Dérogation espèces protégées et projets routiers : annulation du projet de l’A69

Par une décision en date du 27 février 2025, le Tribunal administratif de Toulouse s’est prononcé sur la légalité du projet de liaison autoroutière entre Verfeil et Castres, dit projet de l’A69, et a annulé l’autorisation environnementale qui avait été délivrée par les services de l’Etat.

Le juge s’est alors fondé sur l’illégalité de la dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, dite dérogation espèces protégées, et plus particulièrement sur la condition liée à l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM).

Pour considérer qu’une telle condition n’était pas remplie, le juge a examiné un à un et de manière très détaillée les motifs qui étaient avancés pour justifier de cette RIIPM :

  • Les motifs d’ordre social : les défendeurs ont invoqué une faible croissance démographique et le vieillissement de la population du bassin de Castres-Mazamet pour soutenir qu’il existait une RIIPM. Le juge considère toutefois que cela ne suffit pas, au regard des circonstances de l’espèce, à caractériser une situation de « décrochage» sur cette zone. Il relève encore que les services et équipements y sont suffisants, que les hypothèses de fréquentation de l’A69 prises en compte seraient optimistes et que le report des poids-lourds sur cette nouvelle voie, susceptible d’améliorer la qualité de vie des riverains de la route nationale aujourd’hui existante, serait à relativiser ;
  • Les motifs d’ordre économique : le juge s’est penché sur les arguments tirés du faible taux d’inscription au registre du commerce et des sociétés entre 2013 et 2023, du taux d’activité de la zone, du faible taux de création d’emplois et du nombre de création d’entreprises. Il considère néanmoins que si la dynamique économique du bassin de Castres-Mazamet est à consolider, elle n’est pas notablement défavorable par rapport aux autres bassins de la métropole toulousaine et que la création de l’A69 aurait un impact insuffisant sur le développement économique ;
  • Les motifs de sécurité publique : le juge a relevé que l’accidentalité sur la route actuelle n’était pas plus importante que sur d’autres routes comparables et que, au contraire, la réalisation de l’A69 était susceptible d’augmenter le nombre d’accident sur l’itinéraire actuel.

Le juge considère donc qu’aucun de ces trois éléments, pris isolément ainsi que dans leur ensemble, ne permet de caractériser l’existence d’une RIIPM. La délivrance de la dérogation espèces protégées n’était donc pas fondée et, ce vice n’étant pas régularisable, le Tribunal administratif a prononcé l’annulation de l’autorisation environnementale.

L’Etat a néanmoins d’ores et déjà annoncé qu’il interjetterait appel de ce jugement.

Substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylée (PFAS) : adoption de la loi visant à protéger la population

La loi n° 2025-188 du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylée (PFAS), a été publiée au Journal officiel le 28 février 2025 et fixe de nouvelles obligations concernant ces substances, certaines intéressant particulièrement les collectivités et établissements publics en charge du service public de l’eau potable.

Cette loi instaure notamment :

  • L’interdiction de la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des PFAS dans les cosmétiques, les produits de fart pour le ski et les produits textiles d’habillement (sauf ceux conçus pour la protection et la sécurité des personnes) à partir du 1er janvier 2026, et qui sera étendue aux produits textiles au 1er janvier 2030. Ces interdictions ne concernent que l’hypothèse où la concentration de PFAS est supérieure à une valeur résiduelle qui sera définie par décret ;
  • L’extension de la liste des PFAS intégrés au contrôle sanitaire de l’eau potable aux substances identifiées par un décret à paraitre et à l’ensemble des PFAS quantifiables dont le contrôle est justifié par des circonstances locales. Et, à partir d’analyses réalisées par les ARS, l’Etat devra en outre publier un bilan national annuel de la qualité de l’eau au robinet au regard des PFAS ;

Dans le domaine de l’eau encore, l’Etat est également mobilisé puisqu’il est prévu que le ministère devra élaborer une carte des sites ayant pu émettre ou émettant des PFAS, avec, le cas échéant, l’indication des mesures quantitatives d’émissions de ces substances. Il est aussi prévu que les actions de dépollution et les seuils maximaux d’émissions de PFAS sur l’ensemble des sites émetteurs seront fixés par arrêté. De plus, devra être adopté un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution de l’eau potable relevant des services publics d’eau potable et d’assainissement.

Enfin, le gouvernement doit remettre au Parlement dans le délai d’un an un rapport proposant des normes sanitaires actualisées pour les PFAS dans l’eau potable.

  • L’adoption d’une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de PFAS par les installations industrielles avec un objectif de mettre fin à ces rejets dans un délai de 5 ans.
  • L’extension de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique aux rejets de PFAS dans l’eau pour les exploitants ICPE soumis à autorisation.

Actualités juridiques en matière d’agrivoltaïsme

Instruction ministérielle du 18 février 2025 relative aux conditions d’autorisation et de contrôle des projets agrivoltaïques et agricompatibles

 

Plusieurs textes relatifs à l’agrivoltaïsme ont récemment été publiés.

Pour mémoire, aux termes de l’article L. 314-36 du Code de l’énergie, une installation agrivoltaïque est une « installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».

D’une part, des députés ont publié une proposition de loi visant à modifier le cadre applicable à l’agrivoltaïsme afin, selon eux, d’assurer le développement raisonné et juste de l’agrivoltaïsme.

D’autre part, le gouvernement a publié au bulletin officiel une instruction relative à l’application des dispositions réglementaires relatives aux installations agrivoltaïques et photovoltaïques au sol dans les espaces naturels, agricoles et forestiers.

 

Sur la proposition de loi

Aux termes de son exposé des motifs, la proposition de loi vise à « compléter les sujets non traités dans la loi APER, le précédent décret et à mieux encadrer l’agrivoltaïsme, notamment sur le volet foncier et le partage de la valeur. ».

Pour ce faire, la proposition de loi comporte cinq articles portant notamment sur le partage de la valeur produite par les installations agrivoltaïques, sur le modèle contractuel et sur la puissance maximale des installations.

 

En premier lieu, l’article 1er du projet de loi propose de compléter la partie législative du Code de l’énergie relative au partage économique de la valeur d’un article L. 314-20 aux termes duquel le producteur sélectionné par l’Etat à l’issue de la procédure de mise en concurrence ou d’un l’appel à projets serait tenu de financer des projets visant la structuration économique des filières agricoles.

Ainsi, la proposition de loi entend étendre le mécanisme de partage économique de la valeur introduit par l’article 93 de la loi n° 2023-173 du 10 mars 2023, dite loi APER, à de nouveaux projets.

Aux termes du nouvel article L. 314-20 proposé, les projets devant être financés seraient :

« Des projets visant à la structuration économique des filières agricoles mentionnées au 2° du I de l’article L. 1 du Code rural et de la pêche maritime, à l’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques ou à la transition agroécologique sur le territoire de l’établissement public de coopération intercommunale où sont implantées les installations agrivoltaïques. ».

Ainsi, devront être financés les projets suivants, dans les proportions suivantes :

1° Des projets portés par la commune ou par l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre d’implantation de l’installation, en faveur de la transition énergétique, de la sauvegarde ou de la protection de la biodiversité ou de l’adaptation au changement climatique – 35 %

2° Des projets de protection ou de sauvegarde de la biodiversité – 10 %

3° Des projets visant à la structuration économique des filières agricoles – 45 %

 

En deuxième lieu, l’article 2 de la proposition de loi prévoit de fixer une limite de puissance aux projets agrivoltaïques de 5 mégawatts crête.

Ainsi, aux termes d’un nouveau point III bis inséré dans l’article L. 314-36 du Code de l’énergie, définissant les termes d’installation agrivoltaïque :

« Une installation agrivoltaïque ne peut dépasser une puissance installée de cinq mégawatts crête par exploitation agricole. Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les effets des mesures prévues par celleci. Sur la base de ce rapport, le Parlement pourra décider de modifier, prolonger ou abroger les dispositions concernées. »

En troisième lieu, l’article 3 de la proposition de loi introduit dans le Code rural et de la pêche maritime un nouveau type de convention cadre organisant les relations entre le propriétaire foncier, l’exploitant agricole et le porteur de projet agrivoltaïque.

L’objectif de ce nouveau modèle de convention, dont la conclusion serait impérative, est de sécuriser la situation de l’exploitant agricole et lui accordant des droits similaires à ceux contenus dans les baux ruraux.

En quatrième et dernier lieu, l’article 4 du projet de loi institue au profit des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’urbanisme et souhaitant exercer une compétence optionnelle en matière de production d’énergies renouvelables, un pouvoir de préemption afin d’acquérir des parcelles pour des projets d’installations agrivoltaïques.

