Cyber-attaques d’entités publiques : Publication d’un rapport portant sur les activités associées au mode opératoire d’attaque « APT28 »

ANSII, Ciblage et compromission d’entités françaises au moyen du mode opératoire d’attaque APT28

 

L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) vient de publier un rapport portant sur les activités du mode opératoire d’attaque (MOA) « APT28 ». Ce mode opératoire est attribué publiquement par le ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères[1] à la Russie – il est décrit comme étant utilisé pour collecter des renseignements stratégiques contre diverses entités notamment en France dont plusieurs administrations et collectivités territoriales.

Les cyber-attaques associées à « APT28 » s’inscrivent évidemment dans le contexte de la guerre en Ukraine. Les techniques utilisées sont notamment l’hameçonnage et l’exploitation de vulnérabilités. Ils ciblent souvent des équipements informatiques peu supervisés pour réduire les risques de détection.

Ainsi, depuis 2021, « APT28 » a ciblé diverses organisations françaises, y compris des entités ministérielles, des collectivités territoriales, des secteurs de la défense, de l’aérospatial, de la recherche, et de la finance.

La Russie par le biais de son ambassade en France a fermement contesté son implication dans ces cyber-attaques[2].

Rappelons qu’en cas de cyber-attaques, le CERT-FR (Computer Emergency Response Team) porté par la Sous-Direction Opérations de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) peut porter assistance aux personnes morales de droit public[3]. Une page internet spécifique est mise à disposition contenant l’ensemble des coordonnées utiles afin de contacter rapidement l’ANSSI en cas d’incident[4] :

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[1] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/russie/evenements/evenements-de-l-annee-2025/article/russie-attribution-de-cyberattaques-contre-la-france-au-service-de

[2] Publication du 1er mai 2025 sur le site de l’Ambassade de Russie en France : « Commentaire de l’Ambassade de Russie en France à la suite du communiqué du Quai d’Orsay sur les cyberattaques présumées du service de renseignement militaire russe (GRU) contre la France »

[3] https://www.cert.ssi.gouv.fr/contact/

[4] https://cyber.gouv.fr/en-cas-dincident

Harmonisation du mode de scrutin aux élections municipales

Loi organique n° 2025-443 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité

 

Par deux lois – une loi ordinaire et une loi organique – du 21 mai 2025[1], le législateur a procédé à l’harmonisation entre communes du mode de scrutin aux élections municipales.

Pour rappel, jusque-là, le Code électoral distinguait les communes de moins de 1.000 habitants et celles de 1.000 habitants et plus :

Communes de moins de 1.000 habitants Communes de 1 000 habitants et plus
Articles L. 252 à L. 259 du Code électoral Articles L. 260 à L. 270 du Code électoral
Scrutin majoritaire à deux tours

Possibilité de candidature isolée ou groupée

Possibilité de panachage

Scrutin de liste à deux tours avec prime majoritaire

Chaque liste doit comprendre au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir, et au plus deux candidats supplémentaires

Pas d’adjonction, ni de suppression de nom et pas de modification de l’ordre de présentation

Chaque liste est constituée alternativement d’un candidat de chaque sexe

A compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux, soit lors des élections municipales de mars 2026[2], les communes de moins de 1.000 habitants éliront leur conseil municipal selon les mêmes modalités que les communes de 1.000 habitants et plus, soit au scrutin de liste à deux tours avec prime majoritaire, chaque liste devant être paritaire et le panachage étant interdit.

Ce faisant, l’objectif poursuivi est triple puisqu’il s’agit tout d’abord de remédier à l’absence de parité constatée au sein des conseils municipaux concernés ainsi qu’à la crise de l’engagement local, mais aussi d’éviter certains effets de seuil.

S’agissant de la crise de l’engagement local, il a été constaté que le panachage, qui permet d’adjoindre, de supprimer un nom, ou de modifier l’ordre de présentation des candidats, avait des effets pervers puisqu’il amenait à personnaliser l’élection plutôt que d’encourager un projet d’équipe et, de ce fait, à décourager de potentiels candidats, voire à délégitimer les élus qui auraient obtenu peu de voix.

S’agissant des effets de seuil, ils concernaient les communes dont la population oscille autour de 1.000 habitants et pouvaient, de ce fait, changer les modalités de vote d’un scrutin à l’autre.

Le législateur a néanmoins adapté le corpus de règles applicables aux communes de moins de 1.000 habitants afin de tenir compte de certaines spécificités et garantir le pluralisme.

Ainsi, sont prévus :

  • La possibilité de présenter une liste incomplète (article L. 252 du Code électoral)

La liste sera réputée complète si elle compte jusqu’à deux candidats de moins que l’effectif prévu à l’article L. 2121-2 du CGCT.

Communes Nombre de conseillers municipaux Nombre minimal de candidats par liste
Moins de 100 habitants 7 5
De 100 à 499 habitants 11 9
De 500 à 999 15 13

Si le nombre de sièges attribué à une liste est supérieur à son nombre de candidats, les sièges correspondants restent vacants (article L. 262 du Code électoral). Ils ne sont donc pas attribués à une autre liste adverse.

La possibilité pour les listes candidates, offerte au sein des communes de 1.000 habitants et plus par la loi n° 2018-51 du 31 janvier 2018 relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections, de comprendre deux candidats supplémentaires a néanmoins également été étendue aux communes de moins de 1.000 habitats.

 

  • Une dérogation au principe de complétude du conseil municipal (article L. 2121-2-1 du CGCT)

Cette dérogation est une conséquence de la possibilité de présenter une liste incomplète. En effet, si des sièges demeurent vacants du fait de l’insuffisance du nombre de candidats, il convient néanmoins de considérer le conseil municipal comme complet.

Ainsi, si elle existait déjà pour les communes de moins de 500 habitants, elle a été étendue aux autres communes de moins de 1.000 habitants. De sorte que le conseil municipal est réputé complet dès lors qu’il compte, à l’issue du renouvellement général du conseil municipal ou d’une élection complémentaire, au moins 5, 9 ou 13 membres, conformément au tableau ci-dessus.

 

  • Le maintien d’élections complémentaires (article L. 258 du Code électoral)

Lorsque le conseil municipal d’une commune de moins de 1.000 habitants a perdu le tiers ou plus de ses membres, ou s’il compte moins de cinq membres, ou lorsqu’il est nécessaire de compléter le conseil municipal avant l’élection d’un nouveau maire en application des articles L. 2122-8 et L. 2122-14 du CGCT, il est procédé à des élections complémentaires et non au renouvellement du conseil municipal, comme c’est le cas pour les communes de 1.000 habitants et plus (article L. 270 du Code électoral).

L’élection complémentaire se fait selon les mêmes modalités que lors du renouvellement général (article L. 258-1 du Code électoral).

 

  • Le maintien des modalités d’élection des conseillers communautaires (articles L. 273-11 et suivants du Code électoral et L. 5211-6 et suivants du CGCT)

Les conseillers communautaires demeureront désignés selon l’ordre du tableau et ne feront donc pas l’objet d’une élection concomitante à l’élection municipal. Le législateur a en effet estimé que le système de fléchage applicable aux communes de 1.000 habitants et plus serait trop contraignant ici.

Enfin, les modalités de désignation des adjoints ont également été harmonisées. L’article L. 2122-7-1 du CGCT est abrogé. Tous les adjoints seront donc élus au scrutin de liste, sans panachage ni vote préférentiel et chaque liste devant comprendre alternativement un candidat de chaque sexe, sur le fondement de l’article L. 2122-7-2 du CGCT.

En revanche, en cas de vacance dans les communes de moins de 1.000 habitants, le ou les adjoints seront désignés parmi les conseillers, sans tenir compte du sexe de ces derniers.

On relèvera que, s’il avait été envisagé d’assurer également la parité au sein de l’exécutif communautaire, cette éventualité a été supprimée au cours des travaux parlementaires.

Par une loi organique, le législateur a maintenu le champ de l’incompatibilité entre un mandat de député ou sénateur et plus d’un mandat local aux seules communes de 1.000 habitants et plus (article LO. 141 du Code électoral).

Le Conseil constitutionnel a, par deux décisions en date du 15 mai 2025, validé la conformité de ces deux lois – organique et ordinaire – à la Constitution (décisions n° 2025-882 DC et 2025-883 DC).

Il a, à cette occasion, notamment jugé que le législateur avait poursuivi un objectif d’intérêt général tendant à favoriser la cohésion d’équipe autour d’un projet politique et à remédier aux effets de seuils susmentionnés, et que l’équilibre entre pluralisme et droit d’éligibilité, d’une part, et égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives, d’autre part, avait été maintenu.

Il a également refusé d’identifier un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) tendant à imposer des règles électorales particulières pour les « petites » communes.

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[1] Loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité et loi organique n° 2025-443 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité

[2] Cette réforme déroge ainsi à la règle fixée par l’article L. 567 A du Code électoral selon laquelle « il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l’année qui précède le premier tour d’un scrutin ». Le législateur a néanmoins estimé que, en l’espèce, le temps serait suffisant pour permettre aux candidats de constituer leur liste, et pour informer les électeurs.

La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) publie son rapport d’activité 2024

Le 29 avril dernier, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a publié son rapport d’activité annuel, l’occasion de dresser le bilan du plan stratégique 2022-2024 et d’établir les perspectives du nouveau plan stratégique 2025-2028.

Pour rappel, les trois axes stratégiques du plan écoulé s’articulaient autour de la maîtrise et du respect des droits des personnes sur le terrain, la promotion du Règlement général de protection des données (RGPD) vis-à-vis des organismes susceptibles de traiter des données personnelles, et la priorité donnée aux actions de régulation sur des sujets à enjeux importants pour la vie privée.

L’année 2024 a donc été l’occasion de mettre en œuvre ces trois priorités.

En matière de maîtrise et de respect des droits des personnes sur le terrain. La CNIL a de nouveau démontré sa capacité à répondre aux sollicitations des particuliers en traitant davantage de plaintes qu’elle n’en a reçues [1].

En matière de promotion du RGPD, la CNIL a poursuivi sa mission de conseil à l’égard des organismes (entreprises, administrations etc.) en traitant près de 4.500 demandes de conseils et en produisant des guides, référentiels et recommandations, références en matière de bonnes pratiques dans le traitement des données. Le guide annuel sur la « Sécurité des données personnelles » [2] publié en 2024 constitue l’un de ces documents particulièrement précieux pour les organismes amenés à traiter des données personnelles.

En ce qui concerne les actions de régulation, la CNIL a diligenté 321 contrôles, adressé 180 mises en demeure de se conformer à la législation sur la protection des données et prononcé 87 sanctions représentant un montant total d’amende de plus de 55 millions d’euros. Elle fait ainsi mieux qu’en 2023, année au cours de laquelle elle avait déjà adressé 168 mises en demeure et prononcé 42 sanctions.

