Droit du travail et de la sécurité sociale
le 22/09/2022

Loi « protection du pouvoir d’achat » et loi de finances rectificative du 16 août 2022 : les principales opportunités pour les DRH

Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022

Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat

Intéressement et participation : le déblocage exceptionnel des sommes investies avant 2022, Foire aux questions

 

En cette rentrée marquée par les préoccupations sur le pouvoir d’achat des salariés et la conjoncture agitée, les Directions des ressources humaines sont attendues sur ce sujet dans le cadre des négociations à venir (NAO, rémunération variable, primes etc…).

Il convient de rappeler les quatre principales thématiques prévues par les deux lois du 16 août 2022 : loi n° 2022-1158 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et la loi n° 2022-1157 de finances rectificatives pour 2022 avec les dernières précisions du ministère du travail publiées ce 13 septembre 2022 (QR min. trav. du 13 septembre 2022) :

  • La Pérennisation et le renforcement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), transformée en Prime de Partage de la Valeur (1) ;
  • Le développement de l’épargne salariale au sein des entreprises de moins de 50 salariés, ainsi que le déblocage anticipé de l’intéressement et de la participation, assortie d’exonérations sociales et fiscales pour toutes les entreprises (2) ;
  • Les majorations de salaire à travers les dispositions sur le temps de travail comme la monétisation des jours conventionnels de repos ou de RTT et la déduction forfaitaire de cotisations patronales au titre des heures supplémentaires réalisées par leurs salariés à compter du 1er octobre 2022 dans les entités dont l’effectif est compris entre 20 et 250 salariés (3) ;
  • La Revalorisation des plafonds de remboursement des dépenses de nourriture, Titres Restaurants et Frais professionnels (4).

1 – La nouvelle prime exonérée de cotisations sociales : La prime partage de la valeur (PPV)

La Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, appelée prime « Macron » a été pérennisée et renforcée par la loi du 16 août 2022, avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er juillet 2022.

La mise en place

Devenue la « Prime de partage de la valeur » (PPV), cette prime peut être versée aux salariés ou agents employés au sein :

  • des entités de droit privé, des mutuelles, des associations ou des fondations, etc.;
  • des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) pour leur personnel titulaire d’un contrat de soutien et d’aide par le travail ;
  • des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ;
  • des établissements publics administratifs (EPA)pour leur personnel de droit privé.

Cette prime est mise en œuvre à travers soit :

  • un accord d’entreprise ou de groupe conclu avec les Organisations Syndicales Représentatives de salariés ;
  • un accord conclu au sein du CSE ;
  • un accord approuvé par référendum à la majorité des 2/3 du personnel ;
  • ou encore par la voie d’une décision unilatérale de l’employeur prise après la consultation préalable du CSE.

Les bénéficiaires

La prime bénéficie aux salariés, aux agents publics relevant d’un établissement EPA ou Epic, et aux intérimaires mis à disposition de l’entreprise à la date : de versement de la prime, du dépôt de l’accord collectif ou de la signature de la décision unilatérale afférente.

L’entité qui verse la prime doit en informer les entreprises de travail temporaire qui mettent à disposition des intérimaires, car ces derniers doivent bénéficier de la même prime que celle versée aux salariés de l’entité utilisatrice.

Les modalités

Le montant de la prime attribuée à chaque salarié est fixé librement et peut donc être inférieur aux montants exonérés, soit entre 3.000 € et 6.000€ (voir ci-dessous) ou supérieur à ces montants.

Cette prime peut être modulée en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de l’ancienneté dans l’entreprise, de la durée de présence effective sur l’année écoulée ou encore de la durée de travail prévue au contrat de travail.

Le versement de la prime est réalisable en une ou plusieurs fois au cours de l’année civile, dans la limite d’une fois par trimestre.

Il ne peut donc y avoir une prime mensuelle.

Cette prime ne peut se substituer à un élément de rémunération du salarié, qu’il soit prévu par accord, par contrat ou par usage.

Les exonérations de cotisations sociales et d’impôts.

  • Le plafond d’exonération sociale et fiscale est dorénavant fixé à hauteur 3.000 € par salarié et par année civile.

Ce plafond est majoré à 6.000 € par an dans une entité selon l’un des 3 cas suivants :

  • L’entité dispose d’un accord d’intéressement ;
  • L’entité à moins de 50 salariés dispose d’un accord de participation ;
  • L’entité est une association ou une fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général ou encore un ESAT.
  • Pour les salariés dont la rémunération est inférieure à 3 fois la valeur annuelle du Smic soit 60.442,20 euros bruts pour l’année 2022 : la prime est entièrement exonérée de charges sociales et d’impôt sur le revenu ;
  • pour les salariés dont la rémunération est supérieure ou égale à 3 SMIC, la prime est:

– exonérée de cotisations de sécurité sociale ;

– soumise à la CSG/CRDS ;

– soumise au forfait social dans les entreprises de 250 salariés et plus ;

– imposable à l’impôt sur le revenu.