Sur l’instruction gouvernementale

Pour rappel, l’article 54 de la loi n° 2023-173 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi APER, a défini le cadre juridique spécifique applicable aux installations agrivoltaïques.

Ce cadre a été complété par le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 et l’arrêté du 5 juillet 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur terrains agricoles, naturels ou forestiers (pour une présentation détaillée du cadre applicable, nous vous renvoyons à notre focus du mois de juillet 2024, disponible ici).

Afin d’unifier l’application de ces textes, le gouvernement a publié une instruction technique à destination des préfets de département et des services de l’Etat dans les départements.

L’instruction, très attendue des professionnels du secteur, reprend ainsi les dispositions légales et règlementaires précitées pour les détailler. L’instruction aborde notamment les thèmes suivants :

  • types d’installations agrivoltaïques et photovoltaïques ;
  • appréciation du caractère agrivoltaïque d’une installation ;
  • modalités d’implantation des installations « PV compatibles » ;
  • régimes des autorisations d’urbanisme.

Si elle ne fixe pas de nouvelles règles, cette instruction sera la clé de lecture des dispositions applicables des services de l’Etat dans les départements. Les opérateurs ont donc tout intérêt à s’en saisir afin de compléter leurs dossiers de demande d’autorisation.

Le CORDIS condamne deux sociétés pour manipulation du marché de gros de l’énergie sur le fondement du règlement REMIT

Le Comité de règlement des différends et sanctions (CORDIS) de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a prononcé d’importantes sanctions pécuniaires à l’encontre des sociétés Danske et Equinor, fournisseurs de gaz, au titre de la méconnaissance de l’article 5 du règlement européen concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (REMIT).

L’article 5 du règlement REMIT prévoit qu’il est interdit de procéder ou d’essayer de procéder à des manipulations de marché sur les marchés de gros de l’énergie.

Les termes de manipulation de marché sont définis par le point 2) de l’article 2 du règlement REMIT. Aux termes de cet article, plusieurs pratiques peuvent être qualifiées de manipulation de marché parmi lesquelles « le fait d’effectuer toute transaction ou d’émettre tout ordre pour des produits énergétiques de gros qui (…) fixe ou tente de fixer, par l’action d’une ou de plusieurs personnes agissant de manière concertée, le prix d’un ou plusieurs produits énergétiques de gros à un niveau artificiel à moins que la personne ayant effectué la transaction ou émis l’ordre établisse que les raisons qui l’ont poussée à le faire sont légitimes et que cette transaction ou cet ordre est conforme aux pratiques de marché admises sur le marché de gros de l’énergie concerné ».

Au cas présent, en 2019 et 2020, le point d’interconnexion entre la France et l’Espagne a été considéré comme « congestionné » à la suite des demandes de réservation des sociétés Danske (82.286 kWh/h, soit la capacité maximale) et Equinor (1 kWh/h, soit la capacité minimale), aux premiers tours des enchères annuelles de capacités de transport de gaz.

La saturation des enchères qui en a résulté a conduit à la suppression des multiplicateurs tarifaires prévu par les délibérations de la CRE, diminuant le prix d’acquisition des capacités infra-annuelles, au bénéfice de la société Danske.

Dans sa décision en date du 20 janvier 2025 ici commenté, le CORDIS retient que les sociétés Danske et Equinor ont procédé à des manipulations de marché en 2019 et en 2020, à l’occasion des enchères susmentionnées.

Le CORDIS considère ainsi :

  • que les réservations aux premiers tours des enchères litigieuses effectuées par la société Danske revêtaient un caractère non authentique envoyant un signal faux ou trompeur et, partant, sont constitutives de manquement à l’article 5 du règlement REMIT ;
  • qu’il résulte d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants que les réservations des sociétés Danske et Equinor aux enchères litigieuses doivent être regardées comme une action concertée visant à fixer le prix des capacités infra-annuelles à un niveau artificiel, au sens de l’article 2(2) a) ii) dudit règlement.

Le CORDIS a par conséquent sanctionné la société Danske à hauteur de 8 millions d’euros et la société Equinor à hauteur de 4 millions d’euros.

Il s’agit de la première décision du CORDIS relative à une pratique concertée au sens de l’article 2(2) a) ii) du règlement REMIT.

Accise sur l’électricité : exonération pour certaines opérations d’autoconsommation collective

L’article 75 I A de la loi de finances pour 2025 prévoit la modification de plusieurs articles du Code des impositions sur les biens et services afin de faire bénéficier aux participants à certaines opérations d’autoconsommation collective d’une exonération de l’accise sur l’électricité.

Ainsi, l’article L. 312-79 du Code des impositions sur les biens et services a été modifié pour prévoir un taux d’accise nul dans l’hypothèse où l’électricité produite est consommée dans le cadre d’une opération d’autoconsommation répondant aux critères de l’article L. 312-87.

Quant à l’article L. 312-87 du Code des impositions sur les biens et services, il a également été modifié afin de prévoir que l’électricité consommée pour les besoins des activités des consommateurs participant à une opération d’autoconsommation collective bénéficie de l’exonération d’accise dès lors que les conditions supplémentaires suivantes sont remplies :

  • l’électricité est produite à partir d’une source d’énergie renouvelable (éolienne, solaire, géothermique, marine, hydroélectrique, énergie ambiante, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées ou gaz produit à partir de la biomasse)
  • la puissance installée sur le site de production est inférieure à un mégawatt.

Dès lors que ces conditions seront remplies, l’électricité consommée par les consommateurs participant à une opération d’autoconsommation collective au sens de l’article L. 315-2 du Code de l’énergie sera donc exonérée de l’accise sur l’électricité.

Cet allègement des charges pesant sur les participants devrait inciter de plus en plus de producteurs et de consommateurs à rejoindre de telles opérations.

Réforme des aides pour l’électrification rurale : parution d’un arrêté parachevant la réforme du dispositif

Un décret n° 2024-1249 du 30 décembre 2024 relatif aux aides pour l’électrification rurale, qui avait fait l’objet d’un commentaire dans notre Lettre d’actualité juridique énergie environnement mobilité du mois dernier, brève de janvier 2025, a modifié les règles d’attribution et de gestion du dispositif de financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (Facé).

Comme le prévoyait ce décret, un arrêté devait venir préciser ses modalités d’application, c’est désormais chose faite suite à la publication de l’arrêté du 21 février 2025. Parmi les apports de cet arrêté, on signalera notamment les éléments ci-après décrits.

 

En premier lieu, l’arrêté prévoit, à son article 1er et à son annexe A, la méthode de calcul par laquelle seront réparties les dotations départementales pour chacune des sous-catégories suivantes :

  • Concernant le renforcement des réseaux, la dotation sera fixée au prorata du coût de résorption du stock de départ basse tension mal alimenté sur la zone rurale du département. L’arrêté prévoit la formule permettant de calculer le coût de résorption du stock, cette dernière incluant notamment une prise en compte d’un coefficient haute montagne et d’un coefficient Outre-Mer.
  • Concernant l’extension des réseaux, la dotation sera fixée à 50 % en fonction du flux déterminé à partir des variations de puissance souscrite des clients de la zone rurale alimentés en basse tension et à 50 % en fonction de la variation de la population dans le département.
  • Concernant l’enfouissement pour raisons environnementales, la dotation est fixée à 70 % au prorata de la longueur des lignes basse tension aérienne en zone rurale et à 30 % au prorata des travaux d’amélioration esthétique financés par les maîtres d’ouvrage sur leurs fonds propres. Les conditions de calcul de ce dernier élément sont précisées par l’arrêté.
  • Concernant la sécurisation des réseaux à fils nus, la dotation est fixée à 70 % au prorata de la longueur des fils nus en zone rurale et à 30 % au prorata de la densité des clients sur les départs comportant des fils nus.

Rappelons que le décret du 30 décembre 2024 prévoit à son article 3 que les dotations attribuées au titre des autres sous-catégories le sont de manière individuelle et par projet ; raison pour laquelle leur méthode de calcul n’est pas prévue par l’arrêté.

