Autoconsommation collective étendue : un nouveau critère de proximité géographique taillée sur mesure pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)

La Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) a pris une délibération sur un projet d’arrêté relatif au critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue.

Ce projet d’arrêté prévoit de créer un nouveau périmètre d’autoconsommation collective étendue et de modifier les seuils de puissances aujourd’hui fixés par l’arrêté du 21 novembre 2019 fixant le critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue.

Pour rappel, aux termes de l’article L. 315-2 du Code de l’énergie, une opération d’autoconsommation collective peut, d’une part, être menée au sein d’un même bâtiment (on parle alors d’autoconsommation collective simple) ou, d’autre part, relever de l’autoconsommation collective dite étendue, sous réserve de respecter les critères de proximité géographique et de puissance fixés par arrêté.

L’autoconsommation collective étendue peut couvrir différents périmètres : 2 kilomètres ou bien par dérogation 10 kilomètres, voire 20 kilomètres, sur autorisation ministérielle. Les conditions pour pouvoir bénéficier de la dérogation au critère de distance sont prévues par l’arrêté du 21 novembre 2019 fixant le critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue (voir notre brève présentant les conditions des dérogations existantes).

La délibération de la CRE ici commentée porte sur un projet d’arrêté ayant pour objet de créer un nouveau périmètre dérogatoire pour l’autoconsommation collective étendue et de modifier les seuils de puissance applicables à ces opérations.

En premier lieu, le projet d’arrêté objet de la délibération de la CRE prévoit de créer une nouvelle dérogation au critère de proximité géographique dédiée aux collectivités locales. Aux termes du projet d’arrêté, la nouvelle dérogation sera applicable à tout projet d’autoconsommation collective étendue respectant les critères suivants :

  • l’un des producteurs ou des consommateurs participants est une commune ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ;
  • l’ensemble des producteurs ou des consommateurs participant sont des organismes publics ou privés exerçant une mission de service public ou des sociétés d’économie mixtes locales mentionnées à l’article L. 1522-1 du Code général des collectivités territoriales ;
  • les points de soutirage et d’injection sont situés exclusivement dans le ressort géographique de la commune ou de l’EPCI à fiscalité propre participant au projet ou auquel adhèrent la ou les communes participant au projet ;
  • la puissance cumulée des installations de production est inférieure à 10 MW.

Ainsi, le projet d’arrêté consacre un nouveau périmètre d’autoconsommation collective étendue permettant aux participants à un opération d’être distants de plusieurs dizaines de kilomètres, pourvu qu’ils soient situés sur la même commune ou le même EPCI et que cette collectivité participe également à l’opération.

On s’interrogera toutefois sur la limitation de la dérogation aux EPCI à fiscalité propre plutôt qu’à tout EPCI et syndicat mixte.

En outre, cette dérogation est calibrée spécialement pour les acteurs publics ou parapublics dans la mesure où les participants à l’opération d’autoconsommation, autres que les communes et EPCI à fiscalité propre, ne peuvent être que des organismes publics ou privés exerçant une mission de service public, ou des sociétés d’économie mixtes locales.

La CRE accueille favorablement cette nouvelle dérogation avec certaines réserves. Rappelant les préconisations de ces précédentes délibérations soulignant que les opérations d’autoconsommation collective doivent garder une taille modeste, la CRE recommande :

  • qu’un critère de proximité soit tout de même fixé ;
  • que la puissance maximale soit rabaissée à 8 MW, de sorte que les projets conservent une taille modeste mais que les consommateurs participant puissent bénéficier de production éolienne de taille modérée.

En second lieu, le projet d’arrêté prévoit également une augmentation de 3 MW à 5 MW de la puissance cumulée maximale des installations de production au sein d’une opération d’autoconsommation collective sur le territoire métropolitain continental.

Toutefois, soulignant que « La capacité actuelle de 3 MW permet de garantir que les projets d’autoconsommation collective correspondent à des enjeux locaux », la CRE s’oppose à l’augmentation du seuil de puissance de 3 MW à 5 MW des installations de production.

La ministre en charge de l’Énergie n’est pas liée par la délibération de la CRE, reste que ces recommandations sont très fréquemment suivies. La publication prochaine de l’arrêté modifiant l’arrêté du 21 novembre 2019 fixant le critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue permettra de connaitre les conditions exactes d’application du nouveau périmètre dérogatoire de proximité géographique, enjeu local très attendu.

Ajustements des règles de calcul des résultats minimaux à respecter au titre de la Réglementation environnementale 2020 (RE2020)

Après trois années d’application, la réglementation environnementale des nouvelles constructions de bâtiments (« RE2020 ») a fait l’objet d’aménagements pour tenir compte des contraintes opérationnelles formulées par les acteurs de la construction, à l’occasion d’une concertation organisée par le ministère de la Transition Écologique.

Pour rappel, dans la poursuite des trois objectifs de sobriété énergétique, de limitation de l’impact carbone et d’amélioration du confort des bâtiments en cas de forte chaleur, l’article L. 171-1 du Code de la construction et de l’habitation (ci-après « CCH ») est venu fixer des résultats minimaux de performance que la construction et la rénovation de bâtiments doivent atteindre. Ces performances sont mesurées à l’aide d’indicateurs et de méthodes de calcul[1] notamment précisées par l’annexe de l’article R. 172-4 du même code et ont vocation à être renforcées graduellement tous les trois ans.

La première étape triennale du renforcement de ces performances énergétiques et environnementale aurait révélé des « situations particulières jugées trop contraignantes et pour lesquelles des ajustements mineurs des règles de calcul des normes à respecter sont nécessaires pour garantir la soutenabilité des exigences de la RE 2020 »[2]. En d’autres termes, si le bilan de la mise en œuvre de la RE2020 demeure satisfaisant, certaines obligations de résultat ont nécessité quelques assouplissements retranscrits dans le décret n° 2024-1258 du 30 décembre 2024 modifiant les exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiment en France métropolitaine dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2025.

Le décret modifie cinq niveaux d’exigence de performance énergétique et environnementale rappelés par la notice du décret : l’optimisation de la conception énergétique du bâti indépendamment des systèmes énergétiques mis en œuvre ; la limitation de la consommation d’énergie primaire, la limitation de l’impact sur le changement climatique associé à ces consommations ; la limitation de l’impact des composants du bâtiment sur le changement climatique ; la limitation des situations d’inconfort dans le bâtiment en période estivale.

Dans ce cadre, l’article 1er du décret vient modifier les dispositions de l’article R. 172-3 du CCH. Désormais, les constructions de bâtiments d’une surface inférieure à 50 m² et les extensions de bâtiments d’une surface inférieure à 150 m² peuvent faire l’objet d’exigences alternatives de performance en remplacement des résultats minimaux fixés par l’article R. 172-4 du CCH. Ces exigences pourront être fixées par arrêté des ministres en fonction des catégories de bâtiment.

L’article 2 du décret vient quant à lui modifier et assouplir les valeurs maximales ou la méthodologie de calcul des indicateurs prévus par l’annexe à l’article R. 172-4 du CCH – et qui permettent d’apprécier l’atteinte des résultats minimaux – notamment de certains des coefficients de modulation participant à leur calcul.

En outre, l’article 2 du décret introduit un nouveau coefficient Misurf_moy de modulation de la valeur maximum de l’indicateur Icconstruction_max – relatif à l’impact de la construction sur le changement climatique en lien avec les composants du bâtiment – selon la surface moyenne des logements. Il définit ainsi une modulation valable pour les logements collectifs inférieurs à 40m².

En outre, le ministère de la Transition Écologique a indiqué que certains des assouplissements des exigences de performance mis en œuvre par le décret ne concernent que des « typologies spécifiques » ou « atypiques » de constructions nouvelles. Surtout, il a précisé que les modifications du décret n’ont pas vocation à modifier l’ambition ou les grands équilibres de la RE2020.

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[1] A ce sujet, voir notre analyse de la décision du Conseil d’Etat en date du 29 mars 2022, Association La Filière Béton, Fédération française des tuiles et briques et autre, n° 457143

[2]  Conseil national de l’évaluation des normes, délibération n° 24-11-07-03460, à propos du projet de décret modifiant les exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiment en France métropolitaine

Prolongement des conditions d’accès à MaPrimeRénov’ en 2025

Arrêté du 4 décembre 2024 modifiant l’arrêté du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique

 

Afin de poursuivre et favoriser le recours au dispositif MaPrimeRénov’ pour le financement des travaux de rénovation énergétique des logements, le décret n° 2024-1143 du 4 décembre 2024 est venu prolonger d’un an, jusqu’au 31 décembre 2025, certaines conditions d’éligibilité qui avaient été assouplies par le décret n° 2024-249 du 21 mars 2024.

Sont ainsi prolongés d’un an en vertu des articles 1 et 2 du décret :

  • l’accès au parcours par geste pour les maisons individuelles classées « F » et « G » en France métropolitaine : à compter du 1er janvier 2026, il ne sera donc plus possible de recourir au dispositif MaPrimeRénov’ pour la rénovation énergétique de ces logements ;
  • la dispense de l’obligation de réaliser un geste de chauffage éligible à la prime pour accéder au parcours par geste: ce ne sera donc qu’à partir du 1er janvier 2026 que les propriétaires auront l’obligation de changer d’équipement de chauffage ou de production d’eau chaude pour recourir au dispositif MaPrimeRénov’.