Les mises en demeures concernent notamment l’exercice par les individus de leurs droits en matière de données personnelles. Ainsi, la CNIL a mis en demeure des établissements de santé de donner accès aux patients à leur dossier informatisé, ou divers organismes afin de les enjoindre à permettre l’exercice, par les individus, de leurs droits en matière de données personnelles, notamment les droits d’opposition, à l’effacement des données, ou à l’accès aux données.

Par son bilan et grâce à l’ensemble des actions qu’elle a menées en 2024, la CNIL a pleinement assumé son rôle de garant de la protection des données personnelles, dans la continuité des actions engagées en 2023.

Enfin, le rapport 2024 a également permis à la CNIL de décliner ses engagements pour la nouvelle période du plan stratégique 2025-2028. L’autorité décline trois priorités, parmi lesquelles l’intelligence artificielle, la protection des plus jeunes et la cybersécurité. Elle souhaite ainsi engager dès les premiers mois de l’année 2025 des actions concrètes afin d’obtenir des effets immédiats sur les citoyens et les entreprises.

En ce sens, elle a sensibilisé, dès le mois d’avril 2025, les utilisateurs de Facebook et Instagram, à leur droit d’opposition en vue de l’exploitation prochaine de leurs données personnelles par la plateforme META afin d’entraîner son logiciel d’intelligence artificielle [3]. Elle a également lancé ses travaux et concertation au sujet du traitement algorithmique des images collectées par des caméras [4].

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[1] Données brutes CNIL 2024 : 15 639 plaintes traitées pour 15 350 plaintes reçues

[2] CNIL. 2024. « Guide sur la sécurité des données personnelles ».

[3] CNIL. 25 avril 2025. « IA : META entraînera ses systèmes d’IA avec les données des utilisateurs européens dès 2025 ».

[4] CNIL. 19 mars 2025. « Caméra augmentées pour vérifier l’âge en point de vente : la CNIL lance des travaux de concertation ».

Assurabilité des collectivités territoriales : un plan d’actions présenté par le Gouvernement

L’assurabilité des biens des collectivités locales et de leur groupement : état des lieux et perspectives, par Alain CHRETIEN, Maire de Vesoul

 

Depuis plusieurs années, les collectivités territoriales sont confrontées à une augmentation significative des risques de sinistres – catastrophes naturelles, violences urbaines, cyberattaques – et, par voie de conséquence, à des difficultés accrues pour s’assurer.

Dégradation des conditions financières proposées par les assureurs, appels d’offres infructueux, résiliations unilatérales par les titulaires de contrats d’assurance…

Ces difficultés ont été constatées de manière concordante au cours de travaux menés, d’une part, par la commission des finances du Sénat (« rapport Husson », mars 2024) et, d’autre part, à la demande du Gouvernement (« rapport Chrétien-Dagès », septembre 2024).

C’est pour y répondre que l’Etat, France Assureurs (fédération française de l’assurance) et les associations d’élus locaux se sont réunis au ministère des Collectivités Territoriales pour présenter, lors d’un séminaire intitulé le « Roquelaure de l’assurabilité » un plan national d’actions « PACT 25 », formalisé en une charte signée par les différentes parties prenantes.

L’objectif de ce plan d’actions est le suivant : « plus aucune collectivité territoriale en France ne doit se retrouver en situation involontaire de défaut d’assurance ».

Pour ce faire, le plan prévoit cinq axes, comprenant chacun une série d’engagements, certains étant concrets et opérationnels, d’autres relevant davantage de déclarations d’intention qui devront être précisées :

  1. « Apporter une aide immédiate aux collectivités en difficulté »

Ce premier axe comprend la création d’une cellule d’accompagnement et d’orientation pour les collectivités confrontées à des difficultés pour attribuer et/ou faire exécuter leurs contrats d’assurance, dénommée « CollectivAssur », placée auprès du Médiateur de l’assurance et financée par France Assureurs.

CollectivAssur aura pour mission de faire un diagnostic flash de la situation de la collectivité, puis de l’orienter soit vers un parcours « urgence » (conseils auprès d’un groupe d’intermédiaires ou, en cas de refus d’assurance sur une garantie obligatoire, saisine du bureau central de tarification), soit vers un parcours « sécurisation » (mise en relation avec les interlocuteurs nationaux ou locaux appropriés pour affiner le diagnostic (inventaire du patrimoine, cartographie des risques), élaborer des recommandations en matière de prévention et de protection).

CollectivAssur sera également chargée d’identifier et d’animer un réseau de référents au niveau national et départemental, au moyen de webinaires et de rencontres avec les acteurs à l’échelle départementale (préfectures, associations locales d’élus, référents France Assureurs, antennes des agences…).

Enfin, CollectivAssur aura une fonction d’observatoire, par la production d’un rapport annuel et une fonction d’alerte en cas de perturbations sur le marché assurantiel.

Il est prévu que cette cellule soit constituée d’ici fin juin 2025.

 

  1. « Proposer une offre assurantielle mieux adaptée »

Du côté du Gouvernement, quatre mesures ont été annoncées pour les prochains mois :

  • La mise à jour d’ici fin juin 2025 du guide pratique de passation des marchés publics d’assurances des collectivités locales, qui date de 2008,
  • Le soutien à l’inscription dans la loi d’un délai de prévenance de 6 mois que devront respecter les assureurs avant de pouvoir résilier leur contrat avec une collectivité territoriale, dans la continuité de la jurisprudence du Conseil d’Etat ayant consacré le droit d’une personne publique de s’opposer à la résiliation de son contrat d’assurance pour un motif d’intérêt général durant le temps nécessaire à la passation d’un nouveau contrat, dans la limite de douze mois (CE, 12 juillet 2023, Grand Port de Marseille, n° 469319).

Cette mesure est d’ores et déjà intégrée au projet de loi de simplification de la vie économique, adopté par le Sénat et en cours d’examen à l’Assemblée nationale ;

  • L’adoption d’un décret afin de plafonner le mécanisme de modulation à la hausse des franchises « cat nat » en fonction du nombre de reconnaissance au cours des 5 dernières années pour les biens implantés dans des communes dotées de plan de prévention des risques naturels (PPRN) ;
  • L’adoption d’un décret afin, d’une part, de corriger l’article D. 125-5-7 du Code des assurances de sorte que le montant de la franchise catastrophe naturelle ne soit plus obligatoirement aligné sur le montant de franchise le plus élevé figurant au contrat pour les mêmes biens et, d’autre part, que cette franchise soit plafonnée pour les petites communes et s’élève par défaut à une fraction du montant des dommages.

Cet axe prévoit également des engagements plus généraux à la charge des assureurs (faciliter la recherche de solutions pour les collectivités en difficulté, accentuer le dialogue dans l’élaboration des contrats) et des collectivités (améliorer la connaissance de leurs risques, mettre en place des mesures de prévention adéquates).

 

  1. « Faciliter la mobilisation des outils de la solidarité nationale »

Le Gouvernement s’est engagé à profiter des débats budgétaires pour 2026 pour réformer la dotation de solidarité (DSEC) en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques, en vue d’atteindre les objectifs suivants :

  • Assouplir et harmoniser la définition des biens non-assurables ;
  • Simplifier les modalités de calcul ;
  • Raccourcir les délais d’indemnisation ;
  • Réévaluer la notion de construction à l’iden­tique, dans une optique d’adaptation au chan­gement climatique.

Par ailleurs, une réflexion Etat-assureurs sur l’assurabilité du risque lié aux événements sociaux majeurs et imprévisibles a été annoncée, sans toutefois davantage de précision.

 

  1. « Mieux maîtriser la sinistralité en renforçant la prévention et s’appuyant sur la culture du risque »

Les parties prenantes ont exprimé des engagements généraux en matière de formation et de sensibilisation autour de la prévention et de la gestion des risques à destination des agents et des élus locaux, ainsi que sur la professionnalisation de la fonction de manager de risques/préventionniste, sans toutefois les adjoindre à ce stade de précisions sur les plans budgétaires et calendaires.

En outre, il a été annoncé que les collectivités allaient bénéficier de la mise à disposition de référentiels de prévention (site Géorisques, outil météorologique dédié aux collectivités Climadiag communes) ainsi que d’outils de diagnostics de vulnérabilité (Agirisk développé par le Cerema).

Par ailleurs, le Gouvernement et les assureurs se sont engagés à réévaluer la notion de construction à l’identique dans l’optique de l’effort d’adaptation aux risques.

Enfin, du côté des collectivités, on s’est engagé à mettre régulièrement à jour l’inventaire du patrimoine, de sorte à faciliter le calibrage des contrats d’assurance.

 

  1. « Mobiliser un réseau national et local »

Enfin, le plan prévoit sa propre diffusion au niveau local, notamment sous la forme de « comités locaux de l’assurabilité des collectivités » qui pourront être convoqués par les préfets en présence, notamment, des directeurs départementaux des finances publiques, des directeurs départementaux des territoires, des référents locaux de France assureurs et des associations des professionnels de l’assurance, des agences de l’État et des associations d’élus locaux.

Le Gouvernement va également constituer auprès de lui un groupe de contact national permanent afin d’observer les tendances du marché assurantiel, suivre la mise en œuvre de ce PACT 25 et formuler régulièrement des recommandations, en particulier en matière de réassurance des risques sociaux exceptionnels.

Les organes délibérants des collectivités territoriales peuvent émettre des vœux, y compris de nature politique et au-delà des domaines de compétence que la loi leur attribue, à condition qu’ils présentent un intérêt public local

Par une délibération du 11 juin 2020, le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a formulé, sous la forme d’un vœu à l’intention du Gouvernement, plusieurs souhaits relatifs à l’organisation, aux moyens et au fonctionnement de la police nationale, notamment en ce qui concerne la Seine-Saint-Denis.

 

D’une manière générale, le vœu consiste en l’expression d’une prise de position sur des sujets intéressant la vie locale. Cette possibilité découle, pour les conseils départementaux, de leur compétence pour régler les affaires du département, prévue à l’article L. 3211-1 du Code général des collectivités territoriales – CGCT[1].

Par principe, dans la mesure où il s’agit d’une simple prise de position de l’organe délibérant, le vœu ne constitue pas un acte faisant grief et n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir, même en raison de ses vices propres[2].

La seule exception à ce principe réside dans le déféré préfectoral, le juge administratif admettant que le préfet puisse déférer, conformément à l’article L. 3132-1 du CGCT, les vœux qu’il estime contraires à l’ordre public ou à la légalité[3].

C’est donc sur ce fondement que le préfet a formé un déféré contre la délibération du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

Si le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le déféré, la Cour administrative d’appel de Paris a, ensuite, annulé ce jugement ainsi que la délibération du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis. Elle a en effet considéré que, dans la mesure où la sécurité publique n’est pas un domaine de compétence que la loi a attribué au département, le conseil départemental n’était pas compétent pour adopter la délibération litigieuse.

Saisi en cassation par le Département, le Conseil d’Etat a d’abord relevé que l’article 58 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions a abrogé l’article L. 121-29 du Code des communes interdisant aux conseils municipaux d’émettre des vœux politiques, ainsi que celles du troisième alinéa de l’article 51 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux – devenus les conseils départementaux – interdisant à ces derniers d’émettre des vœux politiques et ne leur reconnaissant, explicitement, que la possibilité d’émettre des vœux sur toutes les questions économiques et d’administration générale.

