Transfert de compétence en matière funéraire du Préfet de police de Paris au maire : précisions jurisprudentielles de la Cour administrative d’appel de Paris

C’est à l’occasion d’un recours indemnitaire que la Cour administrative d’appel de Paris a apporté quelques précisions sur les implications du transfert de compétences funéraires du Préfet de Paris vers le maire (parachevé par le récent décret du 17 janvier 2025 commenté ici).

Dans cette affaire, le requérant demandait au Tribunal administratif de Paris de condamner solidairement la Ville de Paris et l’Etat (Préfecture de police) à lui verser la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l’exhumation de la dépouille de son grand père et de son transfert en Israël, autorisés le 27 janvier 2016 par le préfet de police.

En première instance, le tribunal administratif a condamné l’Etat à lui verser 6.000 euros en réparation de ce préjudice.

Jugement dont le ministre de l’Intérieur relève appel en contestant la responsabilité de l’Etat dans cette affaire en raison du transfert de compétences au profit de la ville en matière funéraire.

À titre incident, le requérant de première instance demande en appel la réformation du jugement, en sollicitant que son indemnisation soit portée à 20.000 euros, ou, à titre subsidiaire, la condamnation de la Ville de Paris à lui verser cette somme, éventuellement de manière solidaire avec l’État.

La Cour administrative d’appel rejette l’appel principal comme l’appel incident :

  • Elle considère que les juges de première instance ont fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence subis par l’intéressé en fixant son indemnisation à 6.000 euros et rejette donc l’appel incident formé par ce dernier ;
  • Concernant l’appel principal du ministre de l’Intérieur – et c’est là l’intérêt de cet arrêt à notre sens, – elle rappelle en quoi il est impossible d’engager la responsabilité de la Ville de Paris pour les faits d’espèce :

Si désormais, depuis le décret du 17 janvier 2025 (commenté ici), le Maire de Paris est pleinement compétent en matière funéraire, tel n’était pas le cas au moment des faits.

En effet, la capitale s’est longtemps distinguée par un particularisme local : les compétences funéraires y étaient partagées entre le Maire de Paris et le préfet (alors qu’elles relèvent entièrement du maire dans les autres communes).

Ainsi, au moment des faits, le Maire de Paris ne disposait alors que « d’une compétence résiduelle en matière de police des cimetières, particulièrement en ce qui concerne les monuments funéraires menaçant ruine », et « seul le préfet de police était compétent pour autoriser l’exhumation et le transport du corps d’une personne décédée » en vertu de l’article R. 22512-35 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

Ce n’est que par la suite que la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris a transféré à compter du 1er juillet 2017 la compétence en matière de police des funérailles au Maire de Paris, sans avoir eu pour objectif de transférer l’ensemble des droits et obligations, passés ou futurs, liés à l’exercice de cette compétence.

Il aura fallu attendre le récent décret susvisé du 17 janvier 2025 et son abrogation de l’article R. 22512-35 du CGCT pour que ce transfert de compétence soit finalisé.

L’arrêt commenté confirme ainsi que la responsabilité de la Ville de Paris ne peut être recherchée pour des faits ne relevant pas de compétences funéraires lui ayant été transférées à cette date (par l’effet de la loi du 28 février 2017 ou le décret du décret du 17 janvier 2025). Seule la responsabilité du Préfet de Police de Paris pourra alors être engagée.

Droit de la presse : quand un simple avis en ligne peut vous coûter cher

Dans le paysage numérique actuel, la gestion des contenus illicites en ligne représente un défi majeur.

Le bouche-à-oreille ayant laissé la place aux « avis » sur Internet, tout le monde est aujourd’hui habitué à consulter ceux des autres, lorsqu’on recherche un restaurant ou un professionnel de santé…

Or, les avis sur Internet sont devenus une véritable source de bonne mais également de « mauvaise presse ». Et il ne faut pas oublier que certains peuvent tomber sous le coup de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les entités publiques et leurs membres (agents et/ou dirigeants) n’échappent évidemment pas à ce phénomène.

Comment réagir en cas de publication d’un avis diffamatoire ou injurieux sur Internet ? Focus.

En pratique, il existe deux formes de réponse : la réponse par la voie pénale (I) et une réponse sur un terrain non répressif (II).

1. La réponse sur la voie pénale : l’action de presse

Quelles infractions ? La diffamation et l’injure sont des délits encadrés par la loi du 29 juillet 1881. La diffamation est définie comme l’imputation d’un fait précis et déterminé, portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée. En revanche, les invectives, qui ne reposent sur aucun fait précis, constituent une injure. Pour que la diffamation soit caractérisée, les imputations doivent être précises et attentatoires à l’honneur et à la considération, qu’il s’agisse d’actes délictueux ou de manquements à la loi morale et à la probité.

Le juge pénal analyse d’ailleurs la portée objective des propos en tenant compte du contexte intrinsèque et extrinsèque.

Ainsi, il importe de comprendre que la diffamation n’est pas caractérisée par la seule inexactitude ou fausseté des faits imputés, mais par leur caractère attentatoire à l’honneur et à la considération au titre d’accusations factuellement précises. Néanmoins, la vérité des faits peut exonérer le diffamateur de toute responsabilité, à condition de respecter la procédure formelle d’admission à l’exception de vérité.

Pour que la diffamation ou l’injure soient constituées, elles doivent avoir fait l’objet d’une publication au sens de l’article 23 de la loi de 1881. Cette publicité est acquise en cas de diffusion médiatique traduisant une volonté de les rendre publics. S’agissant d’avis sur internet, ceux-ci étant par principe accessibles à tous, la publicité ne fera pas débat.

De plus, la personne visée doit être identifiée ou suffisamment identifiable. En cas de pluralité de personnes visées, la diffamation est consommée à l’égard de toutes les personnes formant un groupe suffisamment restreint pour que chacune puisse demander réparation. La qualité de la personne visée doit également être déterminée dans l’acte de poursuite (particulier, personne chargée d’un mandat public, fonctionnaire public…), et la requalification est impossible en la matière.

Quelles limites ? Au-delà de la preuve de la vérité des faits (pour la diffamation), la diffamation et l’injure peuvent être écartées au titre de l’exception de bonne foi, telle que modulée par le droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La bonne foi se définit par le sérieux de l’enquête sérieuse et préalable, la prudence dans l’expression, la légitimité du but informationnel et l’absence d’animosité personnelle.

En présence d’un débat d’intérêt général (critère d’application de l’article 10 précité), les prévenus peuvent opposer des éléments de base factuelle suffisante, le juge se contentant – pour la « suffisance » de la base – d’éléments minimes voire résiduels, à condition qu’ils ne soient pas dénaturés[1].

En l’absence de débat d’intérêt général, le juge appliquera le critère de l’enquête sérieuse et préalable (critère de la bonne foi). Le caractère suffisamment « sérieux » de l’enquête sera lui-même variable selon le contexte et les protagonistes de la publication (journaliste, particulier directement impliqué dans les faits dénoncés, polémique politique, polémique syndicale, satire et humour, dont la satire politique ou syndicale…).

La variété des situations est donc grande et nécessite une navigation éclairée à travers les méandres d’une jurisprudence souvent casuistique.

En pratique, comment agir ? La ou les victimes disposent de plusieurs voies procédurales. Il s’agira tout d’abord de la délivrance d’une citation directe devant le tribunal correctionnel à l’auteur des propos. Toutefois, Internet étant encore à ce jour « l’enfer des courageux », les auteurs d’agissements pénalement repréhensibles se cachent bien souvent derrière un pseudonyme rendant leur identification impossible. Dans ce cas, seul le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile pourrait permettre d’investiguer avec d’identifier l’auteur des propos.

Enfin, il conviendra de rappeler que le délai de prescription applicable en matière de droit de la presse étant (en principe) de trois mois, l’action pénale devra être engagée sous peine de prescription – dans les trois mois à compter de mise en ligne.

Au-delà de l’action pénale, il existe également une voie non répressive afin de répondre à ces avis sur internet.

2. La réponse non répressive

Plusieurs mécanismes non répressifs peuvent être envisagés pour répondre à ces contenus, chacun présentant des avantages et des limites spécifiques.

1) Le droit de réponse en ligne

Logiquement, l’une première réponse possible est celle de la demande d’un droit de réponse en ligne au service en ligne. En effet, l’exercice d’un tel droit de réponse, conformément au nouvel article 1-1-III de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), introduit par la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (SREN), peut être envisagé. Cependant en pratique, cette option peut s’avérer impossible en raison de la spécificité de certains sites, comme le site Google Avis, où la publication d’une réponse en ligne peut ne pas être possible.

2) La mise en demeure de l’auteur du commentaire d’avoir à retirer le message

La mise en demeure de l’auteur du commentaire d’avoir à retirer le message du site Internet, sur le fondement de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, est une démarche à prioriser avant toute chose. Cette approche permet de solliciter directement l’auteur du contenu litigieux, évitant ainsi les complications liées à la notification des hébergeurs et les coûts procéduraux élevés.

Sauf anonymat, elle représente alors une solution directe et efficace pour obtenir le retrait des contenus illicites. En présence d’un auteur anonyme ou agissant sous un pseudonyme, il sera impossible de lui adresser une telle mise en demeure imposant le recours à une notification de contenu illicite à l’hébergeur.

