Energie
le 07/12/2023

Suites et fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique : une esquisse de l’après

Délibération n° 2023-336 de la Commission de régulation de l’énergie du 15 novembre 2023 portant proposition d’arrêté relatif aux conditions de vente et au modèle d’accord-cadre pour l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique

Le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ci-après, ARENH) a été mis en place par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite loi NOME). L’ARENH est entré en vigueur le 1er juillet 2011 et s’applique jusqu’au 31 décembre 2025.

Le dispositif de l’ARENH visait alors deux objectifs :

  • Encourager la concurrence sur le marché de détail tout en permettant aux consommateurs finals de bénéficier de l’électricité produite par le parc nucléaire ;
  • Concourir au développement de la concurrence en amont, en permettant aux fournisseurs d’investir dans des moyens de production.

Pour rappel, le fonctionnement de l’ARENH est le suivant : 100 TWh sont accordés chaque année aux fournisseurs alternatifs en fonction des prévisions de consommation des consommateurs finals. La Commission de régulation de l’énergie (ci-après, CRE) opère un contrôle a posteriori des consommations réelles. Les fournisseurs ayant bénéficié de volume supérieur à la consommation réelle doivent s’acquitter de compléments de prix.

L’exercice de l’ARENH est encadré par un arrêté du Ministre en charge de l’énergie et par un accord-cadre conclu avec les fournisseurs alternatifs souhaitant en bénéficier. Par une délibération du 15 novembre 2023, la CRE a proposé une modification de l’arrêté du 28 avril 2011 définissant les conditions de vente d’électricité d’EDF aux fournisseurs alternatifs et un nouveau modèle d’accord cadre pour prendre en compte les modifications réglementaires récemment intervenues (I.). Par une communication du 21 novembre 2023, le Ministre en charge de l’énergie a donné des indications sur l’après ARENH, le dispositif n’ayant pas vocation à perdurer au-delà du 31 décembre 2025 (II.).

I. Sur la délibération de la CRE

La délibération de la CRE propose notamment les modifications suivantes :

  • Facturation des frais prévisionnels de la Caisse des dépôts et consignations en cas de cessation des livraisons : la CRE propose ainsi une modification de l’article 6 de l’arrêté du 28 avril 2011 prévoyant que les frais prévisionnels des fournisseurs soit dus, même en cas de cessation des livraison d’ARENH auxdits fournisseurs ;
  • Modalités de rétrocession des garanties de capacité en cas de cessation des livraisons : la CRE propose une évolution de l’article 7-1 l’arrêté du 28 avril 2011 pour prendre en comptes les évolutions du mécanisme de capacité intervenues depuis la dernière modification de l’arrêté ;
  • Suppression des dispositions relatives aux volumes d’ARENH additionnels mis à disposition en 2022 et au guichet infra-annuel : pour faire face à la crise des prix de l’énergie, le gouvernement avait décidé d’augmenter la quantité d’ARENH cédée par EDF de 20 TWh pour 2022. Cette augmentation était temporaire et le modèle d’accord cadre peut désormais en être allégé ;
  • Clarification de la procédure de contestation des montants dus : la CRE propose d’intervenir aux côtés de la caisse des dépôts et consignations en cas de contestation des montants dus au titre de l’accord cadre ;
  • Précisions relatives à la mise en œuvre des cas de cessation de livraisons : la CRE propose donc plusieurs modifications du modèle d’accord cadre permettant d’indiquer la procédure s’appliquant en cas de cessation des livraisons, en matière de notification, de facturation et de paiement des sommes dues ;
  • Définition de la procédure de cession de l’accord-cadre en cours de période de livraison : la possibilité de cession de l’accord-cadre en cours de livraison a été introduite par l’arrêté du 25 mars 2022 portant modification de l’arrêté du 28 avril 2011. Toutefois, la procédure de cette cession n’a pas été précisée.

II. Sur la consultation du Gouvernement du 21 novembre 2023

L’ARENH prendra fin le 31 décembre 2025. Le mécanisme qui s’y substituera commence à se profiler. Par une consultation du 21 novembre 2023, le gouvernement a présenté un outil qui pourrait prendre la suite de l’ARENH.

Le dispositif envisagé a pour objectif de sécuriser dans la durée l’accès des consommateurs français d’électricité à un prix de vente cohérent avec la structure de coûts du mix électrique. Il vise en outre à maintenir le bénéfice de l’électricité produite par le parc nucléaire français aux consommateurs.

Aux termes de la consultation présentée par le Gouvernement : « cette nouvelle organisation consiste à encourager le développement de contrats de moyen-long terme conclus entre acteurs sur les marchés de gros et négociés avec les consommateurs pour leur approvisionnement et adaptés à leurs besoins, accompagné d’un contrôle des prix protégeant les consommateurs en cas de situations de prix élevés. Pour sa composante administrée, ce mécanisme de contrôle des prix consisterait à (i) prélever une fraction des revenus du parc de production nucléaire au-delà d’un certain seuil, et (ii) redistribuer ce montant à l’ensemble des consommateurs ».

Le dispositif aurait donc une double facette :

  • Encourager les contrats moyen-long terme conclus entre les acteurs du marché (fournisseur, producteur…) et les consommateurs ;
  • Encadrer les prix de revente de l’électricité nucléaire produite par EDF.

La consultation du Gouvernement est marquée par une volonté de redonner à EDF sa liberté contractuelle en deçà du plafond actuel d’accès à l’ARENH tout en l’encadrant pour protéger les consommateurs d’électricité.

Concrètement, l’outil envisagé fonctionnerait par seuils de prix au-delà desquels EDF serait tenue de verser à l’Etat une fraction des revenus tirés de la production du parc nucléaire. Aux termes de la consultation publique, sont envisagés :

  • Un premier seuil d’activation qui correspond à l’addition du coût comptable complet de production du nucléaire existant et d’une composante représentative du coût du programme : nouveau nucléaire de France. Ce seuil est évalué à l’heure actuelle à 78 euros par MWh et son taux de prélèvement serait fixé à 50 % ;
  • Un deuxième seuil, fixé à 110 euros par MWh, de nature à protéger les consommateurs contre les épisodes de prix élevés sur les marchés. Son taux de prélèvement serait fixé à 90 %.

Les montants récupérés par l’Etat seraient par suite reversés aux consommateurs sous forme d’un versement apparaissant sur la facture en déduction du prix de l’électricité conclu avec le fournisseur.

En outre, le Gouvernement précise que ce nouveau dispositif n’aurait pas d’impact sur les tarifs réglementés de vente, qui devront nécessairement être modifiés pour le prendre en compte.