Par un rapport remis le 30 mai 2024 au Président de la République le député Éric Woerth propose 51 mesures pour renouveler la décentralisation. Quarante ans après le premier mouvement de décentralisation, le rapport dresse un constat, celui de la « fin d’un cycle ».
A l’origine de ce constat, la décentralisation apparait comme un processus de plus en plus technique, devant faire face au « bouleversement écologique », aux « tensions internationales », aux « transitions numériques et démographiques » et aux « attentes des citoyens ». Parmi les difficultés recensées le rapport relève « l’enchevêtrement des compétences », « l’instabilité du financement », « l’inflation normative », la « critique du millefeuille », le « découragement des élus », ou encore le « déclin de la participation électorale ».
En réponse, la mission énumère 51 propositions pour parvenir à « une action publique locale plus efficace », à « plus d’efficacité démocratique », à « une organisation entre collectivités plus respectueuse des pouvoirs de chacun » ou à « un état territorial plus fort, miroir de la décentralisation ». Parmi ces mesures et tout en reconnaissant les « améliorations substantielles » permises par le « transfert d’un certain nombre de compétences aux collectivités territoriales » en matière de « voirie » ou de « trains express régionaux », le rapport propose de renouveler les modalités d’exercice et de financement des compétences mobilités, transport ou encore voirie.
I.- SUR « LES MESURES EN FAVEUR D’UNE ACTION PUBLIQUE PLUS EFFICACE »
La mission part d’abord d’un constat, celui que l’enchevêtrement des compétences cause une dilution des responsabilités mettant à mal le fonctionnement de certains services publics.
En réponse, le rapport souhaite clarifier le rôle de chaque échelon et à confier aux collectivités la pleine maîtrise des outils nécessaires à la mise en œuvre de leurs missions. Appliqué à la gestion des routes et transports, la mission propose d’une part, de faire du département l’échelon des réseaux en lui transférant la majorité des routes non concédées et d’autre part, d’affirmer le rôle des régions dans la gestion des infrastructures régionales structurantes (ferroviaire, ports, aéroports).
Transférer au Département la majorité des routes nationales non concédées (proposition n° 5)
Le rapport propose d’abord de transférer à titre obligatoire aux départements la gestion de l’ensemble des routes non-communales, à l’exception des autoroutes non concédées présentant un caractère structurant. Autrement dit, la gestion de la quasi-totalité des routes nationales et autoroutes serait ainsi transférée aux départements. Pour la mise en œuvre de ce transfert, le rapport préconise :
- d’évaluer les charges impliquées par le transfert ;
- d’encourager la mutualisation de services entre départements ;
- d’ouvrir la possibilité aux départements d’instaurer une « éco-redevance » sur le transport routier de marchandises (voir dans ce sens la proposition 17 visant à reconfigurer le schéma de financement du département grâce à une dotation de solidarité finançant les compétences sociales obligatoires, une nouvelle fiscalité locale avec pouvoir de taux et une fraction de CSG).
Affirmer le rôle des régions dans la gestion des infrastructures régionales structurantes (ferroviaires, ports, aéroports) (proposition n° 9)
Le rapport propose d’abord de transférer aux régions la gestion des trains d’équilibres du territoire (TET), également nommés « Intercités » et d’instaurer une coordination des conseils régionaux concernés. Il propose ensuite de transférer aux régions la gestion de certains grands ports maritimes (GPM), du fait de leur rayonnement régional, tels que les ports de Bordeaux et La Rochelle. Enfin, les aéroports départementaux devraient être transférés aux régions, lesquelles seraient également chef de file mobilité pour les aéroports décentralisés.
Propositions relatives au versement mobilité (proposition n° 16)
Après avoir relevé la hausse des dépenses et de la dette locale, le rapport préconise de revoir le schéma de financement de l’action des collectivités de sorte que leur soient attribuées les ressources nécessaires à l’exercice de leurs compétences. Sur cette base, la mission propose de rehausser le plafond du versement mobilité affecté aux métropoles, pour les projets de développement de transports en commun (tels que les « RER métropolitains »). Il propose une concertation avec les représentants des entreprises locales.
II.- SUR « LES MESURES EN FAVEUR D’UNE ORGANISATION ENTRE COLLECTIVITÉS PLUS RESPECTUEUSE DES POUVOIRS DE CHACUN »
Renforcement de la notion de chef de fil (proposition n° 31)
Le rapport préconise de renforcer la notion de chef de file en permettant à la collectivité investie de ce rôle de définir les modalités de l’action commune. Pour contourner l’obstacle du principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre, la mission propose de réviser la constitution et d’y inscrire la possibilité pour le législateur d’habiliter le chef de file à fixer par voie règlementaire les modalités d’action commune.
Les prérogatives du chef de file seraient ensuite précisées par loi organique, notamment quant à la planification et l’organisation des financements croisés.
La mission propose enfin de mettre en cohérence la liste des chefs de file afin de résoudre les cas où certains chefs de files se recoupent (ce qui est le cas par exemple de la commune chef de file de la mobilité durable, laquelle se recoupe avec la région chef de file des mobilités).
Mettre en place une contractualisation obligatoire entre la métropole et le département, et la métropole et la région pour partager les compétences sur le territoire métropolitain. Et prévoir une contractualisation entre la métropole et les EPCI alentours (proposition n° 38)
En ce qui concerne la compétence mobilité, le rapport propose de mettre en place une contractualisation entre la métropole et la région pour partager les compétences sur le territoire métropolitain. La mission propose enfin de créer un mécanisme de contractualisation, entre la métropole et les EPCI alentours, propre à organiser les compétences au-delà de la métropole.
Sur la gestion des axes routiers stratégiques en Ile-de-France, (proposition n° 40)
Tel que relevé par la mission, le boulevard périphérique de Paris fait partie des axes stratégiques reliant la capitale et actuellement gérés par l’Etat. Le rapport préconise de nationaliser le boulevard périphérique de Paris.
Supprimer la clause générale de compétence de la métropole de Lyon (proposition n° 41)
Le rapport propose de supprimer la clause générale de compétence dont bénéficie la métropole et de redéfinir la répartition de la compétence voirie entre la métropole et les communes.
Proposition 43 : créer un syndicat de transports sur le périmètre de la métropole d’Aix-Marseille-Provence
Le rapport propose en dernier lieu, de créer dans le Grand Marseille un syndicat des transports compétent pour exploiter les réseaux de transports, avec faculté pour ce dernier de recourir aux services de la société des grands projets (SGP) pour la réalisation de nouvelles infrastructures.
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Une nouvelle pierre dans la réflexion sur l’évolution des mobilités en France qui va n’en doutons pas susciter réactions et débats … Reste à savoir ce que l’exécutif et le parlement décideront de retenir de ces propositions, qui ont au moins le mérite de remettre les collectivités au cœur du débat
Julie Ogier et Marion Terraux