Dans le même but, l’arrêté du 4 décembre 2024 reporte au 1er janvier 2026 l’obligation de fournir un diagnostic de performance énergétique pour toute demande de prime de transition énergétique par geste en France métropolitaine.

A noter toutefois que l’arrêté précité opère une baisse des avances de fonds fournies aux ménages sur le montant prévisionnel des travaux. Sont ainsi diminués :

  • de 70 % à 50 % le niveau maximum des avances délivrées aux ménages aux ressources « très modestes » dans le cadre de la prime de transition énergétique par geste ;
  • le taux d’aide du « Parcours Accompagné » – autrement dit dans le cadre de l’accompagnement par un opérateur agréé au titre de l’article L. 232-3 du Code de l’énergie – des ménages aux ressources supérieures de 30 % à 10 % pour les projets permettant un gain de 2 classes au DPE, de 35 % à 15 % pour les projets permettant un gain de 3 classes, et 35 % à 20 % pour les projets permettant un gain de 4 classes ou plus ;
  • de 30 % en moyenne les forfaits relatifs à l’installation d’équipements fonctionnant au bois ou autres biomasses ;

Pour finir, le texte précise la définition de la dépense éligible au dispositif MaPrimeRénov’, qui correspond au coût des travaux ou prestations de rénovation énergétique et au coût induits par ces derniers.

L’ensemble de ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2025 et s’appliquent aux demandes de primes déposées à compter de cette même date.

Toutefois, en dépit de la prolongation en 2025 du dispositif MaPrimeRénov’ dans les conditions identiques à celles prévues en 2024, relevons que la ministre du Logement a précisé le 9 janvier dernier que tant que le budget 2025 « n’est pas voté, les délais de paiement de MaPrimeRénov’ […] vont être rallongés pour tous les dossiers qui n’ont pas été instruits avant le 1ᵉʳ janvier 2025 ».

Travaux à proximité des réseaux : modifications de plusieurs textes réglementaires

Par un arrêté du 23 décembre 2024 portant modification de plusieurs arrêtés relatifs à l’exécution de travaux à proximité des réseaux plusieurs textes réglementaires afférents à ces travaux ont été amendés, à savoir :

  • L’ arrêté du 22 décembre 2010 fixant les modalités de fonctionnement du guichet unique prévu à l’article L. 554-2 du Code de l’environnement et à l’article L. 50 du code des postes et des communications électroniques
  • L’arrêté du 23 décembre 2010modifié relatif aux obligations des exploitants d’ouvrages et des prestataires d’aide envers le téléservice « reseaux-et-canalisations.gouv.fr »
  • L’arrêté du 19 février 2013 encadrant la certification des prestataires en géoréférencement et en détection des réseaux et mettant à jour des fonctionnalités du téléservice « reseaux-et-canalisations.gouv.fr »

L’arrêté du 23 décembre 2024 a été adopté dans le prolongement du Décret n° 2024-1022 du 13 novembre 2024 portant diverses mesures relatives à la sécurité des réseaux, des canalisations de transport ou de distribution de gaz, d’hydrocarbures ou de produits chimiques et de certains équipements à risques entré en vigueur le 1er janvier 2025.

Le texte met à jour les fonctionnalités du guichet unique relatif à l’exécution de travaux à proximité des réseaux, afin notamment de permettre un accès à certaines informations pour les autorités publiques locales compétentes pour l’établissement et la mise à jour des fonds de plan employés pour la transmission des données de localisation des ouvrages.

L’arrêté intègre également les évolutions afférentes au traitement des ouvrages abandonnés.

Les nouvelles dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2025, à l’exception des dispositions relatives à la réalisation des audits auprès des entités disposant du certificat « prestataire en localisation des réseaux », qui entrent en vigueur le 1er avril 2025.

Précisions de la Commission de Régulation de l’Énergie sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité des sites de plus de 36 kVA

La loi n° 2024-330 du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe Électricité de France (EDF) d’un démembrement a élargi l’éligibilité des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) à compter du 1er février 2025 en supprimant le plafond de 36 kVA pour la puissance souscrite des sites.

De ce fait, tous les consommateurs résidentiels, les très petites entreprises (ci-après « TPE ») et les petites collectivités pourront donc souscrire un tarif réglementé auprès du fournisseur historique de leur zone de desserte, sans contrainte de puissance.

La délibération de la Commission de Régulation de l’Energie du 21 novembre 2024, ici commentée, a pour objet d’exposer la synthèse des réponses à la consultation publique conduite entre juillet et septembre 2024 sur les modalités d’établissement des TRVE pour ces sites souscrivant des puissances supérieures à 36 kVA et de communiquer les orientations de la CRE sur la méthode de construction des TRVE pour lesdits sites. Ces orientations concernent les choix des profils pour l’année 2025, des postes horosaisonniers pour les tarifs jaunes et verts, de la référence pour les coûts commerciaux, de lissage de la capacité, de prise en compte du TURPE.

Pour rappel, les TRVE sont construits à partir d’un « empilement » de coûts représentatifs de l’activité de fourniture d’un fournisseur s’approvisionnant sur les marchés de gros.

La CRE précise qu’elle effectuera un premier retour d’expérience de la mise en place des TRVE pour les sites supérieurs à 36 kVA avant le mouvement tarifaire de début 2026.

Dispositif de financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (Facé) : publication d’un décret modifiant les règles d’attribution et de gestion du dispositif

Le décret n° 2024-1249 du 30 décembre 2024 relatif aux aides pour l’électrification rurale a été publié au Journal officiel du 31 décembre 2024, et vient remplacer le précédent décret relatif à ce sujet (décret n° 2020-1561 du 10 décembre 2020).

Le décret du 30 décembre 2024 affiche l’objectif de faire évoluer les règles d’attribution et de gestion du dispositif de « financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (Facé) « en vue de rechercher une plus grande performance du dispositif et notamment une dynamisation de ses aides pour faciliter l’accueil de la transition énergétique sur les réseaux publics de distribution d’électricité ».

Parmi les principales évolutions issues de ce décret, on peut mentionner les éléments suivants.

Tout d’abord, le décret apporte des modifications aux catégories de travaux pouvant faire l’objet d’une subvention (le terme de catégorie se substitue à celui de « programme »), afin de s’adapter aux évolutions du réseau et centrer les aides sur les énergies renouvelables, ainsi aux termes de l’article 1er :

  • La pose en façade des réseaux n’est plus couverte par le dispositif,
  • L’enfouissement des réseaux est inclus lorsqu’il est fait pour des raisons environnementales et non plus esthétiques comme prévu précédemment.
  • L’enfouissement de réseaux n’est plus couvert par défaut, en revanche, la sécurisation des réseaux à fils nus et les travaux sur lignes à très haute tension le sont.
  • Le renforcement anticipé de départs de réseaux endommagés par les intempéries est quant à lui remplacé par l’amélioration de la résilience des réseaux face aux aléas climatiques.
  • Enfin, le décret prévoit que les opérations de production décentralisée en sites isolés ou en zone non interconnectée ne seront désormais couvertes que si elles utilisent des sources d’électricité renouvelable.

Ensuite, le décret modifie le mécanisme prévoyant la possibilité d’attribuer des aides pour des travaux réalisés sur des territoires en principe non éligibles puisque l’article 2 V du décret prévoit la possibilité d’accorder des aides à des travaux ne répondant pas aux critères d’attributions (nombre d’habitants de la commune ou localisation géographique) dès lors que ces derniers :

  • Font partie d’une opération se déroulant partiellement sur le territoire d’une commune éligible au dispositif Facé ;
  • Sont indispensables à la bonne fin de l’ensemble de l’opération ;
  • Et que le gestionnaire du réseau de distribution d’électricité a été saisi préalablement et ne s’est pas opposé à l’attribution de l’aide.

Les motifs liés à l’isolement, au caractère dispersé de leur habitat ou de leur densité de population qui existaient précédemment ne sont pas maintenus (article 2 2° du décret du 10 décembre 2020 désormais abrogé).

Le décret précise désormais à son article 3 que les aides ne pourront servir à couvrir des dépenses foncières, limite qui ne figurait pas dans le décret antérieur.

Enfin, le décret cherche également à laisser plus de largesse au ministre chargé de l’Énergie dans l’attribution des aides afin que ce dernier puisse inciter les autorités organisatrices du réseau de distribution d’électricité à se diriger vers un mode de gestion se voulant plus efficace et à un meilleur usage de la subvention accordée.

Aussi, le décret prévoit à son article 3 – pour certaines sous-catégories de travaux (renforcement, extension et enfouissement des réseaux ainsi que sécurisation des réseaux à fils nus) – que le ministre chargé de l’Énergie puisse minorer ou majorer la dotation départementale en fonction du degré de réalisation de l’objectif de regroupement de la maîtrise d’ouvrage des réseaux publics de distribution d’électricité au niveau du département.