A son annexe B l’arrêté précise également les modalités selon lesquelles le Ministre peut décider de minorer les dotations, il y est notamment prévu les cas suivants :

  • Lorsque les autorités organisatrices du réseau public de distribution d’électricité dans le département n’ont pas procédé au regroupement de compétence (minoration de 10 % lorsque deux bénéficiaires se trouvent sur le département et de 20 % lorsque plus de deux bénéficiaires se trouvent sur le département).
  • Lorsque le rythme d’utilisation des subventions est insuffisant (5 % de minoration pour un retard de plus d’un an et demi, 10 % pour un retard de plus de deux ans, 20 % pour un retard de plus de trois ans).
  • Lorsqu’une dotation n’est pas utilisée (minoration pouvant aller jusqu’à 10 %).
  • Lorsque la dotation est utilisée de manière insuffisante (minoration équivalente à la part non utilisée).
  • Lorsque les conditions relatives au versement de l’avance ne sont pas respectées, que les délais du solde de subvention sont dépassés ou encore dans le cas d’un solde de subvention non régularisé dans les délais.

 

En deuxième lieu, l’arrêté précise, à ses articles 2 et 3, les modalités de notification, de transfert et de report des dotations pour subventions.

Il établit également, à son article 4, la liste des éléments que doit contenir la demande de subvention afin d’être valide (notamment une note technique, des plans d’esquisse des ouvrages, l’avis du gestionnaire de réseau de distribution, l’avis du préfet de département, l’analyse technico-économique, l’accord foncier et un état prévisionnel dans certains cas) ainsi que la procédure de dépôt des demandes de subvention et d’attribution de ces dernières.

 

En troisième lieu, l’arrêté prévoit, à son article 8 que le barème des taux de subvention sera fixé à 80 % pour les sous-catégories extension de réseau, enfouissement pour raisons environnementales, renforcement des réseaux et sécurisation des réseaux à fils nus.

Pour les autres sous-critères, l’arrêté prévoit que le Ministre définira le taux en fonction du nombre de demandes de financement en rapport avec l’enveloppe budgétaire de la sous-catégorie concernée ainsi qu’en fonction du bénéfice que rapporte au réseau public de distribution l’opération subventionnée.

 

En quatrième lieu, à son titre III, l’arrêté prévoit les modalités relatives à l’utilisation des subventions et notamment les critères d’éligibilité des dépenses. Tandis qu’à son titre IV il indique les modalités de publicité des chantiers à prévoir ainsi que les modalités d’évaluation de l’utilisation des aides.

 

Enfin, en cinquième lieu, l’arrêté fixe, à son titre V, l’objet des sous-catégories d’aides mentionnées au I de l’article premier du décret en établissant une définition de chacune d’elles. Il convient de noter que le ministre chargé de l’Énergie n’a pas fait usage de la possibilité de créer une sous-catégorie exceptionnelle au titre de la catégorie principale ou de la catégorie spéciale, comme le lui permettait pourtant l’article premier du décret.

Modification des critères de l’autoconsommation collective étendue

Publié au Journal officiel du 5 mars 2025, un arrêté du 21 février 2025, pris dans le prolongement de la délibération de la Commission de Régulation de l’Energie qui s’était prononcée le 18 décembre 2024 sur le projet soumis par le Gouvernement, a modifié les critères de l’autoconsommation collective étendue.

D’une part, cet arrêté réhausse à 5MW, au lieu de 3MW actuellement, le seuil de puissance cumulée des installations de production participant à une opération d’autoconsommation collective (art. 1er).

D’autre part, une nouvelle dérogation au critère géographique de 2 km est créée. Cette dérogation peut être accordée aux projets répondant aux critères cumulatifs suivants :

  • l’un des producteurs ou des consommateurs participants est une commune ou un EPCI à fiscalité propre ;
  • l’ensemble des producteurs et des consommateurs participants sont des organismes publics ou privés exerçant une mission de service public ou des sociétés d’économie mixtes locales mentionnées à l’article L. 1522-1 du CGCT et leurs filiales ;
  • les points de soutirage et d’injection sont situés exclusivement dans le ressort géographique de de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre participant au projet ou auquel adhèrent la ou les communes participant au projet.

Aucun critère géographique exprimé en kilomètre n’est donc prévu pour ces projets, c’est le ressort géographique de l’EPCI à fiscalité propre qui constituera la limite territoriale.

Pour les projets remplissant ces critères, le plafond de puissance cumulée des installations de production est fixé à 10 MW. Il est à noter que la CRE avait préconisé de fixer ce plafond à 8 MW et qu’elle n’a donc pas été suivie par le Gouvernement.

Infrastructure de Recharge de Véhicule Électrique : proposition de loi visant à renforcer la transparence à l’égard des utilisateurs

Même si les ventes de voitures électriques en France ont fortement progressé entre 2019 et 2022, en raison notamment des incitations fiscales, des subventions nationales et locales, certaines réserves de la part des consommateurs continuent encore à persister, et peuvent s’expliquer notamment par un « déficit d’information » à l’égard des particuliers, ainsi qu’ « […] un manque de transparence dans les tarifs de l’énergie délivrée »[1].

Ainsi, le renforcement de la transparence lors de tous types de transactions portant sur les véhicules électriques s’avère particulièrement nécessaire.

C’est dans ce contexte qu’une proposition de loi visant à renforcer la transparence de l’information relative à la commercialisation des voitures électriques et à la distribution d’énergie, composée de deux articles, a été déposée le 4 février 2025 par le député M. Jean-Pierre Taite. Cette proposition de loi a été renvoyée devant la Commission des affaires économiques.

Son article premier crée trois obligations pesant sur les constructeurs et les vendeurs automobiles :

  • L’obligation légale pour les constructeurs et vendeurs d’informer les acheteurs sur le temps de recharge à 100 % ;
  • L’obligation d’indiquer la capacité batterie utilisable plutôt que la capacité totale ;
  • L’obligation de communiquer clairement sur la garantie vieillissement de la batterie.

En outre, et cet aspect concernerait notamment les acteurs locaux gérant le service public visé à l’article L. 2224-37 du Code général des collectivités territoriales, relatif aux Infrastructures de Recharge de Véhicules Electriques (IRVE), le deuxième article de la proposition de loi crée, à l’égard de tous les opérateurs de bornes de recharges, une obligation d’affichage du prix de vente du kWh et du coût total en euros de la recharge effectuée, dans les différents points de vente.

À cet égard, une enquête Ipsos d’avril 2024, pour l’association pour le développement de la mobilité électrique indiquait que 50 % des conducteurs de véhicules électriques interrogés sur les conditions tarifaires des bornes de recharges estimaient que ces dernières n’étaient « pas assez explicites »[2].

Or, il convient de rappeler que le règlement Alternative fuel infrastructure régulation dit AFIR[3], qui est entré en vigueur le 13 avril 2024 précise que, désormais, le prix par kWh doit être communiqué à l’utilisateur « avant le démarrage d’une session de recharge », quel que soit l’opérateur. Ainsi, ce règlement impose que le prix de vente soit rendu visible directement sur la station de recharge.

Or, la proposition de loi permet d’aller plus loin que le règlement européen qui exige l’affichage de l’information une fois que l’utilisateur se trouve devant la borne. En effet, il ressort de l’exposé des motifs qu’elle vise à imposer, en amont des stations de recharges, que le prix TTC en euros du kWh soit indiqué sur des totems ou des panneaux d’affichage, depuis la voie publique, à l’instar de la règlementation en matière de tarifs de l’essence et du gazole.

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[1] Exposé des motifs de la proposition de loi

[2] Enquête IPSOS – Avere-France auprès des utilisateurs de véhicules électriques, 3 avril 2024

[3] Règlement 2023/ 1804 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs, 13 septembre 2023

Solaire photovoltaïque : vers une remise en cause du dispositif du guichet ouvert pour les petites et moyennes installations ?

Le 12 février 2025, le Gouvernement a mis en consultation un projet d’arrêté modifiant le soutien au développement du photovoltaïque sur les bâtiments, hangars, et ombrières, à la suite d’échanges engagés fin 2024 par la direction générale de l’énergie et du climat et la direction générale des entreprises, avec le syndicat des énergies renouvelables (SER), et le syndicat des professionnels de l’énergie solaire (Enerplan)[1].

Pour rappel, le dispositif de guichet ouvert pour les panneaux photovoltaïques est un mécanisme mis en place par les pouvoirs publics pour soutenir le développement de l’énergie solaire en France. En effet, ce dispositif permet aux exploitants de panneaux photovoltaïques de passer un contrat d’obligation d’achat avec EDF ou un autre opérateur agréé, au tarif d’achat fixé par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE).