Pour les primes versées à compter du 1er janvier 2024, l’exonération se limitera aux cotisations sociales. Elles seront soumises à la CSG/CRDS et imposables à l’impôt sur le revenu.

 2 – Les mesures en faveur du développement de l’épargne salariale

L’un des principaux axes développés par le législateur pour la « protection du pouvoir d’achat » réside dans le développement de l’épargne salariale qu’il s’agisse de la mise en place de l’intéressement au sein des entreprise de moins de 50 salariés ou bien du développement des modalités de déblocage de l’intéressement ou de la participation.

Les mesures pour favoriser la mise en place et le renouvellement des accords d’intéressement

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’accord d’intéressement ou la décision unilatérale sur l’intéressement peut désormais être conclu pour une durée maximale de 5 ans au lieu de 3 ans. Le renouvellement d’un tel accord peut s’effectuer à présent par une simple décision unilatérale, ce qui était interdit jusqu’à cette réforme.

Désormais, et dès lors que l’entité n’est pas couverte pas un accord de branche, l’intéressement peut être mis en place au sein d’entreprises :

  • n’ayant pas de délégué syndical et de comité social et économique (CSE) l’employeur devra alors informer, par tout moyen, les salariés de la mise en place de cet intéressement ;
  • n’ayant pas réussi à conclure un accord d’intéressement avec le délégué syndical ou le CSE. Dans cette hypothèse, un procès-verbal de désaccord devra être formalisé et le CSE devra être consulté sur la décision unilatérale organisant l’intéressement, au moins 15 jours avant son dépôt.

Afin d’assouplir la procédure de contrôle des accords d’intéressement, les accords d’intéressement rédigés conformément à une procédure dématérialisée prévue par décret et déposés à compter du 1er janvier 2023 ne feront plus l’objet d’un contrôle préalable de légalité par la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS),

Quant au délai dans lequel l’Urssaf pourra opérer un contrôle de fond, celui-ci ne pourra excéder trois mois après le dépôt des accords.

Les modalités de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale

L’article 5 de la loi « pouvoir d’achat » du 16 août dernier permet aux salariés un déblocage de l’intéressement et de la participation jusqu’à 10 000 euros, pour financer l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services.

Le ministère du travail a publié, ce 13 septembre 2022, sur son site internet, un questions-réponses (QR) détaillant, sur une vingtaine de points, les modalités du dispositif.

L’administration souligne que le législateur destine ce déblocage uniquement au soutien à la consommation des ménages (les frais de scolarité sont acceptés) et non pour favoriser l’épargne en finançant l’acquisition de biens immobiliers locatifs ou de produits de placement ou des valeurs mobilières (livrets, assurance-vie, actions…) ni servir au solde d’un crédit ou à la clôture d’un prêt par anticipation. De même, le paiement des impôts est exclu du champ de la mesure (QR no 11).

Ce déblocage exceptionnel est permis jusqu’au 31 décembre 2022, en une seule fois et dans la limite d’un plafond global de 10.000 € nets de prélèvements sociaux.

Ce dispositif concerne les sommes issues de l’intéressement ou la participation affectées sur un plan d’épargne salariale ou un compte courant bloqué avant le 1er janvier 2022.

Le texte de loi mentionne les « bénéficiaires » de la participation et de l’intéressement comme pouvant demander le déblocage exceptionnel.

Le ministère du travail précise qu’il s’agit des salariés de l’entreprise, mais également des anciens salariés ainsi que des autres bénéficiaires prévus à l’article L 3332-2 du Code du travail à savoir les chefs d’entreprise, les directeurs généraux, les gérants ou les membres du directoire, le conjoint ou le partenaire lié par un Pacs du chef d’entreprise s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé (QR no 3).

Les sommes issues de la participation affectées à un compte courant bloqué (CCB) mis en place au sein d’une Scop sont également concernées par ce déblocage exceptionnel, à condition de disposer d’un accord. Est également concernée la participation bloquée pour 8 ans dans un CCB dans le cadre d’un « régime d’autorité », cette fois sans condition d’un accord dans l’entreprise (QR no 8).

En dehors de ces deux cas, cette faculté de déblocage ne s’applique pas aux droits affectés sur des fonds investis dans des entreprises solidaires ni aux sommes affectées sur un PERCO.

Le QR du ministère précise que les sommes issues de la participation affectées à un compte courant bloqué mis en place par accord avant la loi du 22 mai 2019 (loi Pacte) ne sont pas concernées par le déblocage (QR no 5 et no 8).

Le salarié devra tenir à la disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives attestant de l’usage des sommes débloquées (QR no 13) pendant 3 ans, correspondants au délai de contrôle de droit commun de l’administration fiscale (QR no 23).

La loi Pouvoir d’achat prévoit que les employeurs doivent informer les bénéficiaires de ce dispositif exceptionnel de déblocage dans un délai de 2 mois après la promulgation de la loi, soit au plus tard le 16 octobre 2022 (Loi 2022-1158 art 5, VI).

