Urbanisme, aménagement et foncier
le 12/07/2022

La carence de logements en zones tendues justifie l’exclusion de l’appel à l’encontre de projets de constructions de logements collectifs dans ces zones

Décret n° 2022-929 du 24 juin 2022 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l’urbanisme (parties réglementaires)

Par un décret en date du 24 juin 2022, les dispositions de l’actuel R. 811-1-1 du Code de justice administrative (CJA) ont été pérennisées et surtout étendues.

Pour mémoire, cet article disposait, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2001 :

« Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application, à l’exception des permis afférents aux opérations d’urbanisme et d’aménagement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 mentionnées au 5° de l’article R. 311-2

Les dispositions du présent article s’appliquent aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 décembre 2022 ».

Dans sa nouvelle version, l’article R. 811-1-1 CJA énoncera désormais :

« A l’exception des autorisations et actes afférents aux opérations d’urbanisme et d’aménagement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 mentionnées au 5° de l’article R. 311-2, les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre : 

1° Les permis de construire ou de démolir un bâtiment comportant plus de deux logements, les permis d’aménager un lotissement, les décisions de non-opposition à une déclaration préalable autorisant un lotissement ou les décisions portant refus de ces autorisations ou opposition à déclaration préalable lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du Code général des impôts et son décret d’application ;
2° Les actes de création ou de modification des zones d’aménagement concerté mentionnés aux articles
L. 311-1 et R. 311-3 du code de l’urbanisme, et l’acte approuvant le programme des équipements publics mentionné à l’article R. 311-8 du même code, lorsque la zone d’aménagement concerté à laquelle ils se rapportent porte principalement sur la réalisation de logements et qu’elle est située en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du Code général des impôts et son décret d’application ; 

3° Les décisions suivantes, afférentes à une action ou une opération d’aménagement, au sens de l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, située en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du Code général des impôts et son décret d’application, et dans le périmètre d’une opération d’intérêt national, au sens de l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme, ou d’une grande opération d’urbanisme, au sens de l’article L. 312-3 du même Code : 

a) L’autorisation environnementale prévue à l’article L. 181-1 du Code de l’environnement et l’arrêté portant prescriptions complémentaires en application de l’article L. 181-14 du même Code ; 

b) L’absence d’opposition à la déclaration d’installations, ouvrages, travaux et activités et l’arrêté portant prescriptions particulières mentionnés au II de l’article L. 214-3 du Code de l’environnement ;

c) La dérogation mentionnée au 4° du I de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement et l’arrêté portant prescriptions complémentaires en application de l’article R. 411-10-2 du même Code ; 

d) Le récépissé de déclaration ou l’enregistrement d’installations mentionnés aux articles L. 512-7 ou L. 512-8 du Code de l’environnement et les arrêtés portant prescriptions complémentaires ou spéciales mentionnés aux articles L. 512-7-5 ou L. 512-12 du même Code ;

e) L’autorisation de défrichement mentionnée à l’article L. 341-3 du Code forestier

Les dispositions du présent article s’appliquent aux recours introduits entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2027 ».

Ce décret du 24 juin 2022 a donc pour objet, tout d’abord, de modifier le Code de justice administrative afin de prolonger la durée de la suppression du degré d’appel pour certains contentieux en urbanisme concernant des permis de construire, de démolir et d’aménager, lorsque le projet est situé dans une zone tendue au regard du besoin de logements, tout en la circonscrivant aux permis comportant au moins trois logements.

 

Ensuite, ce décret étend cette suppression du degré d’appel pour les contentieux relatifs :

  • Aux actes de création et d’approbation du programme des équipements publics des zones d’aménagement concerté (ZAC) portant principalement sur la réalisation de logements et qui sont situées en tout ou partie en zone tendue ;
  • A certaines décisions prises en matière environnementale relatives à des actions ou opérations d’aménagement situées en tout ou partie en zone tendue et réalisées dans le cadre des grandes opérations d’urbanisme (GOU) ou d’opération d’intérêt national (OIN), et qui ont notamment pour finalité de favoriser le développement de l’offre de logements et le renouvellement urbain.

 

Enfin, ce décret modifie les dispositions du Code de l’urbanisme qui fixent à dix mois le délai de jugement des contentieux contre les permis de construire des logements collectifs (trois logements et plus) en étendant cette règle aux refus d’autorisation d’urbanisme.

 

Pour rappel, l’article R. 600-6 du Code de l’urbanisme disposait, dans sa version applicable depuis le 19 juillet 2018 :

« Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement.

La cour administrative d’appel statue dans le même délai sur les jugements rendus sur les requêtes mentionnées au premier alinéa ».

Dans sa nouvelle version, cet article énoncera désormais :

« Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement ou contre les décisions refusant la délivrance de ces autorisations.

La cour administrative d’appel statue dans le même délai sur les jugements rendus sur les requêtes mentionnées au premier alinéa » .

Précisons que ces dispositions entreront en vigueur au 1er septembre 2022 et jusqu’au 31 décembre 2027.

 

 

En conclusion, il est patent que ce décret entend donner, par les biais, d’une part, de la limitation temporelle du délai de traitement de ces contentieux par les juridictions et, d’autre part, de la fermeture d’un degré juridictionnel, un coup d’accélérateur à ces projets de constructions et ainsi de tenter de pallier la carence de logements.

 

Ce décret fait écho au tome II du rapport de 2021 de la Commission pour la relance durable de la construction de logements, dite Commission Rebsamen, qui a fait le constat d’une « crise de l’offre de logements, concentrée dans les zones tendues », et a émis des propositions afin d’accélérer les procédures contentieuses, considérées comme venant ralentir les projets de construction de logements.

En particulier, l’une des propositions était justement de « pérenniser, ou a minima prolonger, les dispositions de l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative qui permettent au tribunal administratif de se prononcer en premier et dernier ressort dans les zones tendues au sens de la taxe sur les logements vacants. » (https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapports/fichiers_joints/281590_Tome%20II.pdf)

 

Mais, si l’on comprend la finalité de ce décret, à savoir de permettre l’exécution plus rapide de projets de constructions de logements collectifs, l’on ne peut que s’émouvoir de cette fermeture – ne serait-ce que temporaire – du prétoire des cours administratives d’appels à de plus en plus de contentieux et, surtout, à de plus en plus de requérants potentiels, qui se voient donc privés d’un double degré de juridiction.