3) La notification de contenu illicite aux hébergeurs

L’un des premiers moyens de réponse consiste en la notification d’un contenu illicite auprès de l’hébergeur. Selon l’article 16 du Règlement (UE) 2022/2065 du 19 octobre 2022, connu sous le nom de Digital Service Act (DSA), cette notification peut être effectuée même si le contenu n’est pas « manifestement » illicite, contrairement à l’état antérieur du droit.

4) Procédure accélérée au fond

Une autre option est celle de la procédure accélérée au fond, prévue par l’article 6-3 de la loi du 21 juin 2004, tel qu’en vigueur depuis le 17 février 2024, et l’article 481-1 du Code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2020. Cette procédure permet de demander la suppression par l’hébergeur du contenu Internet litigieux ou la levée de l’anonymat de l’auteur.

Selon l’article 6-3 de la LCEN modifiée, « Le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire à toute personne susceptible d’y contribuer toutes les mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

Toutefois, la jurisprudence actuelle tend à rejeter un tel recours contre l’hébergeur lorsque le requérant se base sur la seule loi du 29 juillet 1881. Les juges soulignent que, à défaut d’opposer le diffamateur à sa victime, la contradiction n’est pas rendue possible. La défense, en sa qualité d’hébergeur, n’est pas en mesure de faire valoir l’exception de bonne foi. Ils concluent que le caractère diffamatoire des propos ne peut justifier leur retrait, car cette mesure ne serait pas proportionnée à l’atteinte à la liberté d’expression.

Afin de parvenir aux mêmes fins, il apparait donc plus judicieux de rechercher un autre fondement juridique, telle que la protection des données personnelles.

En conclusion, plusieurs moyens de réponse non répressifs existent pour gérer les contenus illicites en ligne. Chacun de ces moyens présente des avantages et des limites, et le choix de la stratégie appropriée dépendra des circonstances spécifiques de chaque cas.

 

Conclusion : Face aux avis sur internet, le droit applicable prévoit plusieurs moyens d’action aussi bien contentieux que non contentieux, lorsque les propos peuvent relever du droit de la presse. Par ailleurs, afin de faire face au « sentiment d’impunité » qui découle de l’anonymat en ligne, la victime de diffamation ou d’injure n’est pas démunie puisque des procédures existent afin d’obtenir l’identité de l’internaute.

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[1] Crim. 25 février 2025, n° 23-84.563 : Comme le rappelle à juste titre le pourvoi, « la base factuelle, critère de la bonne foi de l’auteur de propos diffamatoires dans le débat public, ne peut être jugée à la fois suffisante et inexacte ».

Evolution du tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF (ATRD 7) au 1er juillet 2025

L’ATRD 7, c’est-à-dire le tarif péréqué d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF applicable à compter du 1er juillet 2024, avait été fixé par une délibération du 15 février 2024 commentée ici.

Cette délibération venait également prévoir modalités du calcul de l’évolution de sa grille tarifaire à chaque 1er juillet, à partir de 2025.

C’est en application de cette délibération que la CRE a, par une délibération du 14 mai 2025, publié sa décision quant à l’évolution de la grille tarifaire de l’ATRD 7 au 1er juillet 2025. Une évolution qui représente, en moyenne, une hausse tarifaire de 6,1 %. Ainsi que l’indique la CRE, son impact sur la facture TTC des consommateurs de gaz naturel résidentiels sera quant à lui de l’ordre de + 1,4 % en moyenne (et ce, indépendamment de l’évolution du prix du gaz qui fluctue chaque mois à la hausse ou à la baisse).

Cette délibération ajuste par ailleurs le montant du coefficient Rf au 1er juillet 2025 pour certaines options tarifaires et pour les points de livraison sans compteurs individuels. Pour rappel, ce coefficient, introduit par délibération de la CRE du 26 octobre 2017, correspond à un montant moyen s’ajoutant à la part fixe de l’ATRD au titre des contreparties financières versées par le gestionnaire du réseau de distribution aux fournisseurs.

Vers une suppression de l’obligation de constituer une régie et un budget annexe pour les services publics industriels et commerciaux de production d’énergies renouvelables ?

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, l’exploitation de la production d’énergies renouvelables dans le cadre d’un service public industriel et commercial impliquait, en principe, la création d’une régie – excepté pour la production d’électricité photovoltaïque dans le cadre d’opérations d’autoconsommation n’excédant pas un seuil de puissance d’un mégawatt cumulé par collectivité.

Cette obligation découlait des termes de l’article L. 1412-1 du Code général des collectivités territoriales (ci-après le « CGCT »), dont le premier alinéa subordonne l’exploitation directe d’un service public industriel et commercial (ci-après « SPIC ») à la constitution d’une régie dotée soit de la personnalité morale et de l’autonomie financière, soit de la seule autonomie financière.

De même, les communes, les départements et leurs établissements publics avaient l’obligation de constituer des budgets annexes pour la gestion de tels SPIC exploités en régie dès lors que ces budgets doivent être équilibrés en recettes et en dépenses conformément aux articles L. 2224‑1 et L. 3241‑4 du CGCT.

Or, il résulte de ces dispositions que la collectivité de rattachement d’un SPIC ne peut, sauf dérogation prévue par l’article L. 2224-2 du CGCT, subventionner librement le service. Elle ne peut pas non plus prendre en charge dans son budget propre des dépenses au titre du SPIC dès lors que le budget annexe doit être équilibré en recettes et en dépenses (article L. 2224-1 du CGCT ; CE, 6 avril 2007, n ° 284544). A l’inverse, le reversement au budget général des excédents du budget annexe du SPIC « qui seraient nécessaire au financement des dépenses d’exploitation ou d’investissement devant être réalisés à court terme » est également exclu (Conseil d’État, 9 avril 1999, n° 170999).

Au regard de la complexité liée à la création d’une régie a minima à autonomie financière et au suivi de l’activité, l’article 88 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (ci-après la « loi APER ») a supprimé l’obligation de constituer une régie et un budget annexe lorsque la production d’électricité photovoltaïque, n’excédant pas un seuil de puissance (1 MW cumulé par collectivité) défini par arrêté du 10 juillet 2024, est injectée sur le réseau public de distribution dans le cadre d’une opération d’autoconsommation individuelle ou collective.

Cette dérogation visait à permettre « une réelle simplification et un effet utile pour lever le frein au développement de l’autoconsommation, sans toutefois fragiliser le cadre des services de production de taille plus conséquente pour qui la création d’une régie et d’une budget annexe » […] « reste nécessaire dans les conditions de droit commun » (Amendement n° 2298 déposé le jeudi 15 décembre 2022 en séance publique de l’Assemblée nationale).

Si cette disposition est le fruit de nombreux débats ayant écarté l’élargissement de cette dérogation au cas plus général de la production d’électricité photovoltaïque (Amendement n° 282 rect, déposé le 31 octobre 2022 en séance publique du Sénat), la commission mixte paritaire a circonstancié cette possibilité en la limitant au respect de critères de puissance des installations photovoltaïques édictés par le pouvoir réglementaire (Rapport n° 267 (2022-2023) fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 24 janvier 2023).

En effet, le législateur n’a pas souhaité autoriser une dérogation plus globale au principe de constitution d’une régie et d’un budget annexe applicable de manière générale à « la production d’électricité photovoltaïque lorsqu’elle est revendue par la collectivité, notamment dans le cadre de l’obligation d’achat instituée par les mécanismes de soutien » (Amendement n° CE1029 déposé le 19 novembre 2022 en Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, supprimant la disposition sénatoriale), cette autorisation posant au demeurant la question de l’intégration au budget général des collectivités des entités gestionnaires du SPIC (Rapport sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (n° 443), n° 526).

En dépit de ces réticences initiales du législateur, l’article 24 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 est venu élargir cette dérogation à tout « projet d’installation de production d’énergies renouvelables, au sens de l’article L. 211-2 du Code de l’énergie »afin « d’inciter les collectivités territoriales à porter des projets d’énergie renouvelable, en facilitant le reversement des recettes de l’installation dans le budget général de la collectivité » (Amendement n° COM-27 du 3 mars 2025, déposé le 3 mars 2025 en Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat ; Rapport n° 401 (2024-2025), déposé le 5 mars 2025).

A ce titre, il est néanmoins regrettable que l’article L. 2224-2 du CGCT n’ait pas été modifié en conséquence afin de permettre expressément une dérogation à l’interdiction aux collectivités et à leurs groupements de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics de production d’énergies renouvelables, au sens de l’article L. 211-2 du Code de l’énergie, à l’instar de ce qui avait été prévu par la loi APER – et qui demeure en vigueur – pour les « services de production d’électricité exploités dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 1412-1 ».

A ce titre, une mise en cohérence semble donc nécessaire afin de pallier cet oubli du législateur.

Par ailleurs, il convient également de relever que, par ces modifications successives de l’article L. 1412-1 du CGCT, le législateur a incidemment reconnu que la production d’énergies renouvelables est un service public, ce qui était jusqu’alors sujet à discussion[1] malgré plusieurs réponses ministérielles ayant déjà retenu cette qualification, et ce avant même l’intervention de la loi[2].

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[1] P. Coleman, « La production d’énergies renouvelables par les collectivités territoriales : un nouveau service public érigé par accident ? », Droit Administratif, n° 7, Juillet 2023 ; C. Fontaine et F. Lousteau, « De l’existence d’un service public de la production d’énergies renouvelables », Energie – Environnement – Infrastructures, n°5, Mai 2023.

