Fonction publique
le 15/11/2023

Pour abandonner son poste, encore faut-il avoir une affectation

CE, 11 octobre 2023, n° 464419

Mise en lumière d’un préalable nécessaire à l’abandon de poste

Impossibilité de radier des cadres pour abandon de poste un fonctionnaire n’étant pas affecté

Par une décision récente en date du 11 octobre 2023, le Conseil d’Etat a précisé qu’il n’était pas possible de prononcer à l’encontre d’un fonctionnaire n’ayant pas reçu d’affectation correspondant à son grade une mesure de radiation des cadres pour un abandon de poste.

En l’espèce, un ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, a été affecté le 14 janvier 2015 à la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche du Ministère chargé de l’agriculture. Estimant que cet agent se trouvait en situation d’absence injustifiée depuis le 11 juin 2020, la Secrétaire Générale du Ministère l’a mis en demeure de reprendre son service dans un délai de huit jours, sous peine de s’exposer à l’engagement d’une procédure de radiation pour abandon de poste. Cette mise en demeure a été réitérée le 21 janvier 2022 et le Président de la République a radié des cadres cet ingénieur en chef pour abandon de poste par un décret du 6 mai suivant.

Toutefois, le Conseil d’Etat a relevé que le service au sein duquel l’agent exerçait ses fonctions, avait été supprimée en mars 2019, sans que celui-ci ne soit affecté à l’entité ayant repris les activités de cette structure. Si des échanges sont intervenus entre l’intéressé et sa hiérarchie sur la suite de son parcours professionnel, il n’a fait l’objet d’aucune affectation.

Dès lors, après le droit pour tout fonctionnaire en activité de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade, le Conseil d’Etat a fait droit à la demande d’annulation de sa mesure de radiation au motif que « lorsqu’un agent n’a pas reçu une affectation correspondant à son grade, il ne peut être regardé comme ayant, faute d’avoir rejoint son poste ou repris son service, rompu de son fait le lien avec le service et ne peut dès lors faire l’objet d’une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ».

Aussi, « l’absence d’affectation de M.A… faisait obstacle à ce que puisse être légalement prononcée à son encontre une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste, sans qu’ait d’incidence à cet égard la teneur des échanges sur les affectations envisagées intervenus entre l’intéressé et sa hiérarchie, à qui il appartenait en toute hypothèse de procéder à son affectation régulière. Il est dès lors fondé […] à demander l’annulation du décret qu’il attaque ».

L’arrêt attire donc, une nouvelle fois, l’attention des employeurs sur les précautions à prendre pour prononcer cette mesure délicate qu’est la radiation pour abandon de poste : elle doit toujours pouvoir être exclusivement imputable à la volonté de l’agent. En l’absence d’affectation, et quelle que soit par ailleurs la mauvaise volonté de ce dernier, la radiation sera exposée à un risque juridique important.