Le Conseil d’Etat en a déduit que « le législateur doit être regardé comme ayant, implicitement mais nécessairement, reconnu la faculté, pour les organes délibérants des collectivités territoriales, de formuler des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention, y compris de nature politique, sans la restreindre aux domaines de compétence que la loi leur attribue, pourvu qu’ils portent sur des objets présentant un intérêt public local ».

De sorte que, en jugeant que le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis n’était pas compétent pour adopter la délibération contestée au motif que la sécurité publique n’est pas un domaine de compétence que la loi a attribué au département, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a alors estimé que dès lors que les questions relatives à l’organisation, aux moyens et au fonctionnement de la police nationale dans le département présentent un intérêt public local, le préfet n’était pas fondé à soutenir que la délibération contestée serait illégale.

Il a par ailleurs rappelé, avant de rejeter la requête du préfet, que la méconnaissance du principe de neutralité ne pouvait utilement être invoquée par ce dernier à l’encontre d’un vœu dont, on l’a dit, le législateur a entendu qu’il puisse revêtir un caractère politique.

Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la solution retenue par le Conseil d’Etat dans sa décision Département du Gers en date du 30 novembre 2009 (n° 308514), dans laquelle il avait déjà jugé qu’« il est loisible aux conseils généraux de prendre des délibérations qui se bornent à des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention ; que de telles délibérations peuvent porter sur des objets à caractère politique et sur des objets qui relèvent de la compétence d’autres personnes publiques, dès lors qu’ils présentent un intérêt départemental ».

La piqûre de rappel semblait néanmoins nécessaire.

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[1] CE, 30 décembre 2009, Département du Gers, n° 308514.

[2] CE, 29 décembre 1997, Sarl. Enlem, n° 157623.

[3] CE, 30 décembre 2009, Op. cit.

Proches d’une victime d’infraction : pouvez-vous être indemnisés par la CIVI (Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions pénales) ?

En cas d’auteur non identifié ou insolvable d’une infraction, ou en parallèle d’une procédure pénale en cours, une victime peut saisir la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions pénales (CIVI) afin d’être indemnisée de ses préjudices[1]. Mais qu’en est-il des proches de la victime, lorsque celle-ci a subi une atteinte grave des suites de cette infraction ?

Car bien souvent, le conjoint, les parents ou encore les enfants de la victime, appelés victimes par ricochet, subissent eux aussi de fortes répercussions à la suite des faits commis.

De manière indéniable, les proches de la victime souffrent en effet en premier lieu d’un préjudice dit « d’affection », qui correspond au préjudice moral subi au contact de la souffrance de la victime directe ou de son décès.

Parfois, ces victimes par ricochet ont de plus eu connaissance que leur proche se trouvait dans une situation de nature à porter atteinte à leur intégrité, tout en demeurant dans l’incertitude quant à son issue. Tel est le cas par exemple lors d’attentats. Elles subissent alors ce que l’on appelle un « préjudice d’attente et d’inquiétude ».

Ces préjudices ouvrent droit à indemnisation par la CIVI au titre de l’article 706-3 du Code de procédure pénale, dès lors que les conditions de saisine sont réunies – infraction caractérisée et entrant dans le champ d’application de cet article, faits commis sur le territoire national ou victime de nationalité française, absence de forclusion –.

On notera que la saisine de la CIVI est possible peu importe que la victime directe soit décédée ou non des suites de l’infraction, tant que la victime indirecte peut justifier d’un lien proche avec elle et d’un préjudice personnel et direct.

Le préjudice d’affection devra alors être apprécié in concreto, en fonction de chaque cas d’espèce, en prenant en considération notamment l’âge de la victime, le lien de parenté ou encore les circonstances du fait générateur du dommage et de son annonce.

Le préjudice d’attente et d’inquiétude devra quant à lui être réparé de façon distincte, autonome[2], là encore en fonction de chaque situation.

Mais dans certains cas, voire la plupart, les répercussions des faits sur le proche dépassent largement ces préjudices moraux liés à l’attachement affectif à la victime, et le décès, la souffrance ou le handicap de la victime directe entraînent chez lui un véritable bouleversement pathologique et des troubles psychologiques.

Les répercussions peuvent alors être constitutives de divers types de préjudices – souffrances endurées, déficit fonctionnel, préjudice sexuel, préjudice d’agrément, perte de revenus etc.

La Cour de cassation a ainsi eu l’occasion d’affirmer que le préjudice d’affection pouvait tout à fait se cumuler avec d’autres postes de préjudices[3], qui doivent alors tous donner lieu à indemnisation, conformément au principe de réparation intégrale du préjudice.

Pourtant, le Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI), fonds de solidarité finançant ces indemnisations, est particulièrement réticent à allouer aux victimes indirectes d’autres sommes que celles correspondant aux préjudices d’affection et d’attente et d’inquiétude.

Il s’oppose par conséquent également le plus souvent aux demandes d’expertise formulées par ces victimes indirectes, nécessaires à la caractérisation et à l’évaluation de l’ensemble de leurs préjudices.

La victime par ricochet se trouve ainsi contrainte d’apporter elle-même de nombreux justificatifs – pièces médicales, attestations de psychologue, justificatifs de pertes de revenus…– afin de convaincre la CIVI de trancher le différend en sa faveur et faire droit à sa demande d’expertise puis, in fine, à l’indemnisation de l’ensemble de ses préjudices.

C’est un frein majeur pour l’indemnisation des proches qui bien souvent n’ont pas suffisamment de justificatifs, trop concentrés sur les soins apportés à la victime directe ou n’ayant tout simplement pas le réflexe ou l’habitude de recourir à des psychologues ou médecins pour soigner leurs souffrances psychiques.

Une possibilité reste alors de consulter un médecin-conseil de leur choix afin d’obtenir un rapport médical, mais cette solution se heurte à deux difficultés : d’une part la victime indirecte devra alors avancer des frais dont elle ne pourra obtenir le remboursement que dans le cas où la CIVI ferait droit à la réparation de ses préjudices, et d’autre part dès lors qu’il s’agit d’une expertise non contradictoire[4], le rapport constitue une preuve comme une autre que la CIVI peut considérer comme non suffisamment objective et probante.

La tendance étant à une meilleure indemnisation des victimes d’infractions pénales, on peut espérer que la réparation des préjudices des victimes par ricochet sera de plus en plus facilitée et généralisée, mais rien n’est malheureusement encore acquis à ce jour et il est nécessaire de poursuivre le combat pour une indemnisation juste et entière de toutes les victimes.

Le Pôle Aide aux victimes du Cabinet Seban Avocats accompagne donc les proches de victimes dans ce combat favorisant ainsi une juste indemnisation.

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[1] Brève LAJ du 12/03/2025

[2] Ch. mixte, 25 mars 2022, n° 20-17.072

[3] Civ. 2e, 23 mars 2017, n° 16-13.350

[4] C’est-à-dire réalisée sans la présence du FGTI ou à tout le moins la possibilité pour lui de formuler des observations sur le pré-rapport établi avant le rapport d’expertise définitif

L’ADN de parentèle : une des clés de résolution des Cold Cases ?

L’ADN (Acide Désoxyribonucléique) est considéré comme l’élément de preuve incontournable dans la plupart des enquêtes criminelles et au cours d’un procès se sont bien souvent les éléments matériels qui vont emporter la conviction des jurés.

Cependant, dans certaines affaires, le profil génétique d’un suspect peut être mis en évidence sans que celui-ci ne puisse être identifié.

C’est notamment le cas lorsque le profil génétique découvert sur la scène de crime ne correspond à celui d’aucun suspect identifié par l’enquête et que ce dernier est inconnu des fichiers.

La recherche d’ADN en parentèle est une innovation scientifique qui a fait ses preuves dans la résolution des affaires criminelle.

 

Un peu d’histoire sur l’ADN et le FNAEG

L’ADN a été découvert en 1944 comme constituant un élément essentiel du matériel héréditaire. Il détermine toutes nos caractéristiques organiques, morphologiques et, parfois pathologiques. Il détermine notre identité et permet de différencier un individu d’un autre.

En 1952, Rosalind Franklin découvre la structure hélicoïdale (en double hélice) de l’ADN, travail qui sera spolié par James Watson et Francis Crick.

En 1984, le professeur Alec Jeffreys découvre ce que l’on appelle communément « l’empreinte génétique », qui allait être largement utilisée dans le domaine des recherches judiciaires.

 

Cependant, afin d’identifier des personnes grâce à une trace génétique laissée sur une scène de crime, il était nécessaire de créer un fichier

La loi du 17 juin 1998 a donc créé, à la suite des dysfonctionnements liés à l’affaire Guy GEORGES, le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG) comptait à la fin de l’année 2023 :

  • 4,1 millions d’empreintes individus (suspects ou condamnés);
  • 000 traces non identifiées (issues de scène de crime).

Chaque année plus 300.000 profils et près de 100.000 traces sont enregistrés en base.

Tout prélèvement issu d’une scène de crime (sang, salive, cheveux, cellule épithéliale, sperme ou tout autre matière biologique) est alors comparé avec les profils enregistrés au FNAEG afin d’obtenir une correspondance et ainsi de tenter d’identifier l’auteur de la trace.

Concernant la durée de conservation en base FNAEG, le décret n° 2021-1402 du 29 octobre 2021 a modulé la durée de conservation du fichier en fonction de la gravité des infractions (de 15 à 25 ans pour les suspects et de 25 à 40 ans pour les condamnés) – R. 53-14 Code de procédure pénale – et jusqu’à 40 ans pour les traces.

Dès lors que la trace ADN relevée sur la scène de crime n’a pas pu être identifiée par comparaison directe avec les millions de profils génétiques de la base FNAEG, ou via des bases de données génétiques étrangères accessibles eu égard aux accords internationaux (traité de Prüm, Interpol, accords bilatéraux), le magistrat saisi peut demander que soit recherché dans ce fichier, toutes les personnes qui pourraient être apparentées en ligne directe avec la personne inconnue (ascendants ou descendants directs).

C’est en 2011, dans le cadre du viol et du meurtre d’Elodie KULIK, dont les proches ont saisi le cabinet SEBAN Avocats, qu’un ancien expert de l’IRCGN et officier de gendarmerie, va proposer d’utiliser pour la première fois en France cette technique novatrice déjà utilisée dans d’autres pays.

Cet expert en génétique est parti d’un raisonnement simple :

Notre ADN étant constitué pour moitié de l’ADN appartenant à notre père et pour l’autre moitié appartenant à notre mère, l’idée a été de rechercher au FNAEG, tout individu partageant pour moitié l’une ou l’autre de ces parties d’ADN avec le profil génétique inconnu et de tenter de remonter ainsi jusqu’à la personne recherchée.

Cette idée novatrice repose toutefois sur la nécessité qu’un parent du meurtrier soit connu de la justice et que son profil génétique soit inscrit au FNAEG.