[2] Rép. min. n° 04754 : JO Sénat 14 févr. 2019, p. 830 ; Rép. min. n° 56011 : JOAN 6 janv. 2015 page 86.

Animaux nuisibles : annulation de l’inscription de plusieurs espèces animales

À la suite de recours de plusieurs associations de protection de l’environnement, le Conseil d’Etat a annulé partiellement l’arrêté du 3 août 2023 du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires en tant qu’il classe certaines espèces comme espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD) dans plusieurs départements.

Lorsqu’une espèce est inscrite sur la liste des ESOD, l’article R. 427-8 du Code de l’environnement (C. env.) prévoit qu’elle peut être détruite par le propriétaire, le possesseur ou le fermier des territoires sur lesquels elle se trouve.

Cette inscription est décidée par le ministre chargé de la Chasse en vertu de l’article R. 427-6 du C. env. Au niveau local, en vertu du I. 2° de cet article, le ministre fixe, pour une durée de trois ans, une liste de ces espèces pour chaque département sur proposition du préfet et après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage.

Ce classement doit être justifié par l’un des motifs énumérés à l’article R. 427-6 du C. env., à savoir :

« 1° Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ;

2° Pour assurer la protection de la flore et de la faune ;

3° Pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ;

4° Pour prévenir les dommages importants à d’autres formes de propriété. »

En l’espèce, la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a fixé, pour trois ans, une liste des ESOD dans certains départements par un arrêté du 3 août 2023.

Plusieurs associations ont introduit différentes requêtes en annulation contre cet arrêté devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé qu’il existe deux conditions alternatives justifiant l’inscription d’une espèce :

  • Soit lorsque cette espèce est répandue de façon significative dans le département (à priori à partir de 500 spécimens) et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés ;
  • Soit lorsqu’il est établi qu’elle est à l’origine d’atteintes significatives aux intérêts protégés (à priori lorsque les dommages excèdent au moins 10.000 euros).

Afin de déterminer si le classement des espèces était justifié, la haute juridiction a procédé à un contrôle in concreto de la situation de chaque espèce, au niveau de chaque département.

Au nom du principe de prévention posé par l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, le Conseil d’Etat a jugé que le ministre devait se fonder sur les données pertinentes dans chaque département afin de fixer la liste des ESOD et notamment sur les services écosystémiques que les espèces peuvent rendre.

Au-delà du cadre juridique national, le Conseil d’Etat a appliqué deux directives européennes de protection de la faune sauvage.

La directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages qui impose notamment que les prélèvements de spécimens intégrés en annexe soient compatibles avec leur maintien dans un état de conservation favorable.

La directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages qui prévoit, elle, la réalisation d’une étude de l’existence d’autres solutions satisfaisantes à la destruction d’une espèce d’oiseaux sauvages avant toute destruction.

C’est ainsi que pour chaque département, le Conseil d’Etat a notamment analysé le montant exact des dégâts occasionnés par chaque espèce en cause mais aussi le nombre de spécimens effectivement présents :

  • Pour la martre, le classement est annulé dans tous les départements faute de données actualisées sur son état de conservation, en violation de la directive Habitats de 1992 ;
  • Pour la fouine dans trois départements, le corbeaux freux dans deux départements, la corneille noire dans six départements, la pie bavarde dans sept départements, l’étourneau sansonnet dans trois départements, le geai des chênes dans deux départements, le classement est annulé faute de preuve de leur présence ou de dégâts significatifs ;
  • Pour le renard, inscrit comme ESOD dans de nombreux départements, seuls les classements dans trois départements, particulièrement touchés par la présence des campagnols et en raison du rôle régulateur du renard, ont été annulés.

La juridiction s’est également prononcée sur les modalités de destruction de cette espèce. Dans onze départements, les préfets n’ont pas proposé que le renard puisse être détruit par déterrage et le ministre n’a pas apporté d’éléments de nature à établir que cette modalité de destruction serait nécessaire à la bonne régulation de l’espèce dans ces départements. Ainsi, le juge a annulé l’inscription du renard sur onze listes départementales au titre qu’elles n’ont pas précisé que le renard ne peut être détruit qu’à tir ou par piégeage.

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat affirme ainsi que la destruction d’espèces, même classées comme ESOD, ne peut être autorisée sans une justification rigoureuse, localisée et documentée exigée par les normes nationales mais aussi européennes.

Plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) et projets portuaires : une modification limitée du PPRI jugée conforme

Le 15 mai 2025, la Cour administrative d’appel de Toulouse a confirmé la légalité de l’arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le Préfet de l’Hérault a approuvé la modification du plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) de la commune de La Grande-Motte, visant notamment à permettre des travaux d’aménagement dans la zone rouge de déferlement du port, dans le cadre du projet de requalification « Port-Ville ».

L’association « La Vigie Citoyenne Grand-Mottoise » et une requérante individuelle avaient saisi le Tribunal administratif de Montpellier d’un recours en annulation de cet arrêté. Le tribunal ayant rejeté leur demande le 13 juin 2023, l’association a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Toulouse.

La Cour a écarté les différents moyens soulevés par l’association devant elle. Elle a notamment jugé que :

  • S’agissant de la procédure applicable, le préfet pouvait recourir à la procédure de modification du PPRI prévue à l’article R. 562-10-1 du Code de l’environnement, et non celle plus complexe de révision, dès lors que la modification ne portait que sur un élément mineur du règlement applicable à une seule zone (la zone rouge de déferlement du port), que les travaux étaient limités à ceux liés à une recomposition et/ou une extension du port existant et qu’elle ne remettait ainsi pas en cause l’économie générale du plan comme l’impose la disposition précitée ;
  • L’évaluation environnementale était suffisante au regard du caractère limité de la modification du plan et dès lors qu’elle consistait à permettre de limiter les risques d’inondation et de submersion marine de travaux de requalification du port et non directement à permettre la réalisation d’un projet particulier d’extension du port de la Grande-Motte. Les éléments exigés par l’article R. 122-20 du Code de l’environnement ont été, selon la Cour, correctement abordés, notamment l’articulation avec d’autres documents de planification, la description de l’état initial, l’analyse des effets sur l’environnement et les méthodes utilisées pour établir le rapport des incidences.
  • S’agissant de la compatibilité avec le droit de l’urbanisme et les documents de planification, la Cour a rejeté les griefs tirés d’une incompatibilité de la modification avec les articles L. 121-6 et L. 121-7 du Code de l’urbanisme sur la protection du littoral, relevant que la modification du PPRI ne rendait pas ces dispositions inapplicables. Elle a écarté également les moyens fondés sur une incompatibilité avec le SDAGE Rhône-Méditerranée, la modification étant sans effet direct sur les objectifs de ce document.
  • Enfin, la Cour a jugé que la modification n’aggravait pas les risques naturels et que le préfet n’avait pas commis d’erreur d’appréciation au regard des dispositions de l’article L. 562-1 du Code de l’environnement. En effet, les restrictions imposées à la constructibilité dans la zone rouge (pas de logements ni d’activités exposées aux aléas ou aggravant les aléas, respect de cotes précises) étaient suffisantes. De plus, les risques de submersion marine, de surcote et de montée des eaux avaient déjà été pris en compte dans le PPRI de 2014, et la modification ne venait pas aggraver ces risques.

Ainsi, la Cour a rejeté la requête introduite par l’association.

Par cette décision, elle rappelle qu’une modification ponctuelle d’un PPRI peut être légalement engagée sans procédure de révision, à condition qu’elle soit mineure et encadrée et elle insiste sur le caractère proportionné attendu de l’évaluation environnementale, en fonction de l’ampleur du projet.

Eau : l’implantation d’une centrale hydroélectrique sur un cours d’eau de classe 1

Par un arrêt rendu le 14 mai 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon a validé l’autorisation environnementale délivrée en 2019 à la Régie de Gaz et d’Électricité de Sallanches (RGE) pour la construction d’une centrale hydroélectrique sur la rivière de la Sallanche, en Haute-Savoie.

En l’espèce, la RGE a sollicité, en 2018, une autorisation environnementale pour créer une centrale hydroélectrique sur la rivière de la Sallanche. Le projet comprenait notamment une prise d’eau, une conduite forcée enterrée de 4,1 km, et une centrale située en contrebas. Le Préfet de Haute-Savoie a autorisé le projet par arrêté le 26 décembre 2019, déclarant également l’utilité publique de la servitude nécessaire au titre du Code de l’énergie.

L’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE AURA) a demandé au Tribunal administratif de Grenoble d’annuler cet arrêté, principalement au regard des atteintes supposées à la continuité écologique du cours d’eau.

Par jugement du 6 décembre 2022, le tribunal administratif a annulé l’arrêté préfectoral, jugeant que le projet constituait un obstacle à la continuité écologique sur un tronçon classé en liste 1 (réservoir biologique) et a ordonné la remise en état du site.

La RGE et le ministère de la Transition écologique ont alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Lyon, demandant l’annulation du jugement.

 

1. S’agissant du motif d’annulation retenu en première instance et de l’impact du projet hydroélectrique sur l’hydrologie

Le tribunal avait annulé l’arrêté portant autorisation environnementale au motif que le projet modifierait substantiellement l’hydrologie du cours d’eau et qu’à ce titre, il constituerait un obstacle à la continuité écologique en application du 4° du I de l’article R. 214-109 du Code de l’environnement.

