Environnement, eau et déchet
le 09/03/2023

Application des nouveaux critères relatifs aux dérogations espèces protégées

CE, 17 février 2023, ADET 54 et autres, n° 460798

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de faire application, et ainsi de préciser, les conditions dans lesquelles une « dérogation espèces protégées » doit être obtenue, conformément à celles qui avaient été définies au sein de son avis contentieux du 9 décembre 2022 (cf. notre article sur le sujet).

Dans cette affaire, plusieurs requérants contestaient la légalité d’une autorisation environnementale accordée pour l’exploitation d’un parc éolien. Les requérants reprochaient notamment l’absence d’obtention par le pétitionnaire d’une dérogation espèces protégées, s’agissant particulièrement des impacts qu’auraient le projet sur la grue cendrée et le milan royal.

Après avoir repris les considérants de principe dégagés au sein de son avis contentieux[1], le Conseil d’Etat procède à une analyse in concreto et approfondie des circonstances de faits liées à la réalisation du projet afin de déterminer s’il existe bien un risque suffisamment caractérisé du projet sur les espèces protégées en cause.

Le juge relève alors que :

  • S’agissant de la grue cendrée, aucune zone de nidification n’avait été identifiée, que le projet ne représentait qu’un risque estimé de faible à modéré sur la modification des trajectoires de migration liée au projet et que n’était pas significatif le risque de collision avec les éoliennes, au regard de l’implantation de ces ouvrages et de l’altitude de vol de l’espèce ;
  • S’agissant du milan royal, le Conseil d’Etat estime que l’impact sur l’espèce n’est pas démontré et qu’aucune zone de nidification n’avait été identifiée. Dès lors, malgré l’état de conservation défavorable de cette espèce, il n’y avait pas d’atteinte suffisamment caractérisée.

L’obtention d’une dérogation espèces protégées n’était donc pas nécessaire, confirmant donc qu’il n’est pas suffisant d’identifier la présence d’espèces protégées pour être soumis à l’obligation d’obtenir une dérogation mais qu’il est encore nécessaire de démontrer la réalité du risque de l’atteinte portée à ces espèces.

 

[1] Aux termes desquels « le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d’oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d’examiner si l’obtention d’une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l’espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l’applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l’état de conservation des espèces protégées présentes.

5° Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation  » espèces protégées  » si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une dérogation « espèces protégées  » ».