Toutefois, tous les exploitants de panneaux solaires ne peuvent bénéficier de ce dispositif, dès lors que des critères d’éligibilités à l’obligation d’achat sont fixées par le Code de l’énergie[2]. Si à l’origine, le guichet ouvert ne s’adressait qu’aux installations de 100 kWc maximum, il a été étendu, par l’arrêté du 6 octobre 2021, aux installations de maximum 500 kWc (segment dit « S21 »).

Toutefois, dans son projet d’arrêté soumis à consultation, le Gouvernement envisage de réduire, de façon rétroactive au 1er février, les niveaux de soutien aux projets solaires d’une puissance inférieure à 500 kWc.

Ce nouveau projet d’arrêté a pour objectif principal de réduire les dépenses publiques induites par la mise en œuvre du S21.

Or, les modifications sur le dispositif du guichet ouvert entraineraient d’importantes conséquences sur la filière solaire en France qui sont dénoncées notamment par le SER et Enerplan.

Selon le SER, cette réduction aurait pour effet de rendre déficitaires l’ensemble des projets solaires sur les bâtiments, hangars, et ombrières, en 2025. Dès lors, cette évolution reviendrait « dans les faits, à mettre un coup d’arrêt brusque à tous les futurs projets solaires sur les moyennes toitures et les ombrières de parking à court terme, mettant ainsi en risque la viabilité de centaines d’entreprises et de milliers d’emplois »[3].

Ainsi, le SER et Enerplan demandent au gouvernement de revenir sur sa position en maintenant le cadre tarifaire actuel pour le segment S21, le temps qu’un nouveau mécanisme soit mis en place, afin de sécuriser les investissements qui sont déjà engagés par la filière solaire en France.

 

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[1] En 2024, la Direction générale de l’Energie et du climat envisageait deux options de modification du S21, soit de passer du guichet ouvert jusqu’à 500 kWc en guichet fermé, soit de baisser le seuil d’éligibilité de l’arrêté tarifaire à 100 kWc.

[2] Art. L. 314-1 à L. 314-13 et D. 314-15 à R. 314-22 du Code de l’énergie

[3] SER, Enerplan, communiqué de presse, 13 février 2025

Tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE 7) : propositions de la Commission de Régulation de l’Energie

CRE, délibération du 4 février 2025 portant projet de décision sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité (TURPE 7 HTB)

Par deux délibérations du 6 février 2025, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a publié ses propositions de décisions s’agissant du futur Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (TURPE) applicable sur la prochaine période tarifaire de 4 ans qui démarrera le 1er août 2025.

La CRE relève la période tarifaire concernée par ce TURPE 7 « sera marquée par l’électrification des usages, notamment dans la mobilité, le bâtiment et l’industrie, et par la croissance de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables avec pour conséquence la poursuite du développement significatif du nombre de raccordements. Il sera également nécessaire, dans le même temps, d’améliorer la résilience des réseaux pour faire face au changement climatique ».

Ces enjeux impliquent des investissements importants ainsi que le souligne la CRE.

En effet, le nouveau TURPE se caractérise par la croissance forte des dépenses prévisionnelles d’investissement qui passent de 2,1 milliards d’euros en 2023 à 6,2 milliards d’euros en 2028 pour RTE, et de 5 milliards d’euros en 2023 à 7 milliards d’euros en 2028 pour Enedis.

La CRE propose également de faire évoluer la rémunération du capital des deux opérateurs, RTE et Enedis. Il résulte de la délibération que la marge sur actifs d’Enedis est de 2,5 % à laquelle s’ajoutent le taux de rémunération de ses capitaux propres régulés qui s’élève à 2,9 % et le taux de rémunération des emprunts financiers de 2,1 % pour la période.

Le nouveau tarif intègre par ailleurs des moyens en hausse pour RTE et Enedis, s’agissant notamment de la maintenance et des charges de personnel.

Sera par ailleurs mise en œuvre dans le cadre de ce futur TURPE 7, la généralisation progressive des heures creuses l’après-midi en été à partir de l’automne 2025, et ce afin de bénéficier de la production photovoltaïque abondante et peu chère en après-midi et notamment en été.

On retiendra encore la mise en œuvre d’une régulation incitative en particulier s’agissant des délais de raccordement. La CRE relève en effet dans sa délibération que durant la période TURPE 6, la performance d’Enedis en la matière s’est avérée inférieure aux objectifs fixés.

Le texte va désormais être soumis pour avis au Conseil Supérieur de l’Energie.

Le va-et-vient des tarifs réglementés de vente de l’électricité

Le 17 février dernier, le ministère de l’Économie et de l’Énergie a publié sur son site son rapport d’évaluation des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) en France.

Ce rapport est établi sur la base des analyses préalablement transmises par la Commission de régulation de l’énergie (la CRE) et l’Autorité de la concurrence, qui l’on s’en souvient, partageaient des positions antagonistes au sujet de l’avenir des TRVE (commentées ici).

Il sera ensuite soumis à la Commission européenne qui pourrait trancher de leur sort.

C’est pour nous l’occasion de revenir sur le rôle actuel et futur des TRVE sur le marché de l’électricité.

Un cadre discuté

Le service public de la fourniture d’électricité aux tarifs réglementés, une exception française

Les TRVE ont été créés en 1946 avec le monopole d’EDF et des entreprises locales de distribution (ELD) afin de garantir un accès équitable à l’électricité pour tous.

L’ouverture à la concurrence du marché de la fourniture d’électricité sous le coup du droit de l’Union européenne a ensuite permis aux consommateurs de choisir entre la souscription d’offres d’électricité aux prix du marché (indifféremment proposées par les fournisseurs historiques comme les fournisseurs alternatifs d’électricité) ou aux TRVE (exclusivement proposés par les fournisseurs historiques que sont EDF et les ELD et pourvu qu’ils y soient éligibles).

Dans cette configuration du marché intérieur de l’électricité, la fourniture d’électricité aux tarifs réglementés de vente constitue un service public relevant de la compétence des autorités organisatrices de la distribution d’électricité (article L. 121-5 du Code de l’énergie) au même titre que le service public de la distribution (article L. 2224-31 du Code Général des collectivités territoriales).

Pourtant, au sens de la Commission européenne, les prix de vente de l’électricité doivent être librement fixés par les fournisseurs et la possibilité de fixer des tarifs réglementés n’est qu’une dérogation offerte aux Etats à titre transitoire : « Dans le but d’assurer une période transitoire permettant d’établir une concurrence effective entre les fournisseurs pour les contrats de fourniture d’électricité et de parvenir à une fixation pleinement effective des prix de détail de l’électricité fondée sur le marché conformément au paragraphe 1, les États membres peuvent mettre en œuvre des interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d’électricité aux clients résidentiels et aux microentreprises qui ne bénéficient pas d’interventions publiques en vertu du paragraphe 3. » (Article 5 de la directive du 5 juin 2019 relative au marché intérieur de l’électricité).

C’est la raison pour laquelle cette même directive a instauré la transmission par chaque Etat, pour examen à la Commission européenne, d’un rapport sur les interventions publiques effectuées à titre dérogatoire sur les tarifs d’électricité. C’est l’objet du rapport que vient de publier le ministère de l’Économie et de l’Énergie.

L’éligibilité aux tarifs réglementés de vente d’électricité en question

Les TRVE étaient déclinés en catégories tarifaires (à savoir les tarifs dits « Bleus », « Jaunes » et « Verts ») selon la tension et la puissance de raccordement souscrite par le consommateur pour le site concerné.

Sur la base de ces catégories, l’éligibilité des consommateurs aux TRVE a été réduite par deux fois. La loi du 7 décembre 2010 dite loi « NOME » est d’abord venue supprimer à compter de 2016 les TRV « Jaune » et « Vert », auxquels étaient éligibles les sites ayant une puissance de soutirage supérieure à 36 kVA. Puis la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat est encore venue restreindre l’éligibilité des TRV « Bleu » (seule tarification maintenue donc) pour la réserver au bénéfice des particuliers et petits consommateurs résidentiels.

La crise énergétique s’est alors invitée dans le paysage, exposant à la volatilité des prix de l’électricité des consommateurs devenus inéligibles aux TRVE, ou y ayant délibérément renoncé au profit d’offres de marché plus compétitives, et dont les caractéristiques et les connaissances du marché de l’électricité sont pourtant proches de celles des usagers de sites souscrivant pour une puissance inférieure à 36kVa.

Afin de rétablir cohérence et équité dans ce traitement tarifaire des usagers, la récente loi du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement a élargi l’éligibilité des TRVE à compter du 1er février 2025 en supprimant le plafond de 36 kVA pour la puissance souscrite des sites (voir notre commentaire de cette loi ici).