La Cour a alors retenu que la majeure partie du tronçon court-circuité par le projet se situait dans la partie du cours d’eau classée en liste 1, à savoir les cours d’eau ou parties de cours d’eau mentionnés au 1° du I de l’article L. 214-17 du CDE sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s’ils constituent un obstacle à la continuité écologique, ainsi qu’en réservoir biologique.

 

Cependant, elle a jugé que le projet n’affectera pas de manière substantielle l’hydrologie du cours d’eau car elle a estimé que :

  • Le débit réservé autorisé (80 l/s) est supérieur au débit minimum requis par l’article L. 214-18 du Code de l’environnement (40 l/s) afin de garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces ;
  • La réduction d’hydrologie alléguée (53 %) n’est pas démontrée ;
  • Il existe des apports latéraux d’eau non court-circuités ;
  • Des prescriptions imposant des mesures de suivi et d’aménagement sont prévues, notamment la restauration de la franchissabilité piscicole sur les seuils en aval, ainsi qu’un suivi hydrologique sur cinq ans.

Ainsi, selon la Cour le projet ne constitue pas un obstacle à la continuité écologique et c’est à tort que le tribunal a annulé l’arrêté litigieux pour ce motif.

 

2. S’agissant des autres moyens d’annulation soulevés

La Cour a écarté l’ensemble des moyens soulevés par l’association FNE AURA en jugeant que :

  • Les délais de traitement du dossier prévus par l’article R. 181-17 du Code de l’environnement ont été respectés et les prorogations dûment motivées ;
  • L’étude d’impact était suffisante :
    • Elle comportait une analyse des incidences sur les milieux aquatiques et terrestres et notamment sur les espèces protégées présentes sur le site ;
    • Les mesures d’évitement, de réduction et de compensation étaient exposées de manière circonstanciée ;
    • Des solutions alternatives ont été examinées ;
  • Le projet ne faisait pas partie des projets portant atteinte à l’état des masses d’eau soumis à dérogation spécifique (articles L. 212-1 et R. 212-16 du C. env.) :
    • Le projet constituant seulement une dérivation et non un prélèvement d’eau, il n’induisait pas de détérioration substantielle des caractéristiques physiques du cours d’eau, les débits d’eau prélevés étant immédiatement restitués en aval ;
    • Les impacts sur la faune piscicole et sur le transport sédimentaire étaient faibles.
  • Il n’était pas nécessaire d’obtenir une dérogation « espèces protégées », les mesures d’évitement et de réduction prévues (calendrier des travaux, reboisement, enfouissement de la conduite) ayant été jugées suffisantes ;
  • Le projet était compatible avec les documents de planification (SDAGE et SAGE), la Cour a jugé que les orientations invoquées du SDAGE Rhône Méditerranée 2016-2021 étaient inopérantes, celui-ci ayant été remplacé par le SDAGE 2022-2027 qu’il convenait d’appliquer. Par ailleurs, les objectifs du SDAGE actuel n’étaient pas méconnus, dès lors que la continuité écologique était préservée et que l’état de la masse d’eau n’était pas dégradé.
  • Le projet n’était pas contraire aux plans de prévention des risques naturels (PPRN) applicables. La Cour a précisé que ces PPRN admettent, par dérogation à l’interdiction de toute nouvelle occupation ou utilisation des sols en raison des risques de glissement de terrain ou d‘affaissement, les ouvrages nécessaires au fonctionnement des services publics ou qui n’aggravent pas les risques naturels. Ici, la centrale étant destinée à produire de l’électricité pour environ 2.800 foyers, elle était utile au service public d’électricité et n’aggravait pas les risques existants.

Par conséquent, la Cour a annulé le jugement de première instance et rejeté la demande d’annulation de l’arrêté présentée par l’association FNE AURA.

A travers cet arrêt, la Cour confirme qu’une centrale hydroélectrique peut s’implanter sur un cours d’eau protégé, classé en liste 1, sans constituer nécessairement un obstacle à la continuité écologique, ni détériorer l’état de la masse d’eau, illustrant ainsi l’importance des données techniques et des mesures d’atténuation circonstanciées apportées par le pétitionnaire.

Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) : validation de l’arrêté d’enregistrement de l’unité de méthanisation

Par un arrêté du 30 décembre 2021, le Préfet d’Ille-et-Vilaine a autorisé, par voie d’enregistrement, l’exploitation d’une unité de méthanisation sur la commune de Bourg-des-Comptes, au lieu-dit Le Vaugouët. Ce projet, porté par la société Agri-Bioénergies, rassemble plusieurs exploitants agricoles locaux et vise la production de biométhane injecté dans le réseau GRDF, à partir de matières organiques issues des exploitations partenaires.

Plusieurs particuliers riverains et l’association « Comité de protection du cadre de vie de Bourg-des-Comptes » ont introduit un recours devant le Tribunal administratif de Rennes contre l’arrêté d’enregistrement de cette exploitation. Leurs griefs portaient notamment sur l’absence d’évaluation environnementale, l’insuffisance du dossier d’enregistrement, l’existence de risques pour la santé publique et l’environnement ainsi que la méconnaissance du principe de précaution. Le tribunal ayant rejeté leur demande, les requérants ont interjeté appel devant la Cour administrative de Nantes.

S’agissant du bien-fondé du jugement, la Cour a rejeté l’intégralité des moyens soulevés par les requérants. Celle-ci a d’abord rappelé l’office du juge amené à se prononcer sur une décision d’enregistrement. Elle a précisé que cette décision était soumise à un contentieux de pleine juridiction et que le juge devait donc apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation et le respect des règles de fond au regard des circonstances applicables à la date à laquelle il se prononce.

Ce principe ainsi rappelé, la Cour a alors considéré, en premier lieu, qu’il n’était pas démontré que le projet aurait dû être soumis à une procédure d’autorisation environnementale comme le permet l’article L. 512-7-2 du Code de l’environnement lorsque le site présente une sensibilité particulière. Elle a également considéré que le dossier présenté était complet au regard des dispositions alors applicables de même que la consultation du public était régulière.

En deuxième lieu, la Cour s’est prononcée sur le bien-fondé de l’arrêté préfectoral :

  • S’agissant des capacités financières de la société pétitionnaire, la Cour a jugé que cette dernière avait justifié de la pertinence des modalités selon lesquelles elle prévoyait de disposer de capacités financières suffisantes. Le financement du projet était cohérent et justifié, intégrant apports, subventions (ADEME, FEDER) et emprunts.
  • Concernant la méconnaissance des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement et l’existence de risques pour la santé publique et l’environnement, la Cour a jugé que l’étude de dangers du dossier d’enregistrement a évalué les risques pour la sécurité publique s’agissant notamment de ses impacts sur les infrastructures voisines (oléoduc, gazoduc) et que ceux-ci étaient limités, le seul risque d’explosion identifié étant considéré comme improbable. En outre, l’aménagement de l’unité de méthanisation permettait de préserver l’environnement de tout rejet dans le milieu naturel de pollutions organiques grâce à des dispositifs de sécurité et de confinement (bassins, zones de rétention, silos étanches, etc.).
  • Enfin, concernant l’atteinte au principe de précaution invoquée par les requérants, La Cour a rappelé que ce principe suppose un risque de dommage grave et irréversible à l’environnement, ce qui n’était pas établi en l’espèce, en raison de la maîtrise du processus de méthanisation, des aménagements prévus et de l’absence de menace avérée pour l’environnement ou la santé.

La Cour administrative d’appel de Nantes a ainsi confirmé la validité de l’arrêté préfectoral autorisant l’enregistrement de l’unité de méthanisation. Elle a réaffirmé le cadre juridique applicable aux installations classées relevant du régime d’enregistrement et le rôle du juge du plein contentieux dans l’appréciation des risques et des garanties techniques et financières.

Cette décision illustre l’équilibre que le juge administratif s’efforce de maintenir entre la promotion des projets de transition énergétique et la protection de l’environnement et des populations riveraines.

Police des déchets : l’urgence caractérisée sur un site ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement)

Dans une décision en date du 5 mai 2025, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’y avait pas urgence à suspendre l’exécution de deux arrêtés du 7 octobre 2024 par lesquels le Préfet de la Seine-Maritime a mis en demeure la société Bolloré Logistics et sa filiale, la société Blue Solutions, de faire procéder au retrait des déchets de batteries usagées issues de l’incendie, le 16 janvier 2023, d’un entrepôt à Grand-Couronne (Seine-Maritime) et de participer solidairement à l’élimination de la pollution au lithium des eaux souterraines au droit de cet entrepôt.

En l’espèce, le 16 janvier 2023, un incendie est survenu dans un entrepôt relevant, en tant qu’installation de stockage de produits et de matériaux combustibles, de la rubrique n° 1510 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), dont la société Highway France Logistics 8 était propriétaire et exploitante.

Sur le fondement de la police des ICPE, le préfet a, par plusieurs arrêtés, prescrit diverses mesures d’urgence à la société Highway France Logistics 8. En outre, par un arrêté du 28 juillet 2023, il a prescrit à cette société des mesures tendant notamment à la gestion des déblais issus de l’incendie ainsi qu’à la gestion et au traitement de la pollution des eaux souterraines, notamment la mise en place d’une barrière hydraulique.

