Par un arrêt en date du 19 avril 2024, le Conseil d’Etat est venu préciser l’articulation des dispositions entre plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN), le règlement national d’urbanisme (article R. 111-2 du Code de l’urbanisme) et les autorisations d’urbanisme.
Il était question de savoir si des dispositifs dits intermédiaires, comme ce qui était prévu en l’espèce (cuve de rétention et une tranchée d’infiltration très lente), pouvaient répondre aux impératifs de sécurité du Code de l’urbanisme, au même titre que la cuve de rétention d’eau utilisée traditionnellement, dès lors que le plan d’exposition aux risques ne prévoyait pas de dispositif particulier.
En l’espèce, les requérants soutenaient que le permis de construire modificatif (délivré après un sursis à statuer) s’il permettait de régulariser le vice tenant à la méconnaissance de dispositions du PLUi de Grenoble Alpes Métropole (qui s’était substitué au PLU communal) ne permettait pas de régulariser le vice entachant le permis de construire initial tenant à la gestion des eaux pluviales au regard des dispositions du plan d’exposition aux risques et de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme.
Le Conseil d’Etat trouve ici l’occasion de faire application de sa jurisprudence de principe, Commune de Fondettes du 4 mai 2011 (n° 321357) rappelant que si les dispositions du PPRN n’ont pas besoin d’être reprises dans le PLU pour être opposables aux demandes d’autorisation d’urbanisme, il revient toutefois à l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme, « si les particularités de la situation qu’il lui appartient d’apprécier l’exigent », soit :
- De préciser dans l’autorisation les conditions d’application d’une prescription générale ;
- Ou de subordonner, en application des dispositions précitées de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d’autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles du plan de prévention des risques naturels prévisibles.
En l’espèce, non seulement le dispositif de gestion des eaux pluviales mis en place ne répondait pas aux exigences du PPRN mais plus encore, le terrain sur lequel l’ouvrage était projeté, étant situé dans une zone soumise à un aléa faible de glissement de terrain, les modalités retenues faisaient « nécessairement peser un risque pour la sécurité, au sens des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme » (TA Grenoble, 14 novembre 2022, n° 1902558).
Le permis de construire initial ainsi que le permis modificatif avaient alors été annulés. Toutefois, le Conseil d’Etat relève qu’il ressortait d’un rapport géotechnique du bureau d’études Kaéna que la solution retenue par le pétitionnaire proposait « une infiltration très lente, comparable dans son principe à celui d’une cuve de rétention ». Ainsi, si les dispositions du PPRN visaient à éviter tout système d’infiltration concentrée, le Conseil d’Etat a souligné qu’elles ne prescrivaient pas de dispositif particulier et que le système mis en place permet « drainage efficace […] autour des constructions » au sens de ces dispositions :
« 4. Il en ressort également que ce type de dispositif de collecte et de stockage intermédiaire des eaux pluviales avant une infiltration très lente, comparable dans son principe à celui d’une cuve de rétention comme celle qui avait été prévue à l’origine et estimée par l’étude Kaéna à 0,05 litre par seconde, constitue un drainage efficace des eaux pluviales autour des constructions au sens de l’article 3.4.2.1 du chapitre 2 du titre I du règlement du plan d’expositions aux risques, dont les dispositions ne prescrivent pas un dispositif particulier. En jugeant néanmoins qu’un tel dispositif d’infiltration à la parcelle méconnaissait les dispositions de l’article 3.4.2.1 du chapitre 2 du titre I du plan d’exposition aux risques dont les prescriptions visent à éviter tout système d’infiltration concentrée et qu’il présentait un risque pour la sécurité au sens de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif, qui n’a en outre pas recherché si des prescriptions spéciales complétant celles déjà prévues par le permis modificatif délivré par le maire de La Tronche n’étaient pas de nature à en assurer la légalité au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, a, comme le soutient le pourvoi, implicitement jugé que seul un dispositif organisé sous forme de cuve de rétention répondrait aux exigences du règlement du plan d’exposition aux risques de La Tronche pour la collecte des eaux pluviales et a, ce faisant, commis une erreur de droit. Par suite, son jugement doit être annulé pour ce motif, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi. ».
Pour le Conseil d’Etat, il est donc possible de recourir à des dispositifs de gestion des eaux pluviales intermédiaires, dès lors que ceux-ci assurent un drainage comparable à une cuve de rétention et efficace sur le terrain.
En considération de la conformité du système de drainage au PPRN, et dans la mesure où les juges du fond n’avaient examiné le nouveau système d’infiltration des eaux pluviales prévues par le PCM (ajoutant la tranchée d’infiltration) au regard de l’existence d’un éventuel risque pour la sécurité au sens de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a reconnu l’erreur de droit commise par les juges du fond.
D’un point de vue opérationnel, l’arrêt rendu par les juges de cassation éclaire les rédacteurs des documents d’urbanisme sur le degré de précision de leurs dispositions. Les articles de ces documents peuvent se contenter de prescrire les objectifs et les impératifs de sécurité auxquels les projets doivent se soumettre, mais ne doivent pas nécessairement prévoir les solutions devant être retenues par les pétitionnaires. Il appartiendra à ces derniers d’opter pour les dispositifs répondant de manière efficace aux contraintes inhérentes au terrain d’implantation de leur projet.