A l’issue, l’expert remettra une liste de candidats pouvant aller d’une dizaine à une plusieurs centaines, tous potentiellement en lien de famille avec le suspect recherché.

Selon ce nombre de candidats, il s’en suivra un travail d’enquête plus ou moins long afin que les enquêteurs puissent discriminer les différents profils et ne retenir que les plus pertinents.

Un véritable travail de généalogie leur permettra in fine de remonter jusqu’à la personne recherchée.

Cette technique a été utilisée pour la première en 2012, dans l’affaire Elodie KULIK (2002), où le profil ADN relevé sur la scène de crime, inconnu au FNAEG, va finalement être identifié à l’aide de cette recherche en parentalité.

C’est ainsi qu’il s’est avéré que la personne fichée au FNAEG était finalement le père biologique du suspect.

Malheureusement, son fils décédé en 2003 ne sera jamais poursuivi pour ce crime, mais son ADN prélevé après exhumation confirmera qu’il s’agissait bien de la personne recherchée.

 

Conclusion

Si aujourd’hui la recherche en parentèle évolue, jusqu’à s’étendre aux collatéraux (fratrie), la mise en œuvre de cette technique rend in fine l’exploitation des résultats très chronophage pour les enquêteurs, sans aucune certitude d’obtenir un résultat positif.

Une autre technique, celle de la généalogie génétique, qui permet d’identifier des cousins jusqu’au 6ème degré, est beaucoup performante mais pour l’heure impossible à mettre en œuvre grâce au FNAEG en l’absence de cadre légal.

Réseaux sociaux : la gestion par élu local de son compte personnel ne peut être contestée devant le juge administratif, contrairement au compte institutionnel de la collectivité

Par un intéressant avis contentieux rendu récemment, le Conseil d’État a apporté d’importantes précisions sur le régime juridique applicable aux comptes de réseaux sociaux tenus par des élus locaux.

Alors qu’il était saisi d’une demande tendant à l’annulation de la décision par laquelle le Maire de Lyon avait bloqué l’accès d’un internaute à son compte Twitter (désormais X), le Tribunal administratif de Lyon a, par un jugement avant dire droit[1], transmis au Conseil d’État une demande d’avis contentieux[2].

Plus précisément, le tribunal a soumis à l’examen de la Haute juridiction trois questions, à savoir, en substance :

  • Un compte personnel ouvert sur un réseau social, librement accessible au public, mais mentionnant la qualité d’élu titulaire d’un mandat exécutif local, relève-t-il de la compétence du juge administratif ?
  • Ce compte peut-il être qualifié comme participant au service public d’information assuré par la collectivité territoriale ?
  • En cas de réponse négative aux deux questions, l’incompétence de la juridiction administrative est-elle absolue ou peut-elle être remise en cause selon certaines circonstances, telles que la nature des contenus diffusés ?

 

1. Une distinction fondée sur la nature du compte

Le Conseil d’État répond en opérant d’abord une distinction importante tenant à la nature du compte considéré.

Il indique que le compte institutionnel ouvert sur un réseau social par une collectivité territoriale, géré par elle ou sous son contrôle, participe à la mission de service public de l’information locale prise en charge par cette collectivité.

En revanche, il précise qu’un compte ouvert sur un réseau social par une personne physique, diffusant un contenu sélectionné par cette personne sous sa responsabilité, ne peut, même si cette personne est investie d’un mandat local et que le compte fait apparaître sur le réseau social que son titulaire a la qualité d’élu local ou qu’il exerce un mandat exécutif au sein d’une collectivité territoriale, être considéré comme participant de la mission de service public de l’information locale assurée par cette collectivité.

On retiendra donc que :

  • Lorsqu’un compte est ouvert et géré par une collectivité territoriale ou sous son contrôle, il participe à la mission de service public d’information locale.
  • En revanche, un compte personnel, même tenu par un élu local et faisant état de ses fonctions, n’entre pas dans le champ du service public dès lors que son contenu est sélectionné et publié sous sa seule responsabilité.

Cette distinction opérée par le Conseil d’État l’a ensuite conduit à en tirer les conséquences du point de vue de la compétence juridictionnelle.

 

2. Les conséquences sur la compétence juridictionnelle

Il indique ainsi que la gestion d’un compte personnel d’élu, y compris les décisions de blocage d’utilisateurs, ne relève pas de la compétence du juge administratif. La juridiction administrative est donc incompétente pour connaître des litiges liés à ce type de compte.

On relèvera que le Conseil d’État a pris le soin de préciser que la nature des contenus diffusés ou relayés sur le compte est sans effet sur cette qualification : ce n’est donc ni la thématique ni le ton des publications qui importe, mais bien le caractère personnel du compte et l’absence de lien fonctionnel avec la collectivité. A contrario, il faut retenir que la gestion du compte institutionnel de la collectivité ressort bien de la compétence de la juridiction administrative.

En cela, l’avis rendu s’inscrit en cohérence avec la jurisprudence existante intéressant les comptes institutionnels dont disposent les pouvoirs publics sur les réseaux sociaux. On rappellera à cet égard que par un arrêt du 27 mars 2023, la Cour administrative d’appel de Paris avait déjà confirmé la compétence du juge administratif pour connaître d’un litige né du blocage d’un utilisateur par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (établissement public administratif) sur son compte Twitter, dès lors que ce compte participait à l’exercice de ses missions de service public[3].

En définitive, l’avis commenté fixe une ligne de partage claire entre communication institutionnelle, relevant de la compétence du juge administratif, et expression personnelle des élus, soumise au contrôle du juge judiciaire. Il contribue ainsi à sécuriser le régime juridique applicable à l’usage des réseaux sociaux par les responsables publics.

______

[1] TA Lyon, 10 décembre 2024, n° 2206874.

[2] Article L. 113-1 du Code de justice administrative.

[3] CAA Paris, 27 mars 2023, n° 21PA00815.

Indemnités de fonction : quelles conséquences pour l’annulation de la délibération fixant les indemnités des élus ?

Par un arrêt du 4 avril 2025 qui sera mentionné aux tables du recueil, le Conseil d’État apporté d’utiles précisions sur les conséquences qui s’attachent à l’annulation de la délibération fixant le montant des indemnités de fonction perçues par les élus.

Dans cette affaire, par un jugement devenu définitif du 3 juillet 2014, le Tribunal administratif de Versailles avait annulé, sur déféré du Préfet de l’Essonne, la délibération du 31 mars 2011 par laquelle le conseil municipal de la commune de Wissous avait fixé le montant brut mensuel des indemnités de fonction du maire, des sept adjoints et des dix conseillers municipaux bénéficiant d’une délégation de fonctions.

En 2016, la commune avait émis un titre exécutoire à l’encontre de l’ancien maire, pour recouvrer les indemnités perçues sur la base de cette délibération annulée. Ce titre a été annulé par un jugement du tribunal administratif du 25 octobre 2018.

L’appel de la commune a d’abord été rejeté en 2021, mais le Conseil d’État a annulé cette décision et renvoyé l’affaire. Statuant sur renvoi, la Cour administrative d’appel de Versailles avait, par un arrêt du 14 février 2023, jugé que l’annulation contentieuse de la délibération fixant le montant des indemnités de fonction des conseillers municipaux avait eu pour effet de faire revivre les délibérations antérieures des 2 avril et 19 mai 2008 auxquelles elle s’était substituée. Par suite, la Cour avait partiellement annulé le titre exécutoire, considérant que la commune ne pouvait réclamer que la différence entre les indemnités perçues et celles dues selon les délibérations antérieures de 2008.

 

1. La remise en vigueur de la précédente délibération adoptée après le dernier renouvellement du conseil si non retirée, abrogée ou annulée

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État estime dans sa décision qu’il résulte des dispositions de l’article L. 2123-20 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), « qui ne prescrivent l’adoption d’aucune nouvelle délibération fixant les indemnités des membres du conseil municipal sinon à l’occasion du renouvellement de ce conseil, qu’à moins qu’elle n’ait été elle-même adoptée expressément pour une durée limitée, toute délibération fixant de telles indemnités demeure en vigueur, aussi longtemps qu’elle n’a pas été retirée, abrogée ou annulée, jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal, sans que la circonstance que des changements aient été apportés à la liste des adjoints et conseillers municipaux bénéficiant d’une délégation de fonctions implique, par elle-même, que la délibération cesse de recevoir application ».

Partant, contrairement à ce que soutenait la commune requérante, les délibérations des 2 avril et 19 mai 2008, qui avaient été prises dans les trois mois suivant l’installation du conseil municipal à la suite des élections de mars 2008, ne trouvaient pas à s’appliquer pour cette seule année. Aussi, n’ayant pas été retirées, abrogées ou annulées, elles avaient vocation à rester en vigueur jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal. Dès lors, le Conseil d’État considère que les juges d’appel en avaient justement déduit que l’annulation de la délibération du 31 mars 2011 a avait eu pour effet de remettre en vigueur celles des 2 avril et 19 mai 2008.

 

2. Le sort des indemnités indûment perçues par les élus municipaux

Une fois ce raisonnement posé, les incidences sur le titre exécutoire émis – c’est-à-dire concrètement sur les sommes pouvant être réclamées par la collectivité aux élus – en découlent assez naturellement.

Confirmant l’arrêt d’appel, le Conseil d’État retient ainsi que le titre exécutoire en litige, correspondant à l’intégralité des indemnités perçues par le maire au cours de la période d’avril 2011 à avril 2014, était illégal en tant qu’il réclamait le remboursement d’une somme excédant la différence entre le montant des indemnités qu’il a perçues sur le fondement de la délibération annulée du 31 mars 2011 et celui des indemnités qu’il aurait perçues sur le fondement de la délibération du 2 avril 2008.

En clair, on retiendra donc que l’annulation d’une délibération illégale fixant le montant des indemnités de fonction n’entraîne pas l’obligation, pour les élus, de rembourser l’intégralité des sommes perçues. Seule la différence entre ce qui a été perçu et ce qui aurait dû l’être (sur la base de la dernière délibération valide, remise en vigueur par l’effet de l’annulation de celle s’y substituant) peut leur être réclamée. La collectivité ne peut pas émettre de titre exécutoire couvrant des montants supérieurs à cette différence.

Les principales annonces du « Roquelaure » de la simplification du 28 avril 2025

Le 28 avril 2025, le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen, a lancé le « Roquelaure de la simplification de l’action des collectivités ». Cette initiative, nommée d’après l’Hôtel de Roquelaure, siège du ministère, vise à alléger les contraintes pesant sur les collectivités territoriales.

A cette occasion, il a été rappelé que depuis 2009, 4.416 normes nationales ont été promulguées concernant les collectivités, soit une moyenne de 294 textes par an, entraînant un coût cumulé estimé à 14 milliards d’euros sur la période. Le Code général des collectivités territoriales a triplé de volume en 20 ans, et le Code de l’urbanisme a connu une augmentation de 44 % sur la même période.

