Environnement, eau et déchet
le 11/01/2024

Artificialisation des sols : quelle définition de la friche ?

Décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d'application de la définition de la friche dans le code de l'urbanisme

Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l’application de l’article L. 121-12-1 du code de l’urbanisme

L’adoption des dispositions réglementaires pour l’application de l’objectif « zéro artificialisation nette » se poursuit avec l’adoption en fin d’année 2023 de deux décrets concernant les friches, l’un définissant la notion de friche au sens de l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme (Décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023 précisant les modalités d’application de la définition de la friche dans le code de l’urbanisme) et l’autre établissant une liste des friches sur lesquelles des projets de production d’énergies renouvelables photovoltaïques ou thermique pourront être implantées (Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l’application de l’article L. 121-12-1 du code de l’urbanisme)

Décret n° 2023-1259 du 26 décembre 2023

Les objectifs du ZAN introduit par la loi « Climat Résilience » du 22 août 2021, ont mis sur le devant de la scène tout l’enjeu de la réhabilitation des friches.

A cet égard, la loi climat résilience (article 211) a introduit un nouvel article L. 152-6-2 dans le Code de l’urbanisme, afin de prévoir que si le projet vise à utiliser une friche, l’autorisation d’urbanisme pourra déroger aux règles relatives aux gabarits des constructions dans une limite de 30 %. En outre, l’article 212 de la loi créé une expérimentation pour trois ans portant sur le « certificat de projet », qui doit permettre à un porteur de projet sur une friche de connaître l’ensemble des règles juridiques (régimes, décisions, procédures, délais, difficultés juridiques et/ou techniques applicables à son projet).

La notion de friche qui présente donc un important enjeu pour la mise en œuvre du ZAN doit pouvoir être définit de manière relativement uniforme.

Pour rappel, c’est déjà la loi Climat et Résilience qui a commencé à établir le contour de cette définition, puisqu’elle a introduit le nouvel article L. 111-26 du Code de l’urbanisme qui définit la notion de friche selon deux critères cumulatifs :

  • D’une part, du caractère inutilisé du bien (ou du droit immobilier) ;
  • Et d’autre part, de l’absence de possibilité de réemploi sans aménagement ou travaux préalables.

Le décret n° 2023-1259 ici commenté a vocation à préciser les modalités d’application de cette définition en détaillant ces deux critères.

En ce sens, au sein d’une nouvelle section de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme consacrée aux friches, le décret n° 2023-1259 insère le nouvel article D. 111-54 qui vient préciser les différents critères à prendre en compte pour la définition d’une friche :

  • Une concentration élevée de logements vacants ou d’habitats indignes ;
  • Des locaux ou équipements vacants dégradés (notamment à la suite d’une cessation définitive d’activités) ;
  • Une pollution identifiée pour laquelle aucun responsable (ou substitut) n’est identifié ou solvable ;
  • Enfin, un coût significatif pour son réemploi voire un déséquilibre financier entre le coût d’achat et de réemploi et le prix du marché pour ce type de bien compte-tenu du changement d’usage envisagé.

Il est utile de noter que, du fait de l’insertion du terme « notamment » au sein de l’article D. 111-54, il faut considérer que ces éléments ne sont pas des conditions cumulatives mais bien des critères d’identification si bien qu’il serait possible de ne tenir compte que de certains d’entre eux pour l’identification de la friche industrielle.

Restera à la charge des praticiens et des juges administratifs notamment, d’interpréter certains des termes en cause, s’agissant par exemple de la notion de « concentration élevée », ou encore de « coût significatif ».

Le nouvel article D. 111-54 du Code de l’urbanisme précise aussi que l’aménagement ou les travaux préalables au réemploi d’un bien, qui constitue l’une des conditions de l’identification d’une friche au titre de l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme, « s’entendent comme les interventions permettant la remise en état, la réhabilitation ou la transformation du bien concerné ».

Enfin, cet article exclut expressément de la notion de friche au sens du Code de l’urbanisme les terrains non-bâtis à usage ou vocation agricole ou forestier.

Le nouvel article D. 111-55 du Code de l’urbanisme apporte des précisions quant au recensement des friches industrielles en précisant qu’ils seront mis à disposition par les personnes publiques, réalisés « d’après les standards du Conseil national de l’information géolocalisée » et qu’ils permettront d’alimenter un inventaire national des friches.

Décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023

Un deuxième décret n° 2023-1311 en date du 27 décembre 2023 a été pris pour l’application des dispositions de l’article L. 121-12-1 du Code de l’urbanisme, introduit par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023, dite loi ENR.

Pour rappel, afin de favoriser le développement des énergies renouvelables sur le territoire national, cet article a instauré une dérogation au principe de la continuité de la loi Littoral pour l’installation de dispositifs de production d’énergie solaire photovoltaïque ou thermique sur des friches définies à l’article L. 111-26 du Code de l’urbanisme et les bassins industriels de saumure saturée.

Afin de permettre l’application de ces dispositions, ce décret établit une liste de 22 friches identifiées pour permettre l’accueil de ces installations de production d’énergie photovoltaïque ou thermique réparties dans 12 départements métropolitains.

Pour rappel des dispositions de l’article L. 121-12-1 du Code de l’urbanisme, s’agissant des friches, il appartient au pétitionnaire de justifier que le projet d’installation est préférable à un projet de renaturation, lorsque celui-ci est techniquement réalisable en tenant compte notamment du « coût d’un tel projet de renaturation, des obstacles pratiques auxquels est susceptible de se heurter sa mise en œuvre, de sa durée de réalisation ainsi que des avantages que comporte le projet d’installation photovoltaïque ou thermique ».

De plus, cette dérogation est aussi applicable aux bassins industriels de saumure saturée qui sont constitués par les étangs de Lavalduc et d’Engrenier situés dans le département des Bouches-du-Rhône (cf. article 1er du décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023).