Par une décision en date du 27 février 2024, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a précisé que la circonstance qu’un agent n’ait pas été informé de la possibilité d’être assisté d’un délégué du personnel lors d’entretiens menés dans le cadre d’une enquête administrative, dès lors qu’elle n’avait pas été diligentée à son encontre, n’était pas de nature à caractériser une volonté de nuire.
En l’espèce, un agent de maintenance aux services techniques de la commune de Biganos a été temporairement exclu de ses fonctions pour une durée de deux ans pour avoir volé du carburant au détriment de son employeur. L’intéressé avait, de surcroît, été condamné pour ces faits par un jugement du Tribunal correctionnel de Bordeaux confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux le 25 avril 2018.
L’agent a saisi le Tribunal administratif de Bordeaux d’une demande de condamnation de la commune à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation du harcèlement moral dont il s’était estimé victime. Ces conclusions ont été rejetées par le Tribunal et cette décision a été confirmée en appel. L’intérêt de l’arrêt réside dans un point particulier du litige : l’agent estimait que le harcèlement moral dont il se prévalait résidait notamment dans la circonstance qu’il n’avait pas été informé d’un droit à être assisté d’un délégué du personnel dans le cadre de cette enquête. Répondant sur ce point, la Cour administrative d’appel a considéré que l’enquête administrative qui avait été conduite, et lors de laquelle l’agent avait avoué les vols pour lesquels il a été sanctionné, n’était pas une enquête disciplinaire dirigée contre le requérant, mais une enquête administrative dont la portée était plus générale. Pour cette raison, la Cour a considéré que l’absence d’information du droit d’un agent d’être assisté d’un délégué du personnel lors des auditions menées dans le cadre d’une enquête administrative ne caractérisait pas une intention de nuire. L’importance de la charge émotionnelle de l’intéressé au cours de ces entretiens, durant lesquels il a d’ailleurs reconnu les faits, est sans incidence à cet égard.
Autrement dit, la Cour semble ici affirmer que la collectivité n’avait aucune obligation d’informer son agent lors de la convocation à ces entretiens de sa possibilité de se faire assister par le représentant de son choix, dès lors que l’enquête administrative n’était pas dirigée contre lui et ne revêtait donc pas un caractère disciplinaire.
L’arrêt pose ici la distinction qu’il réaffirme entre l’enquête administrative et l’enquête disciplinaire. Alors que les droits de la défense se renforcent en matière disciplinaire, allant jusqu’à l’annulation d’une sanction prise contre un fonctionnaire au motif qu’il n’avait pas été informé de son droit de se taire lors de la procédure disciplinaire (CAA Paris, 2 avril 2024, n°22PA03578), l’enquête administrative, si elle n’est pas dirigée contre un agent en particulier en vue de lui infliger une sanction, n’est pas encadrée par de tels droits, alors même que l’enquête aboutirait à établir l’existence d’une faute disciplinaire.
Reste à connaître le sort de cette jurisprudence : la distinction entre enquête administrative et disciplinaire n’est que peu précisée par la décision, et les conséquences, le cas échéant, d’un défaut d’information pendant une enquête dite « disciplinaire » ne sont pas non plus précisées, l’analyse faite par la Cour de Bordeaux se limitant au seul cadre de la qualification de harcèlement.