Funéraire
le 15/11/2023

La question de la constitutionnalité du dispositif de récupération des métaux issus de la crémation prévu par la loi 3DS renvoyée au Conseil Constitutionnel

CE, 11 octobre 2023, n° 472830

Voilà un peu plus d’un an que le décret n° 2022-1127 du 5 août 2022, alors commenté dans notre lettre d’actualité juridique, est venu préciser les modalités d’application de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, en matière funéraire.

Ce décret a ainsi intégré un article R. 2223-103-1 au sein du CGCT en vue de la mise en œuvre du dispositif issu de la ladite loi 3DS codifié à l’article 2223-18-1-1 du CGCT, permettant la récupération par les gestionnaires des crématoriums des métaux issus de la crémation des défunts en vue de leur cession à titre gratuit ou onéreux.

Certes, ce dispositif est encadré. Le produit éventuel de cette cession ne peut être fléché que vers la prise en charge des obsèques de personnes dépourvues de ressources suffisantes ou un don à une association d’intérêt général ou fondation reconnue d’utilité publique. Il est par ailleurs soumis à de nombreuses obligations d’affichage et d’information permettant sa traçabilité.

Si le caractère opérationnel de cet encadrement méritera d’être observé, c’est surtout en son principe même, sur le plan éthique et des libertés constitutionnellement protégées, que le dispositif peut interroger tant il touche aux morts ainsi qu’à leurs biens.

En ce sens, et à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision implicite du Premier ministre rejetant sa demande d’abrogation du décret du 5 août 2022 devant le Conseil d’Etat[1], la société Europe Métal a soulevé la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 2223-18-1-1 du CGCT susvisées.

La requérante soutenait, dans une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que ces dispositions méconnaissaient, d’une part, le principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation ainsi que, d’autre part, le droit de propriété.

Par l’arrêt ici commenté du 11 octobre 2023, après avoir constaté que cette question n’avait pas déjà été déclarée conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel et qu’elle présentait un caractère sérieux, a décidé de son renvoi au Conseil constitutionnel, pour qu’il se prononce sur la conformité du dispositif de récupération des métaux issus de la crémation à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel dispose de trois mois, soit jusqu’au 18 janvier prochain[2], pour se prononcer sur la question.

Un arrêt à surveiller que nous ne manquerons pas de commenter dans une prochaine lettre d’actualité.

 

[1] Compétent en premier et dernier ressort en vertu des dispositions de l’article R.311-1 du Code de justice administrative

[2] En application de l’article Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel précitée, la saisine du Conseil Constitutionnel ayant été enregistrée le 18 octobre 2023 (cf. page dédiée du site conseil constitutionnel)