Il a été ultérieurement établi que l’incendie a touché la cellule 1 de l’entrepôt, où étaient entreposées 892 tonnes de batteries au lithium usagées, produites par Blue Solutions et stockées par Bolloré Logistics. Au titre de la police des déchets, en application notamment de l’article L. 541-2 du Code de l’environnement, le préfet a, par deux arrêtés du 7 octobre 2024, mis en demeure la société Bolloré Logistics et la société Blue Solutions, en tant que producteur ou détenteur des déchets, de faire procéder ou de participer solidairement au retrait des déchets issus de l’incendie de ces batteries usagées et d’éliminer la pollution des eaux souterraines au lithium au droit du site.

Par deux requêtes distinctes, la société Bolloré Logistics d’une part, et la société Blue Solutions, d’autre part, avaient demandé au Juge des référés du Tribunal administratif de Rouen de suspendre, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, l’exécution des arrêtés du 7 octobre 2024.

Le 5 décembre 2024, le Juge des référés du Tribunal administratif de Rouen a, par deux ordonnances, fait droit à ces demandes.

Par deux pourvois, joints par le Conseil d’Etat, la ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche a demandé au Conseil d’Etat d’annuler ces ordonnances.

En premier lieu, le Conseil d’Etat a annulé les ordonnances du juge des référés en raison de plusieurs erreurs de droit commises quant à la caractérisation de l’urgence à suspendre les arrêtés litigieux.

Au contraire de ce que le juge des référés a retenu, le Conseil d’État a considéré :

  • Sur l’évaluation des coûts, qu’il était erroné de retenir l’urgence sans mise en perspective avec les capacités financières des entreprises concernées.
  • Sur le rôle de la société Highway Logistics, que l’arrêté litigieux étant pris au titre de la police des déchets, le juge ne pouvait se fonder sur l’existence d’obligations parallèles prises par cette société au titre des ICPE pour écarter l’urgence.
  • Sur l’absence de normes sur le lithium, que l’absence de norme réglementaire ne privait pas l’autorité préfectorale de la possibilité d’agir en présence d’un risque avéré pour l’environnement et la santé, caractérisé ici par une pollution au lithium atteignant 20 000 µg/l, bien au-delà des seuils de référence établis par l’INERIS.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat a décidé de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée et estimé que l’absence de condition d’urgence suffisait à rejeter les demandes de suspension. Selon lui :

  • Il n’est pas établi que les coûts résultant, pour les sociétés, de la mise en œuvre des arrêtés seraient disproportionnés au regard de leurs capacités financières respectives et constitueraient une charge qu’elles ne seraient pas en mesure d’assumer. En outre, le risque pénal et le préjudice d’image invoqués par les sociétés ne suffisent pas à caractériser l’urgence à suspendre l’exécution des arrêtés ;
  • L’urgence à mettre en œuvre les mesures prescrites aux sociétés par les arrêtés du 7 octobre 2024 était en l’espèce caractérisée au regard des teneurs en lithium qui ont été constatées dans les eaux souterraines au droit du site et afin de prévenir les risques d’atteinte à l’environnement et à la santé des populations.

Cette décision du Conseil d’État apporte plusieurs clarifications importantes :

  • Elle réaffirme la compétence du préfet pour prendre des mesures au titre de la police des déchets lorsque le site sur lequel les déchets sont entreposés est une ICPE.
  • Elle insiste sur la nécessité d’une appréciation rigoureuse de l’urgence, qui ne saurait reposer sur des considérations abstraites ou déconnectées de la capacité réelle des entreprises.
  • Elle reconnaît la légitimité d’une action préfectorale en l’absence de normes de qualité environnementale, dès lors qu’un risque avéré pour l’environnement ou la santé est établi.

Conditions de délivrance du certificat de sécurité unique (CSU) pour les entreprises ferroviaires exploitant des services locaux de transport de voyageurs

Un arrêté du 19 mai 2025 modifie les modalités de demande, de renouvellement, de modification, de suspension, de retrait et de restriction, ainsi que les conditions de délivrance du certificat de sécurité unique (CSU) pour les entreprises ferroviaires exploitant des services locaux de transport de voyageurs ou de marchandises sur des voies ferrées locales aptes au transport de voyageurs.

Pour rappel, conformément à l’article L. 2121-18 du Code des transports, pour exercer une activité de transport sur le réseau ferroviaire, les entreprises dont l’activité principale est le transport ferroviaire doivent être titulaires :

  • d’une licence d’entreprise ferroviaire délivrée par le ministère chargé des Transports ;
  • et d’autorisations délivrées par l’Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire (EPSF) : un certificat de sécurité unique (CSU) et un certificat d’entité en charge de l’entretien des véhicules (ECE).

Les entreprises exploitant des services locaux de transport ferroviaire de voyageurs sont également soumises à l’obligation d’obtenir un certificat de sécurité unique en application du Décret n° 2022-664 du 25 avril 2022 relatif à la sécurité de l’exploitation de services locaux de transport ferroviaire de voyageurs.

Comme le prévoit l’article 24 du Décret précité, les modalités de demande, de renouvellement, de suspension, de retrait, de restriction et les conditions de délivrance du certificat de sécurité unique ont été précisées par l’Arrêté du 19 mai 2025.

En substance, ses dispositions prévoient notamment que :

  • Le dossier de demande de certificat doit comporter plusieurs éléments dont des informations générales sur la demande, une description de l’organisation précisant la nature et le périmètre des activités, des documents à joindre, des plans d’actions correctives ;
  • Le demandeur a la possibilité de demander à l’EPSF des informations sur le processus d’évaluation de sa demande ;
  • La demande de certificat doit être effectuée avant la date de début de l’activité ou avant la date d’expiration du certificat en cours de validité ;
  • L’EPSF doit se prononcer dans un délai d’un mois, à compter de la réception de la demande, sur la complétude ou l’incomplétude du dossier ;
  • Le certificat peut être délivré même en cas de subsistance de problèmes mineurs dès lors qu’ils n’empêchent pas sa délivrance et que leur résolution peut être différée ;
  • Lorsque l’entreprise ne satisfait plus aux conditions d’obtention le certificat peut lui être retiré et en cas de détection d’un risque grave pour la sécurité des mesures de sécurité temporaires peuvent être mises en œuvre.

Sites et sols pollués : le seul coût des mesures ordonnées ne permet pas d’écarter l’urgence

Le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur l’existence ou non d’une situation d’urgence face à l’expansion d’une pollution des sols alors que le coût des mesures à mettre en œuvre était élevé pour la personne visée.

En effet, deux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) avaient été exploitées sur un site par deux sociétés distinctes mais ayant le même gérant, M. C.,, cette activité ayant à ce jour cessé et le site étant utilisé à des fins d’habitation. Ces exploitants n’existent d’ailleurs plus aujourd’hui et ont pour ayants-droits deux autres sociétés.

Des riverains ont découvert l’existence d’une nappe d’hydrocarbures dans le sous-sol du site, et le préfet a ordonné aux héritiers et ayants-droits de M.C de procéder à des opérations en vue de remettre en état le site, et les a obligés à s’acquitter de la somme de 107.000 euros à cette fin.

Saisi d’une procédure de référé-suspension par une des héritières du gérant, le tribunal administratif avait suspendu l’exécution de cet arrêté, considérant notamment que la situation d’urgence était acquise puisque les mesures prescrites représentaient un coût très élevé pour les destinataires de l’arrêté au regard de leurs revenus et de leurs charges. Le Conseil d’Etat censure toutefois ce raisonnement puisque le tribunal administratif n’avait pas pris en compte l’intérêt général qui s’attache à la réalisation des mesures prescrites pour limiter l’expansion des pollutions constatées et la contamination des habitations voisines.

Le Conseil d’Etat considère néanmoins que la demande de suspension de l’arrêté doit être rejetée puisqu’aucun des moyens soulevés par la requérante n’est susceptible de créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté contesté. II est intéressant de noter que la requérante se prévalait du fait que sa situation d’héritière de l’ancien gérant des ICPE ne lui conférait pas la qualité d’ayant-droit de l’exploitation puisque les biens et droits permettant l’exploitation de l’ICPE avaient été transférés, à la cessation d’activité, à sa mère, dont elle a refusé la succession, puis à une autre société.

Eau de pluie : Rejet du recours contre le décret REUT (réutilisation des eaux usées traitées)

Le 2 mai 2025, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le régime règlementaire encadrant la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) et des eaux de pluie et a apporté des clarifications sur l’articulation des dispositions de ce décret avec les autres textes régissant l’utilisation des eaux de pluie.

Plusieurs requérants ont en effet sollicité du Conseil d’Etat l’annulation de l’article 1er du décret n° 2023-835 du 29 août 2023, qui avait pour objectif de simplifier le régime applicable à la REUT pour faciliter cette réutilisation et de définir les conditions d’utilisation des eaux de pluie pour les usages non domestiques (cf. notre article sur le sujet). Ce décret avait pu être critiqué lors de sa parution pour son ambiguïté sur le régime applicable aux eaux de pluie.

