Fonction publique
le 25/05/2023

Précisions sur la communication parcellaire du rapport d’enquête administrative et des procès-verbaux d’audition à l’agent ayant fait l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne

CE, 28 avril 2023, n° 443749

Dans une décision en date du 28 avril 2023, le Conseil d’Etat est venu préciser les contours de l’exception au principe de communication préalable, et intégrale, du rapport d’enquête et des procès-verbaux d’audition à l’agent ayant fait l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne.

En l’espèce, un fonctionnaire d’Etat avait vu son détachement dans l’emploi de directeur académique des services déconcentré de l’éducation nationale du département des Deux-Sèvres, prendre fin dans l’intérêt du service à la suite de la remise d’un rapport d’enquête administrative mettant en lumière des dysfonctionnements au sein de ladite direction. Le fonctionnaire éconduit se prévalait notamment de la méconnaissance des dispositions de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, en vertu desquelles, un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même d’obtenir communication de son dossier.

Sur ce moyen, la Haute juridiction rappelle tout d’abord que « lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public, y compris lorsqu’elle a été confiée à des corps d’inspection, le rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de parties de ce rapport ou de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné ».

A ce considérant désormais classique (issu d’une décision CE, 5 février 2020, n° 433130, et repris ensuite : CE, 19 mai 2022, n° 448273), le Conseil d’Etat apporte par la décision commentée une précision utile en ajoutant que « dans ce cas, l’administration doit informer l’agent public, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur, de telle sorte qu’il puisse se défendre utilement ».

Or au cas d’espèce, si le fonctionnaire d’Etat avait effectivement reçu communication du rapport d’enquête administrative préalablement à la décision attaquée, le rapport « lui a été transmis dans une version dans laquelle, d’une part, plusieurs parties avaient été intégralement occultées, y compris s’agissant de leur intitulé, et remplacées par les mentions ʺpartie non communicable (art[icle] L. 311-6 CRPA)ʺ, d’autre part, les parties non totalement occultées comportaient certaines mentions dissimulées selon le même procédé ».

Par ailleurs, alors que l’agent avait bien, sollicité la communication des procès-verbaux d’auditions en sus du rapport d’enquête (conformément à la règle fixée par le Conseil d’Etat depuis une décision du 21 octobre 2022, n° 456254), la Haute juridiction constate que l’agent n’a été destinataire que d’une partie des comptes-rendus d’audition annexés au rapport.

Ainsi, non seulement l’agent ne s’était pas vu remettre, malgré une demande en ce sens, l’intégralité des procès-verbaux des agents ayant été auditionnés, mais encore certaines parties du rapport communiqué à l’agent avaient été occultées.

Le Conseil d’Etat en déduit que « dans ces conditions, et alors qu’il n’est pas allégué que cette communication parcellaire avait pour objet de protéger les personnes qui avaient témoigné sur la situation en cause », l’agent « n’a pas reçu communication de l’ensemble des pièces qu’il était en droit d’obtenir en vertu de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, afin de préparer utilement sa défense » de sorte que la procédure préalable à l’édiction de la décision litigieuse a été regardée comme irrégulière.

Si dans le cadre de cette décision, le Conseil d’Etat confirme donc la possibilité d’anonymiser un rapport d’enquête administrative et plus encore d’occulter partiellement ledit rapport et les procès-verbaux d’auditions, ce n’est que sous réserve que l’agent mis en cause soit informé de leur teneur de façon suffisamment circonstanciée, pour lui permettre d’assurer utilement sa défense, et que cette communication parcellaire soit intervenue dans le but de protéger les personnes ayant témoigné.

Les aléas d’application au cas par cas de cette jurisprudence n’échapperont pas au lecteur, de même que les risques qui en découlent, de sorte qu’il doit être veillé à faire usage de l’anonymisation avec la plus grande parcimonie.