Dans l’arrêt Thaler v. Perlmutter n° 23-5233 du 18 mars 2025, la Cour d’appel fédérale du District of Columbia a confirmé qu’une IA qui crée une œuvre de manière autonome ne peut se voir reconnaître la qualité d’auteur au sens du Copyright Act de 1976.
Dans cette affaire, le requérant, Stephen Thaler, a créé une intelligence artificielle (IA) générative appelée « Creativity Machine ». Cette IA a généré une image qu’il a intitulée « A Recent Entrance to Paradise ». Le requérant a déposé une demande d’enregistrement de droit d’auteur pour cette image auprès de l’US Copyright Office (USCO)[1]. Sur la demande, le requérant a indiqué que la Creativity Machine était la seule autrice de l’œuvre, et qu’il en été seulement le propriétaire.
Le Copyright Office a rejeté la demande sur le fondement de l’exigence de la paternité humaine de l’œuvre du Copyright Act de 1976[2] : l’œuvre doit être réalisée en premier lieu par un être humain pour être éligible à l’enregistrement des droits d’auteur. Le requérant a demandé le réexamen de la décision de l’Office devant le Tribunal fédéral, en avançant les mêmes arguments que devant le Copyright Office (notamment qu’il s’agissait d’un travail réalisé sur commande, fondé sur le concept de « work made for hire »[3]), et en ajoutant cette fois qu’il était intervenu au processus de création en donnant des instructions à l’IA.
Le Tribunal fédéral a confirmé la décision du Copyright Office en refusant l’enregistrement de cette image créée par une IA auprès de l’US Copyright Office, sans retenir son intervention avancée au processus de création. Le tribunal a en effet rappelé que sa saisine initiale ne portait que sur la question de savoir si une œuvre générée de manière autonome par une IA était éligible au droit d’auteur.
En outre, l’argument selon lequel le transfert au titre d’un contrat de commande fondé sur le concept de « work made for hire » avancé par le requérant n’a pas été retenu, puisque l’IA n’avait justement pas de droits d’auteur à transférer.
Cette décision rappelle l’exigence fondamentale de l’intervention humaine dans le processus créatif pour se voir octroyer des droits d’auteur. En effet, des œuvres réalisées avec l’IA ont déjà pu bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur, sous réserve pour leur auteur, d’apporter la preuve de leur contribution dans le processus créatif.
Tel a pu être le cas dans la décision Invoke en date du 30 janvier dernier, rendue par l’US Copyright Office, qui a accordé l’enregistrement d’un copyright à la composition graphique digitale « A Single Piece of American Cheese », en raison d’une intervention humaine démontrée et suffisante dans le processus de création de l’œuvre (l’artiste a notamment apporté comme preuve une vidéo en accéléré de la création de l’image et une explication de son intervention).
Bien qu’à ce jour, aucune décision n’ait reconnu, en France, la protection par le droit d’auteur d’une création générée par une IA, il est certain que, dans une affaire similaire, le juge exigera la démonstration d’une intervention humaine pour retenir l’application du droit d’auteur. La difficulté portera sur l’évaluation d’une intervention humaine suffisante, pour reconnaitre la protection par le droit d’auteur. La preuve de cette intervention humaine dans le processus créatif est donc fondamentale, et peut être rapportée par tout élément mettant en avant notamment la complexité de l’intervention, le temps passé sur les prompts, ou encore les étapes post-création telles que l’utilisation de logiciels de retouches.
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[1] Il s’agit de l’Office du droit d’auteur des États-Unis
[2] Le Copyright Act 1976 fait de nombreuses références à la paternité humaine (il est d’ailleurs précisé qu’au décès de l’auteur, certains droits sont transmis aux héritiers, excluant de facto des auteurs non humains)
[3] Le concept américain de « work made for hire », permet de transférer la qualité d’auteur et les droits d’auteur y afférent à une personne physique ou morale dans certains cas précis (il peut s’agir de l’employeur ou de toute personne dans le cadre d’un contrat de commande spécifique)