- Droit de l'urbanisme
le 23/05/2024
Marlène JOUBIER
Emma BONNOT

Précisions sur la mesure de remise en état des lieux prononcée par un juge pénal

Cass. Crim., 6 février 2024, n° 22-82.833

Cass. Crim., 6 février 2024, n° 23-81.748

Par deux arrêts de la chambre criminelle en date du 6 février 2024, la Cour de cassation a précisé le champ d’application et les modalités de la mesure de mise en conformité des lieux ordonnée sur le fondement des articles L. 480-5 et L. 610-1 du Code de l’urbanisme à la suite d’une condamnation pénale.

Aux termes du premier arrêt (pourvoi n° 23-81.748), la Cour de cassation a statué sur l’application de la mise en conformité en cas d’infractions aux règles fixées par le Plan local d’urbanisme (PLU).

En l’espèce, une société et une personne physique ont été poursuivies pour avoir utilisé le sol en méconnaissance du PLU, le bâtiment principal de la société, initialement destiné à un usage aquacole – stocker et conditionner des crustacés -, s’étant progressivement transformé en poissonnerie et en restaurant. En cause d’appel, les juges du fond ont confirmé le jugement déféré en ce qu’il a déclaré les prévenus coupables des faits reprochés, considérant que l’activité de restauration ne constituait pas un accessoire de l’activité aquacole mais était prédominante d’un point de vue économique.

La Cour d’appel a également ordonné la remise en état des lieux conformément au permis de construire, aux motifs que « les permis avaient été délivrés compte tenu de l’activité d’ostréiculture du prévenu et de ses déclarations sur la nature des travaux envisagés telle qu’elle figurait dans ses demandes de permis de construire » relatives à une activité aquacole et qui ne « mentionnaient pas ce qui s’est finalement révélé être un changement de destination, avec la création d’une activité de restauration. » Les demandeurs au pourvoi ont alors fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ordonné une telle remise en état, cependant qu’elle n’était pas saisie de faits de travaux réalisés en méconnaissance du permis de construire, mais uniquement du défaut de conformité de l’activité effectivement exercée au règlement du PLU.

La Cour de cassation a ainsi pu préciser que les infractions aux dispositions des PLU peuvent donner lieu à une remise en état, la « seule circonstance que l’infraction porte sur l’utilisation des bâtiments de manière non conforme à celle autorisée par le PLU ne faisant pas obstacle à ce qu’une telle mesure à caractère réel soit prononcée » ; par ailleurs, la Cour d’appel qui était saisie des infractions consistant à avoir, en violation du PLU n’y autorisant que les activités aquacoles, dédié la partie supérieure d’un bâtiment à une activité commerciale de restauration, n’a pas excédé sa saisine en ordonnant une telle mesure, dès lors que ces permis de construire, dont les préconisations n’ont pas été respectées, avaient été délivrés en application de ce document de planification et sur le fondement de l’activité d’ostréiculteur du demandeur.

Aux termes du second arrêt (pourvoi n° 22-82.833), la Cour de cassation s’est prononcée sur la nature de l’astreinte assortissant la remise en état et ses conséquences en termes de motivation.

En l’espèce, une personne physique a été poursuivie des chefs d’exécution de travaux sans permis de construire et de poursuite de travaux malgré une décision judiciaire ou un arrêté en ordonnant l’interruption. Les juges du premier degré l’ont déclarée coupable de ces faits et l’ont condamnée à remettre en état les lieux sous astreinte de 50 euros par jour de retard. La Cour d’appel a confirmé le jugement déféré sauf en ce qui concerne l’astreinte, qu’elle a portée à hauteur de 100 euros par jour de retard passé un délai de six mois.

Et c’est en vain que la demanderesse au pourvoi fait grief à la cour d’appel de n’avoir pas motivé sa décision au regard des revenus et des charges de la prévenue. En effet, la Cour de cassation a jugé que l’astreinte « prononcée au titre de l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme, étant une mesure comminatoire, qui a pour objet de contraindre son débiteur à exécuter une décision juridictionnelle et non de le sanctionner à titre personnel, n’a pas, en l’absence de tout texte le prévoyant à être motivée au regard des ressources et des charges du prévenu ».