Contrats publics
le 13/10/2022

Délégation de service public : précisions sur le contenu du rapport d’analyse des offres

CAA Marseille, 12 septembre 2022, SARL La Royale plage, n° 20MA01238

A l’issue d’une procédure de passation d’un contrat de délégation de service public, il revient à l’assemblée délibérante de se prononcer sur le choix du délégataire et le contenu du futur contrat, ainsi que le prévoit l’article L. 1411-7 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

En pratique, l’assemblée délibérante se prononce sur la base d’un rapport préparé par l’exécutif ayant mené les négociations.

Par son arrêt n° 20MA1238 en date du 12 septembre 2022, la Cour administrative d’appel de Marseille apporte d’utiles précisions, d’une part, sur les informations devant impérativement être incluses dans ce rapport destiné aux élus et, d’autre part, sur les conséquences pour la collectivité d’une omission.

Cet arrêt a été rendu à l’occasion d’un litige sur la passation d’une délégation de service public ayant pour objet l’exploitation d’une plage artificielle, que la Commune de Saint-Cyr-sur-Mer a attribué à la Société MGPL. La Société La Royale plage, candidate évincée, a alors saisi le Tribunal administratif de Toulon d’un recours visant à l’annulation du contrat mais aussi à la condamnation de la Commune à lui verser une indemnité au titre des préjudices qu’elle estimait avoir subi du fait de son éviction irrégulière.

Saisie par la Société La Royale plage d’un recours contre le jugement ayant rejeté ses demandes, la Cour administrative d’appel de Marseille commence par confirmer le rejet des conclusions tendant à l’annulation du contrat litigieux comme étant irrecevables, dès lors qu’aucune copie dudit contrat n’avait été produite à l’appui de la requête, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 412-1 du Code de justice administrative, que l’entreprise ne justifiait pas avoir demandé en vain la copie de ce contrat et qu’il ne relevait pas de l’office du juge de suppléer à cette absence de production par une mesure d’instruction adressée au défendeur.

Par ailleurs, la Cour administrative d’appel confirme également la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par la requérante. En effet, même si ces conclusions ont été présentées pour la première fois dans le cadre de la procédure contentieuse sans avoir été préalablement soumises à la Commune, elles ont été adressées par la suite directement à la Commune, qui les a implicitement rejetées, ce qui a eu pour effet de faire naître une décision liant le contentieux et, ainsi, régulariser la recevabilité de ces conclusions.

En revanche, contrairement au Juge de première instance, la Cour administrative d’appel juge les conclusions indemnitaires de la Société La Royale plage comme partiellement fondées, en raison de l’irrégularité ayant entaché la procédure de passation du contrat et, partant, son éviction.

Cette irrégularité tient, en l’occurrence, à l’incomplétude du rapport du Maire présenté en Conseil municipal en application de l’article L. 1411-7 du CGCT. Certes, ce rapport comportait bien une analyse des candidatures et des offres de la commission de délégation de service public et la liste des entreprises admises à présenter une offre, un rappel des négociations menées et notamment l’évolution de l’offre de la société La Royale Plage, les motifs du choix du titulaire et l’économie générale du contrat. Cependant, il ne comportait pas « l’explication de ce choix par comparaison avec les propositions des autres candidates ».

La Cour administrative d’appel considère cette omission comme « une insuffisance d’information des membres du conseil municipal, affectant nécessairement le consentement donné par le conseil ». Compte tenu de la gravité d’une telle irrégularité, en ce qu’elle a trait au consentement de la collectivité, il est probable que les conclusions tendant à l’annulation du contrat auraient été satisfaites par la Cour administrative d’appel si elles n’avaient pas été rendues irrecevables par la carence de la requérante elle-même (cf. supra).

Ce vice de consentement ayant entaché d’irrégularité l’éviction de la Société La Royale plage, la Cour administrative d’appel vérifie ensuite que celle-ci disposait d’une chance sérieuse de remporter le contrat. Et, elle considère qu’en l’occurrence, tel était le cas, après avoir relevé que la requérante faisait partie des quatre entreprises sur six à avoir été admises à la négociation, que son offre avait été améliorée au cours des négociations et qu’il ne résultait pas de l’instruction, et notamment pas de l’analyse des offres par la commission, que les motifs du choix de l’attributaire auraient été expressément fondés sur une appréciation défavorable de l’offre de la requérante, ni que cette offre aurait eu une valeur inférieure à celle des autres candidats ou présenterait une insuffisance notable.

En conséquence, la Cour administrative d’appel considère que la requérante est fondée à demander, d’une part, l’indemnisation de son manque à gagner, chiffré sur le fondement du compte prévisionnel établi par un expert-comptable sur cinq exercices et qui n’est pas sérieusement contesté par la Commune et, d’autre part, l’indemnisation de son préjudice moral en raison de l’atteinte à sa notoriété ; en revanche, la Cour rejette la demande d’indemnisation de préjudices (immobilisations en cours, frais de rénovation et d’investissements) relatifs à l’exécution du précédent contrat d’exploitation et qui sont sans lien direct avec son éviction.

Le principal enseignement de cet arrêt est donc que le rapport présenté à l’assemblée délibérante doit impérativement inclure une analyse comparative des offres, faute de vicier le consentement de la collectivité du fait d’une insuffisance d’information aux élus, ce qui exposerait le contrat à un risque d’annulation et la collectivité au risque de devoir indemniser les candidats évincés à hauteur du préjudice subi du fait de leur éviction irrégulière.