Les requérants considéraient en effet que le décret avait pour effet de limiter l’utilisation des eaux de pluie à des fins domestiques (article L. 1322-14 du Code de la santé publique – CSP) et méconnaissait l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme. Toutefois, le Conseil d’Etat relève que le décret REUT, relatif aux usages non-domestiques, ne limite pas l’utilisation des eaux de pluie à des fins domestiques autorisée par l’article L. 1322-14 du Code de la santé publique et écarte donc le moyen des requérants.

De la même manière, le décret ne limite pas les usages de l’eau de pluie autorisés par l’article L. 2224-9 du Code général des collectivités territoriales, pour l’alimentation des toilettes, le lavage des sols et le lavage du linge dans les établissements recevant du public, puisque ce décret est adopté sur le fondement distinct de l’article L. 211-9 du Code de l’environnement.

Enfin, le juge indique que l’article 27 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, qui dispose que « La récupération et la réutilisation des eaux pluviales et des eaux usées seront développées dans le respect des contraintes sanitaires en tenant compte de la nécessité de satisfaire les besoins prioritaires de la population en cas de crise », ainsi que le plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau du 30 mars 2023, sont dépourvus de portée normative et ne peuvent donc être mobilisés par les requérants.

Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) : incidences de la fraude dans les demandes d’exploitation

La Cour administrative d’appel de Marseille a eu à se prononcer, dans un arrêt du 23 mai 2025, sur la question des manœuvres frauduleuses liées au droit d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) sur un site.

Dans cette affaire, une commune avait autorisé une société à exploiter une activité sur l’une de ses parcelles, par le biais d’une convention d’occupation précaire.

A la suite d’une demande de régularisation de son activité, l’exploitant avait déposé une demande d’enregistrement ICPE auprès des services de l’Etat, au sein de laquelle il était tenu de justifier, en application de l’article R. 512-46-4 du Code de l’environnement, qu’il disposait du droit d’y réaliser son projet. La Cour relève que cette justification est requise dès lors que « des obligations peuvent être imposées par le régime des installations classées au propriétaire du terrain en cas de dommages pour l’environnement et à la suite de la cessation d’activité s’agissant de la remise en état du site ».

En l’espèce, dans le cadre de sa demande, la société s’était bornée à produire la convention d’occupation précaire consentie par la commune, mais sans indiquer à l’administration que cette dernière l’avait informée que la convention ne serait plus reconduite et qu’elle lui avait demandé de remettre le site en état.

La Cour administrative d’appel a donc considéré que l’exploitant s’était livré à une manœuvre de nature à induire l’administration en erreur et que l’arrêté d’enregistrement devait être regardé comme ayant été obtenu par fraude, justifiant son annulation.

Modification de la procédure de déclaration d’utilité publique des ouvrages de la distribution d’électricité

On rappellera brièvement que les ouvrages de la distribution d’électricité peuvent être implantés sur les parcelles privées au titre de servitudes d’utilité publique, elles-mêmes instituées :

  • par la conclusion d’une convention de servitude entre le gestionnaire du réseau de distribution (ou parfois l’autorité organisatrice de la distribution d’électricité) et son propriétaire ;
  • à défaut d’une telle convention ou de façon complémentaire, après déclaration d’utilité publique (ci-après DUP) des travaux nécessaires à l’établissement des ouvrages selon la procédure prévue par les articles R. 323-3 et suivants du Code de l’énergie.

Cette procédure de déclaration d’utilité publique est désormais légèrement modifiée par le décret du 14 mai 2025 ici commenté.

En substance, voici les ajustements apportés :

  • Transfert de compétence au préfet des instructions de projets de tension 225 kilovolts :

Les demandes de DUP des ouvrages de distribution d’électricité de tension égale à 225 kilovolts étaient autrefois régies par les dispositions de l’article R. 323-6 du Code de l’énergie. Elles devaient ainsi être adressées au ministre chargé de l’Énergie avant d’être instruites par le préfet de département du lieu d’implantation du ou des ouvrage(s) en cause.

Ces demandes relèvent désormais pleinement de la compétence du préfet de département selon les dispositions de l’article R. 323-5 du Code de l’énergie (voir en ce sens article R. 323 3 et 4° dudit code).

  • Modification des délais de consultation des maires et des services :

Dans sa version antérieure, l’article R. 323-3 du Code de l’énergie venait prévoir que le délai d’instruction des demandes de DUP était d’un mois pour les ouvrages de distribution publique d’électricité et de deux mois pour les autres ouvrages visés à l’article R. 323-1 1° du Code de l’énergie[1].

Depuis l’entrée en vigueur du décret du 14 mai 2025 susvisé, ce délai est d’un mois pour l’ensemble des ouvrages de faible tension visés à l’article R. 323-1 1° du Code de l’énergie, et porté à deux mois lorsque le projet est soumis à étude d’impact.

  • Encadrement du temps laissé à l’autorité compétente pour se prononcer sur une demande après consultation du public :

L’article R. 323-4 du Code de l’énergie prévoit désormais que « en cas de consultation du public prévue à l’article L. 323-3 du Code de l’énergie, le préfet statue sur la demande de déclaration d’utilité publique dans un délai de deux mois à compter de la transmission par le demandeur de la synthèse des observations recueillies lors de la consultation du public. » Ce délai étant prolongé d’autant lorsque la déclaration d’utilité publique emporte mise en compatibilité d’un document d’urbanisme.

Ces modifications s’appliquent à toute demande d’utilité publique déposée postérieurement au 17 mai 2025.

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[1] A savoir les ouvrages des concessions et des régies de distribution d’électricité dont la tension est inférieure à 50 kilovolts et les ouvrages du réseau d’alimentation générale en énergie électrique de tension inférieure à 63 kilovolts.

Actualisation de la méthodologie d’évaluation des charges de service public de l’énergie par la Commission de régulation de l’énergie

Par une délibération du 30 avril 2025, la Commission de régulation de l’énergie (« la CRE ») a adopté une méthodologie consolidée pour l’évaluation des charges de service public de l’énergie (CSPE) en métropole continentale, sous la forme de lignes directrices opposables aux opérateurs concernés. Cette délibération vient modifier et compléter la méthodologie précédemment définie, afin d’assurer une évaluation des charges plus rigoureuse, transparente et économiquement fondée.

Elle s’inscrit dans le cadre de la mission confiée à la CRE, consistant à évaluer chaque année les charges à compenser aux opérateurs soutenant le développement des énergies renouvelables, l’injection de biométhane, ou assurant des dispositifs sociaux liés à l’énergie, tel que cela résulte de l’article L. 121-9 du Code de l’énergie.

La délibération du 30 avril 2025 modifie une précédente délibération du 25 janvier 2024 sur différents points et notamment ceux évoqués ci-après.

D’abord, la CRE modifie la méthode de valorisation des garanties d’origine (GO) associées au biométhane injecté, notamment pour les contrats d’achat conclus avant le 9 novembre 2020. La CRE constate en effet que certains acheteurs déclaraient des valorisations très faibles, voir nulles, notamment via des transferts intra-groupes et en cas d’autoconsommation, entrainant une sous-évaluation des charges compensées. La CRE introduit donc à partir du 6 mai 2025 « une valeur plancher normative », du prix de valorisation des GO, fondée sur le résultat des enchères EEX, afin de limiter les distorsions de concurrence entre les opérateurs.

Ensuite, la méthodologie de valorisation de l’énergie produite sous obligation d’achat (OA) par EDF OA a été également modifiée par la CRE, sur plusieurs points.

Enfin, la CRE modifie la méthodologie de valorisation de l’énergie produite sous obligation d’achat (OA) pour les ELD, organismes agréés et l’acheteur en dernier recours, en actualisant la référence de prix utilisée pour le calcul du coût évité. Désormais, les prix Spot retenus seront ceux de la plateforme de marché réellement utilisée par chaque opérateur, telle qu’indiquée dans sa déclaration annuelle.

Rapport d’activité 2024 du Médiateur national de l’énergie

Le Médiateur national de l’énergie a publié son rapport d’activité de l’année 2024, dans lequel il dresse un état des lieux de ses missions de médiation, d’information et de protection des consommateurs. Il attribue également des « cartons rouges » (sic) à certains opérateurs et formule plusieurs recommandations.

D’abord, dans son rapport, le Médiateur national de l’énergie souligne une baisse de son activité principale de médiation, principalement liée à la fin de la crise des prix de l’énergie. Le nombre de saisines recevables en médiation a ainsi diminué de 17 % par rapport à 2023, pour un total de 11.678 saisines. Cette diminution concerne surtout les consommateurs particuliers. Toutefois, certaines catégories de litige continuent d’augmenter, notamment ceux impliquant les « petits professionnels » ou assimilés (TPE, copropriétés, associations…), qui représentent désormais 19 % des saisines en 2024.

Ensuite, le Médiateur national de l’énergie a, une nouvelle fois, déploré le comportement de certains fournisseurs d’énergies et gestionnaires des réseaux de distribution, en attribuant des « cartons rouges », pour des pratiques commerciales problématiques (démarchages abusifs, de souscriptions d’abonnements non sollicitées, opacité tarifaire, facturation tardive, ou encore une gestion de la relation client défaillante).