Dans le même esprit, l’article 6 du décret autorise désormais le ministre à se fonder sur le fait qu’une subvention précédemment accordée ait fait l’objet d’une demande de remboursement pour réduire le montant des dotations accordées dans le futur au même bénéficiaire.

Certificat d’Économie d’֤Énergie : le Conseil d’État précise le pouvoir de sanction du ministre chargé de l’Énergie

CE, 20 décembre 2024, n° 475348

Le Conseil d’État est venu apporter des précisions sur le pouvoir de sanction dont dispose le ministre chargé de l’Énergie en matière de certificat d’économie d’énergie (CEE) dans deux arrêts rendus le 20 décembre 2024.

Tout d’abord, dans un premier contentieux, la société requérante demandait au Conseil d’État d’annuler la décision par laquelle le ministre de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires l’avait notamment sanctionné par l’annulation de certains de ses certificats d’économies d’énergies (ci-après CEE).

A l’appui de cette demande, la société soulevait une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC), arguant que le 3° de l’article L. 222-2 du Code de l’énergie, qui donne pouvoir au ministre chargé de l’Énergie pour sanctionner toute personne ayant indument bénéficié de CEE par leur annulation, méconnaîtrait l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 garantissant le principe de l’individualisation des peines.

En effet, la société considérait que les dispositions du Code de l’énergie ne permettaient pas au ministre de moduler le volume des CEE annulés en fonction de la gravité du manquement commis et de la situation de l’individu sanctionné.

Rappelons que la saisine du Conseil constitutionnel via une QPC est soumise à un contrôle préalable du Conseil d’État qui doit vérifier que la disposition législative faisant l’objet de la question est bien applicable au litige et que la question posée présente un caractère nouveau et sérieux.

En l’espèce, par l’arrêt en date du 20 décembre 2024, n° 496114, ici commenté, le Conseil d’État refuse de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel, en considérant que cette dernière n’est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.

En effet, le Conseil d’État rappelle les éléments suivants :

  • Le principe d’individualisation des peines ne s’oppose pas au fait que le législateur fixe les sanctions réprimant certains manquements et n’implique pas que la peine soit exclusivement déterminée sur la base de la personnalité de l’auteur de l’infraction.
  • Les dispositions du Code de l’énergie prévoient un éventail de sanctions suffisamment large pour permettre au ministre chargé de l’Énergie de prononcer une sanction qui soit modulée en fonction de la gravité du manquement et des circonstances de l’espèce.
  • Concernant les dispositions relatives à l’annulation des CEE, elles prévoient une sanction proportionnée au manquement – annulation du même nombre de CEE que ceux qui n’auraient pas dû être délivrés – et permettent donc déjà un traitement individualisé des peines.
  • Quoi qu’il en soit, le juge administratif, dès lors qu’il est saisi d’une décision de sanction prononcée par le ministre chargé de l’Énergie, peut modifier la sanction du ministre dans l’hypothèse où l’application des dispositions du Code de l’énergie amènerait à ce que cette dernière soit disproportionnée au cas individuel de la personne sanctionnée.

La société affirmait également que la sanction d’annulation des CEE constituait une violation du droit de propriété protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en tant que ladite sanction porte sur d’autres certificats d’économies d’énergie que ceux concernés par le manquement, alors que ces certificats ont été délivrés au terme d’opérations conformes. Le Conseil d’État réfute également ce raisonnement, en considérant que le droit de propriété n’est pas opposable à une disposition prévoyant une sanction ayant le caractère d’une punition.

La QPC déposée par la société Hellio Solutions ne passe donc pas le filtre du Conseil d’État.

Ensuite, par un arrêt du 20 décembre 2024, n° 475348, le Conseil d’État a fait usage de son pouvoir de modification des sanctions prononcées par le ministre chargé de l’Énergie. Ce n’est toutefois pas sur le fondement d’une disproportion de la sanction que le juge est intervenu, mais en raison d’un manquement au principe du contradictoire survenu au cours de la procédure de sanction (laquelle est soumise au respect dudit principe, cf. article L. 222-5 du Code de l’énergie).

En effet, le ministre chargé de l’Énergie avait modifié les motifs de sa décision de sanction sans laisser l’occasion à la personne sanctionnée du fait de la non-conformité des opérations réalisées, de répondre à ces nouveaux griefs.

La décision de sanction est donc annulée dans cette mesure.

La légalité du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne

TA d’Orléans, 16 décembre 2024, n° 2203289

TA d’Orléans, 16 décembre 2024, n° 2300959

TA d’Orléans, 16 décembre 2024, n° 2203432

TA d’Orléans, 16 décembre 2024, n° 2201835

Le Tribunal administratif d’Orléans, dans cinq décisions en date du 16 décembre 2024, s’est prononcé sur la légalité du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire-Bretagne pour la période 2022-2027.

D’abord, dans les affaires relatives au Groupement des exploitants de carrières du département de la Loire et autres (affaire n° 2201938) et au Syndicat de valorisation et de promotion des étangs de Poitou-Charentes Vendée (affaire n° 2203289), le tribunal a rappelé l’absence de caractère prescriptif des dispositions du SDAGE, qui doit se borner à fixer des orientations avec lesquelles les autres documents et décisions intervenant dans le domaine de l’eau doivent seulement être compatibles. Il a ainsi annulé certaines dispositions du document ayant une portée réglementaire et impérative, instaurant non pas un simple rapport de compatibilité mais de conformité entre ce schéma d’une part et ces documents et décisions d’autre part.

Le tribunal a, en revanche, rejeté les requêtes de la Fédération françaises des associations de sauvegarde des moulins (affaire n° 2300959) et celle de syndicats d’exploitants agricoles (affaire n° 2203432) dans lesquels étaient en cause la préservation de l’usage de l’eau pour la production hydro-électrique et pour l’irrigation.

Il a, d’une part, considéré que les orientations prises en matière de protection ou de rétablissement de la continuité écologique n’incitaient pas à la destruction des ouvrages hydrauliques et opéraient une conciliation équilibrée entre les divers intérêts protégés, eu égard à la marge d’appréciation des auteurs du SDAGE.

D’autre part, il a jugé que les auteurs du SDAGE avaient déterminé les aménagements et les dispositions nécessaires pour prévenir la détérioration et assurer la protection et l’amélioration de l’état des eaux et milieux aquatiques et a écarté les moyens visant à contester les dispositions édictées en matière de protection des eaux contre les pollutions, notamment agricoles.

Enfin, le tribunal a rejeté le recours du département du Morbihan en considérant que le département ne justifiait pas d’un intérêt à agir contre le SDAGE. Celui-ci ne disposant d’aucune compétence propre en matière de gestion de l’eau ou plus généralement en matière de protection de l’environnement ou d’aménagement du territoire qui serait susceptible d’être directement affectée par les orientations du SDAGE (affaire n° 2201835).

La prise en compte des atteintes à l’environnement lors de la prolongation de concessions minières

CC, 18 février 2022, Décision QPC n° 2021-971

CE, 19 octobre 2023, n° 456736

Dans un arrêt du 26 novembre 2024, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé la légalité du refus implicite opposé par le ministre de l’Économie, des Finances et de la relance le 25 janvier 2019 aux demandes de la société Compagnie minière Montagne d’Or de prolongation de ses deux concessions minières en Guyane.

Ces concessions, accordées par le Préfet de la Guyane en 1946 et 1948, arrivaient à leur terme le 31 décembre 2018. L’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 fixait quant à elle les conditions de prolongation des concessions minières.

Cependant, ces dispositions législatives ont été déclarées contraires à la Constitution, et plus particulièrement à la Charte de l’environnement, par une décision en date du 18 février 2022 n° 2021-971 QPC du Conseil constitutionnel en ce qu’elles ne prévoyaient pas que l’administration devait prendre en compte les conséquences environnementales de la prolongation d’une concession minière avant de se prononcer.

En l’espèce, contrairement aux décisions du Tribunal administratif de la Guyane en date du 24 décembre 2020 n° 1900403 et de la cour administrative de Bordeaux du 16 juillet 2021 n° 21BX00294, 21BX00716 et n° 21BX00295, 21BX00715, et suite à la décision de renvoi du Conseil d’Etat en date du 19 octobre 2023 n° 456736, 456738, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la demande de la société Compagnie minière Montagne d’Or tendant à l’annulation de la décision implicite en date du 21 janvier 2019.

Le Conseil d’Etat, s’appuyant sur la décision du Conseil constitutionnel, avait considéré que le juge ne pouvait faire application d’un régime juridique contraire à la Constitution et que l’impact sur l’environnement des travaux d’exploitation projetés sur le périmètre de la concession devait être pris en compte lors de l’instruction de la demande d’autorisation de prolongation de la concession et non pas que dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de travaux.

Ainsi, au regard du nouveau cadre juridique applicable, la cour administrative de Bordeaux a jugé que le risque d’atteintes graves à l’environnement que le projet présentait devait être pris en compte et que la nature extrêmement polluante et l’importance de la dimension industrielle du projet justifiaient le refus opposé par l’administration.

