Energie
le 05/02/2025

Rappel : en cas d’ouvrage de la distribution d’électricité irrégulièrement implanté, le juge administratif peut enjoindre son déplacement et condamner le gestionnaire du réseau à indemniser le propriétaire de la parcelle concernée

CAA Lyon, 16 janvier 2025, n° 24LY00035

Dans notre dernière lettre d’actualités, nous relevions le rappel fait par la Cour administrative d’appel de Douai sur les compétences du juge administratif en matière d’implantation d’ouvrages électriques sur les propriétés privées.

La Cour y réaffirmait que si le juge judiciaire est compétent pour traiter les demandes relatives à l’application des conventions de servitudes permettant l’implantation de ces ouvrages et ses conséquences indemnitaires, relèvent de la compétence du juge administratif celles destinées à réparer les conséquences de l’atteinte portée à leur propriété privée indépendamment d’une telle responsabilité contractuelle (notamment donc en l’absence de convention de servitude régulière).

Dans cette dernière hypothèse, le juge administratif peut[1] tout à la fois statuer sur la demande de déplacement de cet ouvrage public et sur les conclusions indemnitaires qui y sont associées.

C’est précisément le travail auquel s’est livré la Cour administrative de Lyon dans l’arrêt du 16 janvier 2025 ici commenté pour rétablir les droits de propriétaires d’un tènement en indivision traversé par une ligne électrique.

D’une part, la Cour a accueilli la demande des propriétaires de déplacement de la ligne électrique hors de leur propriété en considérant que toutes les conditions étaient réunies pour enjoindre la société Enedis de procéder à cette opération :

  • La société Enedis ne disposant d’aucun titre l’autorisant à installer cette ligne électrique, elle est irrégulièrement implantée sur cette propriété privée ;
  • Cette implantation doit être considérée comme non régularisable, faute pour le concessionnaire d’avoir entamé une procédure de régularisation (déplacement de l’ouvrage, signature d’une convention de servitude ou demande de déclaration d’utilité publique) ;
  • Enfin, l’enlèvement de la ligne électrique hors de l’indivision n’apparait pas de nature à entraîner une atteinte excessive à l’intérêt général.

La Cour enjoint donc la société Enedis de procéder à ce déplacement dans un délai d’un an suivant la notification du présent arrêt.

La Cour a également fait droit aux demandes indemnitaires des requérants en leur allouant une indemnité totale de 15.000 euros au titre du préjudice visuel, d’agrément et de jouissance, de la réduction des possibilités de bâtir ainsi que des troubles dans les conditions d’existence causés par l’implantation de cet ouvrage.

A cette condamnation, s’ajoute celle de verser la somme de 2.000 euros aux propriétaires au titre des frais exposés par ceux-ci et non compris dans les dépens (article L. 761-1 du Code de justice administrative).

On relèvera enfin que la Cour rejette dans cet arrêt la tentative du gestionnaire du réseau de distribution d’opposer à l’action des requérants la prescription trentenaire prévue par l’article 2227 du Code civil. Elle estime en effet que « La société Enedis n’apporte aucun élément, archive ou autre, de nature à établir que, comme elle l’allègue, la ligne électrique de 20.000 volts en litige aurait été implantée en 1979. Elle n’est donc pas fondée à soutenir que la demande indemnitaire des consorts A… serait atteinte par la prescription trentenaire, laquelle aurait d’ailleurs été interrompue par l’action engagée par les consorts A… devant le juge judiciaire en octobre 2018. »

Une position qui aurait pu à notre sens aller plus loin dès lors qu’en tout état de cause, les actions des propriétaires sollicitant la suppression d’ouvrages de distribution d’électricité irrégulièrement implantés sur leur parcelle sont imprescriptibles (Voir en ce sens CE, 27 septembre 2023, Société Enedis, n° 466321 commenté ici).

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[1] Hormis le cas de la voie de fait c’est-à-dire de l’extinction pure et simple du droit de propriété en raison de l’implantation de l’ouvrage, relevant quant à lui des juridictions judiciaires.