En ce qui concerne Enedis, si un carton rouge lui avait été attribué en 2023, en raison d’un traitement insuffisant des réclamations relatives aux raccordements au réseau de distribution et à la qualité de fourniture d’électricité, le Médiateur national de l’énergie ne lui en a pas attribué en 2024 au regard des efforts constatés dans le suivi de ses recommandations. Néanmoins, le Médiateur constate que la médiation reste difficile avec Enedis, en raison d’un manque récurrent de volonté de résolution amiable des litiges, ainsi qu’un défaut de transparence et de fiabilité dans les informations communiquées au cours de l’instruction des dossiers. Aussi, des difficultés persistent, notamment concernant les retards de raccordement et les ouvrages implanté en emprise irrégulière sur des propriétés privées.

Par ailleurs, au titre de sa mission d’information, le Médiateur national de l’énergie souligne qu’il a sensibilisé 3,6 millions de consommateurs en 2024, notamment par l’intermédiaire du service Energie-Info, disponible au numéro vert gratuit (0800 112 212) ou en ligne (energie-info.fr), et de son site internet institutionnel (energie-mediateur.fr). En ce qui concerne l’information des consommateurs, le Médiateur souligne notamment que de nombreux consommateurs ont rencontré des difficultés pour obtenir une réponse du gestionnaire du réseau de distribution d’électricité Enedis. Il relève en particulier que ce dernier ne répond pas systématiquement aux courriers qui lui sont adressés, y compris lorsqu’un accusé de réception a été délivré. En outre des dysfonctionnements récurrents de son formulaire de contact en ligne sont constatés, rendant parfois impossible toute mise en relation avec le service concerné.

Enfin, le Médiateur national de l’énergie recommande de renforcer l’information des consommateurs lors des modifications tarifaires et des renouvellements de contrat, d’encadrer strictement l’évolution des prix en interdisant notamment les offres dont le prix n’est pas connu à l’avance, de proscrire le démarchage commercial dans le secteur de l’énergie, et de lutter contre la précarité énergétique en reconnaissant un droit à une alimentation minimale en électricité.

Projet de décision de la Commission de Régulation de l’Energie relative aux prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires des réseaux de distribution de gaz naturel

Par une délibération du 15 mai 2025, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a adopté un projet de décision relative aux prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires des réseaux de distribution (ci-après, GRD) de gaz naturel.

Pour mémoire, en complément de la prestation d’acheminement du gaz naturel, c’est-à-dire la distribution à proprement parler, il existe des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les GRD, à la demande et au bénéfice des fournisseurs, des producteurs ou des consommateurs finals. Ces prestations figurent dans le catalogue des prestations de chaque GRD.

Conformément aux dispositions des articles L. 452-2 et L.452-3 du Code de l’énergie, la CRE est compétente pour connaître des méthodes de tarification de ces prestations ainsi que de l’évolution desdites prestations.

Cette délibération fait suite à une consultation publique qui avait été organisée en mars et avril 2025.

La délibération du 15 mai 2025 a notamment pour objet de :

  • introduire une prestation « Étude d’adéquation poste de livraison/besoins client » dans la perspective de la facturation par les GRD de gaz du terme de débit normalisé à compter du 1er juillet 2026 ;
  • modifier certaines prestations, compte tenu de l’arrêt progressif de la relève à pied par GRDF et des modalités de relève résiduelle introduites dans la délibération ATRD7 de GRDF (« Collecte d’un index auto-relevé à la suite de l’absence client », « Relevé cyclique des compteurs » et « Relevé spécial (hors changement de fournisseur) ») ;
  • supprimer la prestation « Annonce passage releveur », compte tenu de l’arrêt progressif de la relève à pied par GRDF ;
  • introduire une prestation expérimentale « Passage au pas horaire pour les clients en fréquence MM/JJ »

Par ailleurs, on notera que dans sa délibération la CRE se prononce défavorablement sur une modification de la prestation de raccordement sollicitée par GRDF et consistant à accorder une gratuité au raccordement des nouveaux usagers abandonnant le fioul au profit d’un raccordement au réseau de distribution de gaz naturel. La CRE relève en effet « qu’un tel dispositif constituerait une forme de subvention à l’égard du gaz, sans équivalent par exemple pour l’électrification des usages précédemment au gaz ou au fioul. De plus, la CRE considère que les consommateurs doivent supporter les coûts réels engendrés par leur raccordement au réseau du gaz. ».

Cette délibération sera transmise pour avis au Conseil supérieur de l’énergie.

Hydroélectricité : propositions de l’Assemblée nationale pour clore le différend avec la Commission européenne

Communiqué de presse du Gouvernement du 22 mai 2025, n° 506, le Gouvernement lance une consultation sur l’hydroélectricité dans le cadre de la relance des investissements dans le secteur

La Mission d’information de l’Assemblée nationale consacrée aux modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques a rendu ses conclusions le 17 mai 2025.

Pour mémoire, depuis de nombreuses années, la France s’oppose à la Commission européenne sur l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques, deux procédures précontentieuses étant actuellement en cours à ce propos, la première ayant été initiée en 2015 et la seconde en 2019.

En effet, le droit européen prévoit depuis 1996 l’obligation de mettre en concurrence les concessions hydroélectriques avec certaines exceptions qui ont été levées au fur et à mesure, notamment par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.

En l’absence de résolution du différend, de nombreuses concessions sont arrivées, ou vont arriver, à échéance, et sont gérées selon le dispositif dit des « délais glissants » (art. L. 521-16 du Code de l’énergie), lequel n’est toutefois pas propice à la réalisation d’investissements de développement, faute en particulier de visibilité claire sur le terme des contrats, et ce au détriment des capacités hydroélectriques nationales.

Explorant les solutions susceptibles de mettre un terme au différend, la mission d’information consacrée aux modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques conclut que deux solutions doivent être privilégiées pour sortir de l’impasse actuelle.

Tout d’abord, le passage d’un régime concessif à un régime d’autorisation comme cela existe pour les centrales photovoltaïques et les parcs éoliens est envisagé.

Une telle réforme nécessiterait néanmoins de modifier le régime de propriété des ouvrages hydroélectriques, en principe en procédant à leur cession à des acteurs économiques, bien que la mission souhaite préserver la propriété publique de ces derniers.

Consciente des inquiétudes que génèrerait une telle réforme compte tenu de la réduction du contrôle de la puissance publique sur les ouvrages hydroélectriques, la mission identifie les garanties suivantes à apporter en cas de passage au régime d’autorisation :

  • Prévoir des prescriptions permettant de maintenir un contrôle de la puissance publique, notamment relative à la sécurité d’approvisionnement, la sûreté et la gestion de la ressource en eau ; cela passerait notamment par des obligations d’investissement.
  • Maintenir la qualification d’ouvrage public des ouvrages hydroélectriques,
  • Mettre en place un régime de redevances au bénéfice des collectivités traversées par les cours d’eau exploités (dispositif qui est déjà prévu en l’état des textes pour les ouvrages concédés),
  • Prévoir l’application des règles de quasi-domanialité publique en cas de cession des ouvrages.

La mission reconnaît que cette solution ne répond pas à la problématique soulevée par la Commission européenne et qui concerne l’absence de libre concurrence dans l’accès aux profits des ouvrages hydroélectriques et non seulement dans l’exploitation de ces derniers.

Aussi, la mission identifie la nécessité de mettre en place d’un système de contrepartie qui devrait bénéficier aux fournisseurs d’électricité ne profitant pas de l’exploitation du parc de centrales hydroélectriques.

La mission indique que la Commission européenne s’est montrée ouverte à cette idée.

Ensuite, une révision de la directive concessions afin d’exempter les activités hydroélectriques du champ de la commande publique est préconisée.

Les rapporteurs de la mission reconnaissent eux-mêmes que le succès d’une telle démarche au niveau européen est douteux.

Il serait en effet nécessaire que la France parvienne à convaincre un nombre important d’États Membres pour que la Commission européenne accepte d’entreprendre une telle réforme, ce qu’elle n’est jamais parvenue à faire durant les vingt années de litiges avec à la Commission.

En revanche, la mission exclut le statut quo, la prolongation des contrats en contrepartie de la réalisation de travaux, la création d’un Établissement Public Industriel et Commercial, la qualification de service d’intérêt économique général (SIEG) et la solution de la mise en quasi régie, qui est rejetée par les acteurs qu’elle a auditionnés et qui aurait pour conséquences de renforcer la position dominante d’EDF ou, en cas de scission de l’activité hydroélectrique, qui nécessiterait la mise en place d’une « muraille de Chine » entre les activités hydroélectriques et le reste du groupe EDF.

Enfin, dans le prolongement de la parution du rapport de la mission d’information, une consultation publique a été lancée le 22 mai 2025 par la direction générale de l’énergie et du climat afin d’évaluer l’intérêt pour les acteurs du marché de l’électricité de produits représentatifs de différents types de centrales hydroélectriques. Cette consultation se clôturera le 15 juin 2025.

Contentieux relatif à l’indexation à l’inflation de la taxe d’aménagement du territoire due par les sociétés autoroutières

CAA Paris, 7 mai 2025, n° 23PA01135

Les concessions autoroutières constituent une source intarissable de débats et de contentieux depuis la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes (ci-après, « SCA »). Les décisions en date du 7 mai 2025 rendues par la Cour administrative d’appel de Paris concernant l’indexation à l’inflation de la taxe d’aménagement du territoire due par les sociétés autoroutières en sont une nouvelle illustration.

