection d’électricité et les modalités de communication des éléments de la comptabilité appropriée par la Commission de régulation de l’énergie(ci-après, CRE).

De première part, aux termes de l’article L. 336-9 du Code de l’énergie, la société EDF doit définir une méthode d’allocation de ses transactions entre l’électricité produite par ces centrales et celle produite par ses autres installations, qui est validée par la CRE.

L’article poursuit en précisant que les revenus calculés par application de cette méthode sont constatés par année civile de livraison de l’électricité et par période de réalisation des transactions.

Les articles R. 336-1 et D. 336-2 du Code de l’énergie, codifié par le décret ici commenté apportent des précisions sur cette période de réalisation des transactions. Ainsi, on retiendra notamment que la durée de cette période de réalisation des transactions est d’une semaine (article R. 336-1 du Code de l’énergie).

De deuxième part, l’article L. 336-11 du Code de l’énergie concerne le cas particulier des transactions en temps réel, ou quasi-réel, qui font l’objet d’un régime distinct. L’article R. 336-3, codifié par le décret ici commenté, apporte les précisions règlementaires nécessaires à l’application de l’article L. 336-11.

L’article R. 336-3 définit ainsi la période infra-journalière pertinente pour l’injection dans le système électrique, les catégories de produits considérées comme des transactions en temps réel ou quasi réel et les prix de marché utilisés comme référence pour la valorisation des transactions en temps réel ou quasi réel.

De troisième part, aux termes de l’article L. 336-15 du Code de l’énergie, la CRE doit estimer chaque année différents paramètres permettant le calcul du VNU (montant des revenus de l’exploitation des centrales, quantités d’énergie contenues dans les combustibles…).

L’article R. 336-4 du Code de l’énergie, introduit par le décret ici commenté, précise le contenu de la communication de la CRE. Et aux termes de cet article, la communication devra comprendre :

« 1° Les éléments de la comptabilité appropriée pour toutes les années civiles de livraison pour lesquelles des revenus sont constatés, incluant les volumes, les prix et les produits relatifs à toutes les transactions de la comptabilité appropriée prévue à l’article L. 336-12 ;

2° L’estimation du montant des revenus annuels de l’exploitation des centrales électronucléaires historiques, calculée par l’addition :

    1. a) Des transactions déjà réalisées, générant des revenus définis à l’article L. 336-5, enregistrés dans la comptabilité appropriée de l’exploitant des centrales électronucléaires historiques ;
    2. b) Des estimations de la Commission de régulation de l’énergie pour les transactions futures ;

3° Des quantités d’énergie contenues dans les combustibles nucléaires devant être utilisés au cours de cette année pour la production d’électricité ;

4° Des quantités d’électricité qui feront, le cas échéant, l’objet de la minoration de prix prévue à l’article L. 337-3 et déterminées sur la base de la période annuelle d’application prévue à l’article L. 337-3-2 ;

5° Du montant prévisionnel du tarif unitaire de la minoration en tenant compte, le cas échéant, des modulations du tarif unitaire prévues à l’article L. 337-3-6 du Code de l’énergie, en s’appuyant sur le tarif de taxation et le tarif d’écrêtement prévus aux articles L. 322-75 et L. 322-76 du Code d’imposition sur les biens et services, ainsi que de la période annuelle d’application prévue à l’article L. 337-3-3 du Code de l’énergie. »

En deuxième lieu, le décret n° 2025-910 du 5 septembre 2025 précise les principes méthodologiques régissant l’évaluation par la CRE des coûts complets de production de l’électricité au moyen des centrales électronucléaires historiques ainsi que les conditions dans lesquelles la CRE met à jour l’évaluation de ces coûts.

La CRE assure en effet un rôle central dans la détermination des coûts pesant sur le société EDF pour déterminer l’assiette du VNU. Le décret n° 2025-910 codifie une nouvelle sous-section dans la partie règlementaire du Code de l’énergie relative au VNU (articles R. 336-6 à R. 336-12).

La CRE doit réaliser annuellement un rapport d’évaluation des coûts complets de production de l’électricité au moyen des centrales électronucléaires. Les articles codifiés par le décret n° 2025-910 précisent que les coûts complets de production sont égaux « à la somme des charges d’investissement prévisionnelles et des charges d’exploitation prévisionnelles » (article R. 336-7 du Code de l’énergie). Les articles suivants poursuivent en précisant ce que comprennent les charges d’investissement prévisionnelles (R. 336-8 du Code de l’énergie) et les charges d’exploitation prévisionnelles (R. 336-9 du Code de l’énergie).

