Vie des acteurs publics
le 25/05/2023
Agathe DELESCLUSE
Camille LANGLADE DEMOYEN

Encadrement du blocage de l’accès à son compte Twitter par une personne publique (CAA Paris, 27 mars 2023, n° 21PA00815).

CAA de Paris, 27 mars 2023, n° 21PA00815

Par un arrêt rendu en date du 27 mars 2023, la Cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur la décision par laquelle le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, (OFII) a bloqué l’accès d’un abonné à son compte Twitter. Elle a jugé qu’une telle décision méconnaissait en l’espèce, les libertés d’expression et d’accès à l’information de la personne bloquée et le principe d’égalité devant le service public.

Plus précisément, la Cour a posé la solution de principe suivante :

« […] lorsqu’une personne morale de droit public agissant dans le cadre de sa mission de service public décide, sans y être tenue, de participer au débat public dans les conditions résultant du fonctionnement d’un réseau social, non seulement en y publiant des informations mais aussi en réagissant aux commentaires des autres utilisateurs, elle ne peut, sans méconnaître la liberté d’expression et d’accès à l’information et le principe d’égalité devant le service public, interdire ou limiter l’accès de tiers à ses propres publications et leur possibilité de les commenter ou de les réutiliser que par l’adoption de mesures nécessaires, adaptées et proportionnées aux objectifs de protection de l’ordre public ou de la réputation d’autrui, en ce compris la protection des agents publics contre les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages, ainsi qu’aux obligations découlant de sa qualité de responsable des contenus publiés telles qu’elles résultent notamment des règles de droit pénal en vigueur ».

Au cas d’espèce, la Cour a relevé que l’établissement public menait « une active politique de communication sur le réseau social ». En effet, il ne se bornait pas uniquement à publier sur son compte Twitter des informations sur son activité (lesquelles étaient d’ailleurs relayées avec une plus grande fréquence sur le réseau social que sur le site internet de l’établissement), mais répondait également aux questions et commentaires des utilisateurs du réseau social.

Dans ces conditions, il a été considéré que le compte Twitter de l’établissement public révélait « une volonté de participation au débat public [excédant] la simple délivrance d’informations aux usagers du service public dans le cadre de la neutralité attendue d’un tel service », si bien que l’OFII s’est mis dans l’obligation de respecter, dans la gestion de son compte Twitter, les règles et principes qui protègent la liberté d’expression et la liberté de communication par voie électronique. En somme, il ne peut interdire ou limiter l’accès de tiers à ses propres publications et leur possibilité de les commenter ou de les réutiliser que lorsque de telles mesures sont nécessaires, adaptées et proportionnées aux objectifs de protection de l’ordre public ou de la réputation d’autrui.

Dans le présent cas d’espèce, l’OFII avait considéré qu’un commentaire d’un abonné critiquant l’efficacité du service rendu par l’établissement portait atteinte aux agents de l’établissement et justifiait ainsi le blocage du compte personnel Twitter de l’intéressé.

Or la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que, dans la mesure où cette simple critique était dénuée de caractère diffamatoire ou injurieux et n’excédait aucunement les limites du droit à la libre critique de l’action de la puissance publique dans une société démocratique, la décision de l’OFII bloquant l’accès d’un abonné à son compte twitter présentait un caractère disproportionné et, partant, était entachée d’illégalité.