Vie des acteurs publics
le 16/03/2023

Les notes de frais des élus locaux et agents publics sont des documents administratifs communicables

CE, 8 février 2023, Ville de Paris, n° 452521

Par une décision en date du 8 février 2023, le Conseil d’Etat a jugé que les « notes de frais et reçus de déplacements ainsi que [les] notes de frais de restauration et reçus de frais de représentation d’élus locaux ou d’agents publics constituent des documents administratifs, communicables à toute personne qui en fait la demande dans les conditions et sous les réserves prévues par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration ».

Notion de document administratif

L’article L. 300-2 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) définit les documents administratifs comme « les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission », et ce « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support ».

Si cet article énumère, à titre d’exemples, plusieurs catégories de documents administratifs (dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions), il ne s’agit pas d’une liste exhaustive et tout document entrant dans la définition précitée constitue un document administratif.

La Haute juridiction a ainsi considéré que tel était le cas des notes de frais des élus locaux et agents publics.

Régime d’accès aux documents administratifs

Deux régimes de communication distincts étaient susceptibles de fonder la communication des notes de frais : le régime général prévu par le CRPA (article L. 300-1 et suivants) et le régime spécial du Code général des collectivités territoriales (CGCT) en matière de documents budgétaires et comptables des collectivités territoriales (articles L. 2121-26, L. 3121-17, L. 4132-16 et L. 5211-46 du CGCT, s’agissant respectivement des communes, départements, régions et établissements publics de coopération intercommunale).

Dans l’affaire jugée par le Conseil d’Etat, les premiers juges avaient estimé que la communication des notes de frais relevait du régime prévu par le CGCT.

La commission d’accès aux documents administratifs (CADA) s’était également déjà prononcée en ce sens (avis n° 20202936 et 20202937 du 29 octobre 2020, Communauté d’agglomération Chartres Métropole et Commune de Chartres).

Toutefois, le Conseil d’Etat a considéré que :

« […] le droit de communication qu’instituent les dispositions de l’article L. 2121-26 du code général des collectivités territoriales s’agissant des « budgets » et des « comptes » des communes ne s’étend pas aux pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité qu’il appartient à l’ordonnateur et au comptable public de conserver, en vertu des dispositions de l’article 52 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, lesquelles constituent des documents distincts des « comptes » visés par le droit de communication spécial établi par cet article du code général des collectivités territoriales ».

Il a en revanche estimé que la communication devait s’opérer sur le fondement général du CRPA.

Il a, en outre, consacré une obligation de communication étendue, excluant, en principe, l’anonymisation des documents.

Principe de l’absence d’anonymisation

L’article L. 311-6 du CRPA précise que les documents dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ne sont communicables qu’à l’intéressé.

Ces dispositions étaient invoquées dans l’affaire en cause par l’administration afin de justifier l’absence de communication des documents sollicités.

Le Conseil d’Etat a néanmoins jugé que :

« […] la communication des documents demandés, qui ont trait à l’activité de la maire de Paris dans le cadre de son mandat et des membres de son cabinet dans le cadre de leurs fonctions, ne saurait être regardée comme mettant en cause la vie privée de ces personnes. En outre, contrairement à ce que soutient la Ville de Paris, la communication des mentions faisant le cas échéant apparaître l’identité et les fonctions des personnes invitées ne porte pas davantage atteinte, par principe, à la protection de vie privée de ces autres personnes ».

Ainsi, l’anonymisation des notes de frais devra être l’exception en fonction d’une appréciation réalisée au cas par cas.

Plus précisément, ce n’est que « si, eu égard à certaines circonstances particulières tenant au contexte de l’évènement auquel un document se rapporte, la communication de ces dernières informations ou celle du motif de la dépense serait de nature, par exception, à porter atteinte aux secrets et intérêts protégés par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration », qu’une occultation d’informations sera possible.