Urbanisme, aménagement et foncier
le 15/11/2023

Précisions sur la décision de prorogation du délai d’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme

CE, 24 octobre 2023, n° 462511

Il aura fallu moins d’un an au Conseil d’Etat pour se prononcer sur l’application de son arrêt Commune de Saint-Herblain du 9 décembre 2022 (n° 454521) aux décisions de majoration de délais d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme. Pour rappel, le Conseil d’Etat avait jugé qu’une demande illégale de pièces complémentaires ne pouvait proroger le délai d’instruction d’une demande, si bien qu’une décision tacite, et donc favorable, naissait à l’expiration du délai de droit commun. Par un arrêt en date du 24 octobre 2023, la Haute Juridiction a étendu cette solution aux décisions de prorogation de délais d’instruction notifiée sur le fondement des articles R. 423-18 et suivants du Code de l’urbanisme.

En l’espèce, après le dépôt d’une demande de permis de construire régularisation la construction d’une serre agricole, le pétitionnaire s’est vu notifié dans le mois qui suivait la décision de prorogation du délai d’instruction de sa demande en application du point a) de l’article R. 423-24 du Code de l’urbanisme (correspondant à l’hypothèse de la nécessité d’une autre autorisation ou prescriptions prévues par une autre législation que celle de l’urbanisme). Le délai d’instruction était donc prorogé d’un mois, ce qu’indiquait explicitement la notification mentionnant la date à laquelle un permis de construire tacite interviendrait.

Toutefois, quelques jours avant l’expiration de ce délai et l’intervention d’un permis tacite, le Maire d’Aix-en-Provence a refusé la délivrance de ce permis de construire. Soulevant l’exception d’illégalité de cette majoration de délai, le contentieux a été porté devant le Conseil d’Etat, qui a décidé de neutraliser les effets d’une décision illégale de prorogation des délais, à l’instar des décisions illégales de demandes de pièces complémentaires :

« Il résulte de ces dispositions qu’à l’expiration du délai d’instruction tel qu’il résulte de l’application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du Code de l’urbanisme relatives à l’instruction des déclarations préalables, des demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir, naît une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite. Une modification du délai d’instruction notifiée après l’expiration du délai d’un mois prévu à l’article R*423-18 de ce code ou qui, bien que notifiée dans ce délai, ne serait pas motivée par l’une des hypothèses de majoration prévues aux articles R*423-24 à R*423-33 du même code, n’a pas pour effet de modifier le délai d’instruction de droit commun à l’issue duquel naît un permis tacite ou une décision de non-opposition à déclaration préalable. S’il appartient à l’autorité compétente, le cas échéant, d’établir qu’elle a procédé à la consultation ou mis en œuvre la procédure ayant motivé la prolongation du délai d’instruction, le bien-fondé de cette prolongation est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ».

Désormais, les pétitionnaires pourront donc se prévaloir d’une autorisation de travaux tacite à l’expiration du délai de droit commun même en cas de prorogation de délai d’instruction dans deux hypothèses :

  • Si la notification de la décision de prorogation de délai est intervenue postérieurement à l’expiration du délai d’un mois ;
  • Si la décision de majoration des délais d’instruction n’est pas motivée sur l’un des motifs prévus par le Code. Sur ce point, le juge administratif rappelle que le bien-fondé de ce motif n’a pas d’incidence sur la légalité de cette décision.

Le Conseil d’Etat donne donc toute sa force juridique aux dispositions encadrant les prolongations de délais d’instruction, en sanctionnant leur illégalité par l’octroi d’une autorisation tacite.

Le Conseil d’Etat profite de cette décision pour revenir sur sa jurisprudence Sobeprim de 1992 et apporter une deuxième précision sur la décision de prorogation : une telle décision ne fait pas grief au pétitionnaire et n’est donc pas susceptible de recours pour excès de pouvoir.