Energie
le 04/04/2024
Marie-Hélène PACHEN-LEFÈVRE
Alexandra OUZAR

Linky « muets » : Le Conseil d’Etat valide la légalité d’une composante supplémentaire au titre du traitement tarifaire par Enedis de la relève résiduelle dans le calcul du TURPE 6 HTA-BT

CE, 13 février 2024, Association Stop Linky-5G et autres, n°467054

Par un arrêt rendu le 13 février dernier, le Conseil d’Etat a validé la légalité d’une composante supplémentaire ayant pour objet de couvrir le surcoût résultant de la relève résiduelle à effectuer par Enedis du fait de l’absence de transmission, par les utilisateurs non dotés d’un compteur communiquant (dit compteur Linky), de leur index de consommation. Relève résiduelle dans la mesure où, avec le déploiement des compteurs Linky, les relèves (physiques) de compteurs ne sont plus nécessaires, substituées par des relèves à distance. Plusieurs associations avaient demandé au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir les délibérations n° 2022-82 et n° 2022-158 de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) du 17 mars et 9 juin 2022. Ces délibérations sont venues introduire, au sein de la composante annuelle de comptage prévue par les Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics de distribution d’Electricité dans les domaines de tension HTA et BT applicables à compter du 1er août 2021 (ci-après, TURPE 6 HTA-BT), une composante spécifique au traitement tarifaire par Enedis de la relève résiduelle dans les conditions susvisées.

A ce titre, le gestionnaire du réseau de distribution publique d’électricité, la société Enedis, perçoit ainsi une rémunération complémentaire permettant de compenser les coûts engagés pour la relève des compteurs des utilisateurs non équipés d’un compteur Linky et de compteurs « muets ». Ces surcoûts engagés seraient de l’ordre de 26 millions d’euros et concernerait environ 500.000 utilisateurs, tel que l’expose le Conseil d’Etat dans l’arrêt commenté. Sont ici visés les utilisateurs n’ayant pas permis à Enedis d’accéder à leur compteur et n’ayant pas mis à disposition d’Enedis leurs index de consommation durant un an, à compter du 1er janvier 2022. Après avoir écarté les moyens d’illégalité externe soulevés par les requérantes, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le bien-fondé du dispositif.

D’abord, le Conseil d’Etat a considéré que, dans les termes de l’article L. 341-2 du Code de l’énergie, l’introduction de cette composante tarifaire n’a pas méconnu l’exigence de couverture des coûts du gestionnaire du réseau. Pour mémoire, l’article L. 341-2 du Code de l’énergie prévoit que la rémunération du gestionnaire du réseau de distribution d’électricité doit au moins couvrir ses charges d’exploitation et ses charges d’investissement, prises dans leur ensemble, sous réserve que ces coûts n’excèdent pas ceux d’un gestionnaire de réseau efficace compte tenu des gains de productivité attendus de lui. Selon le Conseil d’Etat, le surcoût, il est vrai conséquent, de 26 millions d’euros correspondant à la relève résiduelle n’excède pas les coûts supportés par un gestionnaire de réseau efficace.

Ensuite, après avoir écarté les différents moyens des requérantes faisant valoir une atteinte portée par le dispositif au principe d’égalité, le Conseil d’Etat a en outre considéré que les délibérations de la CRE susvisés ne portaient pas atteinte au principe de péréquation nationale des tarifs prévu par l’article L. 121-5 du Code de l’énergie, au regard du caractère temporaire et de la limitation du champ territorial de la composante tarifaire aux seuls clients situés sur la zone de desserte exclusive d’Enedis. On retiendra enfin que selon l’analyse du Conseil d’Etat, la CRE n’a pas méconnu la circonstance qu’il n’existe pas d’obligation légale pour les usagers du service public de la distribution d’électricité d’accepter la pose d’un compteur Linky dès lors que la délibération contestée n’a ni pour objet ni pour effet d’imposer une telle pose.

Les usagers non équipés de compteurs Linky, qu’ils aient refusé la pose d’un compteur Linky ou que cette installation ne leur ait pas encore été proposée compte tenu du calendrier de déploiement Linky, devront donc être vigilants sur leur envoi des index de consommation au moins une fois par an, à défaut de quoi ils s’exposeront au paiement de cette tarification supplémentaire. Et les autorités concédantes vigilantes sur la mise en œuvre de cette tarification.