Fonction publique
le 15/12/2022

Le défaut d’impartialité de l’auteur d’un rapport d’enquête administrative n’entraîne pas l’irrégularité de la sanction prononcée sur son fondement

CE, 2ème et 7ème, 18 novembre 2022, n° 457565

Le développement significatif de la pratique des enquêtes administratives interne ces dernières années s’accompagne logiquement d’un développement important de la jurisprudence relative à ces enquêtes.

Après un arrêt en date du 21 octobre 2022 qui avait précisé que la communication des procès-verbaux d’audition ne s’imposait que si l’agent les demandait spécifiquement (voir notre brève sur cet arrêt). Le Conseil d’Etat précise désormais les conséquences d’un manque d’impartialité apparent de l’auteur d’un rapport d’enquête, en consacrant un principe d’étanchéité procédurale entre la phase d’enquête administrative et la phase disciplinaire.

En l’espèce, une sanction avait été infligée à un fonctionnaire, en s’appuyant sur un rapport d’enquête administrative établi par l’inspection générale de la jeunesse. Conformément aux règles au principe général d’impartialité qui s’impose à tout fonctionnaire, la charte de déontologie de ces agents leur interdisait de participer à une mission d’inspection, de contrôle ou d’enquête portant sur un organisme ou un service au sein duquel il a exercé des responsabilités ou avec lequel il a noué une relation au cours des trois dernières années. Or, l’un des deux agents auteurs du rapport avait assuré la mission en méconnaissance de cette obligation puisqu’il était employé en tant que directeur de cabinet du ministère de rattachement de l’agent sanctionné.

Sur proposition de son rapporteur public, le Conseil d’Etat a jugé que « le requérant ne saurait utilement soutenir que la méconnaissance du principe d’impartialité par l’un des auteurs du rapport de l’inspection générale, dont la mission ne constitue pas une phase de la procédure disciplinaire, affecterait la régularité de cette procédure et entacherait d’illégalité le décret attaqué ».

Ce faisant, et pour reprendre les termes des conclusions du rapporteur public sur cette affaire, le Conseil d’Etat consacre « l’étanchéité de la phase juridictionnelle avec celle qui lui précède », afin d’éviter que d’éventuelles irrégularités entachant des opérations d’enquête et de contrôle « ne contaminent » la procédure de sanction ultérieure.

Pour cela, le Conseil d’Etat s’appuie sur le fait qu’il convient de distinguer l’appréciation portée par l’auteur du rapport d’enquête, qui peut être entachée de partialité, avec celle portée par l’autorité de poursuite disciplinaire qui ne sauraient être confondues. Autrement dit, les biais qui entachent le rapport n’ont pas nécessairement affecté l’appréciation portée par la suite.

La Haute juridiction, toujours selon les sages conclusions de son rapporteur, n’exclut pour autant pas que l’éventuelle partialité d’un rapport affecte la sanction infligée. Elle n’affecte pas sa légalité externe, mais peut affecter la légalité interne d’une erreur de fait : à un certain degré, on peut en effet comprendre que la partialité de l’auteur d’un rapport peut mettre lourdement en doute les faits qui y sont rapportés, et ainsi compromettre la preuve sur laquelle l’administration s’appuie.

C’est donc sous cet angle que l’éventuelle partialité d’un enquêteur pourra être invoquée. Non pas au titre d’une partialité objective déduite du conflit d’intérêt apparent, mais au titre d’une partialité subjective, constatée au vu des réels biais dont peut être affecté les termes du rapport du fait de son auteur.

L’avenir dira avec quelle sévérité le juge administratif examinera ce moyen. Dans l’intervalle, l’administration devra, par prudence, veiller à confier les enquêtes réalisées à des enquêteurs aussi impartiaux que possible, afin d’aménager une preuve insusceptible d’une remise en cause significative, et à maintenir une stricte séparation entre la phase d’enquête et la phase disciplinaire des procédures qu’elle conduit.