Droit pénal et de la presse
le 12/01/2023
Marlène JOUBIER
Guillaume HÉLIAS

Dépôt illégal de déchets : dans quel délai poursuivre ?

Cass. Crim., 12 avril 2022, n° 21-83.696

Par un arrêt en date du 12 avril 2022, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est notamment venue préciser les modalités de la prescription en matière de dépôt illégal de déchets, apportant ainsi une illustration intéressante de la notion d’infraction dissimulée.

En l’espèce, une société était poursuivie du chef d’abandon et de dépôt illégal de déchets dangereux pour avoir déversé – entre 2002 et 2006 – des résidus de broyage automobile dans des sites non habilités pour les recevoir, sur le territoire de plusieurs communes.

Le Tribunal avait, par une décision du 24 février 2014, constaté l’extinction de l’action publique, considérant qu’une simple convocation à une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – non aboutie – ne constituait pas un acte interruptif de prescription ; la partie civile – une association de protection de l’environnement – était déclarée irrecevable en sa constitution.

Ce jugement dont l’appel était formé par la seule partie civile, était confirmé par la Cour d’appel dans un arrêt en date du 24 février 2017, quant à la prescription intervenue ; la Cour précisait, en outre, qu’une telle décision ne pouvait être remise en cause sur le seul appel d’une partie civile.

L’association formait un pourvoi en cassation aux termes duquel la Chambre criminelle de la Cour de cassation – par un arrêt du 2 mai 2018 – cassait l’arrêt de la Cour d’appel, estimant que « le droit d’appel conféré par l’article 497 [du code de procédure pénale] à la partie civile comprend celui de contester l’acquisition de la prescription de l’action publique retenue par les premiers juges ».

Une nouvelle Cour d’appel était donc saisie des faits ; celle-ci rejetait l’exception de prescription de l’action publique constatée par les précédentes juridictions au fond saisies, estimant que l’infraction visée présentait un caractère dissimulé, les déchets litigieux ayant fait l’objet pour certains d’un enfouissement, pour d’autres, d’une dissimulation sous plusieurs centimètres de remblais ou encore d’une utilisation comme remblais – de sorte que leur existence était ignorée des utilisateurs des terrains.

Aux termes de cette décision – confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt récent du 12 avril 2022 -, la Cour d’appel a procédé à une application immédiate de la loi du 27 février 2017 relative à la prescription, codifiée à l’article 9-1 du Code de procédure pénale disposant que « le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique ».

L’intérêt de ce contentieux lié au dépôt sauvage de déchets est double sur le plan de la procédure pénale. Il rappelle d’une part, que le seul appel d’une partie civile peut remettre en cause une décision constatant une prescription des faits et d’autre part, qu’en cas de dissimulation ou d’enfouissement de déchets, le point de départ de la prescription court à compter du jour où le dépôt irrégulier a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice des poursuites.