Droit du travail et de la sécurité sociale
le 27/09/2024

Procédure d’information – consultation du CSE : un accord informel peut prolonger le délai légal de consultation

Cass. Soc., 26 juin 2024, n° 22-24.488

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE dispose, sauf exception, d’un délai d’un mois pour rendre son avis lorsqu’il est consulté sur un projet de l’employeur (art. R. 2312-6 du Code du travail).

Ce délai court à compter de la transmission ou mise à disposition par l’employeur des informations sur le projet consulté (art. L. 2312-15 du Code du travail).

Parfois, le CSE peut estimer que l’employeur ne lui a pas communiqué d’informations suffisantes pour rendre un avis pertinent.

Dans ce cas, il peut saisir le Président du tribunal judiciaire, selon la procédure dite « accélérée au fond », afin d’obtenir la communication des informations manquantes.

Cependant, le délai dont il dispose pour rendre son avis n’est pas suspendu par la saisine du juge.

Ainsi, la saisine du juge intervenant en dehors de ce délai doit être déclarée irrecevable, ce qui anéanti l’action du CSE.

 

Dans l’hypothèse d’un contexte où l’employeur et le CSE conviennent de manière informelle d’une prorogation du délai de consultation, que vaut un tel aménagement en cas de contentieux ?

C’est à cette question que vient répondre la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 26 juin 2024 (pourvoi n° 22-24.488).[1]

En l’espèce et comme cela arrive souvent en pratique, l’employeur et le CSE étaient convenus de proroger, de manière purement informelle, le délai d’un mois dont ce dernier disposait pour rendre son avis sur un projet de réorganisation.

Plus particulièrement, la première réunion plénière d’information du CSE avait eu lieu le 16 décembre 2020.

Après une série de réunions qui s’était tenues en janvier 2021, la Direction avait convenu avec son CSE que le délai de consultation était prolongé, pour requérir l’avis du CSE lors d’une réunion du 19 mars 2021.

S’estimant insuffisamment informé pour rendre son avis, le CSE a saisi le Président du tribunal judiciaire, selon le placement d’une assignation du 5 février 2021, pour qu’il lui soit communiquées les informations qu’il estimait manquantes.

En réponse, l’employeur opposait que l’action du CSE était irrecevable, faute d’avoir saisi la juridiction dans le délai initial d’un mois dont il disposait pour rendre son avis.

Et pour cause, l’article R. 2312-6 du Code du travail ne prévoit que la possibilité de proroger les délais dont dispose le CSE pour rendre son avis par accord formel.

Cependant, la Cour de cassation avait déjà admis, en dépit de ce texte, que l’employeur pouvait proroger ce délai tacitement avec le CSE (Cass. soc., 8 juillet 2020 n° 19-10.987 FS-PBI).

C’est ainsi que dans l’arrêt ci-commenté, la haute juridiction a tranché le litige en faveur du CSE : le délai de saisine du juge est également prorogé en cas d’accord tacite avec l’employeur prorogeant le délai dont dispose le CSE pour rendre son avis.

Cette solution, qui peut, sur le plan strictement juridique, paraître surprenante de prime abord, pourrait trouver son fondement dans le principe de faveur et dans l’article L. 2312-4 du Code du travail qui dispose, de manière large :

« Les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives aux attributions du comité social et économique résultant d’accords collectifs de travail ou d’usages. »

La chambre sociale de la Cour de cassation ne vise cependant pas cet article dans les arrêts précités, de sorte qu’il semble s’agir d’une tolérance purement prétorienne.

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[1] https://www.courdecassation.fr/en/decision/667baff1eee23a0a3f11d2f6