Environnement, eau et déchet
le 06/11/2025

Géothermie profonde : tour d’horizon des réformes environnementales sur les titres miniers et autorisations de travaux

Face aux multiples vagues de réformes règlementaires, portant tant sur les titres miniers que sur les autorisations de travaux miniers nécessaires à la mise en œuvre d’un projet de géothermie, un tour d’horizon des nouveautés introduites apparait essentiel pour tout porteur de projet.

A titre préalable et à grands traits, la mise en œuvre d’un projet de géothermie profonde implique l’obtention de plusieurs autorisations de la part de l’Etat :

  • Une autorisation sur le gîte géothermique, ou titre minier, pour les activités :
  • De recherche, via un permis exclusif de recherche (PER, articles L. 124-2 et suivants du Code minier) ou une autorisation de recherche (AR, articles L. 124-3 et suivants du Code minier) ;
  • D’exploitation, via une concession (articles L. 134-2 et suivants du Code minier) ou un permis d’exploitation (articles L. 134-3 et suivants du Code minier).
  • L’autorisation de réaliser les travaux, via une autorisation d’ouverture des travaux miniers (ci-après, AOTM) (articles L. 162-1 et suivants du Code minier et L. 181-1 et suivants du Code de l’environnement).

I. Sur la détermination des procédures à mettre en œuvre

La réforme du Code minier concernant la géothermie a été initiée par l’ordonnance
n° 2019-784 du 24 juillet 2019 modifiant les dispositions du Code minier relatives à l’octroi et à la prolongation des titres d’exploration et d’exploitation des gîtes géothermiques
et par le décret n° 2019-1518 du 30 décembre 2019 relatif aux titres d’exploration et d’exploitation des gîtes géothermiques, qui sont entrés en vigueur au 1er janvier 2020. Une des principales modifications qui a été apportée est la suppression de la distinction fondée sur la température du gîte (supérieure ou inférieure à 150 degrés), et donc selon la géothermie « haute » et « basse » température.

Ainsi :

  • Concernant les titres de recherche, l’obtention d’un PER ou d’une AR dépendait de la température du gîte. Il existe désormais un principe de choix du porteur de projet entre celles-ci ;
  • Concernant les titres d’exploitation, les procédures de permis d’exploitation et de concession dépendaient également de la température alors qu’est aujourd’hui prise en compte la puissance primaire (inférieure ou supérieure ou égale à 20 MW).

II. Un renforcement de la prise en compte des enjeux environnementaux

Mais les principales modifications ont avant tout impliqué un renforcement de la prise en compte des enjeux environnementaux dans la mise en œuvre des projets de géothermie.

Des modifications ont en ce sens été apportées par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi climat et résilience, laquelle a été complétée par les ordonnances n° 2022-536 du 13 avril 2022 modifiant le modèle minier et les régimes légaux relevant du Code minier et n° 2022-1423 du 10 novembre 2022. Plus récemment, le décret n° 2025-852 du 27 août 2025 relatif aux activités de recherche et d’exploitation de géothermie et l’arrêté du 27 août 2025 fixant les modalités selon lesquelles sont établies les demandes portant sur les titres de géothermie ont finalisé cette réforme, en abrogeant notamment le décret du 28 mars 1978 qui régissait jusqu’à présent les titres de recherches et d’exploitation de géothermie (voir notre article sur le sujet).

Les principales évolutions suivantes sont ainsi à noter :

A. Création d’une analyse l’analyse environnementale, économique et sociale pour les PER et concessions

Il s’agit d’une nouveauté procédurale introduite aux articles L. 114-1 et suivants du Code minier, qui s’applique aux demandes d’octroi, de prolongation et d’extension d’un permis exclusif de recherches et d’une concession déposée à partir du 1er juillet 2024.

Cette analyse doit (1) présenter les enjeux environnementaux, économiques et sociaux que représente le projet minier pour le territoire, (2) permettre d’apprécier comment il s’inscrit dans la politique nationale des ressources et des usages du sous-sol (3) et permettre à l’autorité compétente de définir les conditions auxquelles l’activité de recherches ou d’exploitation devra être soumise.

Il s’agit d’un processus constitué de :

  • l’élaboration, par le demandeur du titre, d’une étude de faisabilité (pour l’exploitation) ou d’un mémoire (pour les recherches) environnemental, économique et social. Le contenu de ces éléments est précisé par l’article 11 du décret du 27 août 2025, qui prévoit notamment que le volet environnemental reprend le contenu du rapport environnemental élaboré pour les évaluations environnementales des plans et programmes (article R. 122-20 du Code de l’environnement) ;
  • consultations pour des avis environnemental (autorité environnementale), économique et social (Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies). Ces autorités disposent d’un délai de deux mois pour rendre leur avis, auquel le demandeur peut répondre dans un délai d’un mois (article 32 du décret du 27 août 2025). L’ensemble de ces éléments est ensuite transmis pour avis aux communes, à leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme, aux conseils régionaux et aux collectivités à statut particulier ou, le cas échéant, aux collectivités d’outre-mer. Puis une mise à disposition du public est prévue ;
  • l’examen, par l’autorité compétente pour prendre la décision, de ces éléments.