Aussi et pour tenter d’y remédier, 12 premières mesures de simplification ont été annoncées ce 28 avril, issues du rapport du Maire de Charleville-Mézières, Boris Ravignon daté de 2024, de la seconde mission lui ayant été confiée en février 2025 et de la proposition de loi sur le statut de l’élu local d’ores et déjà votée par le Sénat.

Ces mesures sont articulées autour de trois axes : la gestion quotidienne des collectivités, l’exercice des compétences et la gouvernance locale.

En voici, la liste synthétique (dans l’ordre de présentation proposé par le dossier de presse diffusé sur le site internet du ministère) :

  • La fin du conflit d’intérêt public-public (à travers une réforme de l’article L. 432-12 du Code pénal) ;
  • L’extension du champ de la protection fonctionnelle octroyée par la collectivité aux élus, notamment en cas de violences verbales ou physiques ;
  • Le recentrage du contrôle de légalité en matière de ressources humaines, sur les actes à fort enjeu ;
  • La réduction des rapports obligatoires et des actes de gestion des ressources humaines contraignants ;
  • La réduction du nombre de délibérations obligatoires en matière de gestion des ressources humaines ;
  • La possibilité pour les élus de choisir librement la création ou non d’un Centre communal d’action sociale (CCAS) ou d’une caisse des écoles ;
  • La tenue en visioconférence possible des réunions des bureaux et des commissions des collectivités territoriales ;
  • La simplification du droit de l’urbanisme, notamment par l’allègement des obligations sur l’aménagement des bâtiments publics et la suppression de la caducité des SCOT ;
  • La priorisation des demandes d’installation de vidéosurveillance formulées par les maires auprès des commissions départementales en charge du traitement de ces dossiers ;
  • L’assouplissement des normes imposées aux collectivités en cas de montée en division d’un club sportif ;
  • La facilitation de la construction de logements dans des zones d’activités économiques ;
  • La fusion de certaines dotations de soutien à l’investissement.

Pour transformer les propositions évoquées en mesures réelles de changement, le gouvernement a annoncé agir par la voie réglementaire, lorsque ce sera possible et législative, dans un partenariat de confiance transpartisan. La perspective d’un texte de loi commun, incarnant cette ambition commune en faveur de la simplification, est envisagée.

D’ici là, nombreux sont ceux qui attendent, dès la fin du mois, l’examen annoncé de la proposition de loi sur le statut de l’élu local, par l’Assemblée nationale et notamment son article 18 ayant vocation à supprimer le conflit d’intérêt public-public. A suivre donc.

Fin de l’expérimentation des caméras algorithmiques dans l’espace public

Saisi par les députés de la constitutionnalité de la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, le Conseil constitutionnel a mis fin à l’expérimentation des traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de dispositifs de vidéoprotection à la seule fin d’assurer la sécurité de manifestations sportives, récréatives ou culturelles qui, par l’ampleur de leur fréquentation ou par leurs circonstances, sont particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes.

Introduite par la loi dite JOP du 19 mai 2023, l’expérimentation devait prendre fin au 31 mars 2025 après que le gouvernement avait remis son rapport d’évaluation de la mise en œuvre de l’expérimentation. Le rapport tant attendu a finalement été remis en janvier 2025 et a dressé un bilan contrasté de l’usage de cette technologie algorithmique en renvoyant aux instances politiques le soin de décider de sa pérennisation.

Plus qu’une pérennisation, finalement, c’est une prolongation du dispositif qui avait été retenue dans les mêmes termes et selon le cadre juridique que celui dessiné par l’article 10 de la loi JOP.

En effet, le législateur avait décidé de profiter de la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports pour prolonger le dispositif jusqu’au 1er mars 2027, soit presque deux années supplémentaires, avec la remise d’un rapport d’évaluation au 1ER décembre 2026.

Si cette prolongation a effectivement été intégrée dans la loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, le Conseil constitutionnel l’a lui censuré en ce que la disposition constitue indéniablement un cavalier législatif. En effet, le Conseil constitutionnel a considéré que cette prolongation ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions de l’article 9 de la proposition de la loi initiale qui visait à autoriser le recours à des logiciels de traitement de données non biométriques par les services de sécurité de la SNCF et de la RATP afin d’améliorer les temps de réponses aux réquisitions judiciaires. Les dispositions prolongeant l’expérimentation ne présentaient aucun autre lien, même indirect, avec les autres dispositions de la proposition de loi initiale.

La prolongation de cette expérimentation est donc censurée. Les traitements algorithmiques sur les images issues des dispositifs de vidéoprotection ont pris fin le 31 mars dernier. Si la volonté de poursuivre une telle expérimentation ou de valider sa pérennisation refait jour, une loi dédiée devrait être envisagée.

Réforme SAD (services autonomie à domicile) : comment préparer votre transition vers un SAD mixte ?

La réforme des services à domicile initiée par l’article 44 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 occupe depuis quelques mois les esprits des gestionnaires et des autorités que sont les ARS et les conseils départementaux. En effet, les différentes échéances prévues par la réforme arrivent bientôt à leur terme… pourtant sur le terrain, les gestionnaires ne sont pas encore prêts.

  • La création d’une seule catégorie de services, les services autonomie à domicile (SAD) : quel calendrier ?

Un petit rappel s’impose au vu de la légère « complexité » de la réforme : elle prévoit la transformation progressive des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) en une catégorie unique de structures, les services autonomie à domicile (SAD)[1]. L’objectif est d’inscrire tous les intervenants de l’aide et du soin à domicile dans une démarche de prise en charge globale, dans une « logique de parcours » face au constat d’un besoin accru de coordination autour de la personne âgée et en situation de handicap.

Le Code de l’action sociale et des familles distingue toutefois deux catégories de SAD :

  • les SAD dits « mixtes » qui dispensent de l’aide et de l’accompagnement et qui sont autorisés par l’ARS et le conseil départemental et
  • les SAD dits « non-mixtes » ou « aides » qui ne dispensent que de l’aide et qui sont autorisés par le conseil départemental.

Les ex-SAAD et SPASAD, réputés autorisés comme SAD non-mixtes pour la durée de leur autorisation, doivent, d’ici le 30 juin prochain, se mettre en conformité avec le cahier des charges des SAD annexé au décret n° 2023-608 du 13 juillet 2023 relatif aux services autonomie à domicile.

La situation des SSIAD est quelque peu différente. En effet, ces derniers doivent se transformer en SAD mixtes, c’est-à-dire en services proposant à la fois du soin et de l’aide pour les personnes accompagnées. Concrètement, les SSIAD doivent déposer une demande en vue de leur autorisation auprès de l’ARS et du conseil départemental, en qualité de SAD mixtes, d’ici le 31 décembre 2025. Précision et non des moindres : le SAD mixte doit être porté par une entité juridique unique.

Ainsi, les ex-SAAD et SPASAD et les SSIAD ne sont pas sur un pied d’égalité puisque ces premiers peuvent, eux, continuer à ne dispenser que des prestations d’aide et d’accompagnement (et constituer un SAD « aide » non mixte) à condition toutefois d’organiser une réponse aux besoins de soins des personnes avec d’autres services ou professionnels assurant une activité de soins à domicile, le cas échéant par le biais de conventions.

Cette transformation, qui impose aux SSIAD de se rapprocher d’un ex-SAAD[2], est ainsi obligatoire et non facultative, comme l’auraient souhaité (et l’espèrent intimement encore) de nombreux gestionnaires.

Et les conséquences en cas d’absence de demande d’autorisation de SAD mixte ne sont pas des moindres puisque, dans ce cas, l’autorisation de SSIAD devient caduque[3].

 

  • Quelles sont les difficultés sur le terrain ?

Sur le terrain, on constate que les SSIAD peinent à se regrouper dans une entité juridique unique avec un SAD. En effet, ils sont confrontés à plusieurs difficultés.

Tout d’abord, celle de faire coïncider les zones d’intervention des différents services dans le cadre de la constitution d’un SAD mixte, exigence imposée depuis le décret n° 2023-608 du 13 juillet 2023 relatif aux services autonomie à domicile. Cette exigence complexifie nettement les rapprochements et imposent des redécoupages des autorisations préexistantes qui nécessitent l’aval des autorités (réduction, augmentation, scission, etc.).

Ensuite, celle liée aux différences de statut des services existants (souvent privé lucratif ou non pour les SAAD gérés par des associations ou des sociétés commerciales et public pour les SSIAD souvent gérés par des CCAS ou ces CIAS) compliquant les rapprochements notamment en matière de ressources humaines, de transfert de patrimoine, etc.

Enfin, celle liée à toute restructuration, à savoir l’appréhension des structures et de leur équipe de voir leur organisation modifiée et leurs conditions de travail chamboulées.

Plus qu’une simple peur du changement, les gestionnaires craignent aussi une disparition forcée de leur structure, de leurs valeurs et de leur histoire sous couvert d’une entité juridique unique.

De leur côté, les conseils départementaux et les ARS tentent d’accompagner les services dans la mise en œuvre de cette réforme mais doivent faire face à la complexité de chaque situation qui dépasse leur champ de compétences.

 

  • Quels assouplissements est venue apporter la Loi Bien Vieillir ?

L’article 22 de la loi n° 2024-317 du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie (dite « Loi Bien Vieillir ») a prévu plusieurs aménagements, notamment concernant les délais imposés pour la mise en œuvre de cette réforme qui étaient trop courts pour créer des entités juridique uniques porteuses d’autorisation de SAD.

Si ces assouplissements ont permis aux gestionnaires de SSIAD de gagner du temps afin de constituer un SAD mixte, ils n’ont pas résolu les difficultés plus « structurelles » évoquées supra.

Les gestionnaires espèrent encore un nouveau report du délai, voire pour certains, un abandon pur et simple de la réforme par le législateur.

 

  • Quels modes de rapprochement « transitoires » peuvent être envisagés d’ici le 31 décembre 2025 pour permettre aux SSIAD de créer un SAD mixte ?

Ces options sont transitoires car elles leur permettent de créer un SAD mixte sans encore, à ce stade, créer d’entité juridique unique porteuse de l’autorisation :

  • La convention transitoire, qui permet, pour une durée de cinq ans maximum[4], de solliciter auprès de l’ARS et du conseil départemental l’autorisation de constituer un SAD dans le cadre d’une convention avec un ou plusieurs services déjà autorisés pour l’activité d’aide et d’accompagnement à domicile (un SAD mixte ou un SAD aide).
  • La création avec un SAD d’un groupement de coopération sociale ou médico-sociale (GCSMS) « exploitant », c’est-à-dire non-titulaire de l’autorisation de SAD mixte.

A l’issue du délai prévu par la convention transitoire ou la convention constitutive du GCSMS, le SAD doit être constitué sous la forme d’une entité juridique unique. A défaut, l’autorisation du SAD est réputée caduque.

Ces modes de rapprochement transitoires sont favorisés par les gestionnaires (surtout pour la convention transitoire qui permet à chaque service de conserver son indépendance), les épargnant de « fusionner » ou d’avoir à créer une nouvelle personne morale (le GCSMS) qui rajouterait une surcouche administrative potentiellement complexe à gérer.

