Propriété intellectuelle
le 15/02/2024
Audrey LEFEVRE
Lucile MARTIN

La notion d’originalité au sein d’une photographie

CA Paris, 25 janvier 2023, n° 21/05914

A l’instar des acteurs privés, les personnes publiques sont fréquemment confrontées à la question de savoir si une photographie, qu’elles envisagent d’utiliser pour des besoins d’illustration ou de communication, est protégée par le droit d’auteur, qu’il s’agisse de clichés commandés dans le cadre de son activité de promotion touristique, ou bien même de portraits d’élus commandés afin de les diffuser sur le site internet de la collectivité.

A cet égard, de nouvelles décisions sont venues éclairer la notion d’originalité d’une photographie, leur conférant à ce titre la protection du droit d’auteur.

Cette protection est en pratique plus délicate à démontrer qu’en matière de propriété industrielle, la titularité étant, dans ce cas, prouvée par un titre de propriété obtenu par un dépôt auprès de l’INPI (ce qui est le cas pour les marques, dessins et modèles et brevets).

En matière de droit d’auteur, il revient à la personne qui revendique cette protection de démontrer l’originalité de son œuvre.

1. Critères objectifs retenus pour retenir l’originalité d’une photographie

L’originalité est appréciée au regard des œuvres existantes, en fonction des efforts créateurs fournis par l’auteur sur l’œuvre revendiquée, reflétant ainsi sa propre personnalité.

La jurisprudence retient l’originalité des photographies dès lors qu’elles procèdent de choix libres et créatifs de l’auteur, sans prendre en compte leur genre, mérite et destination.

Ces choix libres et créatifs peuvent porter sur de nombreux éléments et notamment la pose du sujet, l’angle de prise de vue, l’éclairage, la position, les couleurs, la mise en scène, ou bien même l’usage d’une technique particulière de tirage.

2. Décisions jurisprudentielles récentes

CA Rennes, 5 décembre 2023, n° 22/04884

A titre d’illustration, les juges ont eu à se positionner sur l’originalité de photographies prises à l’occasion de la course automobile des 24 heures du Mans. Ces photographies, destinées à la presse, portaient, non pas sur la course en elle-même, mais sur l’atmosphère qui régnait autour de cette course. La Cour a considéré qu’il s’agissait bien d’œuvres de l’esprit en retenant que l’originalité portait sur les sujets traités, permettant de restituer autre chose que les voitures et la piste.

CA Paris, pôle 5 ch. 1, 25 janvier 2023, n° 21/05914

Concernant des photographies prises lors d’un concert, il a pu être retenu que même dans le cadre de clichés pris sur le vif sans choix du sujet, de la posture, ni même de l’expression du musicien photographié, le photographe avait apporté plus que son savoir-faire et procédé à des choix libres et créatifs pour la prise des clichés, les angles de vues et les cadrages. A l’inverse, les juridictions continuent de refuser la protection du droit d’auteur à certaines photographies.

CA Douai, 30 novembre 2023, n° 22/02443

C’est le cas pour des photographies d’objets dont il s’agissait de faire la publicité pour le guide jardin de la société Leroy Merlin. Dans cette affaire, la Cour a considéré que les instructions données au photographe étaient très précises et lui imposaient des contraintes telle que « prise de vue en légère contre-plongée » ou « journée ambiance ensoleillé », et que son savoir-faire était insuffisant pour qualifier les photographies d’originales au sens du code de la propriété intellectuelle.

CA Paris, 13 septembre 2023, n° 21/12304

Dans le même sens, l’absence d’originalité a pu être retenue pour des photographies destinées à la promotion de produits commercialisés par la société d’ameublement HABITAT, du fait des directives précises imposés et de ce fait, des choix très contraints du photographe.

Il ressort de la jurisprudence susvisée, la nécessité de distinguer le savoir-faire technique du photographe, insuffisant pour retenir l’originalité, de ses choix libres et créatifs lui permettant de revendiquer une originalité sur ses œuvres et une protection au titre du droit d’auteur.