Ainsi tous les consommateurs résidentiels, les très petites entreprises (ci-après « TPE ») et les petites collectivités peuvent, depuis le 1er février 2025, et quelle que soit la puissance sollicitée, souscrire un TVE auprès du fournisseur historique de leur zone de desserte.

Ce faisant, contre vents et marées, la pertinence des TRVE est réaffirmée.

Et pour cause, ces tarifs, par leur méthode de construction, semblent jouer un rôle « d’amortisseur des variations de prix »[1] tout en permettant une concurrence effective sur le marché de l’électricité.

La structure des tarifs réglementés, vecteur de stabilité

On rappellera en effet que par application de l’article L. 337-6 du Code de l’énergie, les TRVE sont établis selon une méthode dite « d’empilement des coûts », par l’addition :

  • du prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), appelé à disparaître au 31 décembre 2025 (disparition commentée ici) ;
  • du coût du complément d’approvisionnement au prix de marché ;
  • du coût de la garantie de capacité ;
  • des coûts d’acheminement de l’électricité ;
  • des coûts de commercialisation ;
  • d’une rémunération normale de l’activité de fourniture.

Le niveau des TRVE reflète ainsi les coûts supportés par un fournisseur aussi efficace que les fournisseurs historiques, incitant donc les fournisseurs alternatifs à développer une concurrence effective et efficace sur le marché.

Par ailleurs, la part des coûts liés à l’approvisionnement en électricité des TRVE (regroupant les coûts susvisés liés à d’accès à l’ARENH ainsi qu’au complément d’approvisionnement au prix de marché) est lissé sur 24 mois, ce qui permet de protéger les consommateurs de variations importantes des prix du marché.

C’est principalement du fait de ces caractéristiques que le Gouvernement considère dans son rapport que le dispositif des TRVE permet l’atteinte « d’objectifs d’intérêt économique général, notamment de stabilité des prix, de sécurité d’approvisionnement et de cohésion sociale et territoriale ».

Il estime ainsi – contrairement à ce qu’avait estimé l’Autorité de la concurrence dans son rapport publié en novembre dernier et commenté ici – que ceux-ci doivent être maintenus. Il propose toutefois la mise en œuvre et l’étude de certaines mesures pour améliorer le marché de détail de l’électricité.

Ce que le rapport ne dit pas ou du moins pas explicitement, c’est qu’il doit ensuite être soumis à la Commission européenne à qui il pourrait revenir de trancher définitivement le sort des TRVE.

 

Des perspectives annoncées

Les pistes du Gouvernement

Si le Gouvernement ne partage pas la position de l’Autorité de la Concurrence sur la suppression des TRVE à l’avenir, il la rejoint sur plusieurs des propositions émises avec la CRE dans leurs rapports respectifs.

En ce sens, le Gouvernement annonce notamment :

  • qu’il sera demandé aux fournisseurs historiques (à la société EDF comme aux ELD donc) de mettre en œuvre les actions nécessaires afin de garantir que le processus de souscription aux contrats de fourniture n’induise aucune confusion entre les TRVE et les offres de marché. Ces derniers devront soumettre à la CRE d’ici le 1er juillet 2025 les mesures prises en ce sens.
  • que le dispositif de comparateur d’offres du Médiateur National de l’énergie (dont la création avait été commentée ici) sera développé et les lignes directrices pour le renforcement de la protection des consommateurs d’électricités de la CRE (analysées ici) renforcées. Et ce, notamment à travers de nouvelles exigences pour les fournisseurs en matière d’informations précontractuelles ou de modification des contrats de fourniture en cours ;
  • que la désignation d’un fournisseur de dernier recours, suggérée par l’Autorité de la Concurrence et la CRE, serait redondante avec le dispositif des TRVE, mais qu’un appel d’offres doit en revanche être lancé pour désigner un nouveau fournisseur de secours:

En effet, le Gouvernement considère que la désignation d’un fournisseur de dernier recours pour assurer la continuité de la fourniture d’électricité – pertinente sur le marché du gaz – est inutile en matière de fourniture d’électricité alors qu’EDF et les ELD ont l’obligation de service public de fournir les TRVE. Il précise toutefois qu’un appel d’offre sera prochainement lancé pour désigner un fournisseur de secours ayant vocation à remplacer les fournisseurs en cas de défaillance[2], fonction assurée par EDF à titre « transitoire » depuis 2021 ;

  • qu’il va réaliser une étude approfondie de la possibilité d’ouvrir à tous les fournisseurs la faculté de proposer des TRVE: l’Autorité de la concurrence notait en effet dans son rapport que « la possibilité de distribuer des TRV pourrait à ce titre être ouverte à tous les fournisseurs. Une telle évolution impliquerait une évaluation de la charge ou au contraire du bénéfice que représente cette obligation de service public. ». Sans encore se prononcer sur l’opportunité d’un tel élargissement des TRVE, le Gouvernement estime que cette piste sera étudiée. Devront notamment être analysées la possibilité d’imposer aux fournisseurs alternatifs les contraintes inhérentes au service public de la fourniture d’électricité ainsi que les conséquences de cet élargissement sur les modalités de calcul des TRVE.

Sur ce dernier point, il nous semble important que l’accent soit mis sur toutes les caractéristiques du service public de fourniture d’électricité aux TRVE afin de ne pas réduire ce service public à la seule délivrance d’un tarif. Ce service public se caractérise en effet avant tout par sa continuité et d’autres caractéristiques pourraient utilement y être réaffirmées (origine de l’électricité fournie, protection des usagers consommateurs, …), sous l’autorité des autorités organisatrices de cette activité dont il faut souligner le caractère local.

Et demain ?

Le Gouvernement et son rapport n’auront pas nécessairement le dernier mot sur l’avenir des TRVE.

L’article 5 de la directive du 5 juin 2019 relative au marché intérieur de l’électricité prévoit en effet qu’« Au plus tard le 31 décembre 2025, la Commission réexamine la mise en œuvre du présent article visant à parvenir à une fixation des prix de détail de l’électricité fondée sur le marché, et présente un rapport sur cette mise en œuvre au Parlement européen et au Conseil assorti ou suivi, s’il y a lieu, d’une proposition législative. Cette proposition législative peut comprendre une date de fin pour les prix réglementés. »

A l’issue de l’examen du rapport du Gouvernement sur les TRVE, la Commission européenne pourrait donc revenir sur leur existence par une proposition législative ou, au contraire, donner un nouvel élan aux TRVE.

Ce sera alors l’occasion de penser autrement ce service public de la fourniture aux TRVE comme une mission de service public local à part entière.

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[1] Expression utilisée par le Ministère dans son rapport d’évaluation des ministres chargés de l’Économie et de l’Énergie, page 10.

[2] Voir en ce sens article L. 333-33 du Code de l’énergie

Les travaux d’habillage esthétique des compteurs électriques peuvent être mis à la charge du gestionnaire du réseau de distribution

Dans cette affaire, la société Enedis devait raccorder plusieurs appartements d’une copropriété à la suite de travaux importants qui y étaient réalisés. Plus précisément, le gestionnaire du réseau de distribution devait créer une nouvelle colonne montante dans le bâtiment et installer de nouveaux compteurs électriques.

L’un des propriétaires concernés, insatisfait de la solution technique qui lui a été proposée par la société Enedis quant à la pose de son compteur électrique et du refus de cette dernière d’accepter la solution retenue par un expert mandaté dans cette affaire, avait saisi le CORDIS.

A ce titre, le CORDIS rappelle que les travaux en cause ne constituent pas un renouvellement de compteur au sein d’une installation intérieure mais, en s’inscrivant dans une opération de raccordement, s’entendent d’une création d’un nouveau branchement. Le CORDIS rappelle alors qu’une telle opération doit être réalisée de manière objective, transparente et non discriminatoire ainsi que dans le respect de la réglementation technique, des règles de l’art et des prescriptions posées par le cahier des charges de la concession applicable[1], afin notamment d’assurer la sécurité des personnes.

Au cas présent, le CORDIS considère que répond à ces conditions l’installation d’un nouveau compteur à l’intérieur de l’appartement du requérant (dans le couloir proche de la porte d’entrée) en remplacement du compteur existant situé dans les parties communes (emplacement où le propriétaire souhaitait qu’y soit installé le nouveau compteur), et accompagné d’un habillage esthétique raisonnable à la charge d’Enedis.

Cette position permet de conclure que les travaux d’habillage esthétique des compteurs électriques peuvent être mis à la charge du gestionnaire du réseau de distribution afin d’offrir au propriétaire une solution technique minimisant la gêne occasionnée par la pose de l’ouvrage. Ceux-ci sont pourtant, dans les faits, peu souvent proposés aux propriétaires.

