Logement social
le 27/08/2020
Anne-Christine FARÇAT
Eglantine ENJALBERT
Guillaume VAN HOUTTE

Offices publics de l’habitat rattachés à une même collectivité : quelles échéances ?

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ci-après dénommée « loi ELAN ») contraint les organismes de logement social gérant moins de 12.000 logements sociaux, à se regrouper au 1er janvier 2021 et ainsi à « […] constituer entre eux, afin d’améliorer l’efficacité de leur activité, un groupe d’organismes de logement social »[1].  

Si ce dispositif s’applique à l’ensemble des organismes d’habitations à loyer modéré et aux sociétés anonymes d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, certaines modalités dérogatoires ont été prévues par le législateur notamment pour les organismes exerçant principalement l’activité d’accession sociale ou pour les SEM dont le chiffre d’affaires moyen sur trois ans atteint un seuil de 40 millions d’euros hors taxes.  

Toutefois, les OPH ne bénéficient d’aucun dispositif d’exception spécifique.  

Bien au contraire, le législateur fait peser sur les OPH une obligation supplémentaire de regroupement dès lors qu’ils sont plusieurs à relever d’une même collectivité de rattachement, impliquant une application dans le temps différenciée.  

  

A l’obligation générale de regroupement, s’ajoute celle, pour les OPH, d’avoir à fusionner dès lors qu’ils sont rattachés à une seule et même collectivité de rattachement

  

Cette seconde obligation figure à l’article L. 421-6 du Code de la construction et de l’habitation qui dispose que :  

« A l’exception de la métropole du Grand Paris, une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale, un établissement public territorial de la métropole du Grand Paris ou la commune de Paris ne peut être la collectivité de rattachement de plusieurs offices publics de l’habitat mentionnés à l’article L. 411-2 du présent code qui gèrent chacun moins de 12 000 logements sociaux. Dans ce cas, après mise en demeure, le représentant de l’Etat dans le département prononce par arrêté la fusion des organismes rattachés qui gèrent moins de 12 000 logements sociaux ». 

En conséquence, une collectivité à laquelle sont rattachés plusieurs OPH, à compter du 1er janvier 2021, pourrait seulement : 

  • soit demeurer collectivité de rattachement de plusieurs OPH, à la condition que lesdits OPH gèrent chacun plus de 12.000 logements sociaux ;  
  • soit être collectivité de rattachement d’un seul OPH, qui n’aurait pas à se regrouper si et seulement si il gère au moins 12.000 logements locatifs sociaux. 

Certains ont pu considérer que l’article L. 421-6 dernier alinéa du Code de la construction et de l’habitation permettait de maintenir le rattachement à une même collectivité de deux OPH dont l’un détiendrait plus de 12.000 logements et l’autre détiendrait moins de 12.000 logements. 

A notre sens, cependant, une lecture stricte de l’alinéa concerné ne permet pas de tirer une telle conclusion. Au surplus, une telle interprétation viendrait à l’encontre de l’esprit général de la loi ELAN visant au regroupement des acteurs du logement social. 

  

  

Articulation des obligations en deux temps 

  

Ainsi, et pour exemple, au regard des dispositions initialement prévues au projet de loi, deux OPH de 5.000 logements locatifs sociaux rattachés à une même collectivité auraient été contraints au 1er janvier 2021 non seulement d’avoir à fusionner entre eux mais également de rejoindre un groupe d’organismes de logement social gérant plus de 12.000 logements.  

Afin d’atténuer les effets de cette « double peine », des parlementaires ont donc proposé différents amendements. On citera notamment celui qui aurait permis de maintenir au moins deux OPH rattachés à une même collectivité lorsqu’il existait au préalable (au 1er janvier 2019) sur le territoire de ladite collectivité plus de cinq OPH. 

La solution finalement retenue a été d’articuler en deux temps les cas des fusions-regroupements des OPH.  

Lors des débats en séance publique au Sénat portant sur l’amendement[2] présenté par le sénateur Hervé MARSEILLE, le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques MEZARD a relevé que cette proposition « […] tend à régler un problème réel, qui se pose pour un petit nombre d’organismes contraints d’articuler l’obligation de regroupement avec l’obligation de fusion. Nous sommes favorables à ce délai supplémentaire, qui leur permettra d’atteindre leurs objectifs sans difficulté. Sinon, ils n’auraient effectivement pas pu y arriver  […] ». 

 

Aux termes de cette discussion, le texte final a retenu à l’article 81 V de la loi ELAN la disposition suivante, dont la lecture reste, là encore, ardue : 

« Les articles L. 423-2 et L. 481-1-2 du code de la construction et de l’habitation dans leur rédaction résultant de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2021.  

Par dérogation au premier alinéa du présent V, l’article L. 423-2 du même code est applicable à compter du 1er janvier 2023 aux offices publics de l’habitat auxquels le dernier alinéa de l’article L. 421-6 dudit code, dans sa rédaction résultant du h du 10° du I de l’article 88 de la présente loi, s’applique.  

Lorsqu’au 1er janvier 2021, les offices publics de l’habitat d’une même collectivité de rattachement appartiennent à un même groupe en application du I de l’article L. 423-2 du même code, l’article L. 421-6 dudit code, dans sa rédaction résultant du h du 10° du I de l’article 88 de la présente loi, leur est applicable à compter du 1er janvier 2023 ». 

  

Autrement dit, l’article 81 V[3] de la loi ELAN a organisé cette articulation, en laissant le choix d’opter pour l’une ou l’autre des solutions proposées : 

  

  • soit les OPH rattachés à une même collectivité ont fusionné ensemble au 1er janvier 2021 et, dans ce cas, leur obligation de rejoindre un groupe d’organismes de logement social est reportée au 1er janvier 2023 ; 

A titre d’illustration : les OPH A (5.000 logements), OPH B (2.000 logements) et OPH C (4.000 logements) sont rattachés à la même collectivité de rattachement. S’ils s’engagent en premier lieu dans un processus de fusion, ils ont jusqu’au 1er janvier 2023 pour choisir le groupe d’organismes auquel appartiendra l’OPH résultant de la fusion. 

  

  • soit les OPH rattachés à une même collectivité ont constitué ensemble au 1er janvier 2021 une société de coordination, de sorte qu’ils appartiennent tous au même groupe d’organismes de logement social et, dans ce cas, leur obligation de fusion est reportée au 1er janvier 2023.  

 A titre d’illustration : les OPH A (5.000 logements), OPH B (2.000 logements) et OPH C (4.000 logements) sont rattachés à la même collectivité de rattachement. S’ils constituent ensemble une société de coordination, leur obligation de fusion est reportée au 1er janvier 2023.  

  Par Anne-Christine Farçat, Avocate associée
Eglantine Enjalbert, Avocate directrice
Guillaume Van Houtte, Avocat

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[1] Article L. 423-1-1 du Code de la construction et de l’habitation. 

[2] Amendement n°973 présenté par le sénateur Hervé MARSEILLE et les membres du groupe Union Centriste et adopté lors de la séance publique du 19 juillet 2018 au Sénat à l’occasion notamment de l’analyse de l’article 25 du projet de loi ELAN. 

[3]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=D61CDA9F0B6E3570334F0CF967A3151A.tplgfr28s_2?idArticle=JORFARTI000037639584&cidTexte=JORFTEXT000037639478&dateTexte=29990101&categorieLien=id