Cette information peut être effectuée par tout moyen ; elle doit préciser notamment si le déblocage est soumis au préalable à la conclusion d’un accord et si l’entreprise a l’intention de signer un accord en ce sens, ainsi que le régime fiscal et social des sommes concernées (QR no 16).

3 – Les majorations de salaire à travers les dispositions sur le temps de travail

Le régime temporaire de monétisation des jours de RTT

Pour rappel, avec le dispositif en vigueur avant la Loi 2022-1157 de finances rectificatives de ce 16 août, un salarié pouvait transformer ses jours de repos ou de réduction du temps de travail (RTT) en majoration de salaire dans deux cas prévus par le législateur :

  • les salariés en forfait jours peuvent renoncer, avec l’accord de leur employeur, à leurs jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire (C. trav. art. L 3121-59) ;
  • les salariés disposant d’un compte épargne-temps (CET) peuvent bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congés ou de repos non pris (C. trav. art. L 3151-2).

A travers, l’article 5 de la nouvelle loi de finances rectificatives, les salariés peuvent sur leur demande, quelle que soit la taille de leur entreprise et en accord avec l’employeur,  solliciter la conversion en salaire des journées ou demi-journées de RTT non prises et acquises entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.

Les journées ou demi-journées sont celles acquises en application :

  • d’un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des articles L 3121-41 à L 3121-47 du Code du travail sur une période supérieure à la semaine ;
  • ou de RTT acquises en application d’un accord collectif sur la réduction du temps de travail.

Les journées ou demi-journées ainsi converties sont majorées d’un montant au moins égal au taux de majoration de la première heure supplémentaire dans l’entreprise, soit au minimum 10 % si un accord collectif le prévoit ou 25 % en l’absence d’un tel accord. Elles ne s’imputeront pas sur le contingent d’heures supplémentaires

La rémunération versée aux salariés dans le cadre de cette monétisation ouvre droit aux mêmes réductions de cotisations salariales et de la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires détaillées ci-après.

Il est à noter que cette monétisation des jours de RTT est la plus décriée par les Organisations syndicales qui reprochent une atteinte au mouvement général de la réduction du temps de travail car le salarié se retrouve à travailler plus du fait de l’inflation sans véritable augmentation de salaires.

Les nouvelles déductions forfaitaires pour les heures supplémentaires

L’article 2 de la loi relative à la protection du pouvoir d’achat met en place un dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises d’au moins 20 salariés et de moins de 250 salariés.

Le nouveau dispositif reprendra celui qui avait été mise en place pour les employeurs de moins de 20 salariés à compter du 1er octobre 2022 pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés (Loi n° 2022-1158 art 2, I).

Les modalités pratiques de cette déduction doivent être précisées par décret.

En tout état de cause, la déduction s’applique :

  • aux heures supplémentaires « classiques » effectuées au-delà de la durée légale fixée à 35 heures hebdomadaires ;
  • aux heures supplémentaires comprises dans une convention de forfait hebdomadaire ou mensuel et à celles effectuées au-delà de ces forfaits ;
  • aux heures de travail effectuées au-delà de 1 607 heures par an par les salariés relevant d’une convention de forfait annuel en heures ;
  • aux heures supplémentaires effectuées dans le cadre d’un aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine ;

Il est important de noter que la déduction forfaitaire a également vocation à s’appliquer aux jours de repos auxquels renonce un salarié relevant d’une convention de forfait en jours sur l’année au-delà de 218 jours (Loi art. 2, II).

En outre, la loi de finances rectificative augmente de 5.000 € à 7.500 € le plafond d’exonération d’impôt sur le revenu pour la rémunération des heures supplémentaires effectuées depuis le 1er janvier 2022.

4 – Incitation à la prise en charge des frais de transport et de repas des salariés

Sur les frais de transport

La prise en charge par l’employeur, à hauteur de 50 %, des frais d’abonnements aux transports publics ou aux services publics de location de vélos est exonérée fiscalement) et socialement.

Le législateur offre à présent la possibilité à l’employeur de bénéficier d’une exonération jusqu’à 75 % du prix des titres d’abonnements, au maximum, afin de l’inciter à aller au-delà de la prise en charge obligatoire de 50 %.

Le régime juridique de la prime transport est, de surcroît, aménagé pour les années 2022 et 2023 :

les conditions de versement habituelles (commune non desservie par un service de transport collectif, horaires de travail particuliers, etc.) sont supprimées ;

le cumul entre la prime transport et la prise en charge obligatoire des frais d’abonnements aux transports en commun est à présent autorisé.

  • Les plafonds d’exonérations sociales et fiscales de la prime transport pour les années 2022 et 2023 sont à présent de :

– 400 € (600 € en outre-mer) pour les frais de carburant au lieu de 200 € ;

– 700 € (900 € en outre-mer) par an au lieu de 500 € auparavant dont 400 € maximum par an au titre des frais de carburant pour les frais d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène.

Sur les frais de repas

La limite d’exonération sociale et fiscale de la contribution patronale au financement des titres-restaurant est à présent fixée à 5,92 €, pour les titres émis entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2022 au lieu de 5,69 €.