Contrats publics
le 15/02/2024
Philippe GUELLIER
Manon CHEMARIN

Notification claire du décompte général au maître d’œuvre : point de départ du délai lui conférant un caractère définitif

CE, 29 décembre 2023, Commune de Saint-Thibéry, n° 470274

TA Montpellier, 14 décembre 2023, n° 2205945

Les stipulations relatives à la notification du décompte général en matière de travaux figurent au sein de l’article 12.4.3 du CCAG Travaux de 2021 (anciennement article 13. 4.3 du CCAG Travaux de 2009), aux termes duquel :

« Dans un délai de trente jours à compter de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au maître d’ouvrage, avec copie au maître d’œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserve, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. La date de sa notification au maître d’ouvrage constitue le départ du délai de paiement ».

Par un arrêt récent, le Conseil d’Etat a précisé que le décompte général n’est pas définitif si la date de notification de celui-ci ne ressort pas clairement des pièces du dossier car, dans une telle situation, la créance résultant de ce décompte ne présente pas un caractère certain.

Dans cette affaire, la commune de Saint-Thibéry a attribué un marché de construction d’une station d’épuration, en cotraitance, à la société Génie civil en bâtiment. Cette dernière a cédé à la société Banque Courtois les créances qu’elle détenait sur la commune. Par la suite, la société Banque Courtois a demandé au Tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune à lui verser la somme de 197 336, 44 euros au titre des créances non honorées et, à titre subsidiaire, la somme de 75 611,99 euros correspondant au solde du décompte général définitif.

Le Tribunal administratif de Montpellier a fait droit aux conclusions subsidiaires de la société Banque Courtois. La Cour administrative d’appel de Toulouse a rejeté l’appel formé par la commune de Saint-Thibéry, qui s’est pourvue en cassation.

Les Juges suprêmes ont considéré que la seule circonstance que le décompte général aurait été notifié à la société Génie civil le 14 septembre 2011 alors qu’aucune pièce du dossier ne permettait de le démontrer de façon claire, ne suffit pas à considérer que le décompte général serait devenu définitif :

« Pour juger que le décompte général établi par le maître d’œuvre était devenu le décompte général et définitif du marché, la cour administrative d’appel s’est fondée sur la circonstance que ce décompte avait été notifié à la société Génie civil et bâtiment le 14 septembre 2011. En statuant ainsi, alors qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que cette notification serait intervenue à cette date et alors que la commune de Saint-Thibéry contestait le caractère définitif du décompte général et, par suite, le caractère certain de la créance de la société, la cour a dénaturé les pièces du dossier ».

En d’autres termes, le caractère définitif du décompte général d’un marché de travaux impose que la date de sa notification au titulaire du marché soit établie avec certitude. Cette exigence de clarté de la notification du décompte général retranscrit l’idée sous-jacente d’une créance ou d’une dette clairement définie.

Le Conseil d’Etat, par cet arrêt, martèle une nouvelle fois les points de vigilances et la rigueur à mettre en œuvre lors de l’établissement du décompte général pour qu’il puisse devenir définitif dans les marchés publics de travaux.

Dans le même sens, les juges du Tribunal administratif de Montpellier ont récemment considéré que le décompte général ne peut être définitif que s’il est démontré que le titulaire du marché de travaux a transmis clairement un projet de décompte final au maître d’œuvre. Dans cette autre espèce, ils ont considéré que le décompte général n’était pas définitif car « le document [dont il se prévaut constituerait un décompte général et définitif], n’est d’ailleurs ni daté, ni signé et dont il n’est pas démontré qu’il aurait été transmis préalablement au maître d’œuvre conformément aux dispositions précitées. […] Par suite, le requérant n’est pas fondé à demander le paiement ».

Notons alors que sans preuve d’une notification clairement établie du décompte général lui conférant un caractère définitif au maître d’œuvre (signature et date), le titulaire ne peut se prévaloir d’aucun droit à paiement de ses prestations puisqu’aucun délai de paiement n’a pu être déclenché au regard des dispositions de l’article 12.4.3 du CCAG Travaux de 2021 (anciennement article 13. 4.3 du CCAG Travaux de 2009).