Par ailleurs, la CRE évalue les coûts complets de production en fonction d’hypothèses de calcul. Le cadre réglementaire consacré par le décret ici commenté précise les éléments à prendre en compte pour déterminer, d’une part, la durée de fonctionnement des centrales électronucléaires historiques et la quantité prévisionnelle d’électricité produite par les centrales électronucléaires historiques pendant la période d’évaluation considérée (article R. 336-10 du Code de l’énergie), et d’autre part, les taux d’inflation et d’intérêt pour l’évaluation des coûts (article R. 336-11 du Code de l’énergie).

Enfin, l’article R. 336-12 du Code de l’énergie prévoit que la CRE peut engager une révision de son évaluation une fois par an, dans des cas spécifiques qui y sont listés.

En troisième lieu, le ministre en charge de l’Énergie a saisi le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) d’un projet de décret visant à préciser les modalités de fixation du tarif unitaire de minoration, en d’autres termes, du montant de la réduction appliquée aux consommateurs pour une année.

Pour rappel, le produit de la taxe sur l’utilisation du combustible nucléaire dont s’acquitte la société EDF doit in fine bénéficier aux consommateurs finals d’électricité, via leurs fournisseurs.

Le projet de décret précise les modalités de versement du produit de la taxe aux fournisseurs et les règles de calcul du tarif unitaire permettant le calcul de la minoration des tarifs de vente de l’électricité dont bénéficieront les consommateurs finals.

En effet, de première part, la minoration du tarif de l’électricité payés par les consommateurs finals et la compensation dont bénéficient les fournisseurs sont fixées en fonction d’un tarif unitaire.

Le projet de décret soumis pour avis au CSE fixe notamment les conditions de détermination de ce tarif unitaire. Aux termes de l’article R. 337-5, dans sa version issue du projet de décret, le tarif unitaire « se définit comme le quotient des deux termes suivants :

1° au numérateur : les dernières estimations prévues à l’article R. 337-6 du montant à

redistribuer pour l’année civile considérée ;

2° au dénominateur : les dernières estimations prévues à l’article R. 336-4 des quantités

d’électricité consommées éligibles à la minoration au cours de la période d’application. »

Le tarif unitaire est d’abord estimé avant la période d’application, puis révisé pendant la période d’application, voire modifié rétroactivement. Le tarif unitaire est fixé par la CRE.

De deuxième part, le projet de décret fixe les règles de définition de la période d’application à prendre en compte. Aux termes de l’article R. 337-11 du projet de décret :

« La période d’application mentionnée à l’article L. 337-3-2 est déterminée de manière à inclure au moins les quatre mois consécutifs pour lesquels une moindre tension du système électrique est anticipée, aux fins de renforcer les incitations à réduire sa consommation lors des heures de plus forte tension pour le système électrique conformément notamment aux objectifs mentionnés au 2° de l’article L. 100-1. »

Par ailleurs, on retiendra notamment que la période d’application est fixée par défaut « comme l’ensemble des jours compris entre le 1er avril et le 31 octobre inclus » (article R. 337-13 issu du projet de décret).

De troisième part, le projet de décret fixe les conditions dans lesquelles les fournisseurs d’électricité procèdent à la minoration de leur facturation dans le cadre des contrats en cours.

Le montant de la minoration est égal « au produit des quantités d’électricité fournies à chaque client final au cours de la période d’application et du tarif unitaire » (article R. 337-15 issu du projet de décret).

Il est important de relever que le projet de décret interdit aux fournisseurs d’utiliser la minoration à des fins commerciales ou promotionnelles. En outre, la minoration doit apparaitre expressément sur les factures d’électricité, de sorte que le consommateur final ait connaissance de son montant.

De quatrième part, le projet de décret fixe les modalités de compensation des fournisseurs d’électricité. Ces modalités sont prévues par les articles R. 337-16 à R. 337-24 du Code de l’énergie.

Ces articles prévoient un dispositif de compensation fonctionnant en plusieurs temps. Le fournisseur bénéficie d’abord d’un acompte de compensation, ensuite d’une compensation finale. Le fournisseur devra adresser des déclarations, attestations et documents à la CRE afin de bénéficier de ces compensations.

La CRE jouera un rôle central en analysant les données adressées par les fournisseurs et en déterminant le montant de la compensation finale. En outre, les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution seront tenus de communiquer à la CRE les données de comptage nécessaires aux contrôles.

Ce projet de décret a été soumis pour avis au CSE qui devra se prononcer lors de sa séance du 18 novembre 2025. Le projet de texte sera ensuite soumis pour avis à la CRE pour être enfin publié au journal officiel avant le 31 décembre 2025.

Ces textes parachèvent le dispositif complexe du versement nucléaire universel destiné à succéder à l’ARENH au 1er janvier 2026. Il reste à être attentif à la mise en œuvre et à l’impact de cette réforme sur les achats d’électricité dans le cadre des marchés en cours comme des futures consultations qui seront lancées.