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[1] Notamment ses articles 6 et 29, qui conformément au modèle de cahier des charges de concession de distribution publique d’électricité établi en 2017, sont respectivement relatifs aux opérations de raccordement et aux ouvrages de branchements.

Concilier Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), secret professionnel et coordination dans le secteur de la protection de l’enfance

L’impérative coordination entre professionnels de la protection de l’enfance peut nécessiter dans certains cas le partage d’informations protégées par le secret professionnel. Ce partage ne peut intervenir que dans le respect du cadre légal et des exigences de protection des données à caractère personnel.

1. Le cadre juridique applicable

Rappelons, tout d’abord, que les professionnels de la protection de l’enfance (travailleurs sociaux, médecins, psychologues, éducateurs…) sont soumis à une obligation de secret professionnel (article L. 221-6 du Code de l’action sociale et des familles – CASF), ce qui signifie qu’ils ne peuvent divulguer des informations à des tiers non autorisés. Le non-respect de cette obligation constitue une infraction pénale sanctionnée à l’article L. 226-13 du Code pénal.

Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) impose, de son côté, des principes stricts de confidentialité, de minimisation et de finalité des données personnelles dont il résulte que seules les informations strictement nécessaires ne peuvent être collectées et partagées.

Ce principe étant posé, notons, ensuite, que certaines dispositions permettent le partage d’informations à caractère secret, notamment :

  • L’article L. 226-2-2 du CASF qui autorise le partage d’informations strictement nécessaires entre professionnels concourant à la protection de l’enfance, dès lors que ces échanges sont réalisés pour (i) évaluer une situation individuelle, (ii) déterminer et mettre en œuvre les actions de protection et d’aide. Les parents ou toutes autres personnes titulaires de l’autorité parentale doivent être informés préalablement (sauf si cette information est contraire à l’intérêt de l’enfant).
  • L’article L. 1110-4 du Code de la santé publique permet aux professionnels d’une même équipe de soins (ce qui peut inclure les services de soins externes à une structure, des intervenants libéraux, etc.) de partager des informations confidentielles strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social.
  • L’article 226-14 du Code pénal lève le secret professionnel en cas de risque grave pour l’enfant (maltraitance, danger grave et immédiat…).

Le RGPD n’a pas pour effet d’empêcher le partage de ces informations dès lors que les professionnels se situent dans le champ d’application de ces articles et que les principes essentiels de la protection des données sont respectés.

2. Quelques bonnes pratiques pour un partage conforme

Il en ressort un certain nombre de principes directeurs pour un partage d’informations respectueux des dispositions légales et règlementaires :

  • Informer les parents en amont sur les pratiques de partage et de conservation d’informations au sein de la structure.
  • Limiter le partage aux professionnels habilités : seuls les professionnels directement impliqués dans la prise en charge de l’enfant peuvent se voir partager des informations confidentielles. Des règles d’accès aux dossiers du DUI (dossier usager informatisé) doivent être définies en tenant compte de ces contraintes.
  • Respecter le principe de minimisation du RGPD : seules les informations strictement nécessaires ne peuvent être partagées. Lorsque l’identification de l’enfant n’est pas nécessaire, il convient de privilégier des échanges de données anonymes (ou pseudonymisées).
  • Encadrer les échanges d’informations : il est recommandé de définir des procédures internes pour le partage d’information et de documenter les échanges. Une sensibilisation des professionnels aux enjeux de la protection du secret et de la protection des données personnelles sera également utile.
  • Sécuriser les données : il est important de limiter l’accès aux informations confidentielles via un système d’habilitations et des outils sécurisés (plateformes chiffrées, accès restreints…). Les échanges de données et documents avec les proches via des outils de messagerie non sécurisés doit être limité au strict minimum.
  • Mettre en place un système de conservation limité dans le temps avec suppression des données inutiles.

Dans ce contexte, il pourra être particulièrement utile de mettre en place un protocole interne précisant les cas où le secret peut être levé et les modalités de transmission d’informations.

Le partage d’informations dans le secteur de la protection de l’enfance doit être encadré pour concilier secret professionnel, obligations du RGPD et nécessité de coordination.

L’objectif est de protéger la vie privée des enfants tout en assurant un cadre juridique clair pour les professionnels. Une politique interne bien définie, assortie de formations régulières, permet de garantir cet équilibre.

Référé suspension : nécessité de démontrer l’urgence pour suspendre une déclaration d’utilité publique en vue de la constitution d’une réserve foncière pour une opération d’aménagement

Par une décision en date du 27 décembre 2024, le Conseil d’Etat a considéré que le juge des référés saisie d’une demande de suspension de l’exécution d’une déclaration d’utilité publique prise en vue de la constitution d’une réserve foncière soumise à enquête publique préalable non-susceptible d’affecter l’environnement, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, doit préalablement rechercher s’il existe une situation d’urgence.

Par un arrêté du 12 avril 2023, le préfet de la Moselle a déclaré d’utilité publique le projet de constitution d’une réserve foncière sur le territoire de la commune de Maizières-lès-Metz au profit de l’établissement public foncier du Grand Est (EPFGE) et l’a autorisé à acquérir, soit à l’amiable, soit par voie d’expropriation, dans le délai de cinq ans, les immeubles nécessaires à sa réalisation.

La SAS Kronimus a formé un référé-suspension à l’encontre de cet arrêté sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative devant le Tribunal administratif de Strasbourg qui en a suspendu l’exécution.

L’EPFGE, la commune de Maizières-lès-Metz et le ministre de la Transition ֤Écologique et de la Cohésion des Territoires se sont alors pourvus en cassation.

Le Conseil d’Etat rappelle qu’en vertu des dispositions des articles L. 554-12 du Code de justice administrative et L. 123-16 du Code de l’environnement, les décisions d’aménagement soumises à enquête publique préalable régie par le code de l’environnement et prises après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête ne sont pas soumises à la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

Il précise en revanche que la demande de suspension d’une décision soumise à enquête publique préalable, qui ne porte pas sur une opération susceptible d’affecter l’environnement relevant de l’article L. 123-2 du Code de l’environnement, est quant à elle soumise à la condition d’urgence, dès lors que l’enquête publique est régie par les seules dispositions du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et non par celles du Code de l’environnement.

Pour cette raison, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance du juge des référés qui avait suspendu l’arrêté du 12 avril 2023 portant déclaration d’utilité publique du projet de constitution de réserve foncière sans vérifier que la condition d’urgence était remplie.

En effet, le Conseil d’Etat a considéré que dès lors que le projet avait pour objet la constitution d’une réserve foncière, qui ne constituait pas une décision d’aménagement mais un préalable à une opération d’aménagement, il ne portait pas sur une opération susceptible, par elle-même, d’affecter l’environnement.

Statuant au fond, il rejette la demande de suspension présentée par la société Kronimus pour défaut d’urgence.

Les ressources d’un locataire de plus de 65 ans s’apprécient sur les 12 mois précédant le congé pour déterminer si une offre de relogement doit lui être faite

Par un arrêt rendu le 24 octobre 2024, la troisième chambre de la Cour de cassation est venue préciser comment les ressources d’un locataire du secteur conventionné de plus de 65 ans auquel le bailleur entend donner congé doivent être appréciées pour savoir si une offre de relogement est nécessaire.

Dans cette affaire, le bailleur d’un logement conventionné avait donné congé à son locataire âgé de plus de 65 ans sans lui faire d’offre de relogement et l’avait assigné aux fins de validation de ce congé et d’expulsion.

La Cour d’appel de Paris avait, par arrêt du 9 mai 2023, annulé ce congé et rejeté les demandes du bailleur en estimant que ce dernier était tenu de faire une offre de relogement au locataire au regard de son âge et de ses ressources en application de l’article 15, III, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Pour ce faire, elle retenait les ressources perçues par le locataire pendant les 12 mois précédant la délivrance du congé.

Le bailleur s’est alors pourvu en cassation en estimant que la Cour d’appel avait violé les termes de l’article 15, III, de la loi susdite et qu’elle aurait dû retenir les ressources perçues par le locataire pendant la dernière année civile.

Dans son arrêt du 24 octobre 2024, la troisième chambre de la Cour de cassation a cependant approuvé la Cour d’appel de Paris et rejeté le pourvoi du bailleur.

L’interprétation de l’article 15, III, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 n’était pourtant pas si évidente.