Ces options posent toutefois plusieurs questions qui devront être réglées dans la convention notamment concernant les financements, les conditions de mise à disposition du personnel. Il conviendrait également d’anticiper le risque de rupture des relations par l’une des parties à la convention (ou le retrait d’un des membres du GCSMS). Surtout, cela n’épargnera aucunement les gestionnaires de se rapprocher définitivement du ou des services à l’issue du délai prévu par la convention.

 

  • Comment mettre en œuvre le rapprochement définitif ?

Comme leur nom l’indique, les solutions « transitoires » sont par nature… transitoires. A terme, c’est-à-dire à l’issue des cinq années de transition, l’autorisation de SAD mixte devra impérativement être portée par une entité juridique unique.

Pour cela, un rapprochement définitif sera nécessaire. La forme d’un tel rapprochement peut varier selon les profils des parties prenantes ainsi qu’en fonction du projet commun. En synthèse, le rapprochement prendra la forme soit d’une fusion ou d’un transfert d’activité soit de la création d’un GCSMS titulaire de l’autorisation.

Les régimes juridiques de ces modalités de rapprochement pourront varier en fonction des situations de chaque gestionnaire et du projet concerné.

  • Ainsi, s’agissant d’un transfert d’activité entre personnes privées constituées sous la forme associative, les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 et de son décret d’application devront être respectées, qui prévoient une transmission universelle de patrimoine. Au contraire, pour un rapprochement entre opérateurs publics ou entre opérateurs publics et opérateurs privés, les modalités de transfert doivent faire l’objet d’une convention précisant les conséquences de ce transfert sur les moyens matériels et patrimoniaux liés à l’activité cédée.
  • De la même manière, un GCSMS relèvera d’un régime de droit public ou de droit privé en fonction du régime de ses membres, ce qui aura un impact direct sur le régime du personnel, le régime de comptabilité ainsi que de l’éventuelle soumission du groupement au Code de la commande publique.

Une telle opération de rapprochement ne s’improvise donc pas et il est d’ailleurs fortement recommandé de mettre en place une feuille de route (ou un rétroplanning de diligences sur une durée raisonnable – en général sur une année).

Plusieurs questions se poseront alors : notamment, en cas de fusion-absorption, laquelle des deux entités sera absorbée ? Quelles seront implications concrètes du transfert du personnel en termes (maintien de la rémunération, du statut collectif, des missions et du statut) ?

Comme de nombreux gestionnaires semblent encore incertains sur le mode de rapprochement définitif à envisager, la conclusion d’une convention transitoire semble être alors une solution salutaire et préconisée pour s’assurer d’une demande d’autorisation unique d’ici le 31 décembre 2025.

Bien entendu, dans l’intervalle, ces gestionnaires auront pu apprendre à fonctionner de manière intégrée grâce à des conventions transitoires, ce qui facilitera peut-être un rapprochement définitif… même si cela n’est pas une certitude.

 

  • Quelles sont les autres conséquences d’un tel rapprochement ?

Cette réforme pose par ailleurs de nombreuses questions qui nécessitent des expertises variées.

  • Fusion des systèmes d’information et transfert des données à caractère personnel – Quelle que soit la formule retenue, la mise en œuvre définitive de la réforme nécessitera un transfert d’activité au profit d’un autre gestionnaire ou d’un GCSMS, ce qui n’est pas sans conséquences pratiques par exemple sur la gestion des systèmes d’information.

En effet, qui dit transfert d’activité dit transfert des outils numérique et des données personnelles. L’opération devra, à ce titre, appeler une prudence liée au respect des règles de protection des données à caractère personnel issues du RGPD. Il est donc recommandé aux gestionnaires d’effectuer un travail de vérification des bases légales de leurs traitements et de cartographie des données à transférer pour s’assurer de ne transférer que les données pertinentes. Ce sujet sera réglé soit dans la convention de transfert d’activité (appelé « traité de fusion », « protocole de transfert », « contrat de cession », « contrat d’apport », etc. en fonction de l’opération juridique réalisée) soit dans une convention dédiée au transfert de données. Se posera, enfin, la question des casquettes de chacun : responsable de traitement, uniques ou conjoints, ou sous-traitants ? Ce point pourra également être encadré contractuellement sous la forme d’un contrat de cotraitance ou de sous-traitance.

  • Transfert des biens immobiliers – Une autre question qui se posera en cas de transfert sera bien entendu le sort des contrats de bail en cours qui ne sont pas toujours transférés par l’effet d’une transmission universelle de patrimoine. Aussi, toutes les opérations de rapprochements n’entrainent pas toujours de transmission universelle de patrimoine, ce qui nécessitera de s’assurer contractuellement de la continuation des contrats en cours et tout spécialement des baux, même si on sait que s’agissant de services autonomie à domicile, la question se pose avec moins d’urgence.
  • Impacts RH – Selon que les gestionnaires soient de droit public ou de droit privé, les impacts liés au transfert des salariés ou des agents ne sera pas le même et impliquera des conséquences en droit social ou en droit de la fonction publique.
  • En conclusion, la réforme souffre d’un manque d’anticipation de part et d’autre

A quelques mois de la date butoir du 31 décembre 2025, on observe chez les gestionnaires un manque de préparation qui n’est pas que de leur fait. En effet, cette réforme a été amenée comme une réforme nécessaire et salutaire, ce qu’elle est probablement, toutefois, on observe en réalité qu’elle est particulièrement complexe à mettre en place, pour les raisons évoquées supra et aussi parce qu’elle implique de fortes contraintes liées au cahier des charges telles que par exemple l’obligation de faire coïncider les zones d’intervention.

Un report de cette date butoir ne semble cependant pas envisagé par les pouvoirs publics.

Sur tous ces sujets, le cabinet Seban & Associés accompagne ses clients dans la mise en œuvre de la réforme, que ce soit pour la mise en place d’une convention transitoire ou d’un rapprochement définitif ainsi que pour tous les sujets connexes qui se posent tels que la conclusion d’une convention de transfert de données personnelles et d’une convention de cotraitance.

Notre accompagnement, en lien avec nos partenaires dans les domaines financiers et organisationnels, porte également sur l’identification des avantages et inconvénients de chaque option.

Nous vous invitons, à cet égard, à vous inscrire à notre formation prévue le 5 juin prochain et qui traitera spécifiquement des modalités de rapprochements et de coopération dans le secteur médico-social dans le contexte de la réforme SAD.

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[1] Article L. 313-1-3 du Code de l’action sociale et des familles

[2] En effet, si la réforme prévoit que les SSIAD peuvent également créer une nouvelle activité, de nombreuses autorités ont indiqué qu’elles ne délivreront pas de nouvelles autorisations.

[3] A noter toutefois que, depuis la loi Bien vieillir du 8 avril 2024 et son article 22, en cas de rejet de la demande par l’ARS et du conseil départemental, le SSIAD reste autorisé pour son activité pour une durée maximale de 2 ans à compter de la notification de la décision de rejet. Cela doit lui permettre de bénéficier d’un délai supplémentaire pour améliorer son projet ou le faire évoluer. Après ce délai de 2 ans et à défaut de transformation en SAD mixte, l’ARS pourra mettre fin à l’autorisation du SSIAD sur le fondement de l’article L. 313-15 du CASF.

[4] Si le décret du 13 juillet 2023 prévoyait initialement un conventionnement pour une durée maximale de 3 ans, l’article 22 de la loi Bien vieillir est venu allonger ce délai à 5 ans.

Libéralisation des services de transport ferroviaire de voyageurs : pas d’engagement d’une procédure d’infraction contre la France par la Commission européenne

La Directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 modifiant la directive 2012/34/UE en ce qui concerne l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire a été adoptée en vue d’assurer l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs dans l’ensemble des états membres de l’Union européenne.

La France a procédé à la transposition de cette directive notamment par la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire laquelle avait pour principal objet de consacrer l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire en vue de contribuer « à la recherche d’une meilleure efficacité du système ferroviaire dans son ensemble, en diversifiant l’offre et en introduisant de nouveaux acteurs »[1].

Les modalités de cette ouverture à la concurrence ont été au cœur des débats puisque cette dernière ne peut réussir que si certaines conditions sont réunies. En effet, il est absolument indispensable de s’assurer que l’opérateur historique ne bénéficie pas d’un avantage concurrentiel et surtout que les barrières à l’entrée ne demeurent pas trop importantes. À défaut, l’arrivée de nouveaux opérateurs s’en trouverait compromise et la libéralisation bien qu’autorisée en droit ne serait pas effective de fait.

 

I. Les critiques à l’encontre des barrières à l’entrée dans le marché français des services de transport ferroviaire de voyageurs

Lors d’une table ronde sur l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire qui s’est déroulée le 29 janvier 2025 devant la Commission de l’aménagement du territoire et du développement[2], plusieurs concurrents avaient considéré qu’il existait des barrières à l’entrée sur le territoire national. Les représentants de Trenitalia, Transdev et Renfe avaient effectivement évoqué de nombreuses difficultés pour pénétrer le marché français dont notamment la lourdeur administrative, les difficultés pour obtenir des homologations du matériel roulant ou obtenir des certificats de sécurité.

En parallèle, plusieurs députés européens espagnols se sont inquiétés d’une absence de levée de telles barrières à l’entrée sur le marché français du transport ferroviaire et plus particulièrement de ce qu’ils estimaient être des coûts trop importants à l’entrée sur ledit marché ainsi qu’un manque de transparence de l’opérateur français historique, la SNCF. L’importance de ces obstacles se traduisant concrètement par des difficultés pour la « Renfe », la société nationale d’exploitation des chemins de fer espagnols, à pénétrer le marché français.

Un premier député européen espagnol, M. Jordi Cañas Pérez, avait alerté la Commission européenne de ces difficultés. En l’absence de réponse de cette dernière, un collègue parlementaire, M. Borja Giménez Larraz, a interrogé la Commission européenne par une question écrite du 7 janvier 2025[3] pour savoir si elle avait pris l’attache des autorités françaises pour s’assurer que la procédure de libéralisation du transport ferroviaire de voyageurs.

Ce même député européen souhaitait également que la Commission européenne l’informe des mesures qu’elle avait adoptées pour supprimer les barrières à l’entrée sur le marché français et faciliter son accès aux concurrents de SNCF Voyageurs. Enfin, il entendait savoir si la Commission européenne avait d’ores et déjà initié une procédure d’infraction à l’encontre de la France ou si elle envisageait d’en déposer une à brève échéance.

Pour rappel, lorsque la Commission européenne constate qu’un État membre ne respecte pas ou applique incorrectement les législations ou traités européens, elle peut engager la procédure « générale » d’infraction, également appelée procédure en manquement, prévue aux articles 258, 259 et 260 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à l’encontre de l’État en cause.

Lors de la phase précontentieuse, la Commission adresse à l’État concerné une lettre de mise en demeure identifiant les violations présumées et fixant un délai de réponse pour l’État. Si la réponse de l’État ne convainc pas la Commission, cette dernière peut alors discrétionnairement décider d’émettre un avis motivé par lequel elle enjoint à l’État de se conformer à ses obligations dans un délai qu’elle fixe. Si, à l’échéance de ce délai, l’État n’a pas pris les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement, la Commission peut alors saisir la Cour de justice de l’Union européenne.

