Environnement, eau et déchet
le 04/07/2023
Clémence DU ROSTU
Julie CAZOU

Déchets : des biens entreposés par leur propriétaire sur un terrain correspondent-ils à la définition de déchets ?

CE, 26 juin 2023, n° 457040

L’autorité de police compétente en matière de déchets (c’est-à-dire en principe le maire ou le président du groupement de collectivités) peut-elle mettre en œuvre ses prérogatives de sanction à l’encontre du propriétaire d’un terrain y accumulant des biens lui appartenant et qu’il conteste avoir abandonné ?

C’est la question sur laquelle s’est penché le Conseil d’Etat dans un arrêt en date du 26 juin 2023.

Dans cette affaire, M. B. est propriétaire d’un terrain recouvert de très nombreux objets hétéroclites et usagés (herse, chargeur frontal…), ce qui avait fait l’objet de signalements par les voisins. Le maire avait alors fait usage de ses pouvoirs de police conformément à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement, lui enjoignant d’éliminer les déchets présents sur sa propriété sous astreinte de 50 euros par jour, dans la limite de 8.400 euros. M. B. contestait cette mesure, arguant qu’il n’avait pas abandonné les objets situés sur son terrain et qu’ils ne pouvaient donc être regardés comme des déchets.

Le Conseil d’Etat apporte ainsi des précisions sur la définition de déchets :

« Un déchet au sens de l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement cité au point précédent est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu. Aux fins d’apprécier si un bien constitue ou non un déchet au sens de ces dispositions, il y a notamment lieu de prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable. Lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés, comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard des dispositions de l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement, alors même qu’ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain. Au regard de ces critères, lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens, ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet ».

Le caractère suffisamment certain de la réutilisation des biens sans opération de transformation préalable est donc central.

Le Conseil d’Etat estime que, dans cette espèce, la Cour administrative d’appel avait suffisamment caractérisé la situation d’abandon des biens, dès lors notamment qu’il n’était pas établi qu’ils pourraient faire l’objet, sans transformation préalable, d’une utilisation ultérieure eu égard à leur état matériel, leur perte d’usage et aux modalités de leur dépôt. Il s’agissait donc bien de déchets.