Pollution du littoral et carence du préfet dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police

TA de Marseille, 5ème, 16 décembre 2024, n °2203506

Le Tribunal administratif de Marseille, au sein de deux décisions en date du 16 décembre 2024, s’est prononcé sur la possibilité d’engager la responsabilité de l’Etat en cas de carence fautive dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de polices spéciales au titre des installations classées pour la protection de l’environnement et au titre des sites et sols pollués afin de procéder à la dépollution et à la mise en sécurité de sites pollués.

Deux associations, l’association « Fédération d’action régionale pour l’environnement » (Fare Sud) et l’association « Union Calanques Littoral » (UCL), ont saisi le tribunal administratif, d’une part, d’une demande d’injonction au Préfet des Bouches-du-Rhône de procéder ou faire procéder aux opérations de dépollution des sols de l’ancien site industriel de Legré-Mante et, plus largement, sur le littoral Sud de Marseille et, d’autre part, d’une demande de réparation au titre des préjudices écologiques subis par les écosystèmes et du préjudice moral subis par les associations.

Concernant la demande d’indemnisation, le tribunal a tenu pour établis des préjudices écologiques et a considéré que les associations étaient recevables à agir afin de demander la réparation de ces préjudices eu égard aux actions en faveur de la protection de la santé publique, de la nature et de l’environnement mentionnées dans leurs statuts.

Cependant, le tribunal a rejeté les demandes des associations Fare Sud et UCL tendant à la réparation des préjudices écologiques, en l’absence de lien direct et certain entre les carences fautives de l’Etat et ces préjudices.

Le tribunal a cependant condamné l’Etat au versement d’un euro symbolique aux associations pour réparer le préjudice moral né de ses carences fautives dans la mise en œuvre des pouvoirs de police spéciale.

S’agissant par ailleurs de la demande d’injonction, le juge a enjoint au préfet de mettre en œuvre ses pouvoirs de police spéciale pour imposer des prescriptions nécessaires à la dépollution du site de Legré-Mante ainsi que de prendre des mesures pour les faire respecter. Aussi, il a enjoint au préfet d’instituer des servitudes d’utilité publique sur le site, dans un délai de dix mois.

S’agissant du littoral Sud de Marseille, il a enjoint au préfet de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice moral et prévenir l’aggravation des dommages en procédant à la dépollution et à la mise en sécurité des sites pollués dans un délai n’excédant pas le 30 juin 2028.

La possibilité d’édification d’un parc éolien au sein d’un parc naturel régional

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 23 décembre 2024, a rejeté les pourvois formés par l’association Protection de la grande forêt de Taillard, l’association Les sources de Taillard, l’association pour l’amélioration et la défense du patrimoine forestier de Saint-Sauveur-en-Rue ainsi que plusieurs particuliers, tendant à l’annulation de permis de construire en vue de l’édification d’un parc éolien au sein du parc naturel régional du Pilat.

Parmi les arguments développés par les requérantes, on retiendra surtout les suivants :

1/ Les associations dénonçaient d’abord la proximité du projet avec des puits de captage d’eau potable et les atteintes à la sécurité et à la salubrité publiques en découlant.

Or, le Conseil d’Etat a considéré que le risque pour les captages d’eau potable restait limité. Il retient en effet, d’une part que l’étude d’impact était suffisante sur ce point alors même que celle-ci ne mentionnait pas les captages d’eau non déclarés et, d’autre part, qu’elle ne faisait état que de risques résultant d’accidents potentiels en cours de chantier ou d’exploitation, ne différant pas de ceux résultant d’ores et déjà de la circulation d’engins forestiers dans la zone du projet, celui-ci ne portant pas aux puits de captage d’eau potable présents alentour une atteinte contraire aux exigences de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme.

2/ S’agissant ensuite de l’atteinte au patrimoine montagnard, évoquée par les requérantes sur le fondement de l’article L. 122-9 du Code de l’urbanisme, et notamment de l’impact visuel du projet, le Conseil d’Etat a d’abord relevé qu’aucun site classé n’était situé à proximité du projet et a ensuite retenu  que  l’implantation d’éoliennes choisie ainsi que la présence de forêts étaient en tout état de cause de nature à atténuer la visibilité du projet depuis les sites classés identifiés, situés à plusieurs kilomètres du projet.

3/ Enfin, s’agissant de la compatibilité du projet avec la charte du Parc naturel régional, le Conseil d’Etat a jugé que lorsque l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation d’implanter ou d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement au sein d’un parc naturel régional, elle doit s’assurer de la cohérence de la décision individuelle ainsi sollicitée avec les orientations et mesures fixées dans la charte de ce parc et dans les documents qui y sont annexés.

Cependant, le juge a retenu que la charte du Parc naturel régional du Pilat ne faisait pas obstacle à l’implantation du projet. Même si celle-ci faisait état « de possibilités limitées de développement de l’éolien », elle n’interdisait l’implantation de projets éoliens que sur les secteurs concernés par des études de classement « sites paysagers d’intérêt national », ne correspondant pas à la zone d’implantation du projet.

Risques naturels : précision des modalités de mise en œuvre des expertises sur le retrait-gonflement des argiles

La prise en charge des dommages causés par le phénomène de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, ou retrait-gonflement des argiles, est définie par l’ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 et le décret n° 2024-82 du 5 février 2024 (cf. notre article sur le sujet).

Cette ordonnance prévoyait notamment qu’un décret devait préciser les obligations incombant aux experts désignés par les assureurs lors de la conduite des expertises s’inscrivant dans le régime dit « CatNat » (articles L. 125-1 et suivants du Code des assurances), mais également le contenu du rapport d’expertise ainsi que les modalités et délais d’élaboration de l’expertise.

C’est dans ce contexte qu’a été adopté le décret n° 2024-1101 du 3 décembre 2024, qui introduit au sein d’une nouvelle section du Code des assurances les articles R. 125-8 et suivants, qui fixe les obligations afférentes à la réalisation de ces expertises.

Ainsi, ce décret fixe les conditions permettant d’apprécier l’objectivité et l’impartialité des experts (concernant les liens avec l’entreprise d’assurance, les entreprises de travaux ou l’assuré notamment) ainsi que leurs compétences (niveau d’étude, expérience professionnelle et formation). Le contenu minimum du rapport d’expertise est également défini (et comprend notamment les modalités de réalisation de l’expertise, description de la construction et des désordres, conclusion quant à leur origine et la nature des travaux préconisés), comme les modalités de sa réalisation (délai de principe de quatre mois à compter de la réception de l’ensemble des éléments transmis par l’assuré pouvant être étendu pour mener des investigations géotechniques complémentaires).

Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles il est possible de contrôler le respect par les experts de leurs obligations et introduit à cet égard les articles R. 132-9 et suivants du Code de la construction et de l’habitation. Les agents pouvant procéder aux contrôles sont ainsi identifiés comme les fonctionnaires et agents publics commissionnés par le ministre chargé de la Construction et assermentés. Ils peuvent se faire communiquer par l’expert les documents relatifs à ce contrôle, recueillir des renseignements et auditionner l’expert.

Ce décret est applicable aux sinistres résultant des causes reconnues dans les arrêtés de catastrophe naturelle pris à compter du 1er janvier 2025.

Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GeMAPI) : La responsabilité du gemapien peut-elle être engagée en cas d’inondation ?

Le Conseil d’Etat s’est prononcé, par une décision en date du 18 décembre 2024, sur la responsabilité du syndicat exerçant la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GeMAPI), à qui une carence était reprochée dans la prévention des inondations.

Dans cette espèce, une riveraine d’un cours d’eau, le Réart, dont la propriété avait subi plusieurs fois des inondations, reprochait au Syndicat mixte en charge de l’entretien et l’aménagement du cours d’eau de ne pas avoir procédé à des opérations de curage en méconnaissance de ses missions d’entretien des cours d’eau.

Se fondant sur l’absence de curage du cours d’eau, la Cour administrative d’appel de Toulouse avait conclu à l’existence d’une faute de l’établissement public et engagé sa responsabilité.

Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement, et considère que malgré le lien de causalité établi par le rapport d’expertise entre l’absence de curage et les inondations, il ne démontre pas que le syndicat aurait commis une faute en ne réalisant pas ces opérations de curage. Et il résultait en outre que dans cette espèce le contrat de bassin conclu par le Syndicat prévoyait en effet une absence de curage pour « lutter contre la dynamique de comblement de l’étang et de réduire les risques d’inondation des communes riveraines en aménageant des zones d’expansion des crues sur l’aval du cours d’eau ». Le Conseil d’Etat relève donc que ces choix de gestion du risque inondation, impliquant une absence de curage, poursuivent des objectifs conformes à ceux fixés pour la compétence GeMAPI par l’article L. 211-7 du Code de l’environnement.

Comme précisé par les conclusions du rapporteur public M. Pichon de Vendeuil, il découle de cette décision que, pour engager la responsabilité de l’autorité compétente en GeMAPI, il serait nécessaire d’établir l’existence d’une faute fondée :

  • sur une méconnaissance des objectifs de prévention des inondations ;
  • ou sur un choix de gestion assis sur des considérations scientifiques et techniques manifestement erronées.

