Contrats publics
le 13/04/2023

Précisions sur le droit de suivi d’un marché de substitution par le cocontractant défaillant de l’administration

CE, 5 avril 2023, n° 463554

En droit, pour surmonter les défaillances de son cocontractant, la personne publique dispose de la possibilité de reprendre les prestations en régie, ou d’en confier l’exécution à un tiers par le biais de la conclusion d’un contrat de substitution et ce, même en l’absence de toute stipulation contractuelle le prévoyant expressément.

Cette prérogative implique toutefois de garantir le « droit de suivi » du marché de substitution dont bénéficie le cocontractant défaillant, les montants des surcoûts supportés par l’administration en raison de l’achèvement des prestations par un nouvel entrepreneur étant mis à sa charge. Le cocontractant défaillant doit donc être mis à même de suivre l’exécution du marché de substitution, afin de pouvoir veiller à la sauvegarde de ses intérêts.

S’il ne faisait plus de doute que ce droit de suivi implique que le cocontractant reçoive notification du marché de substitution afin de pouvoir vérifier que le nouveau marché à un objet équivalent, le Conseil d’Etat n’avait, jusqu’alors, pas eu l’occasion de se prononcer sur la suffisance de cette communication.

Par une décision rendue le 5 avril dernier (CE, 5 avril 2023, Ministre des armées c/ Société Iveco France, req. n° 463554), le Conseil d’Etat a précisé les obligations pesant sur la personne publique à l’égard de son cocontractant défaillant, en cas de recours à un marché de substitution.

Dans cette affaire, une société qui avait vu le marché dont elle était titulaire être résilié à ses torts et qui avait été informée de l’attribution d’un marché de substitution à un autre opérateur arguait qu’elle n’avait pas été mise à même de suivre l’exécution du marché de substitution en raison de l’absence de communication  des pièces justificatives des sommes versées au titre du marché de substitution (factures, prestations réellement réalisées…), et demandait en conséquence à ce que le surcoût du marché de substitution, d’un montant de plus de 2 millions d’euros, ne soit pas mis à sa charge.

La question était donc de savoir ce que recouvrait précisément le droit de suivi du cocontractant défaillant, et d’identifier les obligations qui pesait sur l’acheteur public.

Alors que la Cour administrative d’appel avait fait droit à la demande de la société défaillante, en considérant qu’en raison de l’absence de communication de pièces justificatives, le cocontractant défaillant n’avait pas été mis à même de suivre l’exécution du marché de substitution, le Rapporteur public a estimé que :

« Il serait préférable de juger que l’acheteur doit seulement communiquer spontanément à son co-contractant défaillant le marché de substitution et que c’est ensuite à ce dernier, en retour, qu’il revient de solliciter des éléments supplémentaires s’il estime ne pas disposer d’une information suffisamment précise pour veiller à la sauvegarde de ses intérêts ».

Le Conseil d’Etat a suivi son raisonnement et a jugé :

« Si l’administration doit dans tous les cas notifier le marché de substitution au titulaire du marché résilié, elle n’est tenue de lui communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées en exécution du nouveau contrat qu’à la condition d’être saisie d’une demande en ce sens ».

En conséquence, l’acheteur public devra désormais communiquer les pièces justifiant de la réalité des prestations effectuées, uniquement s’il a été saisi d’une demande en ce sens du cocontractant défaillant.

C’est décision est satisfaisante pour les acheteurs publics, puisque retenir la solution proposée par la Cour administrative d’appel serait revenu à faire peser sur eux une obligation de communication spontanée, ce qui aurait considérablement alourdi leurs obligations en la matière.