Le litige en cause était relatif à l’indexation partielle sur l’inflation de la taxe d’aménagement du territoire, créée par loi du 28 décembre 1994 de finances pour 1995. Plusieurs SCA ont sollicité de la part de l’État l’indemnisation résultant de l’augmentation de cette taxe par la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Face au refus qui leur a été opposé, elles ont saisi le Tribunal administratif de Paris afin qu’il condamne l’État à les indemniser, annuellement et jusqu’à l’expiration de leur contrat de concession, du montant de la majoration de la taxe d’aménagement du territoire. Par des jugements en date du 13 janvier 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête et les SCA requérantes ont chacune interjeté appel du jugement les concernant.

Au soutien de leurs prétentions, les SCA ont invoqué les trois moyens suivants qui ont tous été rejeté par la Cour administrative d’appel de Paris par des décisions en date du 7 mai 2025[1] sauf s’agissant de l’appel interjeté par la société Cofiroute eu égard à la particularité des stipulations contractuelles du cahier des charges son contrat de concession.

Les SCA se prévalaient tout d’abord des dispositions du II de l’article 37 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire qui prévoyaient dans leur version en vigueur que « les conséquences de la taxe instituée par l’article 302 bis ZB du Code général des impôts [devenu l’article L. 421-175 du Code des impositions sur les biens et services] sur l’équilibre financier des sociétés concessionnaires sont prises en compte par des décrets en Conseil d’Etat qui fixent notamment les durées des concessions autoroutières ». Les SCA soutenaient que cet article avait instauré un principe de compensation des augmentations des taxes dues par les concessionnaires d’autoroute. La Cour administrative d’appel rejette cet argument aux motifs que cet article prévoit « seulement la prise en compte, par des décrets en Conseil d’Etat, des conséquences de la taxe d’aménagement du territoire sur l’équilibre financier des sociétés concessionnaires [et qu’il n’a] ni pour objet ni pour effet d’instaurer un droit à compensation directe et systématique de toute augmentation de la taxe due par les concessionnaires d’autoroutes»

Les SCA invoquaient ensuite des stipulations du cahier des charges annexé à la convention de concession qu’elles avaient passée avec l’État. Nonobstant quelques variations rédactionnelles marginales, ces cahiers des charges prévoyaient tous en substance qu’en « cas de modification, de création ou de suppression, […] d’impôt, de taxe ou de redevance, y compris non fiscale, spécifiques aux sociétés concessionnaires d’autoroutes, les parties se rapprocheront, à la demande de l’une ou de l’autre, pour examiner si cette modification, création ou suppression est de nature à dégrader ou améliorer l’équilibre économique et financier de la concession, tel qu’il existait préalablement à la création, modification ou suppression dudit impôt, taxe ou redevance. Dans l’affirmative, les parties arrêtent, dans les meilleurs délais, les mesures de compensation, notamment tarifaires, à prendre en vue d’assurer, dans le respect du service public, des conditions économiques et financières ni détériorées ni améliorées. »

Là encore, les SCA soutenaient que ces stipulations contractuelles avaient pour objet de prévoir un principe de compensation des augmentations de taxes propres aux sociétés concessionnaires d’autoroutes. La Cour administrative d’appel de Paris rejette cette interprétation et juge qu’aux termes de ces stipulations, l’État n’est dans l’obligation de prévoir des mesures de compensation que dans le seul cas où la modification des impôts, taxes ou redevances a eu un impact sur l’équilibre économique et financier du contrat de concession. Or, la Cour relève que les SCA se sont bornés à calculer la charge supplémentaire résultant de l’indexation de la taxe d’aménagement du territoire sur l’inflation sans établir l’existence d’une dégradation de l’équilibre économique et financier de la concession. Partant, elles ne pouvaient pas se prévaloir des stipulations invoquées pour solliciter une indemnisation résultant de l’augmentation du montant de cette taxe.

Il convient toutefois de réserver ici le cas de la société Cofiroute. En effet, les stipulations contractuelles du cahier des charges de sa concession diffèrent des stipulations précitées puisqu’elles prévoient qu’ « en cas de modifications ou de créations, après la signature du 8ème avenant, d’impôts, taxes et redevances spécifiques aux concessionnaires d’ouvrages routiers à péage ou aux concessionnaires d’autoroutes, et notamment de modifications des articles 266-1-h, 273ter, et 302bis ZB du Code général des Impôts, l’Etat et la société concessionnaire arrêtent d’un commun accord les compensations, par exemple tarifaires, qui devront être apportées pour assurer la neutralité de ces modifications ou créations […]. Ces compensations devront intervenir au plus tard quatre mois après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à ces impôts, taxes et redevances. » La Cour administrative d’appel de Paris a jugé qu’il résulte de ces stipulations que l’État était tenu d’arrêter avec la société requérante, au plus tard quatre mois après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives à la taxe d’aménagement du territoire, les modalités de sa compensation.

Enfin, les SCA se prévalaient du protocole d’accord du 9 avril 2015 conclu avec l’État qui prévoyait notamment que « dans le cas où l’Etat procède à une hausse de la taxe d’aménagement du territoire, il est fait application des dispositions de compensation prévues par l’article 37 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ». Les SCA soutenaient que ces stipulations avaient pour objet d’instaurer un principe de compensation des hausses de la taxe d’aménagement du territoire. La Cour rejette cette argumentation aux motifs ces stipulations ne reconnaissent pas aux SCA un droit à indemnisation dont elle pourrait se prévaloir indépendamment de la mise en œuvre des dispositions de l’article 37 de la loi du 4 février 1995 et des stipulations contractuelles. Or, les conditions de mise en œuvre de ces dernières n’étant pas réunies, ainsi qu’il a été discuté précédemment, elles ne pouvaient prétendre à une indemnisation en raison de l’indexation de la taxe d’aménagement du territoire sur l’inflation.

La Cour administrative d’appel rejette les requêtes des SCA à l’exception de celle de la société Cofiroute laquelle est renvoyée devant l’administration, compte tenu des spécificités des stipulations du cahier des charges de sa concession, pour qu’il soit procédé à la détermination des modalités de la compensation à laquelle elle peut prétendre en raison de la modification du mode calcul de la taxe d’aménagement du territoire.

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[1] Figurent en source les liens vers les décisions en date du 7 mai 2025 de la Cour administrative d’appel concernant les sociétés AREA et Cofiroute (respectivement les décisions n° 23PA01191 et 23PA01133). Les autres décisions rendues par la Cour administrative d’appel sont les décisions n° 23PA01133 ; 23PA01190 ; 23PA01133 ; 23PA01132 ; 23PA01132 ; 23PA01137 (les liens vers ces décisions ne sont pas communiqués mais elles sont disponibles sur légifrance sous les numéros susmentionnés).

Retard dans le traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité renouvelable et règles d’engagement de la responsabilité de l’État et du gestionnaire du réseau de distribution

Par une décision en date du 12 mai 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon a apporté d’intéressantes précisions sur les conséquences d’un retard dans le traitement d’une demande de raccordement ayant privé le demandeur du bénéfice d’un tarif de rachat de l’électricité produite.

Dans l’affaire qui était soumise à la Cour, la société requérante avait déposé six demandes de raccordement de centrales photovoltaïques durant l’année 2010 sans qu’aucune de ces demandes ne soient instruites par Enedis dans le délai règlementaire de trois mois.

Cela avait amené la société requérante à perdre le bénéfice du tarif prévu par l’arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil dont les dispositions ont été, depuis, suspendues par le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.

Or ce tarif était particulièrement avantageux et s’accompagnait d’une obligation d’achat par EDF de l’électricité produite

Aussi, la société avait sollicité de l’État une indemnisation des préjudices résultant des frais engagés en vue de la réalisation des six centrales photovoltaïques et du préjudice de rupture d’égalité et de distorsion de la concurrence vis-à-vis des entreprises ayant pu profiter du tarif prévu par l’arrêté du 12 janvier 2010 précité.

Or, se posait la question de savoir quelle entité devrait indemniser ces dommages entre l’État et Enedis.

En effet, la responsabilité d’Enedis était en question, puisque c’est à cette société qu’il incombe d’instruire les demandes de raccordement et de procéder à leur mise en œuvre par la suite.

Or c’est bien parce qu’Enedis n’avait pas instruit les demandes de raccordement de la société SARL Voltafrance 5 dans les délais réglementaires que cette dernière n’a pas pu bénéficier du tarif avantageux prévu par l’arrêté du 12 janvier 2010.

Mais la responsabilité de l’État pouvait également être mise en cause, puisque le tarif préférentiel prévu par l’arrêté du 12 janvier 2010 avait la nature d’une aide d’État, et aurait donc dû faire fait l’objet d’une notification préalable auprès de la Commission européenne, ce qui n’avait pas été effectué.

Si la Cour administrative d’appel de Lyon admet que ce manquement de l’État constitue une faute, elle considère qu’il n’existe pas un lien de causalité suffisamment direct et certain entre le manquement de l’État et les préjudices de la société requérante, et ce même si l’absence de notification de ce régime d’aide a pu faire obstacle à l’indemnisation de ces frais par la société Enedis devant les juridictions judiciaires.

Enfin, La Cour administrative d’appel ne retient pas l’existence d’un préjudice relatif à une rupture d’égalité ou à une distorsion de concurrence, puisqu’elle considère que les exploitants ayant bénéficié du tarif avantageux n’étaient pas dans la même situation juridique, puisqu’ils avaient été raccordés au réseau électrique à une date différente des seconds.