Redevances des Agences de l’eau : de nouveaux arrêtés publiés

Arrêté du 23 décembre 2024 modifiant l’arrêté du 13 décembre 2007 relatif aux modalités particulières de versement des redevances pour pollution d’origine domestique et pour modernisation des réseaux de collecte définies aux articles L. 213-10-3 et L. 213-10-6 du Code de l’environnement

Arrêté du 24 décembre 2024 modifiant l’arrêté du 21 juillet 2015 relatif aux systèmes d’assainissement collectif et aux installations d’assainissement non collectif, à l’exception des installations d’assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5

La réforme des redevances des Agences de l’eau, qui a notamment créé trois nouvelles redevances sur la performance des réseaux et la consommation d’eau potable (cf. notre article sur le sujet), est entrée en vigueur le 1er janvier 2025. Parus de justesse en décembre 2024, trois arrêtés ont complété cette réforme.

  • Un arrêté du 20 décembre 2024 modifie l’arrêté qui avait été adopté le 5 juillet 2024 pour mettre en œuvre la réforme, afin notamment d’en corriger des coquilles rédactionnelles ;
  • Un arrêté du 23 décembre 2024 tire les conséquences de la refonte des redevances des Agences de l’eau et met ainsi en cohérence avec la réforme l’arrêté du 13 décembre 2007. Celui-ci portait en effet sur les anciennes redevances pour pollution d’origine domestique et pour modernisation des réseaux de collecte et vise désormais la seule redevance sur la consommation d’eau potable ;
  • Un arrêté du 24 décembre 2024 concerne plus particulièrement la redevance sur la performance des réseaux d’assainissement et complète le dispositif d’autosurveillance des réseaux. Il est ainsi notamment prévu que le manuel d’autosurveillance du système d’assainissement fasse également l’objet d’une expertise technique par le service en charge du contrôle, mais aussi que la grille d’expertise à appliquer pour la réalisation du contrôle technique des dispositifs d’autosurveillance est consultable sur le site suivant : https://www.assainissement.developpement-durable.gouv.fr.

Avis de l’Autorité environnementale sur le projet de la 3ème programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3)

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est un document de planification élaboré et adopté par le Gouvernement, fixant à moyen et à long terme des orientations stratégiques pour le secteur de l’énergie, ainsi que les moyens permettant de les concrétiser. Cet outil a été créé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (art. 176 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte), et est désormais encadré par les articles L. 141-1 à L. 141-4 du Code de l’énergie.

Pour mémoire, la PPE, ainsi que la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) et le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) sont des documents de programmation et de planification qui forment, ensemble, la Stratégie française sur l’énergie et le climat (SFEC) visant à atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément aux Accords de paris. Cette programmation couvre deux périodes quinquennales successives, et doit être régulièrement révisée tous les cinq ans (les précédentes versions de la PPE sont les suivantes : PPE1 2016-2018 et 2019-2023 ; PPE2 2019-2023 et 2024-2028). Elle comporte une étude d’impact économique et social, ainsi qu’une évaluation environnementale stratégique.

La troisième version de cette programmation (PPE3), pour les périodes 2025-2030 et 2031-2035, a été transmise, en application des dispositions de l’article L. 122-9 du Code de l’environnement, par le ministre en charge de l’Énergie à l’Autorité environnementale qui a rendu son avis le 19 décembre dernier.

Dans son avis ici commenté, l’Autorité environnementale considère de manière générale que les principaux enjeux environnementaux de cette PPE3 sont la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), des consommations d’énergie primaire et finale et de l’utilisation des autres ressources (matériaux, eau, espace) mobilisées directement ou indirectement pour les besoins en énergie.

En outre, l’Autorité environnementale souligne que la nouvelle version de ce projet de programmation intervient dans un « contexte d’atteinte de l’essentiel des objectifs de la précédente PPE […] en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), sauf pour le secteur des transports, mais marqué également par une dégradation des puits naturels de carbone […] et la non-atteinte des cibles en matière de réduction de la consommation énergétique. ».

Au-delà de ces considérations générales, les principaux points ressortant de l’analyse de l’Autorité environnementale sont les suivants.

En premier lieu, en ce qui concerne l’analyse de l’évaluation environnementale de la PPE, l’Autorité environnementale formule plusieurs recommandations visant à permettre une meilleure articulation de la PPE3 avec les autres programmes pertinents, afin notamment, d’apprécier les perspectives d’évolution de la disponibilité de la ressource en eau et les incidences environnementales des importations de combustibles et métaux nécessaires à la production d’énergie.

En second lieu, en ce qui concerne la prise en compte de l’environnement par la PPE, l’Autorité environnementale recommande notamment de :

  • Baisser d’au moins 12 % l’objectif 2030 de consommation énergétique finale pour atteindre les objectifs européens « fit for 55 » ;
  • Renforcer les objectifs et améliorer le suivi relatif à l’efficacité du système énergétique convertissant l’énergie primaire en énergie finale, et expliciter les conséquences des choix réalisés entre sources d’énergie primaire ;
  • Renforcer les objectifs de recyclage des métaux et terres rares ;
  • Reconsidérer la hiérarchie des usages de la biomasse ;
  • Compléter les actions de la PPE3 afin de réduire l’artificialisation des sols et l’érosion de la biodiversité et de restaurer les puits de carbone ;
  • Approfondir les mesures en matière de mobilité pour améliorer la qualité de l’air, réduire les incidences sanitaires et les consommations d’énergie ;
  • Préciser les conséquences d’une éventuelle moindre disponibilité des réacteurs nucléaires.

Il est à noter que plusieurs associations de collectivités locales ont d’ores et déjà exprimé des réserves sur le projet de PPE3 en raison de « la faible considération accordée au rôle des territoires » et en particulier au rôle des autorités organisatrices de la distribution d’électricité, alors que les réseaux de distribution d’électricité sont largement évoqués par la PPE (Communiqué de presse du 19 décembre 2024 de l’AMORCE).

L’Autorité environnementale considère quant à elle que la nouvelle version de la PPE « apporte des avancées réelles et substantielles », en ce qui concerne la territorialisation de l’action dès lors que le principe de la fixation d’objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables est désormais prévu par l’article L. 141-5-1 du Code de l’énergie

Toutefois, l’autorité consultative note qu’en pratique la PPE3 ne répond pas à cette nécessité et ne présente pas d’objectifs régionalisés de développement de la production d’énergie à partir de ressources renouvelables, et préconise ainsi de remédier à cette lacune du projet.

Les sites naturels de compensation de restauration et de renaturation : un pas de plus vers le marché de crédits biodiversité ?

La fin de l’année 2024 a été marquée par un certain nombre d’actualités portant sur le développement des crédits biodiversité.

En effet, sur le plan international d’une part, la COP 16 Biodiversité s’est tenue à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre 2024. Le Comité consultatif international sur les crédits biodiversité (IAPB) a, à cette occasion, présenté sa proposition pour encadrer l’achat et la vente de ces crédits.

Ce Comité a vu le jour en 2023 à la suite de la COP 15 Biodiversité de décembre 2022, sur l’initiative de la France et du Royaume-Uni, cette COP ayant eu pour ambition d’augmenter substantiellement les ressources financières pour mettre en œuvre les stratégies nationales pour la biodiversité. Plus précisément, l’objectif fixé par la COP 15 s’élevait à 200 milliards de dollars par an dont une part croissante devrait venir du monde privé, dont il est attendu une implication massive, selon la Mission Economie de la Biodiversité (MEB) qui a publié son dossier dédié aux crédits biodiversité en juillet 2024[1].

Ce même rapport définit un crédit biodiversité comme étant une « unité standardisée qui quantifie et atteste d’une action positive pour la biodiversité » et qui « permet aux organisations qui veulent agir pour la restauration et/ou la protection de la biodiversité de financer des porteurs de projet ». C’est encore « la combinaison entre la réalisation d’une action positive pour la biodiversité et sa certification par une méthode scientifique et auditée »[2].

Le projet porté par l’IAPB est alors de créer un véritable marché des crédits biodiversité, ce dernier n’étant toutefois, à date, pas structuré ni précisément défini. Selon la MEB, « les marchés d’échange des crédits biodiversité devront à la fois garantir l’intégrité des projets concernés, donc être structurés par des standards et des instances de gouvernance indépendantes et scientifiquement crédibles, mais également assurer un flux de financement suffisamment important pour constater des gains suffisamment nombreux pour contribuer à inverser la tendance actuelle de perte de biodiversité [3]».

Un tel projet est néanmoins vivement critiqué, notamment par les associations de protection de l’environnement et les ONG qui y voient un moyen de mettre « un voile sur le fait qu’on a des impacts difficiles à éviter ou à restaurer et, en face, on finance des actions faciles ; on se soustrait ainsi à l’obligation d’équivalence écologique [4]».