 

II. L’entrée de nouveaux opérateurs témoigne de la progression dans la libéralisation du marché français en dépit de la persistance de barrières à l’entrée

Par une réponse du 27 mars 2025, le commissaire européen grec, M. Apóstolos Tzitzikóstas, a implicitement informé le député européen espagnol que la Commission européen n’avait pas engagé une telle procédure à l’encontre de l’État français et n’envisageait pas d’en introduire une.

Le commissaire européen a rappelé la législation en vigueur et notamment l’importance pour les États membres de se conformer au règlement d’exécution (UE) 2023/1695 de la Commission du 10 août 2023 relatif à la spécification technique d’interopérabilité concernant les sous-systèmes « contrôle-commande et signalisation » du système ferroviaire dans l’Union européenne.

En effet, une des principales barrières à l’entrée dans le secteur ferroviaire résulte du manque d’interopérabilité des réseaux et des difficultés qui en découlent, tout particulièrement pour les nouveaux opérateurs souhaitant exploiter des services à grande vitesse. Sur le marché français, ces opérateurs doivent concevoir des architectures de sécurité à bord de leurs trains qui soient adaptées au système ferroviaire français et qu’ils en assurent la mise en œuvre dans de bonnes conditions, en vue de l’obtention des autorisations requises pour circuler sur le réseau. Afin de permettre l’émergence d’un système ferroviaire européen pleinement interopérable entre les pays, les institutions européennes ont fixé un objectif de déploiement d’un système européen unifié de gestion du trafic ferroviaire, l’ERTMS, désigné sous le terme de « système de sécurité de classe A ».

À cet égard, comme le commissaire européen l’a souligné, la Commission européenne a rappelé à la France son obligation de partager les spécificités de son « système de sécurité de classe B », en ce compris son interface avec l’ERTMS précité, avec les nouveaux entrants et les fabricants de matériels roulants afin de leur permettre d’adapter leur matériel roulant au système français et de pouvoir y délivrer leurs services.

Enfin et surtout, après avoir reconnu la persistance de « difficultés considérables » pour pénétrer sur le marché français, le commissaire européen a indiqué que la Renfe et Trenitalia, soit les opérateurs nationaux espagnols et italiens, étaient parvenus à étendre leurs services de transports ferroviaires de voyageurs au-delà de leur frontière et à les proposer au sein du territoire français. En outre, il a souligné que de nouveaux opérateurs préparaient leur entrée sur le marché français ferroviaire.

Cette pénétration du marché français de nouveaux entrants est bien le signe qu’en dépit de la persistance de barrières à l’entrée audit marché, celles-ci ne sont pas pour autant insurmontables et de nature à faire obstacle à l’ouverture à la concurrence. Partant la Commission européenne n’entend pas, à date, introduire une procédure en manquement mais va veiller à la poursuite de l’abaissement des barrières à l’entrée et envisagera d’introduire de telles actions si les progrès se révèlent insuffisants.

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[1] M. Jean-Baptiste DJEBBARI, Rapport n° 851 fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.

[2]https://videos.senat.fr/video.4988374_6798143c51722.ferroviaire-voyageurs–ouverture-a-la-concurrence?timecode=5836000

[3] https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-10-2025-000037_EN.html.

PPA (Power purchase agreement) : publication du premier rapport de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sur les contrats directs d’achat d’électricité

Le 10 avril dernier, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié son premier rapport sur les contrats directs d’achat d’électricité (« Power purchase agreement » ou « PPA ») qui s’appuyait sur des données collectées, en 2023, auprès des signataires de ces contrats en France métropolitaine continentale. Ce rapport permet d’apporter un éclairage sur les caractéristiques des PPA et émet des recommandations visant à faciliter leur développement en France.

Cette collecte d’information lancée par la CRE avait pour objectif de mieux comprendre les modalités contractuelles encadrant les PPA afin d’aider les pouvoirs publics à définir d’éventuelles futures mesures législatives ou réglementaires. Elle visait également à renforcer le suivi, par les pouvoirs publics, du développement des installations de production à partir d’énergies renouvelables en France, et à identifier les grandes tendances contractuelles pour faciliter la diffusion de ce type de contrat. Enfin, elle avait pour but d’évaluer les « leviers d’évolution des dispositifs de soutien, en cohérence avec certaines « bonnes pratiques » identifiées sur les contrats privés ».

Pour rappel, les PPA sont des contrats d’approvisionnement en électricité renouvelable entre deux parties, un producteur et acheteur, sur une période donnée, en dehors de tout soutien public.

Ces contrats permettent de développer de nouvelles capacités de production d’énergies renouvelables sans mobiliser de fonds publics, tout en assurant aux acheteurs une sécurité d’approvisionnement et une meilleure prévisibilité des coûts de l’électricité.

Sur la base des données collectées en 2023, la CRE tire plusieurs enseignements sur les caractéristiques des PPA signés en France :

  • Le développement des PPA en France reste encore récent et demeure limité en matière de puissance et d’énergie contractualisées, en comparaison avec les pays voisins en Europe ;
  • Le développement des PPA a été principalement porté par la crise des prix de gros de l’énergie. En effet, la dynamique de conclusion de ces contrats s’est accélérée en 2022 et 2023, pendant la crise énergétique, et dans un contexte de prix de gros élevés ;
  • Les actifs faisant l’objet de PPA sont en majorité des installations photovoltaïques. Les acheteurs contractualisant des PPA sont principalement des grands consommateurs présentant des capacités financières robustes ;
  • Les actifs faisant l’objet de PPA sont comparables aux installations lauréates des appels d’offres publics ;
  • Les PPA sont très influencés par les contrats de soutien public. En effet, la durée moyenne des PPA (19 ans) est comparable à celle des contrats de soutien et demeure significativement supérieure à la moyenne constatée à l’échelle européenne. Toutefois, les PPA intègrent des clauses qui augmentent l’exposition des producteurs à certains risques.

Ainsi, et en se fondant sur ses observations, la CRE émet les recommandations suivantes à destination des pouvoirs publics, relatives au suivi du développement des PPA et aux dispositifs de soutien aux énergies renouvelables :

  • Fixer les puissances appelées dans les appels d’offres publics à un niveau inférieur aux objectifs annuels de la programmation pluriannuelle sur l’énergie (PPE) afin de libérer des capacités pour les PPA ;
  • Revoir certaines conditions d’éligibilité aux appels d’offres publics (par exemple en réduisant la puissance maximale des projets éligibles aux appels d’offres).
  • Ces mesures devraient impérativement s’accompagner d’un suivi régulier des PPA afin de garantir l’atteinte des objectifs fixés par la PPE ;
  • Imposer aux candidats à certains appels d’offres publics de valoriser une partie de leur production hors contrat de soutien ;
  • Transférer une part croissante des risques des contrats de soutien aux producteurs. A cet égard, la CRE propose de mieux encadrer les indemnités de résiliation anticipée des contrats de soutien, en dimensionnant les pénalités associées.

Enfin, la CRE souhaite mettre à jour régulièrement les constats et recommandations de cet observatoire. À cette fin, et afin d’affiner son analyse, elle recommande d’introduire dans le Code de l’énergie une obligation pour les signataires de PPA de déclarer ces contrats auprès de la CRE.

On peut souligner l’absence dans le rapport de références aux particularités rencontrées par les acheteurs publics concluant ce type de contrat, cette absence pouvant au moins en partie s’expliquer par le fait que les données collectées et analysées datent de 2023.

Filière de cogénération : pas d’obligation pour l’Etat de mettre en place et de maintenir un mécanisme de soutien tarifaire

Par un jugement rendu le 8 avril dernier, le Tribunal administratif de Lyon a jugé que le pouvoir réglementaire n’avait pas l’obligation de prévoir la mise en place d’un mécanisme de soutien tarifaire pour toutes les filières énergétiques, et en particulier celle de la cogénération.

Dans cette instance, la société requérante avait développé un projet d’une installation de cogénération d’électricité et de chaleur, destinée à être raccordée au réseau public de distribution d’énergie électrique et d’une puissance électrique de 1.200 kW.

Estimant voir subi des préjudices du fait de l’absence de mise en œuvre d’un mécanisme de soutien tarifaire pour la filière de cogénération, la société requérante avait saisi le Tribunal afin que l’Etat soit condamné à lui verser une somme de 1.995.000 euros à titre de réparation.

Elle soutenait notamment que la responsabilité de l’Etat devait être engagée du fait de sa carence à préciser les conditions d’attribution du complément de rémunération, prévu par l’article L. 314-18 du Code de l’énergie, en violation du principe d’égalité entre les différentes filières énergétiques.

Dans son jugement, le Tribunal relève d’abord qu’antérieurement à l’entrée en vigueur du décret du 21 août 2020 – supprimant l’éligibilité au complément de rémunération, pour la filière de cogénération – le pouvoir règlementaire avait bien fixé les conditions d’application de l’article L. 314-18 du Code de l’énergie, en ce qui concerne les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel.

En effet, il ressortait des dispositions de l’article D. 314-23 du Code de l’énergie que les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel, d’une puissance installée strictement inférieure à 1 mégawatt étaient éligibles au complément de rémunération.

Le Tribunal affirme également que les dispositions de l’article L. 314-1 du Code de l’énergie n’imposent pas au pouvoir règlementaire de prévoir la mise en place d’un mécanisme de complément de rémunération pour toutes les installations entrant dans le champ d’application de cet article.

Ensuite, en ce qui concerne la violation du principe d’égalité de traitement, le Tribunal souligne qu’il existe une différence de situation entre la filière de production d’électricité par cogénération et le secteur éolien ou photovoltaïque, au regard des objectifs de la programmation annuelle de l’énergie.

Par ailleurs, le tribunal a jugé que la modification de la règlementation et l’absence de rétablissement de soutien tarifaire au profit de la filière de cogénération ne méconnaissait pas le principe de confiance légitime et le droit au respect au bien dès lors que « […] ni l’espoir d’un tel maintien dans les conditions rappelées au point précédent ni la circonstance que la préfète de l’Ardèche a fait droit, le 22 juin 2016 et en lui délivrant le certificat correspondant, à sa demande formée le 24 mai précédent en vue de bénéficier du dispositif d’obligation d’achat d’électricité alors en vigueur ne suffisent pour regarder comme établie en l’espèce l’existence d’une espérance légitime dont la requérante aurait été privée »

Par conséquent, le tribunal considère que la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée et rejette la requête formée par la société.

Les images satellites : un nouveau mode de preuve en matière d’infractions environnementales

Le capitaine et l’armateur d’un navire ont été condamnés pour des rejets illicites de substances polluantes en mer détectés grâce à des images satellites.

Le 13 janvier 2021, l’Agence européenne de sécurité maritime (EMSA) signalait au Cross[1] une pollution par huile végétale repérée par satellite dans les eaux territoriales françaises. Grâce au système de suivi de navigation des navires, la nappe polluante — longue de plus de 14 km et large d’environ 1 km — était rattachée au navire Guardians, seul présent dans la zone au moment des faits.