En effet, celui-ci se contente d’énoncer laconiquement que « le montant de leurs ressources est apprécié à la date de notification du congé », laissant ainsi beaucoup de place aux diverses interprétations.

Une telle imprécision était toutefois source d’insécurité juridique et pouvait, selon que l’on retenait les ressources de la dernière année civile ou celles des douze derniers mois, conduire à exiger ou non une proposition de relogement.

La Cour de cassation fait ici le choix d’une appréciation au plus proche de la date de notification du congé, ce qui semble fidèle à la volonté du législateur.

En revanche, elle ne facilitera pas la tâche des bailleurs qui ne pourront plus se contenter d’un simple avis d’imposition et qui devront désormais tenter d’obtenir le détail des ressources de leurs locataires de plus de 65 ans sur les 12 mois précédant la délivrance du congé.

Requalification d’un bail dérogatoire en bail commercial : la fraude corrompt tout

La Cour de cassation a, dans une décision récente en date du 30 mai 2024 (Civ.3e , 30 mai 2024, FS-B, n° 23-10.184), rappelé ce principe bien connu de tous les juristes : « fraus omnia corrumpit », la fraude corrompt tout.

Dans cette affaire, un bailleur avait consenti trois baux dérogatoires successifs à trois preneurs différents : Madame S le 15 novembre 2011 pour une durée de 23 mois, la société Y le 9 octobre 2013 pour une durée de 23 mois et la société G, dont Madame S était présidente, le 2 septembre 2015 pour une durée de 36 mois.

Le bailleur a par la suite signifié le 13 septembre 2018 un congé à la société G. aux fins de quitter les lieux puis une sommation de déguerpir le 9 octobre 2018 et enfin une assignation en référé aux fins d’expulsion le 12 octobre 2018.

Madame S et la société G. invoquant une fraude du bailleur l’ont assigné le 5 novembre 2018 en reconnaissance d’un bail commercial au profit de Madame S et en indemnisation de son préjudice.

La Cour d’appel a déclaré prescrite l’action de Madame S et de la société G. en requalification des baux conclus les 15 novembre 2011 et 9 octobre 2013 car engagée plus de cinq années après la conclusion des contrats et non pas dans le délai de deux ans de l’article L. 145-60 du Code de commerce.

La Cour de cassation a cassé et annulé cette décision au visa des articles L. 145-5 dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi Pinel du 18 juin 2014 ainsi que l’article L. 145-60 du Code de commerce.

Mais surtout, la Cour a visé le principe selon lequel la fraude corrompt tout.

En effet, la Cour de cassation a rappelé que les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du statut du bail commercial à la condition que la durée du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans et que si, à l’expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail statutaire.

Qu’ainsi, il résulte de la combinaison de ces dispositions et du principe selon lequel la fraude corrompt tout que « la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions au titre d’un bail commercial. »

Par conséquent, la Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond qui n’avaient pas recherché « si les fraudes, dont l’existence était invoquée, n’étaient pas de nature à suspendre le délai de prescription » et n’avaient pas donné de base légale à leur décision.

L’ajout de griefs fondant une sanction disciplinaire après le conseil de discipline prive l’agent d’une garantie

Par un arrêt en date du 22 janvier 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a jugé que le fait pour un agent d’être informé de l’ensemble des griefs qui lui sont reprochés avant que la sanction ne soit prononcée constitue une garantie dont la méconnaissance implique l’annulation de la sanction en cause.

Dans cette affaire, une adjointe administrative principale de 1ère classe exerçant les fonctions de secrétaire de mairie a fait l’objet d’une révocation dont l’exécution avait été suspendue en référé. Elle avait donc été réintégrée dans les effectifs de la commune. Une nouvelle sanction avait alors été prononcée à son encontre, en l’occurrence une exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre mois.

Elle demandait donc l’annulation de ces deux sanctions devant le Tribunal administratif de Melun, qui a fait droit à sa demande par un jugement du 15 juin 2023, dont la commune relevait appel.

Saisie de ce litige, la Cour administrative d’appel de Paris a tout d’abord rappelé les dispositions de l’article 4 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux au terme duquel « L’autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l’intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu’il a le droit d’obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l’autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix ».

Elle a ensuite rappelé le considérant de principe de la désormais célèbre jurisprudence Danthony (CE, Ass, 23 décembre 2011, n° 335033), selon laquelle « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ».

S’agissant de l’agent en cause, la Cour a constaté que, si l’essentiel des griefs reprochés à l’agent avait été porté à sa connaissance dans le cadre de la procédure disciplinaire et avait fait l’objet d’un débat au cours de la séance du conseil de discipline, un certain nombre de faits avaient été ajoutés à la liste des griefs justifiant les sanctions disciplinaires litigieuses sans avoir été préalablement soumis au débat devant le conseil de discipline en violation des dispositions précitées du décret du 18 septembre 1989.

Selon la Cour, cette circonstance nécessitait donc l’annulation de la décision puisque « ce faisant [l’agente] avait été privée d’une garantie tenant à la faculté de s’expliquer d’une partie des faits qui lui étaient reprochés ».

Dans ces conditions, elle a jugé que la commune n’était pas fondée à demander l’annulation des sanctions litigieuses et a donc rejeté sa requête.

Sur la circulaire portant présentation des dispositions de droit pénal issues de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique

Afin de lutter contre la diffusion de contenus illicites ou dangereux, le Législateur a entendu renforcer son arsenal répressif en matière de cybercriminalité, en adoptant la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024[1] visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN).

Cette loi prévoit de nouveaux dispositifs pénaux innovants présentés par le Garde des Sceaux dans sa dernière circulaire du 19 décembre 2024.

Parmi ces innovations, l’article 16 de la loi SREN instaure le bannissement numérique d’une personne suspectée d’avoir commis ou ayant commis certaines infractions en ligne.

Ce bannissement sera notamment applicable sur les services de plateforme en ligne comme les réseaux sociaux (X, Facebook, Tiktok, Instagram, etc.) ou les services de partage de vidéos en ligne (YouTube Dailymotion, etc.).

Le bannissement numérique pourra tout d’abord consister en une interdiction d’utiliser le compte d’accès aux services de plateforme en ligne utilisés pour commettre l’infraction. Il pourra être prononcé à différents stades de la procédure pénale pour une durée maximale de 6 mois. Son prononcé est ainsi rendu possible dans le cadre d’un contrôle judiciaire ou dans celui d’un sursis probatoire en tant que peine alternative.

Le bannissement numérique pourra ensuite prendre la forme d’une peine complémentaire de suspension des comptes d’accès aux services de plateforme en ligne utilisés pour commettre l’infraction. L’article 131-35-1 du Code pénal prévoit ainsi que cette peine pourra être prononcée pour une durée de 6 mois maximum ou un an en cas de récidive.

L’article précise à son troisième alinéa que : « pendant l’exécution de la peine, il est interdit à la personne condamnée d’utiliser les comptes d’accès aux services de plateforme en ligne ayant fait l’objet de la suspension ainsi que de créer de nouveaux comptes d’accès à ces mêmes services ».

Afin de garantir l’effet dissuasif de cette nouvelle peine, l’article 434-41 du Code pénal sanctionne la violation de cette interdiction de deux ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende.

La condamnation sera par ailleurs signifiée aux services de la plateforme concernée qui aura l’obligation de procéder au blocage du compte du condamné sous peine d’une amende de 75.000 €.

Le II de l’article 131-35-1 du Code pénal fixe la liste limitative des infractions pour lesquelles la mesure de bannissement numérique est susceptible d’être prononcée. Il s’agira notamment :

  • Des délits de harcèlement (sexuel, moral, au sein du couple, scolaire, etc.) ;
  • Des délits d’atteinte à l’intimité de la vie privée et d’usurpation d’identité ;
  • Des délits de provocation non suivie d’effet à commettre certaines infractions
  • Des délits de diffamation et d’injure publique à caractère racial ou discriminatoire.

Ce bannissement numérique n’est qu’une des nombreuses dispositions de la loi SREN qui visent toutes, à améliorer l’efficacité de la lutte contre la cybercriminalité.

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[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049563368

La notification des titres exécutoires entre personnes publiques

Dans le cadre de son arrêt du 7 février 2023, la Cour administrative d’appel de Douai a eu l’occasion de rappeler les règles encadrant la notification des titres exécutoires entre personnes publiques.

Elle a, en effet, considéré que si l’article 77 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 prévoyait l’obligation pour l’Etat, à compter du 1er juillet 2018, d’utiliser l’application Chorus Pro en ce qui concerne les titres émis à l’encontre des collectivités et des établissements publics, cette règle n’avait pas vocation à s’appliquer entre collectivités ou établissements publics.

