Vie des acteurs publics
le 16/06/2022

Le Tribunal administratif de Grenoble suspend l’autorisation du port du burkini dans les piscines municipales issue d’une délibération du conseil municipal de Grenoble du 16 mai 2022

TA de Grenoble, 25 mai 2022, n° 2203163

Le 25 mai 2022, le Tribunal administratif de Grenoble a suspendu l’exécution de la délibération municipale grenobloise. Celle-ci prévoyait, à l’article 10 du règlement intérieur des piscines municipales, l’autorisation du port de « certaines tenues non près du corps » comme le burkini. Le Préfet de l’Isère l’avait alors saisi en référé. Outre la question de fond, il est notable qu’il s’agisse de la première utilisation du référé laïcité créé par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 (dite loi contre le séparatisme).

Les moyens invoqués pour contester cette délibération relevaient de l’atteinte à l’ordre public représentée par le port de ce type de vêtement. En effet, la possibilité « d’être happé » par les appareils à filtration a été mentionnée, ainsi que des considérations d’hygiène et le risque qui pourrait être causé par la désapprobation des tiers. Enfin l’atteinte portée aux principes de laïcité et de neutralité du service public a été soutenue pour démontrer l’illégalité de ladite délibération.

Face à ces arguments, il a été argué en défense, l’absence de soumission des usagers au principe de neutralité ainsi que l’obligation faite aux collectivités de garantir l’égal accès au service public.  Il a été rappelé encore, qu’aucun texte de nature législative ne venait interdire le port du burkini, dans la mesure où il ne cache pas le visage. Enfin, le caractère religieux du port du burkini et le fait qu’il serait de nature, à lui seul, à troubler l’ordre public ont été contestés.

Le Tribunal administratif de Grenoble a finalement décidé qu’une atteinte était portée à la neutralité du service public, dès lors que l’autorisation du burkini aurait pour objet de « permettre à certains usagers de s’affranchir [d’une règle] dans un but religieux ».

Le Maire de la commune de Grenoble a contesté cette ordonnance devant Conseil d’État. La décision de la Haute autorité consécutive à l’audience du 14 juin 2022 est donc particulièrement attendue.

À date, cette position du Tribunal administratif de Grenoble apparait, en effet, en contradiction avec les avis du défenseur des droits de 2018 et de 2021 qui avaient remis en cause les arguments relatifs à l’hygiène ainsi qu’à la sécurité au regard d’une étude réalisée en Belgique. Dans ces avis, le défenseur des droits retient, au-delà, que l’interdiction de ce type de vêtement peut être constitutif d’une discrimination à l’égard des femmes musulmanes.

De prime abord, cette ordonnance peut encore apparaître contraire aux décisions du Conseil d’Etat, rendues à l’été 2016, ayant conclu à l’illégalité, sauf contexte local très particulier, de l’interdiction du port du burkini sur les plages.

Reste, qu’en l’occurrence, la question juridique diffère dès lors qu’il s’agit d’apprécier de la légalité de l’autorisation de cette tenue, non sur l’espace public mais au sein d’un service public.

Au demeurant, le contexte de l’intervention récente de la loi du 24 août 2021 précitée, ayant introduit le référé laïcité dont il s’agit d’un premier exercice devant le Conseil d’Etat, n’est absolument pas neutre.

Les débats en audience, s’annoncent donc particulièrement intéressants et la décision à intervenir sera naturellement très commentée, dans les jours à venir.

À suivre donc dans la prochaine lettre d’actualités.

Elise Humbert et Jeanne Thouverez