Sur le plan national, d’autre part, c’est l’adoption de deux décrets et d’un arrêté relatifs aux sites naturels de compensation de restauration et de renaturation (SNCRR) qui a marqué l’actualité dans le domaine du crédit biodiversité. En effet, ces sites constituent la mesure phare lancée en France pour décliner cet objectif de développement des crédits biodiversité.

L’ensemble de cette actualité nous conduit donc à présenter le dispositif actuel des SNCRR en vigueur depuis la loi « industrie verte » (I) ainsi que les récentes nouveautés issues des trois textes réglementaires de novembre 2024 (II).

I. Présentation du dispositif des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation

Rappel du dispositif antérieur des sites de compensation

1 – C’est d’abord la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (dite loi Biodiversité) qui a introduit dans le Code de l’environnement un chapitre dédié à la compensation des atteintes à la biodiversité.

Pour rappel, la compensation des atteintes à l’environnement n’est que la troisième étape de la séquence dite « ERC », pour « éviter, réduire, compenser ». Cela signifie dès lors que si un projet est susceptible d’avoir un impact négatif sur l’environnement, le porteur de projet doit, d’abord, chercher à éviter ces impacts, puis à les réduire et, enfin, compenser ceux qui n’ont pu être ni évités ni réduits. Ce principe est posé à l’article L. 110-1 point II, 2° du Code de l’environnement qui énonce que ce dernier doit viser un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité.

2 – La loi Biodiversité est alors venue encadrer la compensation afin, notamment, d’en garantir l’efficacité. Elle a ainsi posé à l’article L. 163-1 du Code de l’environnement, les règles selon lesquelles :

  • les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité ;
  • elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes ;
  • elles ne peuvent pas se substituer aux mesures d’évitement et de réduction, et si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n’est pas autorisé en l’état.

Par ailleurs, la loi a introduit la notion de « sites naturels de compensation » à l’article L. 163-3 du code. La disposition alors en vigueur était assez brève puisqu’elle se bornait à prévoir la possibilité par des personnes publiques ou privées d’avoir recours à de tels sites afin de mettre en œuvre les mesures de compensation, ce recours devant toutefois être fait de manière à la fois anticipée et mutualisée.

Evolutions apportées par la loi Industrie Verte

3 – Plus récemment, sans revenir sur les règles énoncées précédemment introduites par la loi Biodiversité, le dispositif des sites naturels de compensation a été revu et renforcé par la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte (dite loi Industrie Verte). Il est désormais prévu par l’article L. 163-1 A du Code de l’environnement.

Dans le cadre des débats sur le projet de loi Industrie Verte, des critiques concernant le dispositif précédent faisaient apparaître que :

  • la démarche d’agrément était complexe car elle impliquait d’anticiper précisément les gains écologiques théoriques qui devaient être obtenus à l’issue des opérations de restauration[5];
  • l’outil répondait uniquement aux obligations légales et réglementaires de compensation mais n’était pas conçu pour s’articuler avec d’autres projets de restauration de la biodiversité dans les territoires en permettant par exemple aux opérateurs de sites naturels de compensation de vendre des unités de compensation à des personnes qui souhaiteraient s’engager de façon volontaire en faveur de la biodiversité[6];
  • la réglementation n’autorisait que la mise en place de sites naturels de compensation mutualisés entre plusieurs projets[7].

Ainsi, entre 2016 et 2023, seul un site naturel de compensation avait fait l’objet d’un agrément ministériel (le SNC Cossure dans les Bouches-du-Rhône) et deux autres projets avaient été soumis à l’instruction mais n’avaient pas obtenu l’agrément.

4 – L’article L. 163-1 A du Code de l’environnement a alors été imaginé par le législateur pour poursuivre plusieurs objectifs [8]:

  • faire émerger une véritable offre d’écosystèmes restaurés ;
  • permettre aux porteurs de projet de réaliser des opérations de compensation par anticipation, y compris pour des projets isolés, par exemple pour des sites « clés-en-main » ;
  • créer un cadre législatif adapté pour le développement des opérations de restauration de la biodiversité conduites pour des engagements volontaires d’entreprises et collectivités, et faciliter la procédure d’agrément des sites.

Aux termes de cet article, les opérations de restauration ou de développement d’éléments de biodiversité peuvent être mises en place par des personnes publiques ou privées sur des sites dénommés « sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation » (SNCRR). Le gain écologique de ces opérations doit être identifié par des « unités de compensation, de restauration et de renaturation » (UCRR) qui peuvent être vendues, par les personnes qui les réalisent, à toute personne publique ou privée. Les SNCRR font l’objet d’un agrément préalable qui doit prendre en compte le gain écologique attendu, l’intégration du site dans les continuités écologiques, sa superficie et les pressions anthropiques s’exerçant sur ce site.

De plus, la loi autorise désormais les personnes soumises à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité à y satisfaire de manière anticipée par l’utilisation ou l’acquisition d’UCRR. Cette possibilité est expressément prévue par l’article L. 163-1 A du Code de l’environnement mais elle est également intégrée à l’article L. 163-1 du même code qui prévoit désormais non seulement que les personnes concernées peuvent réaliser les mesures de compensations obligatoires soit directement soit par le biais d’un opérateur de compensation mais également par l’acquisition des UCRR.

Selon la ministre de la Transition écologique, « Les SNCRR offrent aux acteurs privés une nouvelle manière de contribuer activement à la restauration écologique (soutenir financièrement l’émergence des SNCRR, créer une entreprise de crédits biodiversité, acheter des crédits pour compenser ses impacts ou sécuriser sa chaîne de valeur, etc.) »[9].

Il est également prévu que les SNCRR puissent donner lieu à l’attribution de crédits carbone au titre du label « bas-carbone ».

On relèvera enfin que la loi Industrie Verte a également été modifiée pour réaffirmer le principe selon lequel les mesures de compensation obligatoires doivent être en priorité réalisées sur le site endommagé mais il introduit également la notion de « proximité fonctionnelle », qui s’impose lorsque les mesures ne peuvent être mises en œuvre sur le site, en lieu et place de la notion de « proximité » qui peut alors sembler plus contraignante.

Les deux décrets et l’arrêté adoptés en novembre 2024 sont alors venus préciser la mise en œuvre de ce niveau dispositif.

 

II. Les précisions relatives à la mise en œuvre du dispositif issues des textes d’application de novembre 2024

1 – D’abord, le décret n° 2024-1052 du 21 novembre 2024 relatif à la restauration de la biodiversité, à la renaturation et à la compensation des atteintes à la biodiversité fixe les modalités de délivrance de l’agrément des SNCRR.

Règles relatives à l’implantation aux mesures de compensation

A cette fin, il modifie l’article R. 163-1-A de Code de l’environnement qui reprend le principe selon lequel les mesures doivent être prioritairement réalisées sur le site endommagé ainsi que le respect du principe de proximité fonctionnelle. L’article prévoit par ailleurs que, en cas d’impossibilité de mettre en œuvre les mesures de compensation sur le site, elles sont réalisées prioritairement dans les zones de renaturation préférentielle mentionnées au cinquième alinéa du II de l’article L. 163-1, dès lors qu’elles sont compatibles avec les orientations de renaturation de ces zones et que leurs conditions de réalisation sont techniquement et économiquement acceptables.

Personne compétente pour délivrer l’agrément des SNCRR

2 – Le décret modifie également l’article R. 163-2 du Code de l’environnement qui prévoit désormais que les décisions relatives à l’agrément des SNCRR sont prises par le préfet de région territorialement compétent après avis du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel ou, lorsqu’elles sont susceptibles d’affecter des espèces animales ou végétales figurant sur la liste prévue par l’article R. 411-13-1, après avis du Conseil national de protection de la nature (rendu dans un délai de deux mois à compter de la saisine de l’organisme consulté). Le principe est par ailleurs posé selon lequel le silence gardé par l’administration pendant un délai de six mois à compter de la réception d’une demande d’agrément ou de modification d’agrément vaut décision d’acceptation.

Conditions relatives aux caractéristiques du SNCRR et à la personne sollicitant l’agrément

3 – Les conditions de délivrance de l’agrément sont également définies par le n° 2024-1053 du 21 novembre 2024.

Il faut alors d’abord se référer à l’article D. 163-1 du Code de l’environnement.

Selon cet article l’agrément doit attester de la pertinence des opérations de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité entreprises sur le SNCRR concernés. Ces opérations peuvent être conduites sur un site unique ou sur plusieurs et contribuent à l’amélioration de l’état écologique du territoire dans lequel le site s’insère.

L’article fixe par ailleurs le principe selon lequel le gain écologique attendu des opérations de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité est additionnel à celui obtenu par la mise en œuvre, directement sur le site considéré, d’opérations obligatoires ou qui sont déjà soutenues par des aides publiques destinées à la restauration, la renaturation ou le développement d’éléments de biodiversité. Il ne doit alors pas prendre en compte la part de gain écologique provenant de ces opérations obligatoires.

L’article D. 163-1 impose en outre que les SNCRR soient définis en priorité sur les zones de renaturation préférentielle mentionnées à l’article L. 163-1 et dans les zones propices à l’accueil de tels sites.

