Fonction publique
le 15/12/2022

L’agent public n’a pas d’intérêt à agir contre la décision mettant fin à la procédure d’alerte qu’il a initiée sur la situation d’un autre agent

TA Nantes, 3ème, 8 novembre 2022, n° 1908225

Par un jugement en date du 8 novembre 2022 (n° 1908225) le Tribunal administratif de Nantes a rejeté pour irrecevabilité des conclusions à fin d’annulation soulevées par un agent public à l’encontre d’une décision portant clôture d’une alerte concernant la situation d’un autre agent public, faute pour le requérant de justifier selon le Tribunal d’un intérêt à agir.

En l’espèce, un Maître de conférences titulaire contestait un courrier adressé par le Président de l’Université de Nantes dans lequel ce dernier l’avait informé de l’absence de suite donnée à son alerte. Alors que l’intéressé avait dans le cadre de son « alerte » signalé au Président une situation de cumul irrégulier de fonctions d’un autre agent de l’Université, qui selon lui était de nature à constituer une faute disciplinaire, le Président lui avait alors indiqué par courrier, après instruction, que l’agent mis en cause avait régularisé sa situation avant sa prise de poste.

Après avoir rappelé les dispositions alors en vigueur des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (dite Loi Sapin 2) relatives au lanceur d’alerte, le Tribunal a, par un moyen soulevé d’office (MOP), estimé que cette décision en tant qu’elle informait de l’absence de suites données à l’alerte signalée, concernait un tiers, et ne portait pas atteinte aux droits statutaires ni aux prérogatives du requérant ni à ses perspectives de carrière. Il en a donc logiquement déduit que le requérant, bien qu’étant à l’origine du signalement, ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité à agir pour contester cette décision et qu’il était par suite irrecevable à en demander l’annulation.

Il convient ainsi d’analyser la solution retenue par le Tribunal administratif de Nantes de la manière suivante : dès lors qu’une alerte porte sur la situation d’un autre agent et qu’elle n’emporte aucune atteinte sur les droits statutaires, prérogatives ou perspectives de carrière de l’agent à l’origine de l’alerte, ce dernier n’est pas recevable à solliciter l’annulation de la décision clôturant la procédure d’alerte.

Ce jugement est également intéressant en tant qu’il s’est prononcé sur le refus implicite du Président de l’Université de faire droit à la demande du requérant tendant à l’octroi du bénéfice des protections dues aux lanceurs d’alerte ayant procédé à un signalement d’alerte. A cet égard, le Tribunal administratif de Nantes a considéré que ce refus ne méconnaissait pas les dispositions de l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 définissant le lanceur d’alerte dès lors que l’agent ayant procédé au signalement d’alerte ne répondait pas aux conditions prévues par la loi.

Aux termes de l’article 6 susmentionné, le lanceur d’alerte est en effet défini comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste […] de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

Or en l’espèce, le Tribunal administratif de Nantes a considéré que compte tenu tant de la nature des faits dénoncés (cumul d’activités), que du litige qui opposait le Maître de conférences à l’agent mis en cause (lequel avait témoigné contre le requérant dans le cadre d’une procédure disciplinaire engagée contre ce dernier), le requérant ne pouvait être considéré, au sens de ces dispositions comme un lanceur d’alerte ayant agi de manière désintéressée pour révéler une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général.

On relèvera enfin la rigueur, pour ne pas dire la relative sévérité, adoptée par les juges du Tribunal administratif de Nantes quant à la formulation des conclusions qui leur étaient soumises. Alors que le requérant, qui se représentait seul, sollicitait que l’Université « soit déclarée coupable » de diverses fautes, les premiers juges ont regardé ces conclusions comme ne relevant pas de l’office du juge administratif, et par suite irrecevables, dès lors qu’elles ne tendaient ni à l’annulation d’une décision ni à la condamnation de l’administration.