Le 27 juillet 2022, le Tribunal judiciaire du Havre relaxait les prévenus, estimant que l’incertitude sur la dérive de la nappe ne permettait pas d’attribuer la responsabilité de la pollution au Guardians[2]. Les deux associations parties civiles Surfrider Foundation et France Nature Environnement, ainsi que le ministère public, faisaient appel de cette décision.

En décembre 2023, la Cour d’appel de Rouen ordonnait une expertise avant dire droit. Elle confiait au CEDRE[3] le soin de déterminer si la nappe détectée par satellite correspondait à un produit huileux pouvant être relié au Guardians. Par l’utilisation d’une simulation à rebours, l’experte avait pu identifier l’origine du rejet, concluant qu’il provenait du navire mis en cause.

Le 25 avril 2025, la Cour d’appel de Rouen, sur la base des images satellites, a condamné le capitaine et l’armateur du Guardians pour pollution marine.

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[1] Centre Régional Opération de Surveillance et de Sauvetage

[2] https://surfridereu.sharepoint.com/sites/communication/Documents%20partages/Forms/AllItems.aspx?id=%2Fsites%2Fcommunication%2FDocuments%20partages%2F4%5FTRANS%2FLEGAL%20ACTIONS%2FGUARDIANS%2F2023%2FRP%2FCP%2FJugement%20GUARDIANS%2Epdf&parent=%2Fsites%2Fcommunication%2FDocuments%20partages%2F4%5FTRANS%2FLEGAL%20ACTIONS%2FGUARDIANS%2F2023%2FRP%2FCP&p=true&ga=1

[3] Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux

Répartition annuelle des montants d’aides du Fonds d’Amortissement des Charges d’Électrification accordées aux autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité

Les montants des aides allouées au titre du programme principal et du programme spécial aux autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité (ci-après, AODE) ont été publiés.

Aux termes de l’article L. 322-6 du Code de l’énergie, les AODE ont la faculté de faire exécuter en tout ou partie à leur charge (c’est à dire sous leur maîtrise d’ouvrage), les travaux de premier établissement, d’extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution (le reste étant sous maîtrise d’ouvrage du gestionnaire de la distribution d’électricité).

Le financement de ces travaux peut être assuré par le versement d’aides, dans le cadre du Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (ci-après, le FACé).

L’article L. 2224-31 du Code général des collectivités territoriales prévoit que ces aides peuvent être perçues pour deux séries d’actions. D’une part, pour le financement de travaux sur les ouvrages ruraux du réseau public de distribution d’électricité (catégorie principale selon le décret n° 2024-1249 du 30 décembre 2024 relatif aux aides pour l’électrification rurale, que nous avions déjà commenté). D’autre part, pour la réalisation, dans les communes rurales, d’opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables et d’autres actions concourant à l’atteinte des objectifs de la politique énergétique (catégorie spéciale selon le décret précité).

L’arrêté en date du 28 mars 2025 ici commenté précise le montant des aides attribuées pour le programme principal et le programme spécial, et le détail de la répartition au sein des programmes. Il fixe ainsi respectivement le montant des aides pour chacun de ces programmes à 375,5 millions d’euros et 6,4 millions d’euros.

Le détail de la répartition est fixé comme suit :

Programme principal :

  • 183,6 M € pour la sous-catégorie « renforcement des réseaux » ;
  • 31 M € pour la sous-catégorie « extension des réseaux » ;
  • 41,2 M € pour la sous-catégorie « enfouissement des réseaux pour des raisons environnementales » ;
  • 81 M € pour la sous-catégorie « sécurisation des réseaux à fils nus » ;
  • 0,1 M € pour la sous-catégorie « lignes à très haute tension » ;
  • 37,8 M € pour la sous-catégorie « amélioration de la résilience des réseaux face aux aléas climatiques » ;
  • 0,8 M € pour le fonctionnement du compte d’affectation spéciale (CAS) ;

Programme spécial :

  • 0,4 M € pour la sous-catégorie « opérations de production décentralisée d’électricité renouvelable en sites isolés » ;
  • 0,7 M € pour la sous-catégorie « opérations de production décentralisée d’électricité renouvelable en zone non interconnectée » ;
  • 0,2 M € pour la sous-catégorie « maîtrise de la demande d’électricité » ;
  • 5,1 M € pour la sous-catégorie « opérations de transition énergétique et de développement de solutions innovantes permettant une gestion plus efficace du réseau électrique ».

Nouveau barème de raccordement au réseau public de distribution d’électricité de la société Enedis avant refonte annoncée au plus tard en 2026

Par une délibération du 17 avril 2025, la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) a approuvé le projet de barème de facturation des opérations de raccordement des utilisateurs aux réseaux publics de distribution adopté par la société Enedis.

Pour rappel, aux termes des articles L. 342-11 et suivants du Code de l’énergie, les barèmes de raccordement fixés par les gestionnaires de réseau public de distribution d’électricité sont soumis à la CRE pour avis.

Aux termes de la délibération de la CRE du 17 avril 2025, les nouveaux éléments de la nouvelle version du barème approuvés par la CRE sont les suivants :

  • La mise à jour des prix forfaitaires et des coefficients utilisés dans les formules de coûts simplifiées suivant l’indice INSEE IPC hors tabac, soit une hausse de 1,58 % des prix de l’ensemble des prestations facturées sur la base du barème de raccordement et à partir desquels sont établies les contributions aux raccordements facturées aux demandeurs ;

La CRE annonce par ailleurs une prochaine refonte des prix du barème au plus tard en 2026 et demande à Enedis, pour cette révision, « de procéder à un réexamen complet des prix du barème et d’étudier la pertinence d’introduire d’autres formules de coûts simplifiées ou forfaits pour améliorer la lisibilité et la transparence du barème de raccordement ».

Cette refonte devrait permettre à Enedis de tirer les conséquences de la concertation que le gestionnaire de réseau a réalisée s’agissant de son barème de raccordement mais dont les conclusions n’ont semble-t-il pas été mises en œuvre dans le barème ici approuvé. Le bilan de cette concertation sera publié par Enedis une fois le présent barème de raccordement entré en vigueur (soit à partir du 17 juillet 2025).

  • l’ajout d’un paragraphe visant à prendre en compte la délibération de la CRE du 18 décembre 2024 portant décision sur les modalités d’évolution de la puissance de raccordement électrique en soutirage des installations et les modalités d’indemnisation ;
  • l’ajout de nouveaux cas de raccordements spécifiques qui, du fait de leurs spécificités, sont facturés sur devis. Il s’agit de raccordements nécessitant des travaux particuliers (franchissement particulier, traversée de sols présentant des caractéristiques particulières, prescriptions spécifiques des gestionnaires de voirie, réglementations spécifiques ou prescriptions de l’administration).

Ce sont là des hypothèses très larges qui conduiront le gestionnaire de réseau à sortir des prix forfaitaires et à facturer sur devis. La refonte du barème de raccordement préconisée par la CRE pour améliorer la lisibilité et la transparence de celui-ci mériteraient sans doute que ces cas de facturation sur devis soient strictement limités.

La CRE approuve le barème proposé par la société Enedis en l’état, et dans l’attente donc de cette refonte du barème annoncée au plus tard en 2026. Les nouveaux barèmes de raccordement de la société Enedis entreront donc en vigueur le 17 juillet 2025.

Dissolution d’une société pour exploitation illégale d’une installation classée

Le Tribunal judiciaire de Cahors a condamné la société SIRTA du chef d’exploitation d’une installation classée (ICPE) sans autorisation, et ordonné la fermeture définitive et la dissolution de la société.                                                                     *

En 2021, la société SIRTA, spécialisée dans le traitement des déchets dangereux et non dangereux, faisait l’objet d’un premier contrôle par l’inspection des installations classées. À la suite de ce contrôle, après avoir constaté une pollution des sols résultant du traitement de déchets par la société, le préfet prenait un arrêté imposant la cessation de son activité et la remise en état du site.

Début 2022, un nouvel arrêté préfectoral était pris, mettant en demeure la société de régulariser sa situation administrative, après qu’un contrôle de la DREAL[1] ait révélé un dépassement des volumes de déchets déclarés. La même année, le préfet prenait un nouvel arrêté de mise en demeure en raison de la constatation du non-respect des prescriptions ministérielles, en l’espèce l’existence de traces d’huile sur le sol susceptibles de polluer des eaux souterraines et de la nappe phréatique.

En 2023, à la suite d’un contrôle ayant révélé de nombreux manquements à la réglementation ICPE, ainsi qu’au non-respect des mises en demeure précédemment notifiées, le préfet prenait six arrêtés portant respectivement sur la dépollution du site, la fermeture et la mise en sécurité, la suspension des activités, une nouvelle mise en demeure, le paiement d’une astreinte et une amende administrative

Saisi de ces faits, le Tribunal judiciaire de Cahors déclarait la société SIRTA coupable des délits d’exploitation sans autorisation et d’exploitation d’une ICPE en dépit d’une mesure de fermeture, et ordonnait d’une part, la fermeture définitive de la société et d’autre part, sa dissolution.

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[1] Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement

Un guide technique ayant valeur réglementaire pour le montage des dossiers CEE (Certificats d’économies d’énergie)

Guide technique pour le montage d’un dossier CEE dans le cadre d’une opération spécifique – version 2025

Le 25 avril 2025, l’ADEME a publié sa version 2025 du Guide technique pour le montage des dossiers CEE dans le cadre d’une opération spécifique.

Ce guide s’adresse aussi bien aux acteurs obligés du dispositif (article L. 221-1 du Code de l’énergie), aux acteurs éligibles (L. 2221-7 du Code de l’énergie) qu’à leurs mandataires (en pratique souvent titulaires de marché de travaux énergétiques au titre desquels ils se chargent de valoriser en CEE les ouvrages réalisés).

Il leur permet, une fois l’éligibilité de l’opération au CEE vérifiée, de monter le dossier administratif et technique de demande. A ce titre, figurent notamment dans ce guide un modèle d’attestation sur l’honneur (que doit obligatoirement comporter le dossier administratif de la demande) ainsi qu’un dossier technique type.

Au-delà d’être ainsi particulièrement utile, le guide technique de l’ADEME est contraignant.

L’arrêté du 18 avril 2025 donne en effet une valeur réglementaire à ce guide en introduisant un article 8-15 dans l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie :

« Art. 8-15. – Les opérations spécifiques pour les installations fixes respectent les dispositions du guide technique pour le montage d’un dossier CEE dans le cadre d’une opération spécifique (installations fixes), dans sa version d’avril 2025, mis à disposition sur le site internet du ministère chargé de l’énergie. »

On précisera que le guide technique de l’ADEME devra être appliqué aux opérations engagées à compter du 28 avril 2025 (lendemain de la publication dudit arrêt), et portant sur des installations fixes (bâtiments pour l’essentiel, exclusion faite par exemples de celles relatives à des véhicules ou bateaux).