Les personnes présentant une demande d’agrément doivent par ailleurs :

  • disposer des capacités techniques et financières nécessaires à la mise en œuvre de ces opérations ;
  • justifier des droits permettant la mise en œuvre des obligations sur les terrains d’assiette du SNCRR.

Modalités de vente des UCRR

4 – S’agissant des modalités de vente des UCRR, elles sont également définies par l’article
D. 163-1 du Code de l’environnement qui les définit comme « l’ensemble des gains écologiques attendus d’une ou plusieurs opérations de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité, lesquels sont maintenus jusqu’au terme de l’agrément » :

  • elles peuvent être vendues sous forme de prestations de services à des maîtres d’ouvrage tenus de satisfaire à des obligations de compensation des atteintes à la biodiversité mais également à des personnes physiques ou morales souhaitant contribuer pour toute autre raison au rétablissement de la biodiversité.
  • elles peuvent être vendues dès l’octroi de l’agrément mais ne peuvent être revendues.
  • elle ne peut être vendue de manière fractionnée dans le temps ou en fonction des différents éléments de biodiversité qu’elle restaure, qu’elle renature ou qu’elle développe.

L’article précise encore que l’acquisition de ces unités ne préjuge pas de l’appréciation de leur suffisance par l’autorité administrative compétente au titre de la compensation des atteintes à la biodiversité. Par ailleurs, il est indiqué que le bénéficiaire de l’agrément d’un SNCRR peut recourir aux UCRR créées sur ce site et disponibles pour satisfaire ses propres obligations de compensation ou pour contribuer pour toute autre raison au rétablissement de la biodiversité.

L’article indique également les modalités selon lesquelles les unités peuvent donner lieu à l’attribution de crédits carbone au titre du label « bas-carbone ».

Autres précisions

5 – Le décret donne encore d’autres précisions relatives, notamment :

  • au contenu l’agrément (article D. 163-4 du Code de l’environnement) ;
  • aux objectifs assignés aux SNCRR agréés et à leur fonctionnement (article D. 163-6 du Code de l’environnement) :
    • ils mettent en œuvre un projet de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité et garantissent la création des gains écologiques pour lesquels l’agrément a été sollicité puis leur maintien jusqu’au terme de la période d’agrément ;
    • le cas échéant, ils permettent la mise en œuvre des opérations de restauration écologique, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité, pour lesquelles l’agrément a été sollicité, avant l’utilisation des unités de compensation, de restauration et de renaturation correspondantes au titre de la compensation des atteintes à la biodiversité ;
    • Ils font l’objet d’un suivi et d’une évaluation des opérations de restauration, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité mises en œuvre et de leur efficacité à créer et maintenir un gain écologique.
  • aux modalités de modification ou d’abrogation de l’agrément (article D. 163-7 et D. 163-11 du Code de l’environnement) ;
  • aux modalités de transfert de l’agrément (article D. 163-9 du Code de l’environnement) ;
  • aux modalités de calcul du gain écologique du SNCRR (article D. 163-14 du Code de l’environnement).

4 – Enfin, l’arrêté du 21 novembre 2024 détermine la composition du dossier de demande d’agrément et, à cet égard, les critères de pertinence écologique d’un SNCRR.

 

En conclusion, le nouveau dispositif des SNCRR et des UCRR qui en découle va donc dans le sens de la création d’un véritable marché de crédits biodiversité. Les textes tentent d’encadrer au mieux la création de tels sites afin de garantir notamment l’objectif non pas de perte nette de biodiversité mais de gain de biodiversité. Depuis octobre 2023 deux SNCRR ont déjà été agréés : le site de Cros du Mouton, à Sainte-Maxime (Var) et celui de l’abbaye de Valmagne,  les communes de Villeveyrac et Montagnac (Hérault). Les nouvelles modalités de mise en œuvre de ces sites semblent donc effectivement plus attractives que le dispositif précédent, mais il reste à savoir si les nouvelles règles qui s’appliquent permettront le développement du marché des crédits biodiversité sans présenter les écueils soulevés par les détracteurs de tels projets, notamment en ce qui concerne la nécessité de toujours favoriser l’évitement et la réduction des impacts sur l’environnement. Ce raisonnement prévalant dans le système législatif français et n’étant pas remis en cause par le nouveau dispositif des SNCRR, le risque est sans doute moindre.

 

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[1] Crédits Biodiversité : vers un nouveau marché de la nature en Europe ? Dossier de la MEB n° 54 juillet 2024

[2] Crédits Biodiversité : vers un nouveau marché de la nature en Europe ?, précité

[3] Crédits Biodiversité : vers un nouveau marché de la nature en Europe ?, précité

[4] Fabien Quétier cité in Les crédits biodiversité, un nouvel outil de financement en émergence, L. Radisson, Actu-Environnement, 18 octobre 2024

[5] Rapport sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’industrie verte (n° 1443 rectifié), n° 1512, déposé le vendredi 7 juillet 2023.

[6] Rapport n° 1512, précité

[7] Exposé des motifs sur le texte Texte n° 607 (2022-2023) de MM. Bruno LE MAIRE, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique, Christophe BÉCHU, ministre de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires et Roland LESCURE, ministre délégué chargé de l’Industrie, déposé au Sénat le 16 mai 2023

[8] Exposé des motifs sur le texte Texte n° 607, précité

[9] Mme Agnès Pannier-Runacher, Ministre de la Transition écologique, citée in Crédits biodiversité : le dispositif lancé en France à travers les SNCRR, L. Radisson, Actu-Environnement, 15 novembre 2024

Admission du vote par correspondance et extension du domaine de la consultation écrite lors des réunions du conseil d’administration des sociétés anonymes

Décret n° 2024-904 du 8 octobre 2024 relatif à la mise en œuvre des mesures de modernisation des modalités de réunion et de consultation des organes de décision de certaines formes de sociétés commerciales

La loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France dite « loi Attractivité » a élargi le domaine d’intervention de la consultation écrite et a introduit le vote par correspondance des administrateurs dans le cadre des réunions du conseil d’administration dès lors que ces modalités ont été expressément prévues dans les statuts de la société anonyme.

L’article L. 225-37 du Code de commerce, dans sa nouvelle version applicable depuis le 14 septembre 2024, a ainsi été modifié afin de permettre la possibilité pour les statuts de prévoir « que les décisions du conseil d’administration ou certaines d’entre elles peuvent être prises par consultation écrite des administrateurs, y compris par voie électronique, selon les délais et les modalités qu’ils définissent. Les statuts peuvent admettre le vote par correspondance au moyen d’un formulaire dont les mentions sont déterminées par décret en Conseil d’Etat ».

Par conséquent, les statuts des sociétés anonymes pourront être modifiés afin de préciser les modalités de mise en œuvre de ces nouveaux moyens de délibération du conseil d’administration par consultation écrite ou de participation au vote des délibérations du conseil d’administration par correspondance.

Les statuts autorisant la consultation écrite des administrateurs devront également prévoir un droit d’opposition au recours à cette modalité au bénéfice de tout membre du conseil d’administration. Il appartiendra de déterminer dans les statuts les conditions d’exercice de ce droit d’opposition.

Par ailleurs, le contenu du formulaire de vote par correspondance visé à l’article L. 225-37 du Code de commerce a été précisé par le décret d’application de la loi Attractivité du 8 octobre 2024 avec l’ajout de cinq alinéas à l’article R. 225-21 du Code de commerce précisant que le formulaire de vote :

  • doit permettre à l’administrateur de s’exprimer sur chacune des décisions soumises au conseil d’administration par un vote favorable ou défavorable ou d’exprimer sa volonté de s’abstenir de voter, avec un espace lui permettant d’expliquer sa position ;
  • doit comporter en annexe le texte des décisions soumises au conseil d’administration ainsi que les documents nécessaires à l’information des administrateurs ;
  • doit indiquer la date avant laquelle le formulaire doit être retourné au conseil d’administration pour qu’il soit valablement pris en compte ;
  • reçu par la société doit comporter les nom et prénom de l’administrateur ainsi que sa signature ;
  • peut être transmis par la société et renvoyé par l’administrateur par voie électronique.

Ainsi, il pourrait être opportun de vérifier les stipulations prévues dans les statuts ainsi que dans le règlement intérieur afin de les mettre en conformité avec ces nouvelles dispositions législatives et réglementaires.

Fusion / statut collectif : l’accord prolongeant provisoirement un statut collectif ne vaut pas accord de transition

La Cour de cassation a jugé que ne constitue pas un accord de substitution dit « de transition », l’accord collectif se limitant à prolonger temporairement le statut collectif applicable au personnel transféré.

Dans le cadre d’une fusion, l’employeur qui absorbe une entité reçoit le personnel transféré en leur garantissant la reprise de leur contrat de travail avec le maintien de la rémunération contractuelle et de l’ancienneté conformément à l’article L. 1224-1 du Code du travail.

S’agissant du statut collectif dont le personnel bénéficiait chez le précédent employeur, il n’est transféré que temporairement pendant un délai dit de survie limité à un maximum 12 mois à l’expiration d’un préavis, généralement de 3 mois (C. trav. art. L. 2261-14). Ce délai de 15 mois permet au nouvel employeur de négocier un accord de substitution.

