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le 24/01/2023

Présomption de légalité des actes des collectivités en l’absence de déféré préfectoral

CAA Paris, 18 novembre 2022, n° 22PA04123

L’article 72 alinéa 6 de la Constitution et l’Acte I de la décentralisation (loi n° 82-213 du 2 mars 1982) organisent une procédure de contrôle a posteriori et juridictionnel des actes des collectivités territoriales et de leurs établissements.

Plus précisément, il appartient au représentant de l’Etat de s’assurer de leur conformité avec les dispositions législatives et règlementaires en vigueur sans que celui-ci ne juge lui-même et de façon définitive la légalité des actes.

Destinataire de certains actes exécutoires dès leur transmission[1], le préfet doit alors déférer au juge administratif, dans un délai de deux mois à compter de leur réception, ceux qu’il estime contraires à la légalité[2]. Ce recours en annulation ouvert au préfet, couramment appelé « déféré préfectoral », constitue la phase ultime du contrôle administratif dont il a la charge.

Toutefois, il doit être précisé que ce contrôle de légalité ainsi institué ne donne pas systématiquement lieu à la saisine du juge administratif par le préfet.

A cet égard, par une ordonnance de référé en date du 18 novembre 2022, la Cour administrative d’appel de Paris a précisé les conséquences attachées à l’absence de déféré préfectoral. La Cour a considéré que l’abstention délibérée des services de la préfecture de déférer au juge administratif une délibération – en l’occurrence d’un conseil municipal – établissait une « présomption de la légalité du dispositif ».

En l’espèce, le Préfet de la Seine-Saint-Denis sollicitait du juge des référés la suspension de la décision du 25 mai 2022 par laquelle le Maire de la commune de Noisy-le-Sec avait refusé de saisir le conseil municipal aux fins d’abroger la délibération du 30 mai 1985 portant attribution d’une prime au personnel communal et d’enjoindre audit maire de ne pas exécuter ladite délibération.

Or, le juge des référés a relevé que « cette délibération [n’avait] fait l’objet d’aucune objection au titre du contrôle de légalité. Pas plus les délibérations budgétaires ultérieures qui en tiraient les conséquences ». Partant, il en a déduit que « cette abstention, qui doit être regardée comme délibérée, des autorités chargées du contrôle de légalité, si elle ne peut avoir les effets d’un brevet de légalité, peut néanmoins être regardée comme établissant une présomption de la légalité du dispositif adopté par la commune […] ».

En définitive, la demande du Préfet de Seine-Saint-Denis a été rejetée considérant l’absence de moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la délibération du 30 mai 1985 et donc, par voie de conséquence, du refus de l’abroger.

Il convient néanmoins d’attendre le jugement qui sera rendu sur cette affaire par le Tribunal administratif de Montreuil afin d’analyser si l’appréciation des juges du fond sera identique.

 

[1] Article L. 2131-1 du CGCT pour les communes et les EPCI, article L. 3131-2 du CGCT pour les départements, et article L. 4141-2 du CGCT pour les régions.

[2] Article L. 2131-6 du CGCT pour les communes et les EPCI, article L. 3132-1 du CGCT pour les départements, et article L. 4142-1 du CGCT pour les régions.