Et a, ainsi, jugé que la mise à disposition de titres exécutoires au sein de cette application dématérialisée entre collectivités ou établissements publics ne pouvait être regardée comme valant notification régulière de nature à faire courir les délais de recours.

Au cas présent, il s’agissait d’un titre exécutoire émis par un service départemental d’incendie et de secours (SDIS) à l’encontre d’un centre hospitalier.

On en déduit qu’entre collectivités ou établissements publics le titre exécutoire doit être adressée à la collectivité ou l’établissement public redevable sous pli simple ou par voie électronique à l’adresse qu’il a fait connaitre conformément aux dispositions de l’article L. 1617-5 du CGCT.

La Cour administrative de Douai a, toutefois, jugé que la date à laquelle le centre hospitalier devait être regardé comme ayant eu connaissance des titres exécutoires litigieux était de nature à faire courir les délais de recours contentieux.

Servitudes et ouvrages publics : la compétence juridictionnelle à la croisée des chemins

Un ciel sombre et un château d’eau communal. Une trombe, une voie d’accès et un mur de soutènement privés. Ajoutez une servitude de passage au profit d’une petite commune audoise et des intempéries qui conduisent à l’effondrement du mur. Vous obtiendrez l’incipit d’un roman de terroir… ou la réponse à la question : quel juge pour l’appel en garantie de la commune ?

Par une décision en date 2 du décembre 2024, le Tribunal des Conflits rappelle qu’en présence d’une servitude de passage au profit d’une personne publique, la qualification d’ouvrage public est l’orienteur vers le bon ordre de juridiction.

Ainsi, en octobre 2018, des intempéries causent l’effondrement d’une partie du mur de soutènement d’un chemin sur le terrain d’une propriétaire privée. En juin 2019, une ordonnance de référé rendue par le juge judiciaire ordonne à cette propriétaire de réparer et de renforcer le mur, sur la demande de voisins. Toutefois, le tribunal se déclare incompétent pour traiter l’appel en garantie que la propriétaire a formé contre la commune bénéficiant d’une servitude de passage pour accéder à des installations du réseau d’alimentation en eau potable. Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Toulouse décline sa compétence[1].

L’ouvrage public, l’arc-boutant du raisonnement

La notion d’ouvrage public a été consolidée par le Conseil d’Etat au sein d’un avis du 29 avril 2010 aux termes duquel :

La qualification d’ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d’ouvrage public notamment les biens immeubles résultant d’un aménagement, qui sont directement affectés à un service public, y compris s’ils appartiennent à une personne privée chargée de l’exécution de ce service public

CE, 27 mars 2015, Société Titaua limited compagny : n° 361673

Cette définition de principe ainsi figée a en réalité repris les trois critères d’identification qui résultaient déjà de la jurisprudence administrative :

  • l’ouvrage doit présenter un caractère immobilier et non mobilier[2];
  • il doit résulter d’un aménagement, autrement dit d’un travail humain[3],
  • et être affecté à l’utilité publique, notamment à l’usage direct du public ou aux besoins d’un service public.

Dans ce cadre, il est important de bien distinguer domaine public et ouvrage public : ces deux notions sont bien distinctes. Il est en conséquence indifférent, pour la qualification d’ouvrage public, que le bien soit implanté sur le domaine public[4], voire appartienne lui-même au domaine public. C’est ainsi que le Conseil d’État a retenu que :

la circonstance qu’un ouvrage n’appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu’il soit regardé comme une dépendance d’un ouvrage public s’il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu’il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l’ouvrage
CE, 7e – 2e ch. réunies, 17 mars 2017 : n° 397035

Servitude au profit d’une personne publique + ouvrage public = juge administratif

Encadrée par l’article 686 du Code civil, la servitude de passage peut être mise à profit par une personne publique, par exemple pour permettre la circulation piétonne ou encore pour traverser une propriété privée et accéder à un ouvrage nécessaire à l’exécution d’un service public.

Appréhendée par le régime des servitudes civiles et tout en s’appuyant sur ces principes ainsi précisés, une propriété privée affectée à la circulation publique relève de l’ouvrage public selon le Conseil d’Etat, et ce, déjà, en 1947[5].

Ce principe a été traité par la juridiction administrative sans écart, comme en témoigne, par exemple, un arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille :

la circonstance que cette voie serait ouverte à la circulation générale est seulement susceptible de conférer à ladite voie la nature d’un ouvrage public, mais non d’attribuer à la commune la propriété de cet ouvrage, lequel dès lors ne peut être incorporé au domaine public avant son acquisition par la commune
CAA Marseille, 7e ch. – formation à 3, 8 janv. 2008, n° 05MA03341.

Plus récemment encore, le Tribunal administratif de Grenoble a rappelé ce principe au terme d’une formule ciselée :

bien qu’appartenant en totalité à une personne privée, ce qui fait obstacle à son incorporation au domaine public, cette dalle constitue, dans sa partie affectée à l’usage direct du public, un ouvrage public.
TA Grenoble, 3e ch., 16 avr. 2024, n° 2100041[6]

Servitude au profit d’une personne publique – ouvrage public = juge judiciaire

C’est précisément l’intérêt de la décision du Tribunal des conflits étudiée, tenu à une qualification juridique de l’ouvrage plus exigeante. Certes, la commune bénéficiait d’une servitude de passage pour accéder au château d’eau. Mais s’agissant d’une voie non ouverte à la circulation publique, pouvait-on donner à celle-ci ou au mur effondré la qualité d’ouvrage public – ce que la Cour administrative d’appel de Toulouse ayant décliné sa compétence ne s’était pas risquée[7] ? La réponse est négative et il est jugé que :

le chemin et le mur de soutènement, qui ne sont pas incorporés à l’ouvrage public que constitue le château d’eau et ne peuvent être regardés comme étant affectés directement au service public de l’alimentation en eau potable, ne présentent pas le caractère d’ouvrages publics
T. confl., 2 déc. 2024, n° C4329, Lebon T.[8]

Le Tribunal des Conflits oriente donc vers la juridiction judiciaire pour trancher la question de l’appel en garantie de la commune.

Or, être conduit vers le juge judiciaire n’est pas neutre. En effet, dès lors qu’il existe une communauté d’usage de l’assiette de la servitude par le propriétaire du fonds servant et celui du fonds dominant, ce dernier doit contribuer aux frais d’entretien et de réparation de la servitude (C.cass. civ. 3, 14 novembre 1990 : n° 89-10.210[9]).

Le juge administratif peut au contraire se montrer plus sévère pour le propriétaire du fonds servant puisque c’est au prisme des stipulations de l’acte qu’il envisage une éventuelle ventilation du coût des répartitions entre fonds dominant et fonds servant en cas de travaux[10]. Au reste, les dispositions relatives aux servitudes visées au Code civil ne s’appliquent, non sans sévérité, qu’aux rapports entre propriétaires privés[11].

Ainsi, un mur s’effondre et sa qualification ou non d’ouvrage public est ici la clef – de voûte.

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[1] CAA Toulouse, 3e ch., 1er oct. 2024, n° 22TL22418.

[2] CE, 26 septembre 2001, département du Bas-Rhin : n° 204575.

[3] CE, 3 juillet 1970, Ville de Dourgne : n° 76289

[4] Voir par exemple CE, 30 mai 1986, Laugier : n° 43684.

[5] CE, 30 mai 1947, commune de Rueil-Malmaison : Rec. CE, p. 234 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30591129)

[6] Jugement frappé d’appel à la date de publication.

[7] CAA Toulouse, 3e ch., 1er oct. 2024, n° 22TL22418, préc. A noter que la Cour statue au fond sur la responsabilité de la commune recherchée sur le fondement de la faute et l’écarte.

[8] Pour des faits analogues, rapprocher de CE, sect., 8 mai 1970, n° 69324, Lebon.

[9] Voir encore : Cour d’appel de Chambéry, 2e chambre, 2 février 2023, n° 20/00425 ; CA Pau, 21 septembre 2016, n° 16/03503.

[10] TA Grenoble, 3e ch., 16 avr. 2024, n° 2100041, préc., par exemple, avec des stipulations mettant à la charge du fonds servant des obligations en termes d’entretien d’une dalle.

[11] CAA Lyon, 6e ch., 19 nov. 2020, n° 18LY04441 ; CAA Marseille, 5e ch. – formation à 3, 28 nov. 2014, n° 13MA00332.