B. Obligation de procéder à une évaluation environnementale

Des précisions sont également apportées concernant l’obligation ou non de procéder à une évaluation environnementale :

  • Pour les PER et les concessions, aucune évaluation environnementale n’était initialement requise. Cela a toutefois été remis en cause le 12 juillet 2024 par le Conseil d’Etat, qui a jugé que dans la mesure où une concession a notamment pour objet d’encadrer les conditions dans lesquelles des travaux pourront être réalisés et de prendre en compte les conséquences sur l’environnement, celle-ci doit être soumise à évaluation environnementale (CE, 12 juillet 2024, Associations Guyane Nature Environnement et a., n° 468529). L’arrêté du 3 avril 2025 soumet ainsi les demandes d’octroi, d’extension ou de prolongation de titres déposées avant le 1er juillet 2024 et régies par le Code minier à évaluation environnementale. Depuis cette date, l’évaluation environnementale n’est plus requise et c’est la procédure de l’analyse environnementale, économique et sociale présentée ci-avant qui trouve à s’appliquer ;
  • Pour les AR et les permis d’exploitation, l’article 21 du décret du 27 août 2025 prévoit désormais qu’une évaluation environnementale est requise lorsque l’un de ces titres définit le cadre de projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ;
  • Les travaux de forage sont soumis à évaluation environnementale après un examen au cas par cas, conformément à la rubrique 27 de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement. Auparavant, ces forages étaient soumis à évaluation environnementale systématique, mais la procédure a été allégée par le décret n° 2023-1032 du 9 novembre 2023 portant diverses modifications du régime d’évaluation environnementale.

C. Prise en compte des aspects environnementaux dans la décision d’octroi des titres miniers

Un cahier des charges peut être annexé aux titres miniers afin de préciser les conditions spécifiques à respecter par le demandeur, interdisant, si cela est justifié par la protection de l’environnement notamment, le recours à certaines techniques. Il peut également contenir les mesures économiques et sociales définies dans l’étude de faisabilité environnementale, économique et sociale (article L. 114-3 du Code minier).

Concernant les PER et les concessions :

  • L’article 36 du décret du 27 août 2025 précise que la décision d’octroi doit prendre en compte, notamment, les conditions dans lesquelles le programme de recherches ou l’opération projetée prend en compte les intérêts protégés mentionnés à l’article L. 161-1 du Code minier ;
  • Et la demande peut être refusée s’il existe un doute sérieux sur la possibilité de procéder aux recherches ou à l’exploitation sans porter une atteinte grave aux intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 (article L. 114-3 du Code minier).

L’autorisation de recherche et le permis d’exploitation peuvent quant à eux comporter des prescriptions relatives au bon usage du gîte et visant à protéger les intérêts de l’article L. 161-1 du Code minier (article 38 du décret du 27 août 2025).

D. Une plus grande implication du public, des collectivités et de leurs groupements

Il est désormais prévu que la procédure de participation du public régie par l’article L. 123-19 du Code de l’environnement doit être mise en œuvre pour les PER. Une procédure d’enquête publique est requise pour les autorisations de recherche, les permis d’exploitation (enquête unique si la demande d’autorisation environnementale est déposée simultanément) et les concessions (article 34 du décret du 27 août 2025).

Par ailleurs, les collectivités et leurs groupements compétents en aménagement et urbanisme doivent être informés du dépôt d’une demande de titre minier sur leur territoire (article L. 114-5 du Code minier). La demande de titre minier est transmise à diverses autorités identifiées à l’article 35 du décret du 27 août 2025 ; à ce titre il est aujourd’hui nécessaire de recueillir l’avis des communes, déjà prévu par le décret de 1978, mais également des EPCI compétents en aménagement ou urbanisme et du conseil régional ou, le cas échéant, de la collectivité à statut particulier intéressés.

Enfin, le préfet peut décider de créer une commission de suivi sur tout ou partie d’une demande de titre minier (article L. 114-4-1 du Code minier), laquelle regroupe notamment des élus des communes et EPCI et des représentants des riverains. Cette commission permet notamment au demandeur/bénéficiaire du titre de présenter son projet et ses impacts sur l’environnement, de suivre le projet et elle peut se faire communiquer les documents utiles à cette fin.

E. Intégration de l’AOTM à l’autorisation environnementale et réforme de la procédure d’autorisation environnementale

La loi climat et résilience a également rattaché, à compter du 1er juillet 2023, les autorisations d’ouverture de travaux miniers au régime de l’autorisation environnementale défini aux articles L. 181-1 et suivants du Code de l’environnement.

Et il convient de souligner que la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte a modifié la procédure de l’autorisation environnementale à laquelle les travaux miniers sont soumis, en créant une nouvelle procédure de participation du public et en prévoyant que la phase de consultation sera menée concomitamment à la phase d’instruction (voir notre article sur le sujet).

 

Ordonnance n ° 2019-784 du 24 juillet 2019

Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte

Décret n° 2025-852 du 27 août 2025 relatif aux activités de recherche et d’exploitation de géothermie