Droit pénal et de la presse
le 13/06/2024
Matthieu HÉNON
Marguerite SAUREL

Les évolutions de la géolocalisation : entre progrès techniques et protection de la vie privée

Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

Par la loi en date du 20 novembre 2023, un nouvel article 230-34-1 du Code de procédure pénale relatif aux mesures de géolocalisation en matière d’enquête et d’instruction, est créé :

« Lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction relative à un crime ou à un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement l’exigent, le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou le juge d’instruction peut autoriser, dans les conditions prévues à l’article 230-33, l’activation à distance d’un appareil électronique, à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, aux seules fins de procéder à sa localisation en temps réel. La décision est prise dans les formes prévues au dernier alinéa du même article 230-33 et comporte alors tous les éléments permettant d’identifier cet appareil.

L’activation à distance d’un appareil électronique mentionnée au premier alinéa du présent article ne peut concerner les appareils électroniques utilisés par les personnes mentionnées aux articles 56-3 et 100-7 du présent code ou par celles mentionnées au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Les dispositions du présent alinéa sont prescrites à peine de nullité. ».

Aux termes de ces dispositions, une nouvelle technique d’investigation par « activation à distance d’un appareil électronique » – en général, un smartphone mais également tout appareil connecté – est organisée afin de localiser une personne sans qu’il soit nécessaire pour les enquêteurs de poser une balise GPS ou de délivrer une réquisition aux opérateurs de mobiles. L’utilisation de cet outil est encadrée par plusieurs conditions cumulatives ; elle est possible :

  • dans le cadre d’une enquête (flagrante ou préliminaire) ou d’une information judiciaire ;
  • lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction l’exigent ;
  • lorsque l’enquête ou l’instruction concerne un crime ou à un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement.

Toutefois, le recours à cette mesure n’est pas limité aux seules personnes soupçonnées d’avoir commis le crime ou le délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement, il peut être étendu à d’autres personnes – notamment leur entourage – si la nécessité de la procédure l’exige.[1] Par ailleurs, l’autorisation du recours à cet outil est donnée par une décision « écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que ces opérations sont nécessaires »[2] :

  • dans le cadre d’une enquête : par le juge des libertés et de la détention (JLD), saisi à la requête du Procureur de la République ;
  • dans le cadre d’une information judiciaire : par le juge d’instruction.

Du reste, il résulte de l’alinéa 2 de ce nouvel article que certaines personnes sont exclues des procédures d’activation à distance d’un appareil électronique, notamment en raison de la protection du secret professionnel. Ainsi les médecins, notaires, huissiers, députés, sénateurs, journalistes, avocats et magistrats ne sont pas concernés par cette nouvelle mesure. Enfin, cette nouvelle technique d’investigation est limitée dans le temps et ne peut excéder :

  • dans le cadre d’une enquête : huit jours consécutifs renouvelable pour une durée d’un mois ou, si la mesure porte sur les infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1 du Code de procédure pénale, quinze jours consécutifs renouvelable pour une durée d’un mois ;
  • dans le cadre d’une information judiciaire : quatre mois renouvelable quatre mois.

Notons que la durée totale de la mesure ne peut dépasser un an ou, s’il s’agit d’une infraction mentionnée aux articles 706-73 et 706-73-1 du Code de procédure pénale, deux ans.[3] Si les dispositions de l’article 230-34-1 du Code de procédure pénale actuel ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, celui-ci avait, en revanche, considéré que l’ancienne disposition de l’article 6 de la loi permettant « l’activation à distance d’appareils électroniques afin de capter des sons et des images sans qu’il soit nécessaire pour les enquêteurs d’accéder physiquement à des lieux privés en vue de la mise en place de dispositifs de sonorisation et de captation » portait une atteinte particulièrement importante et disproportionnée au droit au respect à la vie privée et était donc contraire à la Constitution.[4]

[1] Présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 applicables immédiatement, Circulaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces, Olivier Christen, 7 décembre 2023

[2] Article 230-32 alinéa 5 du Code de procédure pénal

[3] Présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, Direction des affaires criminelles et des grâces, Olivier Christen, 7 décembre 2023 (précité)

[4] CC, 16 novembre 202, n°2023-866 DC