Fonction publique
le 16/06/2022

Précisions sur les conséquences statutaires d’une interdiction professionnelle pénale prononcée à l’encontre d’un fonctionnaire

CAA Douai, 24 mai 2022, n° 21DA01001

Par une décision rendue en date du  24 mai 2022, la Cour administrative d’appel de Douai a procédé à une synthèse et précisé les conséquences qu’il appartient aux administrations de tirer d’une interdiction professionnelle prononcée par le juge pénal sur le fondement des articles 131-27 et 222-44 du Code pénal.

En l’espèce, un infirmier titulaire avait été condamné pour des faits de violences commis sur un patient de l’établissement de santé qui l’employait. A cette occasion, la juridiction pénale avait prononcé à son encontre la peine complémentaire d’interdiction d’exercer la profession d’infirmier pour une durée de trois ans.

L’établissement de santé avait tout d’abord prononcé sa radiation des cadres sur le fondement de l’article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors applicables, qui prévoyait que « nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ». La radiation prononcée sur ce fondement avait toutefois été annulée par le tribunal administratif de Lille, sur le fondement de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui avait estimé ce type de radiation illégal, et imposait aux employeurs publics dont les agents avaient été condamnés de conduire une procédure disciplinaire pour ces faits, laquelle ne pouvait aboutir à une radiation des cadres que si une révocation ou une mise à la retraite d’office était prononcée (CE, 5 décembre 2016, n° 380763).

L’établissement avait, à la suite de ce jugement, repris une nouvelle décision de radiation à l’encontre du même agent, dont la date d’effet était fixée au même jour que la précédente – et était donc rétroactive – sans procédure disciplinaire, cette fois sur le fondement de l’article 24 de la loi du 13 juillet 1983, qui prévoyait que « la cessation définitive de fonction qui entraîne la radiation des cadres et la perte de qualité de fonctionnaire résulte […] de l’interdiction de justice d’exercice un emploi public ». C’est la décision dont la Cour administrative d’appel de Douai vient de confirmer la légalité.

Elle confirme ainsi l’automaticité des conséquences que l’administration doit tirer d’une telle interdiction prononcée par la juridiction pénale et en précise toute la portée. L’administration se trouve en situation de compétence liée pour prononcer la radiation des cadres. A l’instar de l’ensemble des mesures de radiation des cadres, il s’agit en réalité d’une mesure purement administrative qui tire les conséquences d’une situation de fin d’emploi préexistante (sanction, abandon de poste, licenciement). Pour cette raison, elle peut intervenir rétroactivement, à la date à laquelle l’interdiction pénale prend effet, c’est-à-dire à la date à compter de laquelle le fonctionnaire ne peut plus exercer sa profession. Cet état de droit n’est en outre aucunement impacté par le caractère temporaire de l’interdiction professionnelle : les conséquences qu’il appartient à l’administration d’en tirer sont les mêmes.

La décision n’épuise certes pas totalement le débat en ce qui concerne cette situation. En l’occurrence, l’agent appartenait à un corps et grade dont l’ensemble des fonctions possibles lui étaient interdites, puisque c’est la profession infirmier dans son entièreté qui lui était interdite. Or aucune obligation de reclassement dans un autre corps ne s’impose à l’administration dans ces hypothèses.

Il pourrait en aller différemment pour les fonctionnaires appartenant à un corps qui autoriserait l’exercice de missions plus variées, dont des fonctions dont l’exercice ne lui aurait pas été interdit par l’interdiction pénale. Dans ce cas, l’administration serait-elle tenue de changer l’affectation de son agent, en procédant à une sorte d’aménagement de poste imposé non pas une contrainte physique mais par une interdiction pénale ? Qu’en serait-il en l’absence de tels postes dans la collectivité ? Faudrait-il justifier alors de cette absence, voire prévoir, chose curieuse pour une décision prise en compétence liée, de la motiver sur ce point ? Ces questions restent posées et la prudence sera recommandée dans ces cas.