Droit pénal et de la presse
le 11/04/2024
Matthieu HÉNON
Marguerite SAUREL

L’enquête préliminaire de droit commun : trois années de prolongation s’ajoutent à son délai de principe de deux ans

Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire

Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

Par la loi du 22 décembre 2021[1], le nouvel article 75-3 du Code de procédure pénale avait organisé un délai de deux ans, pouvant être porté à trois ans sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, pour le déroulé des enquêtes préliminaires de droit commun.

Récemment, la loi du 20 novembre 2023, applicable aux enquêtes commencées après le 23 décembre 2021[2], apporte quelques modifications à l’article 75-3 du Code de procédure pénale Parmi celles-ci, un nouvel alinéa 4 dispose :

« A titre exceptionnel, à l’expiration du délai de trois ans mentionné au troisième alinéa, le procureur de la République peut décider de la prolongation de l’enquête selon les modalités prévues au V de l’article 77-2 pendant une durée d’un an, renouvelable une fois par décision écrite et motivée versée au dossier de la procédure ».

Ainsi, le procureur de la République peut décider d’une nouvelle prolongation exceptionnelle d’un an, renouvelable une fois, soit une durée maximale de cinq ans d’enquête préliminaire pour les infractions de droit commun.

Concernant les infractions relevant de la criminalité et délinquance organisée[3] ou de la compétence du procureur de la République antiterroriste, le délai d’enquête préliminaire initial est fixé à trois ans et peut être prolongé une fois pour une durée maximale de deux ans sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, depuis la loi du 2 décembre 2021. Néanmoins, il est intéressant de noter que la prolongation exceptionnelle prévue à l’alinéa 4 de l’article 75-3 du Code de procédure pénale par la nouvelle loi du 20 novembre 2023 ne s’applique qu’aux infractions de droit commun.[4] Le délai maximal de l’enquête préliminaire est donc aujourd’hui fixé à cinq ans pour les infractions de droit commun, comme pour les autres infractions, relevant de la criminalité et délinquance organisée ou de la compétence du procureur de la République antiterroriste. Mais ce délai doit être apprécié à l’aune de son point de départ ; jusqu’à présent, l’ancien alinéa 1 de l’article 75-3 du Code de procédure pénale prévoyait que :

 « La durée d’une enquête préliminaire ne peut excéder deux ans à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance ».

Ces dispositions ont été modifiées et prévoient désormais que :

« La durée d’une enquête préliminaire ne peut excéder deux ans à compter du premier acte d’audition libre, de garde à vue ou de perquisition d’une personne, y compris si cet acte est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance ».

La loi ajoute ainsi une précision quant au type d’acte qui fait effectivement courir le délai de principe de l’enquête préliminaire. Toutefois, l’apport essentiel de cette évolution consiste dans le fait que ce délai concerne désormais « une personne » spécifique et ne s’apprécie donc plus de façon générale mais de façon individuelle.[5] A cet égard, « tout acte d’enquête concernant la personne ayant fait l’objet [d’une audition libre, d’une garde à vue ou d’une perquisition] intervenant après l’expiration de ces délais est nul »[6]. Cette nullité, en revanche, ne s’étend pas à un acte d’enquête qui concernerait une autre personne que le mis en cause par cet acte.

Enfin, l’article 77-2 V du Code de procédure pénale concernant l’ouverture au contradictoire des enquêtes préliminaires est également modifié par ladite loi. A ce sujet, l’accès automatique à une copie du dossier et le droit de formuler des observations est seulement ouvert à compter d’un délai de trois ans d’enquête préliminaire pour les infractions de droit commun, contre 2 ans auparavant.

 

[1] Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire

[2] Article 60 de la loi du 20 novembre 2023

[3] Articles 706-73 et 706-73-1 du Code de procédure pénale

[4] Présentation des dispositions de droit pénal et de procédure pénale de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 applicables immédiatement, Circulaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces, Olivier Christen, 7 décembre 2023

[5] Idem

[6] Alinéa 3 de l’article 75-3 du Code de procédure pénale