A défaut d’un tel accord de substitution dans ce délai de survie, les salariés transférés bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des 12 derniers mois.

Pour favoriser la négociation d’un tel statut collectif, le législateur permet aux parties d’engager la négociation et de conclure un accord de substitution avant la fusion. Ainsi au jour du transfert le nouveau statut collectif entre en vigueur. Ce mécanisme permet d’éviter à l’employeur la contrainte d’appliquer deux statuts collectifs pendant le délai de survie.

Dans ce cadre, le législateur a prévu deux modes de négociation anticipée :

  • Les accords dits « de transition » qui visent les seuls salariés transférés dont l’accord est mis en cause et dont la durée est limitée à 3 ans ;
  • Les accords dits « d’adaptation » applicables aux salariés transférés et ceux de l’entité d’accueil.

Dans l’arrêt du 27 novembre 2024, la Cour de cassation vient préciser la qualification de l’accord collectif de transition ».

1. Les faits

Il s’agissait d’un Groupe industriel qui a procédé à la fusion de treize entités en trois sociétés. Afin d’organiser les négociations futures, un accord de groupe avait été conclu pour définir le cadre des discussions visant l’élaboration de nouveaux accords applicables au périmètre restructuré. Le 28 janvier 2021, un nouvel accord collectif a été signé assurant la prolongation jusqu’au 31 décembre 2022 des dispositions conventionnelles antérieures à la fusion. La CFDT, contestant cette démarche, voyait dans cet accord un « accord de transition » soumis à la limite de trois ans prévue par l’article L. 2261-14-2 du Code du travail.

 

2. La question de droit

La Cour de cassation devait déterminer si cet accord dont l’objet est de limiter après une fusion la prolongation temporaire du statut collectif antérieur pouvait être considéré comme un accord de substitution dit « de transition », soumis à une durée maximale de trois ans.

 

3.La décision de la Cour de cassation

La Haute juridiction a confirmé que l’accord en question ne constituait pas un tel accord de transition.

Elle a relevé que cet accord prolongeait les dispositions antérieures à la fusion pour l’ensemble des salariés (y compris ceux embauchés postérieurement à la fusion) sans prévoir de mesures transitoires spécifiques aux seuls salariés transférés.

En conséquence, cet accord relevait d’un accord de droit commun et n’était pas soumis à la limitation de trois ans applicable aux accords de transition. La Cour de cassation a ainsi refusé de considérer l’accord litigieux comme un accord de substitution « de transition » au sens de l’article L. 2261-14-2 du Code du travail.

 

4. Portée et point de vigilance

Cette décision clarifie la frontière entre accord de transition et la prolongation du statut antérieur formalisée par un accord collectif.

Désormais, un accord n’ayant pas pour objet de traiter spécifiquement le cas des salariés transférés ne saurait être qualifié d’accord de transition.

Pour les employeurs, cela signifie qu’ils peuvent, sous réserve de l’accord des syndicats représentatif, prolonger les dispositions antérieures au-delà de la durée légale prévue pour les accords de transition, tant que l’accord ne cible pas exclusivement les salariés transférés.

Cependant, il apparait un point de vigilance sur la portée de cet arrêt car si un tel accord ne peut être qualifié d’accord de transition, mais d’un simple « accord de droit commun », il ne semble pas relever de la qualification d’accord de substitution s’il est uniquement signé par les syndicats de l’entité absorbé avant le transfert.

Le cas échéant, l’employeur n’ayant pas formalisé un accord de substitution dans le délai de survie, il se verra contraint de garantir aux salariés transférés la garantie de rémunération versée lors des 12 derniers mois.

Il est donc essentiel d’assurer une négociation et qualification rigoureuse des accords organisant le statut collectif des salariés transférés.

Reprise des actes conclus au nom ou pour le compte de la société en formation.

Cass. Civ., 3ème, 17 octobre 2024, n° 22-21.616

Dans deux arrêts récents, rendus les 9 et 17 octobre 2024, la Cour de cassation s’intéresse aux modalités de reprise des actes passés pour le compte de la société en formation, tout en faisant pour la première fois application de son revirement jurisprudentiel effectué dans la décision rendue le 29 novembre 2023 (Cass. Com., 29.11.2023, n° 22-12.865).

En l’espèce, les faits portent sur la signature d’une lettre de mission par les associés personnes physiques d’une société en formation pour le premier arrêt et la conclusion d’un acte de vente par la société en formation elle-même pour le second. Dans les deux cas, la conclusion du contrat était intervenue préalablement à l’immatriculation de la société, sans mentionner expressément que l’acte était conclu au nom ou pour le compte de cette dernière.

La Cour de cassation, statuant au visa des articles 1843 du Code civil et L. 210-6 du Code de commerce, rappelle que « la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits en son nom lors de sa formation avant son immatriculation, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par elle ». La Cour fait ensuite application de son revirement jurisprudentiel et juge « qu’en présence d’un acte ne mentionnant pas qu’il a été souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation, il appartient au juge d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu’extrinsèques, si la commune intention des parties n’était pas qu’il fut conclu au nom ou pour le compte de cette société, celle-ci pouvant, ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits ». Dans les deux arrêts, la Cour de cassation a censuré les décisions des juges du fond pour ne pas avoir recherché cette intention commune.

S’il a longtemps été jugé que l’acte litigieux devait expressément faire apparaitre qu’il avait été conclu au nom ou pour le compte de la société en formation pour être repris par cette-dernière, cette mention n’est désormais plus exigée. L’acte pourra être valablement repris par la société immatriculée à condition que l’intention commune des parties de conclure l’acte au nom ou pour le compte de la société soit caractérisée.

Adoption des décisions collectives au sein d’une Société par action simplifiée (SAS)

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu le 15 novembre 2024 un arrêt très attendu relatif aux règles de vote pouvant être fixées dans les statuts des sociétés par actions simplifiées (SAS) pour adopter une décision collective.

En l’espèce, il était prévu aux termes des statuts d’une SAS que « les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré ». Lors d’une assemblée générale extraordinaire tenue en 2015, les associés ont décidé avec 46 % des voix pour de procéder à une augmentation de capital de la société en supprimant le droit préférentiel de souscription des associés au profit de l’un d’eux.

Certains associés ont assigné la société et les autres associés en annulation de la délibération de l’assemblée générale extraordinaire relative à l’augmentation de capital social. Les juges du fond avaient dans un premier temps rejeté cette demande avant que la chambre commerciale de la Cour de cassation censure cette décision par un arrêt rendu le 19 janvier 2022 (n° 19-12.696) en posant le principe selon lequel « les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés » soit à un nombre inférieur à 50 % des voix.

Lors du renvoi, la Cour d’appel de Paris a rendu le 4 avril 2023 (n° 22/0532) un arrêt ne reprenant pas le principe posé par la chambre commerciale. En effet, la cour d’appel indique dans son arrêt qu’il « résulte de l’article L. 227-9 du Code de commerce que les associés d’une SAS sont libres de déterminer, dans les statuts, non pas – en l’absence de dispositions expresses – une règle de majorité exigée pour adopter des résolutions dans les matières qu’il énumère, mais les conditions dans lesquelles sont prises les décisions qui doivent l’être collectivement, que ce soit dans les matières définies par les statuts ou visées par son alinéa 2. ».

Saisie d’un nouveau pourvoi par certains associés, la Cour de cassation a dû se prononcer sur la question de savoir si les statuts d’une SAS pouvaient valablement autoriser qu’une décision collective soit validée à la majorité du tiers des droits de vote.

Au cours des débats, deux visions relatives au fonctionnement de la SAS étaient opposées. D’une part, la « thèse libérale » du régime juridique de la SAS qui, en application du premier alinéa de l’article L. 227-9 du Code de commerce disposant que « [l]es statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient », permettrait d’octroyer aux associés toute liberté pour fixer les règles de majorité dans les statuts[1].

D’autre part, la « thèse restrictive » selon laquelle « retenir un seuil d’approbation inférieur à la majorité des voix serait susceptible d’aboutir à des décisions qui pourraient être contradictoires »[2] de telle sorte qu’elle aurait vocation à fixer des limites quant aux règles de majorité fixées dans les statuts.

L’Assemblée plénière a finalement opté pour la « thèse restrictive » dans son arrêt rendu le 15 novembre 2024 en retenant les éléments suivants :

« […] 10. Une décision collective d’associés ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix.

  1. Toute autre règle conduirait à considérer que la collectivité des associés peut adopter, lors d’un même scrutin, deux décisions contraires.
  2. La liberté contractuelle qui régit la société par actions simplifiée ne peut s’exercer que dans le respect de la règle énoncée au paragraphe 10.
  3. Il s’en déduit que la décision collective d’associés d’une société par actions simplifiée, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite».

Par conséquent, toute décision collective d’associés d’une SAS ne pourra être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite.

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[1] Avis de M. Lecaroz, Avocat général, p.5.

[2] Avis de M. Lecaroz, Avocat général, p.5.