Santé, action sanitaire et sociale
le 08/02/2022
Audrey LEFEVRE
Esther DOULAIN

L’absence de besoins sur le territoire en matière de lieu de vie et d’accueil : pas un motif de refus de création de ces lieux d’accompagnement continu !

CAA Lyon, 18 novembre 2021, n° 20LY007558

Par un arrêt du 18 novembre 2021, les juges de la Cour administrative d’appel de Lyon se sont prononcés sur les motifs pouvant justifier la décision refusant la création d’un lieu de vie et d’accueil (LVA).

Les LVA, lieux d’accompagnement continu et quotidien de petits groupes notamment constitués de mineurs, sont soumis à une autorisation de création et à certains contrôles effectués par le département, tout en leur reconnaissant une souplesse dans le mode de fonctionnement. En ce sens, leur régime ressemble à celui des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) tout en constituant une catégorie bien distincte de ces derniers.

Dans l’arrêt analysé, il s’agissait d’une personne qui avait sollicité auprès du Président du Conseil départemental concerné une autorisation de créer un LVA de six places, destiné à accueillir des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) et présentant des troubles psychologiques, du comportement et de l’attachement. Le Président du Conseil départemental avait pris la décision de refuser le projet de la demanderesse au motif que la création d’un tel LVA ne répondait pas aux besoins du département. La demandeuse a alors formé un recours afin de voir cette décision annulée.

Le Tribunal administratif de Dijon avait d’abord confirmé la décision du Département en considérant qu’il n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en refusant, sur ce motif, de faire droit à la demande de création du LVA. Pour cela, les juges s’étaient notamment fondés sur l’article L. 221-2 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) relatif au service de l’ASE qui prévoit que «  […] le département organise sur une base territoriales les moyens nécessaires à l’accueil et à l’hébergement des enfants confiés au service » et avaient relevé, notamment, l’existence de huit LVA correspondant à une soixantaine de places, lesquelles n’étaient occupées qu’à hauteur de la moitié (TA Dijon, 19 décembre 2019, n° 1901543).

En appel, les juges ont annulé la décision du Tribunal. Ils ont rappelé que l’autorisation d’ouvrir un LVA ne pouvait être refusée qu’à l’appui d’un des motifs énumérés à l’article L. 313-4 du CASF (et non sur le fondement de l’article L. 221-2 suscité) et que les conditions posées au 1 et 4° de cet article (prévoyant notamment la nécessaire comptabilité du projet avec les besoins sociaux et médico-sociaux fixés par le schéma régional de santé ou par le schéma d’organisation sociale et médico-sociale) ne s’appliquaient pas aux LVA (et seulement aux ESSMS). Ils ont ainsi conclu que le refus opposé par le Département à la demanderesse au motif que la création d’un LVA n’était pas justifiée au regard des besoins du département, qui ne figure pas parmi les critères applicables aux LVA, était illégal.

Cet arrêt revient ainsi sur la position antérieure de la jurisprudence qui avait pu considérer que la décision refusant la création d’un LVA avait pu se fonder, notamment, sur le fait que le nombre de LVA existants satisfaisait les demandes de placement et que le nombre d’assistantes maternelles employées par le Département répondait de manière satisfaisante tant aux besoins spécifiques d’accueil qu’aux problématiques liées plus particulièrement à celles ciblées par le projet de l’association requérante pour considérer que la décision du Département (CA de Nancy, 22 juin 2009, n° 07NC01669).

Cependant, cet arrêt relevait que le Président du Conseil départemental avait également apprécié la pertinence du projet présenté.

Ainsi, la décision du 18 novembre dernier nous précise qu’un refus de création d’un LVA ne peut être motivé par le seul fait que les besoins du territoire seraient déjà satisfaits. Il revient au Président du Conseil départemental d’analyser le projet et, en outre, de préciser, conformément à l’article L. 313-4 du CASF, quelle(s) règle(s) d’organisation et de fonctionnement prévue(s) par le CASF le projet ne respecte pas.

Si la décision des juges en appel est conforme à la lettre de l’article L. 313-4 du CASF, ses fragilités peuvent néanmoins être soulevées. D’une part, le législateur a prévu, au titre des critères de délivrance d’une autorisation, la prise en compte de l’adéquation du projet aux besoins sociaux et médico-sociaux du territoire. Si les LVA ne relèvent pas de ces schémas dans la mesure où ils n’ont pas être prévus dans ces derniers, il n’est pas certain que le législateur, en visant les besoins sociaux et médico-sociaux fixés par ces schémas, ait entendu exclure les LVA de ce critère. D’autre part, il ressort de cette décision que tout projet de LVA respectant les règles de fonctionnement et d’organisation devrait être autorisé. Or, la création d’un LVA n’est pas un acte sans conséquence pour le département. Au-delà de l’octroi de l’autorisation, le département aura une mission de contrôle, impliquant une mobilisation de moyens humains au sein de la collectivité et l’engagement de la responsabilité du Président en cas de dysfonctionnement rencontré dans la prise en charge des jeunes confiés.