Urbanisme, aménagement et foncier
le 25/05/2023

Mécanisme de la cristallisation des moyens : application au contentieux initié par un concurrent sur le volet commercial du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale

CE, 4 avril 2023, n° 460754

Par une décision n° 460754 en date du 4 avril 2023, le Conseil d’Etat est venu étendre l’application de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme aux recours intentés par des commerçants concurrents contre une autorisation d’exploitation commerciale.

Selon l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme :

« Par dérogation à l’article R. 611-7-1 du Code de justice administrative, et sans préjudice de l’application de l’article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d’une requête relative à une décision d’occupation ou d’utilisation du sol régie par le présent code, ou d’une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s’effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 611-3 du Code de justice administrative.

Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation est contesté dans les conditions prévues à l’article L. 600-5-2, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à son encontre passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le concernant.
Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu’il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie.

Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ».

Il s’évince de cet article que, dans le cadre d’un contentieux à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme, les parties ne peuvent en principe plus invoquer de moyens nouveaux au-delà du délai de deux mois à compter de la production du premier mémoire en défense, lequel peut être produit tant par le pétitionnaire que par l’autorité ayant délivré l’autorisation d’urbanisme attaquée.

Ainsi, il peut être stratégique pour les défendeurs de produire rapidement un premier mémoire en défense afin que le pétitionnaire ne dispose pas d’un temps long pour pouvoir rechercher et soulever des moyens nouveaux.

Aussi, ce mécanisme de la cristallisation des moyens par le juge administratif, propre à l’urbanisme, a pour finalité de réduire les délais contentieux en matière d’urbanisme, afin de tenter de cadencer l’instruction en cours.

Cela étant posé, par sa décision du 4 avril 2023 ici commentée, le Conseil d’Etat est venu préciser que le mécanisme de la cristallisation des moyens s’appliquait au contentieux initié à l’encontre des autorisations d’urbanisme valant autorisation commerciale sur son volet commercial. Il était bien évidemment admis que cet article s’appliquait au volet urbanistique d’un permis de construire valant autorisation d’exploitation commercial.

Pour mémoire, en substance, lorsqu’un projet nécessite à la fois un permis de construire et une autorisation d’exploitation commerciale, le porteur du projet devra solliciter auprès de l’administration une autorisation unique : le permis de construire valant autorisation commerciale.

S’il sera tout de même nécessaire d’élaborer deux dossiers de demande distincts, l’administration délivrera en revanche une autorisation unique (article L.425-4 du Code de l’urbanisme).

Ces deux autorisations, bien que comprises dans un acte unique, devront faire l’objet de recours distincts devant le juge administratif.

Autre subtilité : les cours administratives d’appel sont compétentes en premier et dernier ressort pour connaitre des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale (article L. 600-10 du Code de l’urbanisme).

Concrètement, un tel recours contentieux à l’encontre du volet commercial de cette autorisation unique est intenté par des concurrents situés à proximité de la future localisation du commerçant ayant obtenu l’autorisation d’exploiter. A distinguer donc de la qualité de voisin – éventuellement immédiat – du projet qui doit être démontrée pour contester une autorisation unique sur son volet urbanisme devant le juge administratif.

Dans cette affaire donc, la Cour administrative d’appel de Marseille avait appliqué le mécanisme de la cristallisation des moyens de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme dans le cadre d’un contentieux initié par un commerçant concurrent – et donc propre au volet commercial de l’autorisation administrative -, et rejeté la requête de ce concurrent. Ce dernier s’est pourvu en cassation afin de solliciter l’annulation de l’arrêt de la Cour. Le requérant reprochait aux premiers juges d’avoir mis en œuvre la cristallisation des moyens en application de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme.

Or, le Conseil d’Etat a ici confirmé l’arrêt de la Cour en jugeant qu’« il résulte de ces dispositions que la cristallisation des moyens prévue par les dispositions de l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme s’applique au recours formé contre un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale par une personne mentionnée à l’article L. 752-17 du Code de commerce ».