Aux termes des dispositions du second alinéa de l’article 63 du Code de procédure pénale, l’officier de police judiciaire doit informer le procureur de la République du placement en garde à vue d’une personne, « dès le début » « par tout moyen ». A cette occasion, il l’avise des motifs qui justifient cette mesure et de la qualification des faits notifiés au gardé à vue. La jurisprudence de la chambre criminelle considère que cette obligation d’information n’est soumise à aucun formalisme particulier.[1]
Néanmoins, s’il suffisait auparavant que le procès-verbal indique que le procureur avait été « informé, dès le début, de la mesure de garde à vue »[2] ou « avisé de la mesure de garde à vue immédiatement »[3], par la décision en date du 6 mars 2024, la Cour de cassation renforce la protection des personnes placées en garde à vue en jugeant que :
« […] faute d’indiquer l’heure à laquelle a été donné l’avis contesté, le procès-verbal dressé par l’officier de police judiciaire n’établit pas que le procureur de la République a été informé du placement en garde à vue […] dès le début de cette mesure […] ».[4]
En l’espèce, le mis en cause avait formé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles l’ayant condamné a :
- Cinq mois d’emprisonnement avec sursis probatoire et cinq ans d’interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation pour violence aggravée et outrage ;
- 300 euros d’amende pour mauvais traitement envers un animal domestique.
Le prévenu reprochait notamment à la Cour d’avoir confirmé le jugement en ce qu’il avait rejeté l’exception de nullité tirée du caractère tardif de l’avis adressé au parquet lors de son placement en garde à vue. De fait, par suite de son placement en garde à vue le 20 janvier 2020 à 8 heures 25, le procès-verbal établit par l’officier de police judiciaire indiquait que le procureur de la République avait été avisé de la garde à vue sans préciser l’heure de cet avis. A ce propos, la chambre criminelle relève que :
« Pour rejeter l’exception de nullité tirée de l’information tardive du procureur de la République sur la mesure de garde à vue, l’arrêt attaqué se borne à énoncer que ce magistrat en a été avisé quasi immédiatement ».[5]
Elle estime alors que la cassation de l’arrêt est encourue car, en l’absence d’indication de l’heure sur le procès-verbal d’avis au parquet, le juge pénal ne peut s’assurer que le procureur a été informé dès le début de la mesure, comme l’exige le texte. Or, « tout retard dans la mise en œuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de ladite personne. »[6] et entraîne la nullité de la garde à vue, comme il en ressort de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.[7] Notons que cette évolution jurisprudentielle renforce la protection des droits du gardé à vue au même titre que la loi récente d’adaptation au droit de l’Union européenne du 22 avril 2024[8] dans laquelle, trois points ont notamment été abordés :
- La possibilité pour le gardé à vue de choisir librement le tiers qu’il veut prévenir[9] ;
- La suppression du délai de carence de deux heures au terme duquel l’audition peut commencer sans avocat[10];
- La suppression de la possibilité de commencer immédiatement l’audition sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République lorsque les « nécessités de l’enquête l’exigent»[11] .
___
[1] Cass. Crim., 14 avr. 2010, no 10-80.562
[2] Cass. Crim., 15 mars 2011, n°09-88.083
[3] Cass. Crim., 9 novembre 2010, n°10-85.278
[4] §9 de la décision
[5] §8 de la décision
[6] §7 de la décision
[7] Cass. Crim., 10 mai 2001, no 01-81.441 ; Cass. Crim., 24 mai 2016, n°16-80.564
[8] Loi n°2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole
[9] Article 63-2 du Code de procédure pénale
[10] Article 63-4-2 du Code de procédure pénale
[11] Article 63-4-2 alinéa 3 du Code de procédure pénale